Réflexions sur une possible et souhaitable admission du principe de la prohibition de la maltraitance animale comme un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » par Louis Saisi

Réflexions sur une possible et souhaitable admission du principe de la prohibition de la maltraitance animale comme un « principe fondamental reconnu par les lois de la République »

par Louis SAISI

GANDHI disait « On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux »…

Si l’on veut abroger les dispositions législatives de l’article 521-1 du Code pénal – dont l’alinéa 9 autorise les corridas dans les territoires pouvant invoquer une « tradition locale ininterrompue » de cette pratique pourtant cruelle et barbare -, et à défaut de pouvoir utiliser la voie législative, aléatoire et semée d’embûches [1], il faut les faire déclarer inconstitutionnelles. Mais alors, au nom de quel principe constitutionnel, car le principe constitutionnel d’égalité devant la loi ne fut pas retenu, il y a dix ans, par le Conseil constitutionnel lui-même pour déclarer que de telles dispositions étaient contraires à la Constitution.

C’est dire que le problème se pose avec d’autant plus d’acuité depuis cette décision du Conseil constitutionnel n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 (Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre) dans laquelle le Conseil constitutionnel s’était prononcé sur la constitutionnalité de la pratique des corridas en validant l’immunité pénale des auteurs et organisateurs de courses de taureaux là où, comme il a été dit plus haut, en application de l’alinéa 9 de l’article 521-1 du Code pénal, existe une « tradition locale ininterrompue » [2 ] (voir sur ce site notre chronique critique du 23 novembre 2022 « La Corrida : la raison du plus fort doit-elle entraîner la mort du vaincu ou du plus faible ? »,  https://ideesaisies.deploie.com/la-corrida-la-ra…-par-louis-saisi, cf. notamment IV, E/ La validation de l’exception d’immunité pénale des corridas pour la commission de sévices graves et d’acte de cruauté envers un animal domestique).

Rappelons que dans cette décision (cf. Annexe I) le Conseil constitutionnel a considéré « qu’en procédant à une exonération restreinte de la responsabilité pénale, le législateur a entendu que les dispositions du premier alinéa de l’article 521 1 du code pénal ne puissent pas conduire à remettre en cause certaines pratiques traditionnelles qui ne portent atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti ; que l’exclusion de responsabilité pénale instituée par les dispositions contestées n’est applicable que dans les parties du territoire national où l’existence d’une telle tradition ininterrompue est établie et pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition ; que, par suite, la différence de traitement instaurée par le législateur entre agissements de même nature accomplis dans des zones géographiques différentes est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’en outre, s’il appartient aux juridictions compétentes d’apprécier les situations de fait répondant à la tradition locale ininterrompue, cette notion, qui ne revêt pas un caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque d’arbitraire. » (5ème considérant)

Par suite, il estime que « le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être rejeté ; que la première phrase du septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal (devenu 9ème alinéa depuis 2021), qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution ».

Il y a lieu de rappeler également que même si c’était incontestablement le but recherché, les associations requérantes – en quête de l’invocation de la violation d’un principe de valeur constitutionnelle – ne fondaient pas, de manière regrettable, leur contestation sur la protection de la sensibilité animale en elle-même, mais sur l’atteinte au principe d’égalité devant la loi résultant du fait que l’exclusion de la responsabilité pénale pour un même acte délictueux dérogeait au principe d’égalité puisque le législateur exemptait des peines d’emprisonnement et d’amende les auteurs de l’infraction – « des sévices graves ou […] un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité » – lorsque celle-ci était commise dans un territoire où pouvait être invoquée une « tradition locale ininterrompue ».

Le problème de la constitutionnalité des courses de taureaux avec mise à mort de ceux-ci (corridas) aurait pu être envisagé sous un autre angle : celui de l’atteinte à un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

A charge de dire ensuite quel peut être le principe fondamental invoqué et pourquoi.

I/ L’atteinte à un principe fondamental reconnu par les lois de la République

C’est dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 – intégré lui-même dans le préambule de la Constitution de 1958 – que l’on trouve l’expression « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (PFRLR) qui font partie des « droits et libertés du citoyen » au même titre que ceux consacrés par la Déclaration des droits de 1789.

C’est le Conseil constitutionnel qui, depuis sa célèbre décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971, a conféré une valeur constitutionnelle au préambule :

« Considérant qu’au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d’association ; que ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ; » (cf. infra Annexe II).

Cette décision avait été elle-même précédée par un arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat, du 11 juillet 1956, N° 26638, Amicale des Annamites de Paris (publié au recueil Lebon) dans lequel la Haute juridiction administrative tirait, à partir du préambule de la Constitution de 1946, la reconnaissance d’une norme constitutionnelle non écrite, un principe fondamental de notre droit – la liberté d’association – de valeur constitutionnelle (cf. infra Annexe III extraits de cet arrêt).

A/ La multiplicité des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

Il y a lieu de rappeler que les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » ne sont pas des textes écrits résultant de la lecture du corpus constitutionnel lui-même.

Ils résultent d’une création prétorienne du Conseil constitutionnel qui les déduit comme étant des principes essentiels, de valeur constitutionnelle, contenus dans certaines lois fondamentales de notre République et au cœur de celles-ci.

C’est ainsi qu’au fil de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a dégagé une série de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

Au nombre de ceux-ci, consacrés par le Conseil constitutionnel, figurent à ce jour :

– Le principe de la liberté d’association : Décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971 (2ème considérant) ;

– Le respect des droits de la défense : Décision no 76-70 DC du 2 décembre 1976, « Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail » ; (2ème considérant) :

– la liberté individuelle : Décision n° 76-75 DC du 12 janvier 1977 : « Loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales » (1er considérant) ;

– le principe de la liberté d’enseignement : Décision no 77-87 DC du 23 novembre 1977, « Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement » (3ème considérant et 5ème considérant) ; Décision no 99-414 DC du 8 juillet 1999, « loi d’orientation agricole » (6ème considérant) ;

– la liberté de conscience : Décision no 77-87 DC du 23 novembre 1977, « Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement » (5ème considérant) ;

– l’indépendance de la juridiction administrative : Décision no 80-119 DC du 22 juillet 1980 : « Loi portant validation d’actes administratifs » (6ème considérant) ;

– l’indépendance des professeurs d’université : Décision no 83-165 DC du 20 janvier 1984 : « Loi relative à l’enseignement supérieur » (20ème considérant) ;

  la compétence de la juridiction administrative pour l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique : Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 ; « Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence » (15ème considérant) ;

– le principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’autorité judiciaire est garante de la propriété privée immobilière : Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 : « Loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles » (16ème considérant) ;

– l’existence d’une justice pénale des mineurs : Décision no 2002-461 DC du 29 août 2002, « loi d’orientation et de programmation de la justice » (26ème considérant) ;

–  dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 consacrant le principe selon lequel, tant qu’elles n’ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières à ces trois départements peuvent demeurer en vigueur ;  les dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi : Décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, « Société SOMODIA, Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle » (4ème considérant).

 

De son côté, le Conseil d’État a érigé en 1996 l’interdiction de l’extradition de caractère politique en principe fondamental reconnu par les lois de la République (CE, Ass., 3 juillet 1996, M. Koné) : s’agissant d’un ressortissant malien, le Conseil d’Etat estime que l’Accord de coopération franco-malien, dans son article 44 excluant l’extradition pour une infraction politique, ses « stipulations doivent être interprétées conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l’Etat doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique. »

B/ Les critères qui permettent de consacrer un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » et son champ d’application

1/ Les critères d’identification d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République

Dans sa décision N° 88-244 DC du 20 juillet 1988 relative à une « loi portant amnistie », le Conseil constitutionnel a précisé ce que doivent être les critères qui permettent d’attribuer à un principe la qualité de « principe fondamental reconnu par les lois de la République ».

Dans les considérants 11 et 12 de cette décision, le Conseil constitutionnel a précisé les critères d’identification d’un tel principe : il doit concerner un principe essentiel établi par le législateur républicain et qui n’a jamais été remis en cause antérieurement au Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (cf infra Annexe IV les extraits de la décision de la décision du Conseil constitutionnel relative aux considérants 11 et 12 précités) .

Il apparaît donc que pour que soit identifié un principe fondamental reconnu par les lois de la République, les trois conditions suivantes doivent être réunies :

  • il doit s’agir d’un principe essentiel ;
  • ce principe doit avoir été établi par le législateur républicain ;
  • ce même principe ne doit jamais avoir été remis en cause antérieurement au Préambule de la Constitution de 1946 précité.

 2/ Le domaine d’intervention du principe

Quant au domaine d’intervention d’un tel principe, le Conseil constitutionnel l’a précisé dans une décision N° 2013-669 DC du 17 mai 2013.

L’objet du rappel de cette décision n’est pas de nous livrer à son commentaire exhaustif mais simplement d’une part d’évoquer rapidement le contexte dans lequel elle est née ; d’autre part, de l’aborder seulement sous l’angle qui nous occupe ici, à savoir cerner l’étendue des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

A l’occasion de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, les députés et sénateurs de droite du Parlement avaient contesté l’adoption de cette loi dite « mariage pour tous » à l’initiative du second gouvernement de Jean-Marc AYRAULT (18 juin 2012-31 mars 2014).

L’article 1er de la loi rétablissait un article 143 du code civil dans le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code civil – consacré aux qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage – aux termes duquel : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

Les requérants, qui contestaient l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, estimaient que la nouvelle loi méconnaissait le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel le mariage était l’union d’un homme et d’une femme ; ils faisaient valoir également que la modification de la définition du mariage porterait atteinte aux exigences du quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 [3].

Les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel soulignaient également que l’article 34 de la Constitution ne faisait référence qu’aux « régimes matrimoniaux », alors que, par son caractère fondamental, la définition du mariage relèverait de la compétence du constituant. Par ailleurs, le mariage entre personnes de même sexe méconnaîtrait un « enracinement naturel du droit civil » selon lequel l’altérité sexuelle est le fondement du mariage. Quant à l’ouverture du mariage à des couples de même sexe, elle « détournerait l’institution du mariage à des fins étrangères à l’institution matrimoniale ». Enfin, l’importance du changement opéré par les dispositions contestées dans la définition du mariage porterait atteinte, à l’égard des personnes mariées, à la liberté du mariage et au droit au maintien des conventions légalement conclues.

Le Conseil constitutionnel écarta d’abord l’argument de l’incompétence du législateur en faisant valoir que les règles relatives au mariage relèvent de l’état des personnes qui elles-mêmes font partie du champ d’intervention du législateur et permettent donc de lui confier la compétence pour fixer les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage, ce qui écarte le procès d’inconstitutionnalité sur ce point.

Quant au non-respect de la tradition républicaine, l’argument est également rejeté par le Conseil constitutionnel au motif que « la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu’à la loi déférée, regardé le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, cette règle qui n’intéresse ni les droits et libertés fondamentaux, ni la souveraineté nationale, ni l’organisation des pouvoirs publics, ne peut constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de 1946 ; qu’en outre, doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l’union d’un homme et d’une femme. »

Ainsi donc, pour le Conseil constitutionnel, pour pouvoir être érigée à la hauteur d’un « principe fondamental reconnu par les lois de la République », une règle doit porter sur les « droits et libertés fondamentaux », la « souveraineté nationale » ou « l’organisation des pouvoirs publics ».

L’on rejoint ici le caractère « essentiel » du principe dont l’existence ne saurait porter sur des règles ou des institutions changeantes et évolutives, comme l’est, par exemple le mariage qui fut considéré, à une certaine époque, comme une institution « bourgeoise » et qui fut boudé parfois par certains au nom de la mise en avant de la liberté des couples dans le rapport d’altérité de ses deux composantes. À l’inverse, aujourd’hui, le mariage s’étend à des personnes de même sexe, sans doute sous l’effet, ne soyons pas naïfs, de la dévolution plus avantageuse du régime des biens entre époux en maière de successions.

Il nous semble néanmoins que ce champ risque d’être réducteur et trop fermé soit sur les droits de l’Homme et leur extension (« droits et liberté fondamentaux »), soit sur les institutions (« organisation des pouvoirs publics ») et les principes qui les animent (« souveraineté nationale »). Cette trilogie, pour aussi souhaitable qu’elle puisse être rappelée pour venir nourrir les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », reste néanmoins très classique au regard d’autres enjeux fondamentaux qui parcourent notre histoire présente, et davantage encore le futur des jeunes générations et de celles à venir.

