L’OCCUPATION TOTALE DE GAZA PAR L’ÉTAT d’ISRAËL CONSTITUERAIT UNE NOUVELLE VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL… RESTERA-T-ELLE À NOUVEAU IMPUNIE ? Par Louis SAISI

 

Le jeudi 7 août 2025, le Premier Ministre israélien, Benyamin NETANYAHOU, a annoncé son intention d’engager son pays dans une guerre d’occupation totale de Gaza après avoir réuni le même jour son cabinet de sécurité.

C’est sur une chaîne américaine que le Premier ministre israélien a annoncé sa décision concernant Gaza, jeudi 7 août. « Est-ce qu’Israël va prendre le contrôle de l’ensemble de Gaza ? Oui, c’est notre intention. Dans le but d’assurer notre sécurité et d’éliminer le Hamas« , a confirmé Benyamin NETANYAHOU, jeudi après-midi.

 

La « famine généralisée » (photo ci-dessous) guette les habitants de Gaza, 22 mois après le début de la guerre, selon l’ONU.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que « depuis le début de l’année 99 personnes sont mortes de malnutrition, dont 29 enfants de moins de 5 ans. Ces chiffres sont probablement sous-estimés », a dit à la presse le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom GHEBREYESUS.

Dans son dernier bilan, publié jeudi matin, le ministère de la santé de la bande de Gaza déclarait que le nombre total de victimes de la famine et de la malnutrition s’élevait à 197 morts, dont 96 enfants, depuis le début de la guerre.

C’est dire que la situation à Gaza est de plus en plus catastrophique, du point de vue humanitaire, et appelle un véritable sursaut de la communauté internationale nécessitant enfin des sanctions – diplomatiques et économiques – contre Israël pour que cessent enfin les exactions de l’Etat hébreu contre le peuple palestinien dénoncées et condamnées régulièrement par les juridictions internationales comme la CIJ [ 1] ou la  CPI [2].

Rappelons que dans un premier jugement, en janvier 2024, concernant la plainte déposée par l’Afrique du Sud pour risque de génocide, la Cour internationale de justice avait ordonné à Israël de restreindre ses attaques à Gaza (voir notre article du 5 septembre 2024 : « La décision du 26 janvier 2024 de la Cour Internationale de Justice statuant sur la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide à l’encontre de la population palestinienne de GAZA », https://ideesaisies.deploie.com/la-decision-du-2…on-palestinienne/.

Un peu plus tard, en mai 2024, la CIJ a ordonné à Israël de mettre immédiatement fin à son offensive militaire dans la ville de RAFAH, au sud de Gaza. La Cour internationale de Justice a également déclaré le 17 juillet 2024 que l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Gaza, et de Jérusalem-Est, ainsi que ses colonies, violaient le droit international.

 

 

Quant à la Cour pénale internationale (CPI), le 21 novembre 2024, à la suite d’une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, elle a émis des mandats d’arrêt contre deux hauts responsables israéliens, Benjamin NETANYAHOU, le Premier ministre d’Israël, et Yoav GALLANT, l’ancien ministre de la Défense d’Israël du cabinet de guerre israélien, retenant leur responsabilité dans le crime de guerre de famine comme méthode de guerre et les crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains pendant la guerre à Gaza.

Aujourd’hui, l’escalade de la violence israélienne se poursuit puisque la décision de Benyamin NETANYAHOU ciblerait le quart du territoire qui n’est pas encore sous le contrôle de l’armée israélienne, à commencer par la ville de GAZA. Cette décision a provoqué une vague d’indignation à travers le monde. Elle risque d’entraîner « des déplacements forcés supplémentaires, des tueries et des destructions massives, aggravant la souffrance inimaginable de la population palestinienne à Gaza », a encore averti Antonio GUTERRES, Secrétaire général des Nations-Unies.

Ce plan du Premier Ministre israélien est loin de faire l’unanimité en Israël. L’état-major israélien s’est opposé à un plan de contrôle total. En raison de l’importante pression que cela exercerait sur les militaires, déjà éprouvés après bientôt deux ans de guerre, mais aussi parce que cela pourrait mettre en danger la vie des otages toujours vivants, selon le chef de l’armée, le lieutenant-général Eyal ZAMIR, dont les propos ont été rapportés par des médias israéliens.

Craignant pour la vie de leurs proches, des familles d’otages ont aussi imploré le gouvernement de ne pas aller de l’avant. Une vingtaine d’entre elles ont pris la mer jeudi matin, près des côtes de GAZA, hurlant des messages à l’intention des captifs

Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait tenir dimanche à 10 heures (16 heures à Paris) une réunion d’urgence sur Gaza, ont fait savoir plusieurs sources diplomatiques à l’Agence France-Presse, vendredi.

Selon Haaretz, la réunion aurait été demandée par le Royaume-Uni.

Peu auparavant, le secrétaire général des Nations unies, Antonio GUTERRES, a mis en garde Israël, par la voix d’une porte-parole, contre « une escalade dangereuse » qui « risque d’aggraver les conséquences déjà catastrophiques pour des millions de Palestiniens ».

I/ LA VIOLATION PERMANENTE ET IMPUNIE DU DROIT INTERNATIONAL ET DE LA CHARTE DE L’ONU PAR ISRAËL

Plusieurs pays, parmi les 15 qui composent le Conseil de sécurité, ont réclamé cette réunion d’urgence, saluée par la représentation palestinienne à l’ONU.

