Des raisons d’espérer : pourquoi encore des vœux pour 2023 ? par Louis SAISI

Des raisons d’espérer : pourquoi encore des vœux pour 2023 ?

par Louis SAISI

Pourquoi des vœux pour 2023 ?

Inflation, détérioration de la situation internationale avec le conflit russo-ukrainien aggravée par la coalition américano européenne contre la RUSSIE née de l’extension de l’OTAN à l’Est, choc des impérialismes marchands entre les USA et la Chine, nouvelle vague de covid et crise de notre système hospitalier et de santé en général, crise de notre système scolaire, récession économique, menaces sur les retraites, etc.

Devant la dégradation de la situation politique, économique et sociale de ces dernières décennies, l’on pourrait être tenté, à l’instar de Jean-Jacques ROUSSEAU, dans sa lettre écrite à Du PEYROU, le 15 novembre 1769, de soupirer, de manière lasse et découragée :

« Je suis si accoutumé de voir mes vœux éconduits en toute chose que j’ai tout à fait cessé d’en faire. » [1]

Pourtant, malgré notre proximité politique habituelle avec l’auteur du Contrat social, nous ne le suivrons pas sur ce terrain du renoncement empathique en lui opposant la belle maxime de Guillaume d’Orange :

« Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. »

C’est qu’en effet, Guillaume Ier de Nassau (1533-1584), dit Guillaume d’Orange – également surnommé « Guillaume le Taciturne » -, initia, comme on le sait, la révolte des Pays-Bas contre le roi d’Espagne Philippe II, fils de Charles Quint. Cette révolte conduisit à l’indépendance des Pays-Bas du Nord : les Provinces-Unies.

Le fait d’afficher volontiers sa nature fondamentalement sceptique et taciturne n’empêchait pas le fondateur des Pays-Bas de continuer à faire ce qu’il considérait être son Devoir. Et sa persévérance, dans son opposition à la Monarchie et domination espagnoles, finira par déboucher sur l’indépendance des Provinces-Unies.

Si l’espoir se forge dans l’attente – souvent infantile – d’une récompense et s’expose ainsi, en cas d’échec ou de revers, aux déceptions, découragements et abandons, l’espérance perdure par-delà les moments difficiles car elle est inébranlable, s’appuyant sur le sentiment que le combat politique repose sur la certitude qu’il est au service d’une juste cause ancrée dans le mouvement émancipateur de l’Histoire.

Pour ce qui est de la France d’aujourd’hui, certes les résultats des dernières élections présidentielles de 2022, une fois de plus, pourraient nous faire douter de l’évolution des choses vers plus de démocratie et surtout vers une République véritablement « indivisible, laïque, démocratique et sociale » enfin réconciliée avec le peuple qui boude de plus en plus les scrutins électoraux.

Au sommet de l’Etat, le balancier de l’action politique alterne soit dans une forme d’activisme orienté vers des mesures anti sociales (réforme de l’assurance-chômage [2] visant à dégonfler le nombre des chômeurs, et menaces sur l’allongement de l’âge de départ à la retraite), soit vers une forme d’inertie présidentielle caractéristique du déclin du débat politique qui signe la marque de l’hégémonie libérale du « laissez- faire-laissez-passer » qui musèle et atrophie le pouvoir d’Etat.

C’est dire que si le « macronisme » est certes la version la plus nouvelle et la plus « hard » du néolibéralisme, ce serait une forme de cécité très « science-po » que de vouloir cristalliser exclusivement sur MACRON – c’est-à-dire sur les hommes politiques en général qui occupent le Palais de l’Élysée au détriment du système qu’ils servent, même si son locataire actuel suscite nos justes critiques -, car ce ne serait voir que l’arbre qui cache la forêt…

Car nous avons eu, de 2012 à 2017, la HOLLANDIE qui ne fut guère un plat meilleur, avec la casse du droit du travail et la soumission de l’appareil d’Etat républicain aux forces économiques et financières dominantes …