Dès lors ce triptyque essentiellement « droit-de-l’hommiste », pour aussi respectable qu’il soit, est réducteur par rapport à de grandes problématiques contemporaines qui traversent notre planète, comme en atteste, par exemple, la Charte de l’Environnement de 2004 qui fut intégrée à la Constitution du 4 octobre 1958 et qui fait de l’environnement « le patrimoine commun des êtres humains » dont la préservation « doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».

En même temps, fermer l’émergence du principe à ce qui est antérieur à la 4ème République risque d’arrêter nos républiques à celles qui ont précédé les institutions de la 5ème République.

Or la formule utilisée par le constituant de 1946 n’a sûrement pas voulu une telle limitation à nos quatre républiques précédant la 5ème, ni un tel enfermement, comme l’indique l’acception « les lois de la République », car la République, fort heureusement, continue son parcours, aujourd’hui, même s’il y eut des lois – et fort belles – de la République avant 1958.

II/ La prohibition de la maltraitance animale peut-elle être un principe constitutionnel ?

Ce « principe » de la prohibition de la maltraitance animale – qui était au cœur de la loi GRAMMONT du 2 juillet 1850 que nous examinerons ci-dessous en B, § 3 – pourrait être qualifié sous des vocables divers comme ceux de la protection animale ou de la reconnaissance de la sensibilité animale.

Si nous nous sommes arrêtés, pour qualifier le principe, à celui de « la prohibition de la maltraitance animale », c’est parce qu’il y a lieu de combattre constitutionnellement les poches de résistance de la maltraitance animale qui subsistent encore de nos jours, comme, pour n’en citer que quelques-unes : les corridas avec mise à mort du taureau, les combats de coqs [4], la chasse à courre, etc.

C’est aussi parce que ces pratiques, comme celles de la corrida ou du combat de coqs, sont des autorisations dérogeant à l’interdiction générale – ou prohibition – « d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté » posée par l’article 521-1 du Code pénal [5] et donnant lieu, aujourd’hui, à une peine « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

Poser le problème de l’érection du principe de la prohibition de la maltraitance animale comme possiblement éligible au rang de « principe fondamental reconnu par les lois de la République » n’est pas verser dans une forme d’anthropomorphisme car d’une part nous avons longuement rappelé dans une chronique antérieure déjà évoquée – « La Corrida : la raison du plus fort doit-elle entraîner la mort du vaincu ou du plus faible ? » – la proximité de l’Homme et de l’animal ainsi que les spécificités de l’une et l’autre espèce qui, depuis Charles DARWIN, n’ont cessé de cheminer ensemble et progresser scientifiquement ; d’autre part, nous avons déjà évoqué les grandes étapes de la protection de la sensibilité animale [6].

Il nous faut maintenant établir si, au regard des grandes décisions du Conseil constitutionnel, et plus précisément de sa jurisprudence sur « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » que nous avons rappelée ci-dessus en I, A et B, la prohibition de la maltraitance animale entre dans cette catégorie juridique.

A/ Les trois conditions de la réception du principe de la prohibition de la maltraitance animale

Nous avons vu que pour que soit admise l’existence du principe, il est nécessaire que le principe réponde aux trois conditions suivantes : 1/ le principe doit être essentiel ; 2/ il doit avoir été établi par le législateur républicain ; 3/ ce même principe ne doit jamais avoir été remis en cause antérieurement au Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

1/ Le caractère essentiel du principe de la prohibition de la maltraitance animale

Habituellement les principes de droit constitutionnel, lorsqu’ils sont évoqués pour faire échec à une loi contingente les mettant en cause, visent à protéger la condition de l’Homme dans ses droits naturels les plus imprescriptibles (cf. l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789) ou dans ses droits économiques et sociaux les plus fondamentaux, énumérés notamment dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (droit au travail, droit à l’action syndicale, droit de grève, droit à la santé, etc.).

Cette vision du droit constamment réduite exclusivement à l’Homme est l’héritage du vieil anthropocentrisme considérant, l’humain, à la suite de la conception biblique de l’univers relayée ensuite par la pensée cartésienne, comme l’entité centrale à travers laquelle la réalité est perçue dans la seule perspective humaine.

Ci-dessous, Jean-Jacques ROUSSEAU

Discours sur l’origine et les fondements

de l’inégalité parmi les hommes 

                (1755)

Pourtant, dès 1755, Jean-Jacques ROUSSEAU, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, estimait que c’est la sensibilité – pouvant se définir comme la capacité à éprouver du plaisir, ressentir de la douleur ou/et avoir des émotions – qui donne des droits, lesquels, avec la féconde idée de l’existence de droits naturels, deviendront vite plus tard, avec la Révolution française, des droits fondamentaux. Dans la préface à son Discours précité Jean-Jacques ROUSSEAU n’hésitait pas à affirmer :

«…. De cette manière, on n’est point obligé de faire de l’homme un Philosophe avant que d’en faire un homme et ses devoirs envers autrui ne lui sont pas uniquement dictés par les tardives leçons de la Sagesse ; et tant qu’il ne résistera point à l’impulsion intérieure de la commisération, il ne fera jamais du mal à un autre homme ni même à aucun être sensible, excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvant intéressée, il est obligé de se donner la préférence à lui-même. Par ce moyen, on termine aussi les anciennes disputes sur la participation des animaux à la Loi naturelle : car il est clair que, dépourvus de lumières et de liberté, ils ne peuvent reconnaître cette Loi ; mais tenant en quelque chose à nôtre nature par la sensibilité dont ils sont doués, on jugera qu’ils doivent aussi participer au droit naturel, et que l’homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoirs. Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c’est moins parce qu’il est un être raisonnable que parce qu’il est un être sensible ; qualité qui étant commune à la bête et à l’homme, doit au moins donner à l’une le droit de n’être point maltraitée inutilement par l’autre. » (J.J. ROUSSEAU : Préface du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes- 1755) [7] 

Ainsi donc, pourROUSSEAU, par « la sensibilité dont ils sont doués », les animaux « doivent  participer au droit naturel » tandis que « l’homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoir ». Dès lors si la sensibilité – commune à la bête et à l’Homme – est elle-même génératrice de droits – notamment contre la souffrance – cela signifie alors que tout être sensible possède un droit qu’autrui est tenu de respecter car ce droit est inhérent à sa condition existentielle.

Certes, ici, avec le développement du droit de la protection animale ce n’est plus l’Homme qui est protégé mais ce sont les animaux auxquels l’on a reconnu, depuis ARISTOTE [8], une forme d’intelligence spécifique et, à partir du milieu du 18ème siècle, une sensibilité, l’une et l’autre expliquant sans doute leur cohabitation de plus en plus forte avec l’Homme.

Il nous semble que le principe de la prohibition de la maltraitance animale est un principe « essentiel » car il correspond à un fait civilisationnel quant au regard porté sur les animaux qui s’est développé de manière de plus en plus forte à partir du milieu du 19ème siècle, et, comme nous le verrons, de manière permanente ensuite.

La maltraitance animale est, de manière de plus en plus consensuelle, considérée comme un acte de cruauté – désapprouvé par 8 Français sur 10, comme le montre le sondage réalisé en 2021 auprès de nos concitoyens [9] – qui doit être banni dans les sociétés évoluées car elle banalise un comportement moralement répréhensible niant la sensibilité animale depuis longtemps reconnue mais étouffée par l’anthropocentrisme ambiant. La corrida s’inscrit comme un acte de maltraitance animale, elle-même condamnée par de nombreux textes législatifs, et sa prohibition ne serait que la conséquence logique de la réprobation générale d’actes barbares et de leur nécessaire sanction par une société culturellement et moralement évoluée. C’est dans cette prohibition, de plus en plus forte et sévère, que s’affirme le caractère « essentiel » de ce principe qui est un élément de cohésion sociale autour de la protection de la sensibilité animale.

C’est dire que ce principe devrait être appelé à faire partie d’un nouveau bloc de constitutionnalité dont les prémices ont déjà été posées par la Charte de l’Environnement résultant de la révision de la Constitution à la suite de l’adoption de la Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement qui, dans son article 1er, modifie le premier alinéa du Préambule de la Constitution en le complétant par les mots : « , ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004».    

Quant à l’article 2 de cette même révision constitutionnelle, il intègre la charte de l’environnement de 2004 au sein du Préambule de la Constitution. Enfin, l’article 3 de la loi constitutionnelle du 1er mars précitée ajoute, après le quinzième alinéa de l’article 34 de la Constitution l’expression : « – de la préservation de l’environnement ; ».  Il reste que dans sa décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, s’agissant des 7 alinéas précédant les articles de la Charte de l’Environnement, le Conseil constitutionnel leur a reconnu une valeur constitutionnelle [10], mais sans toutefois qu’ils puissent être invoqués à l’appui  d’une question prioritaire de constitutionnalité [QPC] sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution (cf. JORF du 10 mai 2014 page 7873, texte n° 78).  

C’est dire que le terrain de l’émergence d’un nouveau bloc de constitutionnalité, en partie fondé sur la protection de l’environnement, n’est pas encore assuré et qu’il y a lieu dès lors de rattacher la prohibition de la maltraitance animale au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 réaffirmant la validité des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

2/ Le principe de la prohibition de la maltraitance animale a été établi par le législateur de la Seconde République

Déjà, en 1791, l’Assemblée constituante vota la 1ère loi de défense des animaux. Le Code pénal révolutionnaire [11], dans son article 36, stipulait : « Quiconque sera convaincu d’avoir par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, empoisonné des chevaux et autres bêtes de charge, moutons, porcs, bestiaux et poissons dans des étangs, viviers ou réservoirs, sera puni de six années de fers. » [12]

Mais il faut bien voir que l’animal était ici protégé en tant que propriété de l’Homme et comme appartenant à ses biens. Le délit, classé dans les crimes et délits contre les propriétés, et dans une intention de nuisance, était punissable d’une lourde peine d’emprisonnement.

 

 

 

Ci-dessous, Général Jacques Delmas de Grammont

Président de la Société protectrice des animaux

                  (1850-1853)

C’est seulement bien plus tard, sous la Seconde République (24 février 1848 – 2 décembre 1851), qu’une conception plus généreuse de protection de l’animal, en tant que tel et pour lui-même, vit le jour. Ce fut la Loi du 2 juillet 1850 sur la prohibition de la maltraitance animale qui fut votée à l’initiative du général Jacques Delmas de GRAMMONT. Celui-ci, également député, sensible au sort des chevaux de guerre et, révolté par les scènes tristement banales de maltraitance animale dans les rues de Paris, voulut faire punir toutes les formes de cruauté exercées envers les animaux, aussi bien chez les particuliers que sur la voie publique.

Mais la Loi du 2 juillet 1850 finalement adoptée – dite « loi GRAMMONT » – fut moins large que le projet initial de son auteur car elle se bornait uniquement aux cruautés publiques et non chez les particuliers. Elle punissait d’une amende de cinq à quinze francs, et d’un jour à cinq jours de prison « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ».

Elle eut toutefois un certain écho dans la presse car, suite à son adoption, le 10 mars 1851, Le Journal des villes et des campagnes rapporte une affaire de maltraitance qui eut lieu lors d’un bal de mardi gras près de Lille contre des canards vivants pendus à de longues perches. Mais un commissaire de police, appliquant la loi Grammont, fit détacher les canards des perches où ils gisaient, et ordonna de les mettre à mort immédiatement. 

Le 1er janvier 1852 le journal L’Echo des vallées relate également une affaire de maltraitance à l’encontre d’un chat ayant dérobé le dîner d’un domestique qui, furieux, l’aurait poursuivi dans la rue en lui administrant un violent coup de pied dans les reins.

Un commissaire de police, qui passait par là, saisit le domestique au collet, le conduisit au poste de la Préfecture et l’y déposa pour lui faire ensuite un procès-verbal pour mauvais traitements envers un animal domestique.

Ci-dessous, portrait de Napoléon III 

                    en 1853

réalisé par Franz Xaver Winterhalter

Mais très vite, sous le Second Empire, le problème s’est posé de savoir si la loi GRAMMONT devait également s’appliquer aux corridas, et pas seulement aux animaux de compagnie.

En effet, s’agissant des corridas, après son mariage avec la fille d’un Grand d’Espagne – Eugénie de Montijo -, Napoléon III (ci-contre), malgré la loi GRAMMONT,  autorisa les corridas en France.

C’est ainsi que dès 1853, les premières fêtes tauromachiques avec mise à mort du taureau se déroulent pendant trois jours à BAYONNE où 24 taureaux sont mis à mort et 39 chevaux éventrés, ce qui suscite l’indignation de la presse qui dénonce « l’ivresse » malsaine du public provoquée par « la vue du sang ».

L’attitude permissive du pouvoir politique encourage les corridas qui se répandent dans le sud de la France, notamment à Nîmes en 1853 puis en 1863, avec la mise à mort du taureau dans les régions médierranéennes là où la mort du taureau était jusqu’alors exclu des courses taurines qui étaient conçues comme des jeux d’adresse entre l’Homme et l’animal.

Pourtant des voix et de nombreuses contestations s’élèvent dans la presse (journal Le Siècle) ; des suppliques émanant  d’hommes d’Eglise sont également adressées à l’Empereur ; une brochure intitulée Les courses de taureaux (Espagne et France) est élaborée sous les auspices de la jeune et ardente Société Protectrice des Animaux (SPA) pour sensibiliser Napoléon III ;  enfin des juristes, tels l’avocat Alexis GODIN près la cour d’appel de Paris, s’engagent dans la controverse et mobilisent leur savoir juridique au profit de la défense du taureau. C’est ainsi que GODIN développpe son éloquence, d’abord dans son Journal, au titre évocateur, « Le Protecteur, le Législateur et l’Ami des Animaux« , puis dans un mémoire de près d’une vingtaine de pages intitulé « Loi Grammont. Jurisprudence de la Cour de Cassation » publié en 1859 dans le Bulletin de la Société protectrice des animaux où, s’appuyant sur la jurisprudence de la juridiction suprême de l’ordre judiciaire, il démontre l’illégalité des corridas avec mise à mort des taureaux.

Sur le plan parlementaire, les bancs du Sénat, avec le sénateur Pierre, Auguste, Rémy MIMEREL, se feront à leur tour, le 20 mars 1866, l’écho de la très sensible question tauromachique.

Mais l’Empereur fut de marbre et resta campé sur ses positions originelles.

Après la déchéance de Napoléon III et la proclamation de la République (4 septembre 1870), dès la naissance de la Troisième République, une circulaire du 4 septembre 1873 signée du ministre de l’Intérieur Ernest BEULÉ interdit les corridas dans le Midi (publiée dans le Journal des Débats politiques et littéraires du jeudi 11 septembre 1873, page 2).

Mais l’interdiction de la corrida fut vite contournée car leurs organisateurs obtinrent des autorisations exceptionnelles pour la présenter comme une corrida dite de « bienfaisance »…

Cette résistance était implicitement encouragée par les tribunaux du sud de la France qui, lorsqu’ils étaient saisis, se prononçaient en faveur de l’organisation des corridas en admettant que si le caractère abusif du traitement réservé aux taureaux n’était pas contesté du fait de l’absence de son caractère « nécessaire », les taureaux n’étaient pas des animaux domestiques et devaient donc échapper à la protection de la loi GRAMMONT.

De nombreux juristes de la fin du 19ème siècle considéraient néanmoins que la loi Grammont était parfaitement adaptée et applicable aux courses de taureaux [13] puisqu’elle punissait les mauvais traitements exercés « publiquement et abusivement » envers les animaux domestiques. C’est ce que s’efforça de démontrer André HESSE, en 1899, dans sa thèse de doctorat soutenue devant l’Université de Paris sous le titre De la protection des animaux (pages 87 à 107).

Ces juristes se référaient également à l’interprétation de la loi GRAMMONT donnée auparavant par les parlementaires eux-mêmes, sous la Troisième République des années 80, après l’accès des républicains aux rennes du pouvoir.

Ci-dessous, Pierre WALDECK-ROUSSEAU

                    (1846-1902)

Présiden du Conseil des ministres

Minisre de l’Intérieur et des Cultes

     22-juin 1899-7 juin 1902

le plus long cabinet de la 3ème République 

       2 ans, 11 mois, et 16 jours

En effet, la circulaire du 27 juin 1884 édictée par Pierre WALDECK-ROUSSEAU, alors ministre de l’Intérieur, en se fondant sur la loi GRAMMONT, interdit les courses de taureaux espagnoles. C’est qu’en effet les corridas organisées à Nîmes avaient provoqué un large mouvement d’opinion hostile à la mise à  mort des taureaux dans une arène. Cette circulaire précisait que les corridas relèvent de l’interdiction posée par la loi GRAMMONT « lorsqu’elles comportent la mise à mort des animaux après une série de mauvais traitements et s’accompagnent du spectacle de chevaux éventrés ». Les instructions données aux préfets étaient très claires : la loi devant être appliquée dans toute la France, les arrêtés municipaux autorisant les corridas devaient être annulés par les préfets (circulaire publiée au Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur, 47e année, 1884, n°488, pages 359 à 360 ; Recueil Dalloz, année 1895, page 269).

Mais lors de la publication de sa circulaire, le Ministre de l’Intérieur fut interpellé à la Chambre le 21 juin 1884, par M. Henri, Adolphe PIEYRE de BOUSSUGES, dit Adolphe PIEYRE, député du Gard. L’interpellation tourna vite à l’avantage du gouvernement car, lors des débats, les parlementaires furent unanimes pour considérer que les dispositions de la circulaire de WALDECK-ROUSSEAU étaient tout à fait fondées à s’appliquer aux courses de taureaux avec mise à mort, et cela d’autant plus qu’elles ne remettaient pas en cause les courses taurines sans mise à mort. Et d’ailleurs, à l’issue des débats, le député contestataire lui-même, Adolphe PIEYRE, s’avoua convaincu par les explications du sous-secrétaire de l’intérieur et « retira » même son interpellation.

Quinze années plus tard, en 1899, Émile de SAINT-AUBAN, avocat à la Cour de Paris, lors de sa consultation donnée dans le Bulletin de la Société protectrice des animaux, conforte la mobilisation des préfets actionnée par WALDECK-ROUSSEAU pour sanctionner les arrêtés des maires laissant se développer les corridas en invoquant la loi sur l’organisation municipale du 5 avril 1884 faisant du maire le garant de l’exécution des lois (en application de l’article 92 de la loi du 5 avril 1884 précitée), sous le contrôle de l’administration préfectorale. Il incombe donc au maire de prendre tous les arrêtés et  mesures nécessaires pour que la loi Grammont soit effectivement appliquée [14].

De son côté, la Cour de cassation devait se pencher sur la question de savoir si le taureau devait être considéré comme un animal domestique protégé par la loi GRAMMONT. C’est par l’affirmative que la Chambre criminelle de la Cour de cassation répondit à cette question en jugeant dans deux arrêts du 16 février 1895 et du 17 octobre 1895 que les taureaux étaient bien des animaux domestiques.

La Cour de cassation, à la même époque, confirma également dans ses arrêts, à la fin du 19ème siècle, que la loi GRAMMONT devait être appliquée aux courses de taureaux espagnoles qui tombaient bien sous le coup de cette loi, comme cela résulte du Rapport de M. Calixte ACCARIAS, conseiller à la Cour de cassation, présenté à la Chambre criminelle de la Cour de cassation sur les pourvois formés contre les jugements du tribunal de simple police de Bayonne en matière de courses espagnoles (cf. ci-contre la Revue critique de législation et de jurisprudence, tome XXIV, janvier 1895, pages 115 à 138).  

Selon Mme Sylvie-Marie STEINER déjà citée (cf. supra, note 12), la consultation du texte intégral des plaidoyers et réquisitoires consacrés aux courses de taureaux publiés dans la Revue des grands procès contemporains corrobore l’existence de ce corpus juridictionnel censurant les courses taurines (Courses de taureaux, tome XV, 1897, pages 235 à 310) .

De tout ceci, il se dégage bien de la jurisprudence de la Cour de cassation sur les courses de taureaux avec mise à mort que la juridiction suprême de l’ordre judiciaire faisait bien tomber ces pratiques sous le coup de la prohibition de la maltraitance animale résultant de la loi du 2 juillet 1850 (loi Grammont).

Devant l’activisme des organisations taurines à vouloir étendre les courses de taureaux avec mise à mort à toute la France et l’inertie des maires à leur résister en faisant respecter intégralement la loi GRAMMONT, des tentatives législatives furent faites sous la 3ème République pour expliciter les dispositions de la Loi GRAMMONT en prohibant formellement la pratique des corridas.

Jetant toutes leurs forces dans la balance pour obtenir l’interdiction totale des corridas, quel qu’en soit le motif, les partisans de la SPA [15] firent porter leur combat sur le terrain politique. Cela se traduisit par la mise en place d’une commission extra parlementaire chargée de préparer la révision de la loi du 2 juillet 1850.

La commission extra parlementaire présidé par M. DUMAS (Conseiller à la Cour de cassation) et dont il était également le rapporteur – et qui avait à ses côtés M. Albert UHRICH, président de la SPA – fut chargée de préparer l’avant-projet de loi. La conclusion de son rapporteur était très ferme et explicite :

 » La Commission s’est prononcée pour l’interdiction absolue des courses avec mise à mort après avoir acquis la conviction qu’il y a tout avantage pour notre pays à proscrire un spectacle dont le degré d’immoralité n’est pas affaibli par son utilité, puisqu’il ne donne à contempler que l’adresse de quelques professionnels étrangers. »

Selon André HESSE, dans sa thèse précitée (page 131), cet avant-projet de loi prohibait non seulement les courses de taureaux avec mise à mort mais aussi tous les combats d’animaux. Il condamnait toute personne participant « comme entrepreneur, organisateur ou auteur » à un de ces « spectacles » (article 2). Par ailleurs, était interdite toute publicité, quelle que soit la forme et son support d’expression, leurs auteurs ou complices étant condamnés à une lourde amende (article 3).

Mais le projet n’aboutit pas, et l’instabilité gouvernementale ne permit pas de le reprendre, car, par la suite, en 1896,  avec le gouvernement de Louis BARTHOU, les corridas furent tolérées.

Devant les difficultés à faire appliquer la loi GRAMMONT, en 1900, WALDECK-ROUSSEAU, président du conseil et ministre de l’intérieur, essaya à nouveau de déposer un nouveau projet à la Chambre, mais sans plus de résultat.

Si d’autres projets et propositions de loi furent régulièrement déposés devant la Chambre des députés jusqu’à la Première Guerre mondiale, aucun ne connaîtra une heureuse issue.

3/ Le principe de la prohibition de la maltraitance animale sous la quatrième République

Avec certaines lois de la 4ème République qui sont passées dans notre droit quotidien, un problème sérieux se pose aujourd’hui, avec l’existence de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité – ouverte, dans la Constituion de 1958, par la réforme constitutionnelle de 2008 – par rapport à certains droits fondamentaux soit directement énoncés dans son Préambule, soit pouvant résulter de l’application de celui-ci.

Il s’agit, en effet, du problème suivant : la 4ème République a placé dans son préambule, à côté des droits et libertés consacrés par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen et d’un certain nombre de « principes politiques, économiques et sociaux » qu’elle énumère ensuite comme étant « particulièrement nécessaires à notre temps », une autre et nouvelle catégorie de principes qualifiés de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

Assez paradoxalement, quatre ans après que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ait proclamé l’attachement du peuple français aux droits de l’Homme et aux principes fondamentaux reconus par les lois de la République, la loi n° 51-461 du 24 avril 1951 complétant la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques, dispose dans son article unique :

« L’article unique de la loi du 2 juillet 1850 est complété comme suit : « La présente loi n’est pas applicable aux courses de taureaux lorsqu’une tradition ininterrompue peut être invoquée » (cf. JORF 25 avril 1951, p. 4139).

Cette loi vient ainsi distinguer les organisateurs et les acteurs de courses de taureaux de  « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques » pour  exempter les premiers du dispositif répressif résultant de  l’application de la loi GRAMMONT.

Plusieurs interprétations sont possibles quant à ce nouveau dispositif s’ajoutant à la loi du 2 juillet 1850 pécitée.

a/ Les deux catégories de courses de taureaux et la discrétion de la loi de 1951

L’on pourrait, si l’on voulait mettre en accord la loi GRAMMONT du 2 juillet 1850 et celle du 24 avril 1951, estimer que l’expression « courses de taureaux » ne s’applique qu’aux seules courses de taureaux relevant de la tradition historique française ne comportant pas de mise à mort du taureau, contrairement aux corridas importées d’Espagne avec la mise à mort du taureaux car, en effet, l’expression « corrida » n’a pas été utilisée par le législateur de 1951. Dès lors, les corridas proprement dites – impliquant la mort du taureau – entreraient dans le champ initial de l’application de la loi GRAMMONT.