Et, bien avant elle, la SARKOZIE (2007-2012), avec la signature du traité de Lisbonne et le retour de la France dans le dispositif militaire intégré de l’OTAN…

Et, bien avant encore, la CHIRAQUIE (2002-2007) avec sa conversion radicale à la doxa de l’Union européenne dont le sommet sera l’adoption très peu gaulliste du Traité constitutionnel européen (TCE), qui fut d’ailleurs rejeté par le peuple français par le référendum du 29 mai 2005 [3]…

Et, plus avant encore, le « must » de la même CHIRAQUIE (1995-2002), l’intervention militaire de la France en YOUGOSLAVIE, derrière l’OTAN, en 1995, pour opérer le démantèlement d’un Etat fédéral souverain qui avait surtout le tort de ne pas être libéral depuis la chute de l’URSS et du bloc communiste en général …

Ces quatre séquences présidentielles – de 1995 à 2022 (CHIRAC I et CHIRAC II, SARKOZY, HOLLANDE, MACRON), en dépit du style propre à chacun de ces hommes politiques – se ressemblent plus qu’elles ne se distinguent car elles  illustrent, chacune, le retour en force d’un libéralisme de plus en plus intégral avec l’effacement du pouvoir d’Etat devant la dictature de l’économie et des marchés…

Et rend inutiles toutes ces présidences qui n’ont que l’apparence du pouvoir mais ne sont là que pour favoriser la loi du « laisser-faire » du Marché souverain…

Le peuple est ainsi abandonné à la loi du Marché… Que les plus forts gagnent, et tant pis pour les autres, c’est-à-dire les plus nombreux…

Les Français ne furent d’ailleurs pas dupes et renvoyèrent dos à dos, la même année, en 2017, les deux anciens partis de gouvernement  : d’une part, un PS, qui n’était plus guère « socialiste » ; d’autre part, une droite, estampillée  aujourd’hui « LR », devenue, depuis longtemps, plus libérale que « gaulliste ».

Et, plus récemment encore, aux dernières élections législatives de juin 2022, ce fut autour du nouveau parti présidentiel « macronien » « En Marche » (ou LREM), créé en 2016/2017, qui dût subir, à son tour, une forme d’érosion voire de désaveu en n’accédant pas à la majorité absolue des députés à l’Assemblée nationale…

Toutes les politiques mises en œuvre au cours de ces quatre séquences présidentielles précitées furent globalement les mêmes et l’on peut même les faire remonter au président MITTERRAND et à son tournant de la rigueur en 1982/1983.

N’oublions pas que c’est sous son premier septennat, guère après son accès au pouvoir (1981), que la France inventa la règle des 3% qui nous apporta ensuite des années de rigueur budgétaire à la suite de la doxa libérale européenne anti-impôts ne jouant plus que sur la nécessaire compression budgétaire des dépenses publiques, faute de recettes fiscales suffisantes…

C’est, en effet, Guy ABEILLE, alors agent du Ministère des Finances, qui, avec deux autres comparses, inventa la règle des « 3 % » qui, française à son origine, devint vite européenne avec le traité de MAASTRICHT (1992) qui en fit l’un des cinq « critères de convergence » pour pouvoir faire partie de l’Union économique et monétaire (UEM). Cette règle fixa à 3 % du PIB le déficit annuel autorisé pour chaque État membre de l’Union européenne…

Règle aussi arbitraire que fantaisiste malmenée d’ailleurs, tout récemment, au niveau de tous les États européens, par la crise du Covid…

En finir avec cette institution présidentielle, de plus en plus sclérosante, stérile et infantilisante, qui masque les vrais problèmes, pour redonner la parole au peuple souverain et restaurer le primat du débat démocratique, c’est notre vœu très citoyen pour 2023 que nous formulerons pour tous nos concitoyens.

C’est dire que tout nouvel axe politique, fort et démocratique, passe par un accord politique de fond – et non par un vague cartel de mécontents – et surtout par un nouveau dessein politique pour la France qui nécessite un nouveau contrat social pour notre pays. Combat de longue haleine dans la durée !