Notre analyse rejoint celle de la SPA qui estime très justement que les corridas ne sont pas des «courses». Sur cette base, la SPA avait annoncé, le 9 novembre 2017, le dépôt d’une plainte contre X devant le tribunal correctionnel de Paris pour « actes de cruauté envers les animaux ».

Mais sans doute, dans son exposé des motifs de la loi du 24 avril 1951 le législateur a probablement été plus explicite quant à ce qu’il entendait par « course de taureaux » et son intention pourrait risquer d’infirmer ou d’affaiblir l’hypothèse esquissée ci-dessus. Mais dans l’hypothèse d’une assimilation à une corrida l’on ne peut s’empêcher de penser que l’expression euphémique « course de taureaux » sert à dissimuler une réalité plus sordide que ne le laisse entendre la notion équivoque et assez banale de « course » qui suppose habituellement une compétition et un  rang de classement entre les divers participants (sauf à assimiler la mort du taureau à une défaite et l’acte ultime de sa mise à mort à une victoire du matador).

Compte tenu de l’équivoque dans laquelle baigne la définition de cette expression, il nous a paru plus pertinent de recourir à deux autres principes d’interprétation convergents qui apparaissent plus décisifs dans les deux points que nous allons maintenant évoquer ci-dessous pour justifier l’érection de la prohibition de la maltraitance animale à la hauteur d’un principe constitutionnel reconnu par les lois de la République.

b/ Le champ de la nouvelle loi du 24 avril 1951 et sa signification

La loi nouvelle loi du 24 avril 1951 « complète » la loi GRAMMONT et en délimite un champ nouveau qui constitue l’exception quant à l’application de la loi initiale dont le dispositif prohibitif condamnant les mauvais traitements publics envers les animaux domestiques n’est donc pas remis en cause. Dès lors, le caractère prohibitif de la loi GRAMMONT par rapport aux « mauvais traitements » infligés publiquement aux animaux domestiques demeure intact et par ailleurs l’exception apportée par la loi de 1951 n’enlève pas aux corridas le fait quelles sont des pratiques de « mauvais traitements » envers un animal domestique. L’exception conforte d’ailleurs l’existence d’un sévice exercée contre l’animal taureau auquel on a seulement voulu faire échapper l’auteur du délit à la sanction pénale prévue par  la loi de 1850.

c/ L’émergence au début de la 4ème République du principe fondamental de la prohibition de la maltraitance animale

De 1947 à 1951, la Quatrième République a vécu pendant 4 ans sous le régime plénier de la loi GRAMMONT dont on peut considérer qu’elle avait intégré un principe fondamental de la République prohibant, depuis 1850, la maltraitance animale qui s’appliquait également aux corridas comme la doctrine parlementaire de la 3ème République – qui s’était exprimée à l’occasion d’une série de circulaires du Ministre de l’Intérieur interdisant les corridas en leur appliquant le dispositif de la loi GRAMMONT – l’avaient établi, en même temps qu’étaient tolérées les courses de taureaux sans mise à mort de ceux-ci.

d/ Discussion et conclusion

Objectivement, et comme nous l’avons vu, la loi GRAMMONT fut appliquée sous les seconde, troisième et au début de la 4ème République (1947-1951), et plus précisément jusqu’au 24 avril 1951.

Par ailleurs, sous la 4ème République, lors de l’adoption de la loi du 24 avril 1951, il eut été difficile et même impossible de conférer à un principe fondamental reconnu par les lois de la République une valeur constitutionnelle en dehors même du texte constitutionnel lui-même, et cela d’autant plus que la hiérarchie des normes mettait au sommet de l’édifice constitutionnel la Loi votée par le Parlement, si bien qu’en cas de contrariété entre la loi et la Constitution, après l’intervention du Comité constitutionnel prévu à l’article 91 de la Constitution, et si le Parlement saisi maintenait son premier vote, c’est la Constitution qui devait être révisée dans les formes prévues à l’article 90 pour être mise en conformité avec la loi.

C’est dire que sous la 4ème République, il était impossible de faire déclarer la loi du 24 avril 1951 comme étant inconstitutionnelle car contrevenant au principe fondamental de la prohibition de la maltraitance animale contenu dans la loi GRAMMONT du 2 juillet 1850.

En revanche, aujourd’hui, sous la 5ème République, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, il est possible de faire déclarer inconstitutionnelle la loi du 24 avril 1951 contraire au principe fondamental de la prohibition de la maltraitance animale, principe appliqué sous deux Républiques et au début de la 4ème (sans que d’ailleurs par la suite, comme nous le verrons, il ait été abandonné).

S’agissant de la mise en cause de cette loi, il reste certes une objection sérieuse. En effet, l’une des difficultés qui subsiste est que le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé, comme on l’a vu, par une décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 (Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre) rendu sur une saisine par le biais de la procédure de la QPC très réglementée. Or, ayant déjà statué sur la constitutionnalité de la loi du 24 avril 1951, il lui est a priori impossible de se prononcer une nouvelle fois. C’est là l’une des conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958. Mais l’ordonnance organique pourrait être révisée par la procédure législative d’une même loi organique stipulant que sur la base d’un nouveau motif sérieux le Conseil constitutionnele puisse se prononcer à nouveau. En dehors du recours au processus législatif l’on pourrait également invoquer l’argument selon lequel l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 ayant la valeur d’une loi, elle ne constitue pas une disposition de nature constitutionnelle pouvant venir faire barrage à la mission générale du Conseil constitutionnel chargé de veiller au respect de la Constitution. Il s’agit d’une disposition procédurale exceptionnelle dont le Conseil pourrait s’affranchir car ce serait la première fois que la loi du 24 avril 1951 serait arguée d’inconstitutionnalité pour non-respect d’un principe fondamental – en l’occurrence le principe fondamental reconnu par les lois de la République qui est celui de la prohibition de la maltraitance animale -, point sur lequel le Conseil constitutionnel n’a jamais encore statué. Par ailleurs, s’agissant des juridictions ordinaires de l’ordre judiciaire ou administratif, l’autorité de la chose jugée n’est opposable qu’aux parties elles-mêmes à une instance. Cette autorité de la chose déjà jugée ne peut, en effet, être invoquée qu’en ce qui concerne deux instances avec les mêmes parties, un objet identique et un fondement similaire. On dit très justement, en conséquence, que l’autorité de la chose jugée est relative. L’application de ce principe de relativité est très utile pour les justiciables et l’évolution du droit car il permet des revirements de jurisprudence de la part des plus Hautes instances juridictionnelles de l’ordre judiciaire (Cour de cassation) comme de l’ordre administratif (Conseil d’Etat). Certes, le Conseil constitutionnel, pour nous au moins, n’est pas – organiquement au moins – une institution juridictionnelle. Mais il reste que la QPC portée devant le Conseil constitutionnel s’apparente à un véritable procès mettant aux prises deux parties : d’un côté, le particulier qui se plaint de la violation de la Constitution du fait d’une simple loi ; de l’autre côté, l’Etat législateur. Si l’une des deux parties n’est plus la même et si par ailleurs elle invoque de nouveaux arguments – nouveau(x) moyen(s) sérieux d’inconstitutionnalité, notamment, par exemple, quant à la norme constitutionnelle supposée avoir été violée – il nous semble que dans une telle hypothèse la possibilité de saisine sur QPC du Conseil constitutionnel par le juge du fond devrait pouvoir rester ouverte et qu’une nouvelle fois saisi, dans les conditions qui viennent d’être dites, le Conseil constitutionnel devrait se reconnaître compétent.  

Avec le nouveau régime politique de la 5ème République (4 octobre 1958), près d’un an après sa mise en œuvre, le 7 septembre 1959 un décret – dit « MICHELET » – du nom du Ministre de la justice du Général De Gaulle, Edmond MICHELET – protège tous les animaux en raison de leur propre sensibilité, en abrogeant la loi GRAMMONT [17], mais non pour la restreindre, mais au contraire l’élargir en étendant la répression des mauvais traitements au domaine privé.

L’objet du décret précité était de réprimer les mauvais traitements exercés envers les animaux.

Quant à la sanction pénale prévue par le Décret n° 59-1051 du 7 septembre 1959, l’amende pouvait s’élever entre 40 et 60 francs, et la peine de prison pouvait être de 8 jours ou plus.

Par ailleurs, l’article 1er complétant l’article R 38 du Code pénal prévoyait également qu’en cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si son propriétaire était inconnu, l’animal, sur décision du tribunal, sera remis à une œuvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, laquelle pourra publiquement en disposer.

Ainsi le décret Michelet du 7 septembre 1959, 109 ans après la loi Grammontinterdit les mauvais traitements aux animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité même commis sans publicité.

Par ailleurs, comme la loi du 24 avril 1951 ci-dessus analysée, il prévoit que les sanctions qu’il introduit ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une « tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».

Il reste que si la loi GRAMMONT fut modifiée en 1959, en revanche la prohibition de la maltraitance animale n’a jamais été remise en cause car les textes qui suivirent, comme nous allons le voir, l’étendirent et aggravèrent les sanctions.

III/ La situation légale de l’animal, aujourd’hui, conforte la prohibition de la maltraitance animale et s’oriente vers la reconnaissance d’un statut de l’animal en tant que catégorie sensible du vivant 

Il serait vain d’invoquer la pérennité de l’esprit de la Loi GRAMMONT sous les 3ème et 4ème Républiques, et donc la stabilité du principe de la prohibition de la maltraitance animale, si, aujourd’hui, un tel principe était battu en brèche ou menacé.

Mais c’est au contraire vers un renforcement accru du principe de la prohibition de la maltraitance animale et, davantage encore, vers l’émergence d’un droit de la protection animale que s’orientent les lois subséquentes qui furent adoptées sous la Vème République.

A/ La loi du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux : le délit d’acte de cruauté

En effet, après le décret MICHELET ci-dessus rappelé, un peu plus tard, l’article 1er de la loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux, introduisait, au sein de l’art 453 du Code pénal, le délit d’« acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité » qui exposait ses auteurs, ayant agi publiquement ou non, à un emprisonnement de deux mois à six mois et d’une amende de 2.000 à 6.000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement.

Par ailleurs, la conception « propriétariste » de l’animal s’effaçait en cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire était inconnu, car dans l’une ou l’autre de ces deux hypothèses le tribunal pouvait décider que l’animal devait être remis à une œuvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, laquelle pourrait en disposer librement.

Mais les dispositions de la loi continuaient à ne pas être applicables aux courses de taureaux lorsqu’une « tradition locale ininterrompue » pouvait être invoquée.

Quant à l’article 2 de cette même loi du 19 novembre 1963, il prévoyait d’insérer au sein de l’article 454 du Code pénal des dispositions appliquant les mêmes peines que celles prévues à l’article 453 sus-évoqué aux auteurs pratiquant des expériences ou des recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions qui devaient être fixées par un décret en Conseil d’Etat.

B/ La loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : la préservation des espèces animales et végétales

Un pas de plus fut franchi avec la loi N° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (cf. JORF, 13 juillet 1976, rectificatif JORF 28 novembre 1976 )[18] dont l’article 1er faisait de la préservation des espèces animales et végétales, une cause d’intérêt général, au même titre que la protection des espaces naturels et des paysages, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent ainsi que la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent.

1/ La protection des espèces animales non domestiques

S’agissant des espèces animales, l’article 3 (alinéa 2) de cette même loi interdisait la destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat.

L’article 4 prévoyait qu’un décret en Conseil d’Etat devait déterminer les conditions dans lesquelles seraient fixées :

la liste limitative des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées (…) protégées ;

la durée des interdictions permanentes ou temporaires prises en vue de permettre la reconstitution des populations naturelles en cause ou de leurs habitats ainsi que la protection des espèces animales pendant les périodes ou les circonstances où elles sont particulièrement vulnérables.

2/ Les régimes d’autorisations préalables pour la protection des espèces non domestiques

L’article 5 de la loi du 10 juillet 1976 précitée soumettait à un régime d’autorisation préalable délivrée  dans les conditions et selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’Etat : la production, la détention, la cession à titre gratuit ou onéreux, l’utilisation, le transport, l’introduction quelle qu’en soit l’origine, l’importation sous tous régimes douaniers, l’exportation, la réexportation de tout ou partie d’animaux d’espèces non domestiques et de leurs produits ainsi que des végétaux d’espèces non cultivées et de leurs semences ou parties de plantes, dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre chargé de la protection de la nature et, en tant que de besoin, du ou des ministres compétents. La lutte pour le respect de la biodiversité est à ce prix si l’on veut préserver la planète de la disparition de nombreuses espèces, notamment animales, processus enclanché depuis des décennies et qu’il faut stopper de manière urgente [19].

De la même manière, aux termes mêmes de l’article 6 de cette même loi, étaient soumis à un régime d’autorisation préalable  délivrée dans les conditions et selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’Etat, et sans préjudice des dispositions en vigueur relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement, l’ouverture des établissements d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que l’ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

3/ Le contrôle des établissements détenant des espèces non domestiques et son extension aux établissements scientifiques et d’enseignement

L’article 7 prévoyait un contrôle de la part de l’autorité administrative des établissements qui, au titre de l’article 5 ci-dessus, détenaient des animaux non domestiques, de même que les établissements détenus au titre de l’article 6 ci-dessus. Étaient également assujettis à ce contrôle administratif : les établissements scientifiques ; les établissements d’enseignement ; les établissements et instituts spécialisés dans la recherche bio-médicale, dans le contrôle biologique et dans les productions biologiques ; les établissements d’élevage.

Cet article disposait enfin qu’indépendamment des poursuites pénales qui pouvaient être exercées au titre de la présente loi, des mesures administratives allant jusqu’à la fermeture de l’établissement pouvaient également être prescrites par le ministre chargé de la protection de la nature.

L’article 8 écartait du champ d’application des articles 6 et 7 sus-évoqués les produits de la pêche maritime et de la conchyliculture destinés à la consommation, ainsi que les établissements de pêche et les instituts chargés de leur contrôle.

4/ La reconnaissance de la qualité d’« être sensible » à l’animal et les obligations incombant à son propriétaire

Mais, surtout l’article 9 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature reconnaissait explicitement la qualité d’être sensible de l’animal : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Cet article reconnaissait non seulement la sensibilité de l’animal – qui a un propriétaire – mais prévoyait en plus les conséquences que cette affirmation impliquait quant à la façon dont les animaux étaient traités. Néanmoins, il est regrettable qu’un tel dispositif protecteur n’ait pas été plus général car il ne concernait que le Code rural et de la pêche maritime dont il constituait l’article L.214-1. C’est d’ailleurs par référence au Code rural, et notamment à cet article L. 214-1, que s’est constituée l’association L214 de son nom complet L214 éthique et animaux – qui est une association à but non lucratif française de défense des animaux. Fondée en 2008, elle poursuit un triple objectif : 1/ soulever la question animale auprès des citoyens et dans le débat public ; 2/ faire reculer les pires pratiques d’élevage, de transport et d’abattage ; 3/promouvoir l’alimentation végétale pour réduire le nombre d’animaux tués. L214 s’oppose à ces pratiques de consommation animale ainsi qu’à la pêche, qu’elle juge nuisibles pour les animaux. Elle préconise un changement des habitudes de consommation, notamment alimentaires, vers une consommation moindre de produits animaux, et promeut le véganisme

Malgré l’insertion de cet article au sein du Code rural et de la pêche, l’animal restait encore considéré comme un bien, meuble ou immeuble par destination, dans le Code civil.

C/ La loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique

Un peu plus d’une vingtaine d’années plus tard, la loi N° 89-412 du 22 juin 1989 – dite « NALLET » – du nom du ministre de l’agriculture alors en place – entreprenait une importante réforme du Code rural sous l’angle de la place occupée par les animaux domestiques en vue de leur meilleure insertion dans la communauté des hommes et de protection de la santé publique (lutte contre la rage et les épidémies animales).

La « divagation » des chiens et chats était définie rigoureusement par les nouvelles dispositions du Code rural (article 213-1) et son interdiction était posée par l’article 213-2 afin d’inciter leurs maîtres à les prendre en charge correctement et à ne pas s’affranchir d’une garde rigoureuse qui leur incombait normalement. L’interdiction de la « divagation » était assortie d’un régime d’amendes forfaitaires et d’amendes forfaitaires majorées dont le montant devait être fixé par décret en Conseil d’Etat.

En amont, la loi précitée habilitait les maires à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter la divagation des chiens et chats (tenue en laisse, mise en fourrière). Après leur mise en fourrière les chiens et chats non réclamés par leurs propriétaires, au bout d’un délai de 50 jours, devenaient la propriété du gestionnaire de celle-ci, lequel pouvait les céder à des associations protectrices des animaux qui pouvaient, à leur tour, les céder à un nouveau propriétaire plus attentionné que leur propriétaire originel.

En matière d’épizooties, une Commission nationale vétérinaire, à laquelle le ministre chargé de l’agriculture devait communiquer tous renseignements relatifs aux épizooties, donnait son avis sur le choix des maladies pouvant faire l’objet de mesures réglementaires et sur les mesures que pouvait exiger une maladie déterminée.

De son côté, le ministre chargé de l’agriculture pouvait, de manière préventive et selon des modalités définies par un décret en Conseil d’Etat, prendre toutes mesures destinées à collecter des données et des informations d’ordre épidémiologique et à en assurer le traitement et la diffusion. Les vétérinaires, à titre personnel, les laboratoires vétérinaires départementaux et les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires pouvaient être associés, sur leur demande, à la collecte et à l’utilisation de ces données et informations.

À la demande des propriétaires ou détenteurs d’animaux intéressés, le ministère de l’agriculture pouvait conduire des actions de prophylaxie contre certaines maladies animales, dans le cadre d’actions à caractère collectif, entreprises avec la collaboration d’organismes à vocation sanitaire dont les statuts devaient être approuvés par l’autorité ministérielle précitée et par lesdits propriétaires ou détenteurs d’animaux, intervenant à titre individuel.

En ce qui concerne la nomenclature des maladies contagieuses concernant toutes les espèces d’animaux, un décret, pris après avis de la Commission nationale vétérinaire, pouvait ajouter d’autres maladies contagieuses, dénommées ou non, susceptibles de présenter un caractère dangereux.

Dans les départements officiellement déclarés infectés de rage, la vaccination antirabique était obligatoire pour tous les carnivores domestiques.

À compter du 1er janvier 1992, tous les chiens et les chats faisant l’objet d’un transfert de propriété, à quelque titre que ce soit, devaient être identifiés à la diligence du vendeur ou du donateur, soit par tatouage ou par tout autre procédé agréé par le ministre chargé de l’agriculture, selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’Etat.

Cette identification était systématique dans les départements déclarés infectés par la rage.

La loi réglementait enfin la profession de vétérinaire en assujettissant les postulants diplômés à une inscription au Tableau de l’Ordre et en les associant étroitement à la mission de ce qu’on peut bien appeler l’existence d’un service public sanitaire animal sous l’égide du ministère de l’agriculture.

D/ La reconnaissance implicite de la spécificité animale par le Code pénal : vers la naissance d’une nouvelle catégorie juridique : celle de l’animalité

Pendant longtemps l’animal fut considéré comme un « bien », une « chose » appartenant à son propriétaire et les atteintes à leur intégrité physique étaient considérées comme des atteintes à des biens.

En 1994, lors de la réforme du Code pénal, la plupart des infractions à l’encontre des animaux furent placées en dehors de la catégorie des infractions contre les biens. Les infractions à l’encontre des animaux trouvaient ainsi leur place dans le Livre Cinquième du Code pénal « Des autres crimes et délits » et non pas dans le Livre Troisième « Des crimes et délits contre les biens ».

E/ Le Traité d’Amsterdam (1997) et la reconnaissance de la sensibilité animale

Au niveau européen, en 1987, la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie s’efforçait, de façon générale, de promouvoir et d’assurer le bien-être des animaux domestiques.

Dix ans plus tard, un protocole annexé au Traité d’Amsterdam (1997) décrivait l’animal comme un être sensible et affirmait que la mise en œuvre de la politique communautaire dans les domaines de l’agriculture, des transports, du marché intérieur et de la recherche devait prendre en compte ses exigences de « bien-être ».

F/ La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux

La loi N° 99-5 du 6 janvier 1999, relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, prévoyait des dispositions relatives aux animaux dangereux mais également instituait un régime plus clément pour les animaux errants. Les conditions de fourrière étaient modifiées : chaque commune devant disposer soit d’une fourrière communale, soit devait pouvoir disposer du service d’une fourrière établie sur une autre commune ; chaque fourrière devait avoir une capacité adaptée aux besoins de chacune des communes pour lesquelles elle assurait le service d’accueil des animaux.

Le statut de « chat libre » était officiellement reconnu…

Ainsi depuis 1999, la loi prévoit que les chats errants, plutôt que d’être conduits en fourrière où ils finissaient souvent par être euthanasiés, puissent acquérir le statut de « chat libre » par la stérilisation et l’identification à l’initiative du Maire ou à la demande d’une association de protection animale.

La stérilisation est alors un moyen plus humain de limiter leur prolifération. Le statut donne le droit à ces chats, considérés comme peu sociables, de vivre librement. Cette solution doit aussi idéalement s’accompagner d’un nourrissage, d’un suivi sanitaire et de l’installation d’abris.

Cependant, jusqu’en 2015, les communes étaient libres de mettre en place de telles campagnes de stérilisation et d’identification, ou de continuer à appliquer les méthodes traditionnelles (fourrière et souvent euthanasie).

Depuis le 1er janvier 2015, en application de l’arrêté du 3 avril 2014, les chats errants vivant dans les lieux publics ne peuvent plus être conduits en fourrière, à moins qu’une campagne de stérilisation et identification ne puisse être mise en œuvre. Cependant l’on peut regretter que les motifs pouvant permettre à une commune d’invoquer une telle impossibilité n’aient pas été limitativement énumérés.

Lorsqu’il y a partenariat entre une mairie et une association de protection animale, « la gestion, le suivi sanitaire et les conditions de garde de ces populations sont alors sous la responsabilité du représentant de la commune et de l’association de protection des animaux. » (Article 211-27 du Code rural).

Cette loi instituait également davantage de protection pour les animaux et leurs acquéreurs : l’identification des chiens devenait obligatoire en dehors de toute cession, les activités de fourrière, refuge, élevage, vente, pension, éducation, dressage étaient réglementées ; les formalités pour la cession d’animaux devinrent plus strictes : attestation de cession, information sur l’animal, certificat vétérinaire de bonne santé ; la vente des chiots et chatons de moins de 8 semaines était interdite…

Mais, surtout, cette loi mettait en place un régime de sanctions, soit pour « mauvais traitements » infligés aux animaux placés sous la garde d’exploitants indélicats d’établissements divers ; soit pour le transport d’animaux vivants, à la suite du non-respect des règles techniques et sanitaires.

Dans le premier cas de gardiennage d’animaux à des titres divers, était puni de 6 mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende le fait pour toute personne exploitant un établissement de vente, de toilettage, de transit, de garde, d’éducation, de dressage ou de présentation au public d’animaux de compagnie, une fourrière, un refuge ou un élevage d’exercer ou de laisser exercer sans nécessité des mauvais traitements envers les animaux placés sous sa garde (article 19).

Dans le second cas de transport d’animaux vivants accompli dans un cadre lucratif, le transporteur devait alors recevoir un agrément délivré par les services vétérinaires placés sous l’autorité du préfet. Ceux-ci devaient s’assurer que le demandeur était en mesure d’exécuter les transports dans le respect des règles techniques et sanitaires en vigueur ainsi que des règles concernant la formation des personnels. Était puni d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende le fait de transporter des animaux sans détenir l’agrément prévu (article 19).

L’article 22 de la loi précitée du 6 janvier 1999 alourdissait les peines contre les actes de cruauté par le biais de la modification des trois premiers alinéas de l’article 521-1 du code pénal qui étaient remplacés par les 2 alinéas suivants :

« Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.

« À titre de peine complémentaire, le tribunal peut interdire la détention d’un animal, à titre définitif ou non. »

Néanmoins, si la loi du 6 janvier 1999 distinguait les animaux des objets et des choses inanimées, dans le Code civil, l’animal restait néanmoins placé dans la catégorie des biens meubles, sa qualité d’être vivant et sensible n’étant toujours pas reconnue.

G/ La réforme du Code civil faisant de l’animal un « être vivant doué de sensibilité »

S’agissant de la nécessité d’accorder une nouvelle place à l’animal au sein du Code civil, plus conforme à sa qualité d’« être vivant et sensible », la question avait été plusieurs fois évoquée au niveau politique, depuis la première décennie des années 2000, au niveau d’un certain nombre d’initiatives législatives et aussi par le biais de questions écrites posées au Gouvernement par certains parlementaires.