Mais, en attendant, et pour chacun d’entre vous, chers amis, tous mes vœux de bonheur, d’amour, de joie, de fraternité et de lumière pour cette nouvelle année 2023.

Louis SAISI

Paris, 31 décembre 2022

[1] Citation de Jean-Jacques ROUSSEAU dans l’article « voeu » du grand dictionnaire d’Emile Littré, « Le Littré », le dictionnaire de référence de la langue française, Ed. Le Figaro/Garnier, 20 volumes, septembre 2007, tome 20, p. 591.

[2] La réforme de l’assurance chômage prévoit de réduire la durée d’indemnisation des chômeurs selon le nombre de demandeurs d’emploi. Une réduction de 40% s’appliquera si le taux de chômage passe sous la barre des 6% et une baisse de 25% sera mise en place si le taux de chômage est inférieur à 9%. La mesure visant à réduire de 40% la période d’accès aux allocations si le taux de chômage passe sous la barre des 6% a constitué une véritable surprise pour les syndicats CGT, FO, CFDT et CFE-CGC qui déplorent à l’unisson de ne pas avoir été mis au courant de cette disposition lors des négociations sur le texte. Les centrales dénoncent une mesure glissée « en catimini et sans concertation » alors que le gouvernement avait jusque-là uniquement annoncé une baisse de 25% la durée d’indemnisation des chômeurs dans le cas où le nombre de demandeurs d’emploi passerait sous la barre des 9%. Ainsi, les deux mesures modulant la période d’indemnisation des bénéficiaires de l’assurance en fonction du taux de chômage, seront bien appliquées. La réforme sera promulguée le 1er février 2023. Il y a lieu de rappeler que la méthode de calcul du taux de chômage choisi par le gouvernement est celle du chômage au sens du BIT (Bureau International du Travail) utilisée par l’INSEE. Or ce mode de calcul est souvent critiqué car il ne prend pas en compte les données de l’Insee. Seuls sont comptabilisés les chômeurs qui sont en recherche active d’emploi, ce qui exclut de fait, par exemple, les parents qui ont décidé de se consacrer à l’éducation de leur(s) enfant(s), les personnes qui subissent un traitement médical les empêchant de travailler, les demandeurs d’emploi qui, pour décrocher plus aisément un poste, choisissent de suivre une formation. En clair, le chômage au sens du BIT dénombre uniquement les chômeurs de catégorie A, anciennement salariés.

[3] Le 29 mai 2005 les électeurs devaient répondre par « oui » ou par « non » à la question suivante : « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ? »

Les « NON » l’emportèrent nettement avec 15 449 508 suffrages, soit 54,67% des suffrages exprimés sur un nombre de votants atteignant près de 70% du corps électoral (69,37%). La plupart des partis représentés au Parlement (UMP, PS, UDF, PRG, « Les Verts ») soutinrent le traité et pronèrent le « oui ». Le « Parti socialiste » et les « Verts »  apparurent divisés, certains de leurs dirigeants prônant le « non » (ainsi que quelques-uns de l’UMP, mais très minoritaires). Les autres petits partis – FN, MPF, RPF, MRC, LCR, LO, PCF -, peu ou pas du tout représentés au Parlement, rejetèrent le TCE.

Le résultat du référendum surprit les commentateurs politiques. En effet, les partisans du « oui » avaient bénéficié de 71 % des interventions dans les médias télévisés entre le 1er  et le , à l’opposé des opinions exprimées sur Internet, qui étaient majoritairement favorables au « non » (selon le quotidien Le Monde du . Ce fut la première césure, d’une ampleur sans égale, entre la représentation nationale (Exécutif présidentiel et gouvernemental et classe politique parlementaire majoritaire) et la volonté du peuple souverain. Pourtant, malgré ce désaveu cinglant, l’Exécutif et le Parlement restèrent en place.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Contenu protégé !