C’est ainsi que le 8 novembre 2012, M. Roland POVINELLI, sénateur des Bouches-du-Rhône, avait déposé une question écrite N° 02982 [20] dans laquelle il attirait l’attention de Mme la Garde des Sceaux sur l’absence « véritable statut de l’animal dans le Code civil » en rappelant que lors de sa campagne électorale le Président de la République avait envisagé qu’à l’instar de l’Allemagne l’on puisse « faire une distinction entre l’animal et les choses… et donner la possibilité d’introduire des distinctions spécifiques pour les animaux ».

L’honorable parlementaire faisait valoir très justement que « Si la question du statut juridique de l’animal a été posée à de nombreuses reprises, parfois même à l’initiative du Gouvernement, force est de constater qu’aucune avancée majeure n’a été permise ».

Or, poursuivait-il, « L’animal est de plus en plus lié à l’homme, que ce soit sur un plan purement affectif pour les animaux de compagnie, sur le plan philosophique du respect dû à tous les êtres vivants qui peuplent la planète et sur le plan scientifique des parentés biologiques parfois très proches entre les espèces ».  

Il concluait son intervention en souhaitant vouloir connaître la position du Gouvernement sur la question après avoir rappelé qu’il avait été lui-même l’auteur d’une proposition de loi au Sénat N° 575 (2010-2011) « visant à reconnaître à l’animal le caractère vivant et sensible dans le Code civil ».

La Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Christiane TAUBIRA (2012-2016), lui répondit le 29 août 2013 (JO Sénat, p. 2515) que « La réflexion (devait) se poursuivre afin de parvenir à un dispositif qui, sans remettre en cause les grandes catégories existantes de biens (qui sont meubles ou immeubles), permette de mieux prendre en compte la spécificité de l’animal. En tout état de cause, une nouvelle définition du régime juridique de l’animal au sein du code civil supposerait une refonte générale du droit des biens. »

C’est qu’en effet pendant plus de deux siècles, le Code civil, depuis son élaboration en 1804, contrairement à la distinction naturaliste « Vivant/Non-vivant » ne distinguait que deux catégories juridiques : celle de la personne et celle des biens.

L’animal n’y trouvant pas sa place, faute de pouvoir être rangé dans la catégorie des personnes, il était classé dans la catégorie des biens, ce qui engendrai de nombreuses pétitions de protestations, à l’instar de celle ci-contre.

Quant aux biens, l’article 516 du Code civil considérait que « Tous les biens sont meubles ou immeubles. »

C’est ainsi que l’ancien article 528 du Code civil stipulait :

« Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère. »

S’agissant des animaux nécessaires à l’exploitation d’un fonds, malgré leur utilité économique, ils n’étaient pas mieux traités car l’ancien article 524 du Code civil disposait également :

« Les animaux et les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds : Les animaux attachés à la culture ; Les ustensiles aratoires ; … etc. »

Ainsi le Code civil continuait à être le seul code accordant aux animaux le statut de bien meuble, alors que, comme on l’on a vu dans les différents textes de lois que nous avons analysés, le Code pénal, le Code rural et le droit européen leur donnaient déjà le statut d’êtres sensibles. Les associations de défense des anialaux, commme, ci-contre, 30 millions d’amis firent campagne pour la réforme du Code civil en ce sens.

Ce retard du Code civil était souvent souligné comme un frein à la mutation de la condition animale qui se développait pourtant, comme on l’a vu, de manière constante depuis la 2ème moitié du 19ème siècle.

Il devenait donc nécessaire que les textes juridiques soient enfin harmonisés quant à la place de l’animal dans nos sociétés modernes.

Au sein de la communauté universitaire des juristes, en 2009, le professeur Jean-Pierre Marguénaud, père fondateur du droit animalier en France [20] crée, avec le professeur Jacques LEROY et des membres de l’équipe de recherche de l’Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques, la Revue Semestrielle de Droit Animalier (RSDA).

Dans son Avant-propos, la Revue précitée (RSDA) se donne pour ambition de combler l’absence de revue juridique dans le domaine animalier qui était ressentie comme un vide « par un certain nombre de chercheurs et beaucoup d’acteurs de la vie économique ou associative. Elle s’efforcera d’y parvenir en regroupant les forces de juristes de toutes les spécialités académiques mais aussi de philosophes et de scientifiques sans le soutien desquels la réflexion juridique s’essoufflerait vite sur un pareil sujet. »

En 2015, à l’initiative de Lucille BOISSEAU-SOWINSKI, alors Maître de conférences en droit privé, le diplôme universitaire (DU) de droit animalier est créé, en partenariat avec la fondation 30 millions d’amis et la ville de Brive la Gaillarde.

Cette création va de pair avec la réforme du Code civil par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 « relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures », dans lequel l’animal est enfin considéré comme un « être vivant doué de sensibilité » [21].

Le nouvel article 515-14 du Code civil dispose en effet :

« Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. »

Cette nouvelle place faite aux animaux débouche sur une nouvelle écriture des articles 528 et 524 du Code civil :

Nouvel article 528 du Code civil :

« Sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre. »

Nouvel article 524 du Code civil :

« Les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination.

Les animaux que le propriétaire d’un fonds y a placés aux mêmes fins sont soumis au régime des immeubles par destination.

Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds :

Les ustensiles aratoires ;

Les semences données aux fermiers ou métayers ;

Les ruches à miel ;

Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ;

Les ustensiles nécessaires à l’exploitation des forges, papeteries et autres usines ;

Les pailles et engrais.

Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. »

C’est cette évolution du Code civil – reconnaissant les animaux comme « des êtres vivants doués de sensibilité » – ainsi que la sensibilisation croissante de l’opinion publique à la cause animale qui ont favorisé la progression de la condition animale, en ouvrant, trois ans plus tard, la voie à un « code de l’animal ».

Ce Code, publié le 22 mars 2018 aux éditions LexisNexis, sous l’égide d’une équipe de spécialistes du droit animalier et de la Fondation 30 millions d’amis, se présente sous la forme d’un ouvrage bleu rassemblant, sur plus d’un  millier de pages, toutes les lois en vigueur en France concernant les animaux dont nous avons fait ici l’inventaire et l’analyse dans leurs dispositions essentielles.

Selon Jean-Pierre MARGUENAUD, professeur de droit privé à l’université de Limoges, qui a codirigé, avec son collègue Jacques LEROY (université d’Orléans) et quatre autres universitaires, la codification de l’ensemble des textes relatifs à la condition animale en France :

« Nous avons agrégé tous les textes  lois, décrets, arrêtés, règlements et directives  issus de sept codes officiels – civil, pénal, rural, environnemental, etc. –, de règles européennes, mais aussi des décisions de jurisprudence les plus significatives qui ont trait aux animaux de compagnie, d’élevage ou sauvages.»

Et d’ajouter :

« C’est un code privé, c’est-à-dire qu’il ne crée pas de nouvelle législation, mais se contente de regrouper celles existantes, et qu’il laisse subsister les dispositions dans les textes où elles se trouvent à l’origine », précise-t-il, au même titre que le code de la montagne ou le code administratif.»

De son côté,  Reha HUTIN, la présidente de la Fondation 30 millions d’amis, se plaît à évoquer les serices attendus d’un tel Code qui « facilitera le travail de ceux qui s’intéressent à la protection animale en leur permettant d’avoir une vision générale et complète de la question » (magistrats, procureurs, avocats, vétérinaires, étudiants ou enseignants).

Cette réforme du Code civil ouvre la voie à ce que devrait être la prochaine étape qui pourrait porer sur la reconnaissance de la personnalité juridique des animaux, ce qui passerait alors par une nécessaire nouvelle évolution du Code civil.

H/ La loi N° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (JORF du 1er décembre 2021)

La loi N° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (JORF du 1er décembre 2021) comporte plusieurs mesures pour lutter contre la maltraitance des animaux domestiques et des animaux sauvages captifs et améliorer leurs conditions de détention.

Pour limiter les achats impulsifs et prévenir les abandons, le texte impose aux futurs primo-propriétaires d’un chat ou d’un chien ou d’autres animaux de compagnie de signer un « certificat d’engagement et de connaissance ». Un délai de réflexion de 7 jours est imposé entre la délivrance de ce nouveau certificat et l’achat ou le don de l’animal.

L’identification de tous les chats et chiens domestiques devient obligatoire quelle que soit leur date de naissance [22].

Le texte renforce, par ailleurs, la législation sur les nouveaux animaux de compagnie (NAC) et contient des mesures sur les équidés, notamment la création d’un certificat d’engagement et de connaissance pour les détenteurs particuliers, l’interdiction des « manèges à poneys » et une nouvelle procédure de vente forcée pour les chevaux abandonnés chez un professionnel.

Une sensibilisation concernant les animaux de compagnie est introduite au sein du service national universel (SNU) et dans l’enseignement d’éducation morale et civique à l’école.

Le texte durcit les sanctions qui pourront être aggravées, notamment lorsque les faits sont commis en présence d’un enfant. Sont aussi aggravées les peines en cas d’abandon dans certaines circonstances.

Par ailleurs, un amendement transforme en délit le fait de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé. Des exceptions sont prévues pour les traditions locales (tauromachie notamment).

Un « stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale » pourra être prononcé par le juge comme peine alternative ou complémentaire à une peine de prison.

De nouvelles dispositions viennent mieux réprimer la zoophilie et la zoopornographie sur les animaux domestiques. L’enregistrement et la diffusion sur internet de sévices graves, d’actes de cruauté ou « d’atteintes sexuelles » sur un animal domestique sont notamment visés. Le fait de solliciter ou de proposer la mise à disposition d’un animal dans un but zoophile, sur un site de rencontres par exemple, est pénalisé (un an de prison).

Le texte envisage, après accord en commission mixte paritaire, d’interdire, d’ici 2028, la détention et le spectacle d’animaux sauvages dans les cirques itinérants (et d’ici 2023 l’acquisition et la reproduction de ces animaux). Des solutions d’accueil devront être proposées pour recueillir les animaux. S’il n’en existe pas, un décret devra permettre aux cirques de les conserver. Une commission nationale consultative pour la faune sauvage captive est créée auprès du ministre chargé de la protection de la nature. Elle pourra être consultée sur les moyens permettant d’améliorer les conditions d’entretien et de présentation au public des animaux sauvages captifs. Les cirques fixes, quant à eux, seront soumis aux règles générales de fonctionnement des zoos.

Les spectacles de dauphins ou d’orques seront interdits à partir de 2026. Il sera mis fin à leurs détention et reproduction en captivité, sauf dans le cadre de programmes de recherches scientifiques ou dans des « refuges ou sanctuaires pour animaux sauvages captifs », dont le statut est précisé.

Les spectacles avec des animaux sont prohibés dans les discothèques ou fêtes privées. À partir de 2023, il ne pourra plus y avoir d’animaux sauvages dans les émissions de variétés ou de jeux à la télévision. À la même date, l’activité des montreurs d’ours et de loups sera interdite.

À ce jour, selon les associations de défense des animaux, ce seraient 850 animaux de cirque, 21 dauphins, 4 orques et 5 montreurs d’ours qui seraient concernés.

Enfin, il est mis fin aux élevages de visons d’Amérique et d’autres espèces sauvages pour leur fourrure.

Sous l’angle de l’ensemble de sa législation sur la prohibition de la souffrance animale, la 5ème République est bien l’héritière de la législation GRAMMONT qui vit le jour, en 1851 sous la Seconde République et qui a traversé, comme on l’a vu, les troisième et 4ème Républiques sans être remise en cause.

Elle a même élargi cette législation avec la loi du 10 juillet 1976 en l’étendant à la protection de la nature en faisant de celle-ci une cause d’intérêt général avec le maintien des équilibres biologiques et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent.

Mais ce faisant, et de manière toujours spécifique, elle n’a pas pour autant renoncé à la défense de la cause animale, avec, en 2015, la réforme du Code civil faisant des animaux « des êtres vivants doués de sensibilité », puis par le renforcement, en 2021, de la lutte contre la maltraitance animale.

CONCLUSIONS 

1/ Au terme de ce panorama sur nos principes constitutionnels et l’état de notre législation sur la protection animale qui montre de manière suffisamment rigoureuse – nous l’espérons au moins ! –  l’évolution de la condition animale dans le sens d’un respect toujours plus accru et exigeant de la sensibilité de l’animal et prohibant les actes de sévices et de cruauté comme de maltraitance à leur encontre, la reconnaissance d’un statut de l’animal en tant que catégorie spécifique sensible du vivant n’est plus très lointaine car c’est une tendance lourde de nos sociétés modernes qui dépasse le cadre hexagonal.

2/ Aujourd’hui, l’Homme, loin d’être isolé et opposé au reste du monde et à son milieu ambiant, est considéré de plus en plus comme une composante du Vivant à côté des espèces animales et végétales, et l’anthropocentrisme originel – qui faisait de lui le centre de tout – est remis en cause à travers la nécessité, ne serait-ce que pour mieux assurer son propre développement, de se préoccuper de sujets d’environnement planétaire et de biodiversité.

Il n’est d’ailleurs pas indifférent de noter que ce nouveau courant renouvelant l’Humanisme traditionnel – trop radicalement centré sur l’Homme – rencontre également un certain écho au sein de l’Église à travers, en 2015, l’Encyclique « Laudato si’ » du Pape FRANÇOIS [23]. 

3/ Pour en revenir à la question initiale posée dans cette chronique constitutionnelle, s’agissant plus précisément de la prohibition de la maltraitance animale – qui s’inscrit naturellement dans ce nouveau contexte -, il y a lieu de souligner qu’avant comme après la Constitution du 27 octobre 1946 et de son préambule énonçant l’attachement du peuple français aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, la prohibition de la maltraitance animale établie, comme on l’a vu, par le législateur de la Seconde République, a été ensuite au cœur du consensus de toutes nos Républiques – Troisième République, 4ème République et 5ème République – qui ne l’ont jamais remise en cause, même si les dérogations concédées au nom de « traditions locales » l’ont parfois écorné au profit d’une minorité activiste.

Rien ne s’oppose donc, aujourd’hui, à ce que la prohibition de la maltraitance animale soit érigée en principe fondamental reconnu par les lois de la République, ce qui, en lui conférant une valeur constitutionnelle, évacuerait en même temps les exceptions légales.

Maltraiter un animal – de manière passive (« misère animale » par l’absence de soins appropriés) ou active (actes de cruauté) – est un comportement inacceptable et les multiples associations de défense animale se mobilisent de plus en plus et n’hésitent pas à se porter parties civiles et à investir les prétoires pour que les bourreaux d’animaux soient punis.

La SPA (Société protectrice des animaux) a renforcé son pôle investigations – à la tête de laquelle se trouvent d’anciens officiers de police et de gendarmerie – dont la mission est de conduire des « enquêtes » [24] pour rechercher et signaler les cas de maltraitance commis par des professionnels (éleveurs, animaleries, etc.) parfois animés par une logique consumériste de recherche de profit se manifestant, par exemple, par la détention d’animaux dans des espaces réduits aux dépens de l’hygiène et de leur bien-être. L’action du pôle est également tournée vers le démantèlement des réseaux de trafics d’animaux (bêtes protégées acquises illégalement à l’étranger mises en vente parfois sur les réseaux sociaux inondés de photos d’animaux exotiques)[25] qui, comme on l’a vu, sont prohibés par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.

Comme on l’a vu tout récemment, le 24 novembre dernier – avec l’impossibilité de débattre à  l’Assemblée nationale d’une proposition de loi interdisant les corridas, à la suite de l’obstruction délibérée de parlementaires pro-corridas par le biais d’une pluie d’amendements portant sur un projet pourtant très limpide afin d’empêcher tout débat dans les limites de temps qui étaient assignées à son examen dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LFI –, le Parlement est en retard sur ce sujet sur l’état de l’opinion de nos concitoyens très majoritairement favorables à la suppression des corridas.

La réticence du Parlement à se prononcer en faveur de l’interdiction générale des corridas sur tout le territoire national est chronique car les propositions de loi sur le sujet sont régulièrement enterrées et n’arrivent même pas à faire l’objet d’un débat faute de pouvoir être inscrites à l’ordre du jour de l’assemblée ayant recueilli leur dépôt [26]. Cette attitude fuyante du monde parlementaire est transpartie car elle dépasse les clivages partisans droite/gauche. Même au sein de la « gauche », une certaine « gauche pro-corrida », insensible à la maltraitance animale dès lors qu’elle emprunte la voie d’un jeu de cirque, est, assez curieusement, du côté de la loi du plus fort dans l’arène – qui est celle de l’Homme, en l’occurrence du Matador – contre un taureau bien démuni, fatigué et voué à une mort certaine…

Quant aux gouvernements successifs de notre République, ils ont toujours craint de se heurter aux lobbies du monde tauromachique et aux intérêts des animaliers taurins.

L’on peut donc redouter et regretter que ça ne soit pas pour demain que par la voie parlementaire seront finies les corridas, mais aussi les combats de coqs, les chasses à courre, etc., manifestations festives à l’occasion desquelles leurs aficionados prennent un plaisir morbide dénué d’empathie pour la souffrance animale.

Dès lors, devant cette carence législative, tristement en porte à faux par rapport à l’opinion des Français sur les corridas, force est de nous tourner vers l’énoncé d’une prohibition de la maltraitance animale qui soit érigée en principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Elle permettrait, en effet, de déclarer inconstitutionnelles toutes les dérogations législatives à l’interdiction de la maltraitance animale qui, au nom de « traditions locales » barbares d’un autre âge, continuent à perpétuer des pratiques qui sont en contradiction avec ce principe fondamental reconnu depuis longtemps, comme on l’a vu, par les lois de notre République.

Louis SAISI

Paris, le 7 décembre 2022

Sigles et abréviations :

BNF = Bibliothèque Nationale de France ;

CE = Consei d’Etat ;

DU = Diplôme universitaire ;

JORF = Journal Officiel de la République française ;

LFI = La France Insoumise ;

PFRLR =  Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République ;

QPC = Question prioritaire de constitutionnalité ;

RSDA = Revue Semestrielle de Droit Animalier ;

SPA = Société Protectrice des Animaux.

I/ NOTES

[1] Il y a lieu de rappeler tout récemment le retrait de la proposition de loi du député de Paris Aymeric CARON  -portant sur la suppression des corridas -, devant le foisonnement des amendements. Le député LFI a justifié cet abandon par les centaines d’amendements « d’obstruction » qui, le 24 novembre dernier, rendaient « impossible, un vote final dans les délais impartis, c’est-à-dire minuit ». Cette proposition de loi ne fut même pas débattue malgré la limpidité du texte en cause.

[2] Voir ci-dessous Annexe I cette décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012 (Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre).

[3] Le Conseil constitutionnel écarte ce second point rattaché aux exigences du 14ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 en ces termes : « Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l’article 1er n’ont ni pour objet ni pour effet de déroger au principe selon lequel tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des principes du droit international public et du quatorzième alinéa du Préambule de 1946 doivent être écartés ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la compatibilité d’une loi avec les engagements internationaux de la France ».

[4] La pratique du combat de coqs consiste à faire se battre, le plus souvent dans un ring circulaire, deux coqs dont les ergots sont coupés et remplacés par des ergots en corne (plus longs et affûtés) ou en acier. Les deux coqs sont présentés face à face et se battent, des paris étant pris sur le vainqueur. En France, cette pratique est autorisée dans certaines localités des régions où elle perdure traditionnellement : les Hauts-de-France, La Réunion, la Guyane, les Antilles françaises et la Polynésie française.

[5] Article 521-1 :

« Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Est considéré comme circonstance aggravante du délit mentionné au premier alinéa le fait de le commettre sur un animal détenu par des agents dans l’exercice de missions de service public.

En cas de sévices graves ou d’actes de cruauté sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité prévus au présent article, est considéré comme circonstance aggravante le fait d’être le propriétaire ou le gardien de l’animal.

Lorsque les faits ont entraîné la mort de l’animal, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Est considéré comme circonstance aggravante du délit mentionné au premier alinéa le fait de le commettre en présence d’un mineur.

En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.

Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, soit définitivement, soit temporairement, dans ce dernier cas pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :

– l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

– les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.

Est punie des peines prévues au présent article toute création d’un nouveau gallodrome.

Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement.

Lorsqu’ils sont commis avec circonstance aggravante, sauf lorsque les faits ont entraîné la mort de l’animal, les délits mentionnés au présent article sont punis de quatre ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende.

Est considéré comme circonstance aggravante de l’acte d’abandon le fait de le perpétrer, en connaissance de cause, dans des conditions présentant un risque de mort immédiat ou imminent pour l’animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité. »

[6] Cf. sur ce site notre chronique critique du 23 novembre 2022 « La Corrida : la raison du plus fort doit-elle entraîner la mort du vaincu ou du plus faible ? »,  https://ideesaisies.deploie.com/la-corrida-la-ra…-par-louis-saisi, cf. notamment nos développements : II/ Une exception au droit de la protection animale anachronique et malsaine , A/ L’Homme et l’animal : distinction et proximité, 1, 2 et 3 ; B/ Cet autre regard de la fin du 20ème siècle sur l’animal devrait-il exclure le taureau ?

[7] Jean-Jacques ROUSSEAU : Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, collection 10/18, N° 89, Ed. UGE, Paris, 1963, pp 249-250, pp. 233-366, Préface, notamment pp. 249-250 (l’ouvrage faisant partie d’une trilogie, ayant été publié avec Du contrat social, et Discours sur les sciences et les arts, et portant le titre générique Du contrat social, 371 pages, chez l’éditeur et dans la collection précités).

[8] Voir nos développements consacrés à ARISTOTE sur ce point précis de l’intelligence animale dans notre article du 23 novembre 2022 publié sur ce site à propos des corridas.

[9] Cf notre article déjà cité du 23 novembre 2022 publié sur ce site, notamment « I :  Les Français et la corrida : un désamour certain de plus en plus affirmé ».

[10] « 5. Considérant que, si ces alinéas ont valeur constitutionnelle, aucun d’eux n’institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu’ils ne peuvent être invoqués à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; »

[11] Le code pénal de 1791 a été le premier code pénal français, adopté pendant la Révolution par l’Assemblée nationale législative, entre le 25 septembre et le 6 octobre 1791. La Constitution de 1791 avait été adoptée le 3 septembre. Inspiré des principes de Beccaria, il a été remplacé en 1810 par le code pénal impérial. L’adoption de ce code a de facto abrogé tous les édits royaux ainsi que les ordonnances criminelles.

[12] CODE PÉNAL Du 25 septembre – 6 octobre 1791(Texte intégral original) TITRE II – CRIMES CONTRE LES PARTICULIERS. SECTION II – CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PROPRIÉTÉS. France – Code pénal du 25 septembre 1791 (Texte intégral original) (ledroitcriminel.fr).

[13] BNF Gallica LE DROIT DANS GALLICA :  Sylvie-Marie STEINER : « Protection des animaux au 19ème siècle : 4. les juristes et la corrida ».

[14] Le maire, en tant qu’autorité administrative, est investi d’un pouvoir de police administrative générale et spéciale, qui lui permet d’édicter des mesures réglementaires et individuelles. Par ailleurs, sa qualité d’officier de police judiciaire luiconfère le pouvoir de rechercher et de constater certaines infractions. 

[15] La SPA fut créée le 2 décembre 1845, par un groupe d’hommes préoccupés par le sort des chevaux qui étaient souvent batus dans la capitale par les cochers avec le manche de leur fouet. Le docteur Etienne PARISETen fut son premier président. Ses 18 fondateurst furent reçus le 31 janvier 1846 par le préfet de Police DELESSERT pour présenter les 29 articles des statuts. L’acte de création de la SPA fut rendu public le 3 avril 1846. En 1860, Napoléon III accorde la reconnaissance d’utilité publique à la SPA. En 1903, le premier refuge de la SPA est ouvert à Gennevilliers (92). C’est aussi en 1993 que la Cellule Anti-Trafic de la SPA est créée pour lutter contre les élevages clandestins. La SPA est la première association de protection animale créée en France, et elle est, aujourd’hui, la neuvième dans le monde, après celles d’Angleterre et d’Allemagne [(cf . L’histoire de la SPA (la-spa.fr)].

[16] Cf. 30 millions d’amis : Les grandes lois de protection animale

[17] Bien que l’on puisse faire remonter les premiers textes relatifs à la protection de l’environnement au 17ème siècle, la loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976 est souvent considérée comme une loi fondatrice pour la protection de la nature en France. Composée de 43 articles répartis en 6 chapitres, elle introduit notamment :  le statut d’espèces protégées ; les études d’impact pour infrastructures ; un statut pour l’animal (domestique) ; des nouveaux statuts d’espaces protégés (réserve naturelle, arrêté préfectoral de protection de biotope…) ; la création de l’Agence des espaces verts de la région d’Île-de-France.

[18] La 15e Conférence de l’ONU – Conférence die « des Parties à la Convention sur la diversité biologique (COP 15) » – se tient, en ce moment à Montréal,  du 7 au 9 décembre 2022, sous la présidence de la Chine. Rassemblant des gouvernements du monde entier,  elle devra définir de nouveaux objectifs et élaborer un plan d’action pour la nature pour la prochaine décennie. La COP15 sera axée sur la protection de la nature et les moyens de mettre un terme à la perte de biodiversité partout dans le monde. La priorité du gouvernement du Canada est de faire en sorte que la COP15 donne les résultats souhaités pour la nature. Les partenaires internationaux doivent de toute urgence mettre fin à l’inquiétante perte de biodiversité et enrayer le processus de sa dégradation.

[19] Sénat : Base Questions  2012 : Statut de l’animal dans le code civil, 14e législature.

[20] Sous la direction du recteur Claude Lombois, Jean-Pierre MARGUENAUD a soutenu sa thèse sur L’animal en droit privé en 1987 qui fut publiée eensuite en septembre 1992 aux Publications de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de l’Université de Limoges. Il est aujourd’hui professeur de droit privé et de sciences criminelles à l’Université de Limoges, et membre de l’Institut de Droit européen des Droits de l’homme-I-D-E-D-H (EA 3976) de l’ Université de Montpellier, et enfin directeur de la Revue Semestrielle de Droit Animalier (RSDA).

[21] Marina FOUR-BROMET : « Un statut de l’animal dans le Code civil », Portail du droit, La Gazette juridique.

[22] Actuellement seuls les chiens nés après le 6 janvier 1999 et les chats nés après le 1er janvier 2012 sont concernés.

[23] Voir l’Encyclique « Laudato si’ » (= Loué sois-tu) du 18 juin 2015 du Pape FRANÇOISsous-titrée « sur la sauvegarde de la maison commune » – qui constitue l’actualisation de la doctrine sociale de l’Église sur l’écologie. Cette Encyclique est consacrée aux questions environnementales et sociales, à l’écologie intégrale, et, de façon générale à la sauvegarde de la Création. En effet, dans cette encyclique, le pape critique le consumérisme et le développement irresponsable tout en dénonçant la dégradation environnementale et le réchauffement climatique provoqué par l’activité humaine. Le texte s’appuie sur une vision systémique du monde et appelle le lecteur à repenser les interactions entre l’être humain, la société et l’environnement. Selon le cardinal Peter TURKSON, qui a présidé les travaux du Conseil pontifical Justice et Paix. – qui furent à l’origine de l’encyclique –  le texte papal développe la vision chrétienne de l’écologie, en s’appuyant sur la notion d’« écologie globale » pour souligner l’importance d’une vision intégrée des différentes facettes de la question écologique : environnement, développement et écologie humaine.

[24] À peu près 1600 enquêtes sont diligentées chaque année par un petit groupe d’une demi-douzaine d’ex policiers et gendarmes basés à VICH qui montent des dossiers (photos, rapports de filature, etc.) remis ensuite entre les mains de magistrats.

[25] Cf. Le Parisien, du 3 décembre 2022 N°24344, p. 14.

[26] Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ayant modifié l’article 48 de la Constitution l’ordre du jour est partagé entre les assemblées et le Gouvernement. Depuis lors :

  • « Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour » ;
  • dans chaque assemblée (Assemblée nationale et Sénat), « une semaine de séance sur quatre » est réservée par priorité « au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques », et un jour de séance par mois à un ordre du jour déterminé à l’initiative des groupes d’opposition ou minoritaires.

Mais comme on le voit, seulement un jour de séance par mois est réservé aux propositions de loi des groupes d’opposition ou minoritaires. 

Prérogative de chaque assemblée avant 1958, la détermination de l’ordre du jour relevait, jusqu’à 2008 et dans le cadre du parlementarisme rationalisé, essentiellement du Gouvernement.

II/ ANNEXES

I/ Annexe I : Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012
Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière de courses de taureaux]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code pénal ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour les associations requérantes par Me Éric Verrièle, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 27 juillet 2012 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 13 et 30 juillet 2012 ;

Vu les observations en intervention produites pour les associations « Observatoire national des cultures taurines » et « Union des villes taurines de France », par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 27 juillet 2012 ;

Vu la demande de récusation présentée par les requérants, enregistrée le 11 juillet 2012 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Verrièle, pour les associations requérantes, Me Emmanuel Piwnica pour les associations intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 11 septembre 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article 521-1 du code pénal : « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :

« – l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

« – les peines prévues aux 2 °, 4 °, 7 °, 8 ° et 9 ° de l’article 131-39 du code pénal.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.

« Est punie des peines prévues au présent article toute création d’un nouveau gallodrome.

« Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement » ;

2. Considérant que, selon les associations requérantes, en prévoyant pour les courses de taureaux une exception à la répression pénale instituée par le premier alinéa de l’article 521-1 du code pénal, les dispositions du septième alinéa de ce même article portent atteinte au principe d’égalité devant la loi ;

3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la première phrase du septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789 l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ;

5. Considérant que le premier alinéa de l’article 521-1 du code pénal réprime notamment les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal domestique ou tenu en captivité ; que la première phrase du septième alinéa de cet article exclut l’application de ces dispositions aux courses de taureaux ; que cette exonération est toutefois limitée aux cas où une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ; qu’en procédant à une exonération restreinte de la responsabilité pénale, le législateur a entendu que les dispositions du premier alinéa de l’article 521 1 du code pénal ne puissent pas conduire à remettre en cause certaines pratiques traditionnelles qui ne portent atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti ; que l’exclusion de responsabilité pénale instituée par les dispositions contestées n’est applicable que dans les parties du territoire national où l’existence d’une telle tradition ininterrompue est établie et pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition ; que, par suite, la différence de traitement instaurée par le législateur entre agissements de même nature accomplis dans des zones géographiques différentes est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’en outre, s’il appartient aux juridictions compétentes d’apprécier les situations de fait répondant à la tradition locale ininterrompue, cette notion, qui ne revêt pas un caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque d’arbitraire ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être rejeté ; que la première phrase du septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- La première phrase du septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 21 septembre 2012.

Journal officiel du 22 septembre 2012, page 15023, texte n° 46
Recueil, p. 483

II/ Annexe II : Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971
Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association
Non conformité partielle

Saisi le 1er juillet 1971 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l’article 61 de la Constitution, du texte de la loi, délibérée par l’Assemblée nationale et le Sénat et adoptée par l’Assemblée nationale, complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;

Vu la Constitution et notamment son préambule ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, modifiée ;

Vu la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées ;

1. Considérant que la loi déférée à l’examen du Conseil constitutionnel a été soumise au vote des deux assemblées, dans le respect d’une des procédures prévues par la Constitution, au cours de la session du Parlement ouverte le 2 avril 1971 ;

2. Considérant qu’au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d’association ; que ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ; qu’en vertu de ce principe les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d’une déclaration préalable ; qu’ainsi, à l’exception des mesures susceptibles d’être prises à l’égard de catégories particulières d’associations, la constitution d’associations, alors même qu’elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ;

3. Considérant que, si rien n’est changé en ce qui concerne la constitution même des associations non déclarées, les dispositions de l’article 3 de la loi dont le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil constitutionnel pour examen de sa conformité à la Constitution, ont pour objet d’instituer une procédure d’après laquelle l’acquisition de la capacité juridique des associations déclarées pourra être subordonnée à un contrôle préalable par l’autorité judiciaire de leur conformité à la loi ;

4. Considérant, dès lors, qu’il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l’article 3 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel complétant l’article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ainsi, par voie de conséquence, que la disposition de la dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi soumise au Conseil constitutionnel leur faisant référence ;

5. Considérant qu’il ne résulte ni du texte dont il s’agit, tel qu’il a été rédigé et adopté, ni des débats auxquels la discussion du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que les dispositions précitées soient inséparables de l’ensemble du texte de la loi soumise au Conseil ;

6. Considérant, enfin, que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution ;

Décide :

Article premier :
Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de l’article 3 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel complétant les dispositions de l’article 7 de la loi du 1er juillet 1901 ainsi que les dispositions de l’article 1er de la loi soumise au Conseil leur faisant référence.

Article 2 :
Les autres dispositions dudit texte de loi sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 18 juillet 1971, page 7114
Recueil, p. 29

III/ Annexe III : Conseil d’Etat – Décision du 11 juillet 1956 (extraits)

Décision du 11 juillet 1956

ASSOCIATIONS

Liberté. Association des citoyens de l’Union française. Ressortissants vietnamiens.

POLICE GÉNÉRALE

Association de ressortissants de l’Union française. Liberté.

UNION FRANÇAISE ET PROTECTORATS

Police. Association de ressortissants de l’Union française.

(11 juillet – Assemblée plénière – 26.638. Amicale des Annamites de Paris et sieur Nguyen-Duc-Frang – MM. Jacomet, rapp. ; Lasry, c du g ; Me Mayer, av.).

Requête de l’Amicale des Annamites de Paris, association déclarée, représentée par ses président et secrétaire général en exercice, et du sieur Nguyen-Duc-Frang, agissant tant en son nom personnel que comme secrétaire général de ladite association, ladite requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrête du 30 avril 1953, par lequel le Ministre de l’Intérieur a constaté la nullité de l’Amicale des Annamites de Paris en application du décret du 12 avril 1939, relatifs aux associations étrangères ;

Vu la Constitution du 27 octobre 1946 ; la loi du 1er juillet 1901 ; les décrets des 12 avril 1939 et 1er septembre 1939 ; l’ordonnance du 19 octobre 1945 ; l’accord franco-vietnamien du 8 mars 1949 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

  • CONSIDÉRANT qu’aux termes de l’article 81 de la Constitution de la République française : « Tous les nationaux français et les ressortissants de l’Union française ont la qualité de citoyens de l’Union française qui leur assure la jouissance des droits et libertés garantis par le préambule de la présente Constitution » ; qu’il résulte de cette disposition que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et réaffirmés par le préambule de ladite Constitution sont applicables sur le territoire français aux ressortissants de l’Union française ; qu’au nombre de ces principes figure la liberté d’association ; que, dès lors, le Ministre de l’Intérieur n’a pu, sans excéder ses pouvoirs, constater par l’arrêté attaqué en date du 30 avril 1953 la nullité de l’association déclarée des Annamites de Paris, dont les dirigeants et les membres étaient des ressortissants vietnamiens ; …

(Annulation)

Source : Site du Conseil constitutionnel  :

DÉCISIONS JURIDICTIONNELLES EMBLÉMATIQUES : CONSEIL D’ETAT – DÉCISION DU 11 JUILLET 1956

Annexe IV :  Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988 (extraits)
Loi portant amnistie
Non conformité partielle

Mme Hélène Missoffe, MM Jacques Oudin, Sosefo Makapé Papilio, Henri Portier, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Roger Romani, Michel Rufin, Jean Simonin, Dick Ukeiwé, René Trégouët, Raymond Brun, Yves Goussebaire-Dupin, Guy de La Verpillière, Modeste Legouez, Pierre Louvot, Roland du Luart, Marcel Lucotte, Serge Mathieu, Henri de Raincourt, Roland Ruet, Pierre-Christian Taittinger, François Trucy, Michel d’Aillières, Maurice Arreckx, José Balarello, Bernard Barbier, Jean Bénard Mousseaux, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Jean Boyer, Louis Boyer, Roger Chinaud, Louis de La Forest, Auguste Chupin, Jean Francou, Jean Huchon, Kléber Malécot, Louis Moinard, Jacques Mossion, Raymond Poirier, Pierre Salvi, Paul Séramy, Pierre Sicard, Pierre Vallon, Xavier de Villepin, Etienne Dailly, Pierre Jeambrun, Ernest Cartigny, Joseph Raybaud, Paul Girod, Raymond Soucaret, Jacques Moutet, Pierre Laffitte, Charles-Edmond Lenglet, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant amnistie.

Le Conseil constitutionnel,

—-

—-

– Quant à la tradition républicaine :

11. Considérant que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ;

12. Considérant que, si dans leur très grande majorité les textes pris en matière d’amnistie dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur du préambule de la Constitution de 1946 ne comportent pas de dispositions concernant, en dehors des incriminations pénales dont ils ont pu être l’occasion, les rapports nés de contrats de travail de droit privé, il n’en demeure pas moins que la loi d’amnistie du 12 juillet 1937 s’est écartée de cette tradition ; que, dès lors, la tradition invoquée par les auteurs de la saisine ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme ayant engendré un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens de l’alinéa premier du préambule de la Constitution de 1946.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Contenu protégé !