Ci-dessous, une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU

Mais l’on sait qu’un probable veto des USA, alliés inconditionnels d’Israël et leur fournissant une bonne partie de son arsenal militaire, bloquerait toute décision de cet organisme condamnant l’attitude belliciste et colonialiste d’Israël qui, fort d’une telle alliance aveugle et coupable au regard de la paix au Moyen-Orient, peut ainsi impunément défier toute la communauté internationale.

Il n’est guère contestable qu’au sein de cette même  communauté internationale les USA et Israël se montrent peu soucieux du respect du droit international – même humanitaire – préférant privilégier l’usage de la force, malgré les engagements d’Israël du 29 novembre 1948 acceptant sans réserve (Déclaration ci-dessous) les obligations de la Charte des Nations-Unies et s’engageant à les honorer le jour où il deviendra Membre de l’Organisation.

A/ Les engagements d’Israël de respecter la Charte des Nations-Unies

Dans sa lettre de demande d’adhésion du 29 novembre 1948, Israël concluait ainsi sa demande :

« Mon gouvernement fait valoir que l’admission d’Israël à l’Organisation des Nations Unies constituera un acte de justice internationale pour le peuple juif, en pleine cohérence avec la politique des Nations Unies à l’égard de la Palestine, et contribuera à la stabilisation de la paix et de la sécurité internationales. au Moyen-Orient et à la cause de la paix internationale. »

(Signé) Moshe SHERTOK

Ministre des affaires étrangères du Gouvernement provisoire d’Israël

1/ La Déclaration d’Israël du 29 novembre 1948

 sources/1948_lettre_sharett_admission_ONU.pdf

29 novembre 1948

Au nom de l’État d’Israël, moi, Moshe Shertok, Ministre des affaires étrangères, dûment autorisé par le Conseil d’État d’Israël, déclare que l’État d’Israël accepte sans réserve les obligations énoncées dans la Charte des Nations Unies et s’engage à les honorer dès le jour où il deviendra Membre de l’Organisation.

(Signé) Moshe SHERTOK

Ministre des affaires étrangères du Gouvernement provisoire d’Israël.

En réponse, voici la résolution d’admission d’Israël au sein de l’ONU adoptée le 11 mai 1949 :

2/ La Résolution 273 (III) de l’Assemblée générale de l’ONU du 11 mai 1949 sur l’admission d’Israël à l’ONU 

Ayant reçu le rapport du Conseil de sécurité relatif à la demande d’admission d’Israël à l’Organisation des Nations Unies,

Notant que, de l’avis du Conseil de Sécurité, Israël est un Etat pacifique, capable de remplir les obligations de la Charte et disposé à le faire,

Notant que le Conseil de sécurité a recommandé à l’Assemblée générale d’admettre Israël à l’Organisation des Nations Unies,

Prenant acte, en outre, de la déclaration par laquelle l’État d’Israël « accepte sans réserve aucune les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et s’engage à les observer du jour où il deviendra Membre des Nations Unies »,

Rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 et du 11 décembre 1948, et prenant acte des déclarations faites et des explications fournies devant la Commission politique spéciale par le représentant du Gouvernement d’Israël en ce qui concerne la mise en œuvre desdites résolutions,

L’Assemblée générale,

Remplissant les fonctions qui lui incombent aux termes de l’article 4 de la Charte et de l’article 125 de son règlement intérieur,

1. Décide qu’Israël est un État pacifique qui accepte les obligations de la Charte, qui est capable de remplir lesdites obligations et disposé à le faire ;

2Décide d’admettre Israël à l’Organisation des Nations Unies.

Deux cent septième séance plénière,

le 11 mai 1949

Résultats des votes,

Pour :   Afrique du Sud, Argentine, Australie, Bolivie, Canada, Chili, Chine, Colombie, Costa Rica, Cuba, Équateur, États-Unis, France, Guatemala, Haïti, Honduras, Islande, Libéria, Luxembourg, Mexique, Nicaragua, Norvège, Nouvelle-Zélande, Panama, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne, République dominicaine, Tchécoslovaquie, Pologne, RSS d’Ukraine, URSS, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie.

Contre :   Afghanistan, Arabie saoudite, Birmanie, Égypte, Éthiopie, Inde, Iran, Irak, Liban, Pakistan, Syrie, Yémen.

Abstentions :  Belgique, Brésil, Danemark, El Salvador, Grèce, Siam, Royaume-Uni, Suède, Turquie.

B/ Le refus permanent d’Israël de se conformer aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité

Or, depuis 1949, le Conseil de sécurité a adopté 229 résolutions sur la colonisation, le statut de Jérusalem ou le retour des réfugiés. Mais toujours en vain.

Et cela bien qu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies soit un texte ayant une valeur juridique contraignante, contrairement aux résolutions de l’Assemblée générale. Cette obligation est consacrée dans le droit international par l’article 25 de la Charte des Nations unies qui dispose que : « Les membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. »

En effet, malgré ses obligations découlant de la Charte de l’ONU, Israël a l’habitude, depuis son adhésion à la Charte des Nations-Unies, de passer outre aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité [5]. Depuis le partage de la Palestine mandataire à la fin de l’année 1947, celui-ci a voté 229 textes, la plupart d’entre eux n’ayant jamais été suivis d’effet. Tant et si bien que, en 1983, l’ordre numéro 1 079 de l’occupation militaire israélienne n’hésitait pas à  interdire la publication dans les Territoires palestiniens de nombreux textes, dont les résolutions de l’ONU concernant… la Palestine. [6]

II/ QUE FAIT DONC L’UNION EUROPEENNE ?

A/ Une conception des Droits de l’Homme à géométrie variable

L’Union européenne (UE), quant à elle, n’est guère plus « clean » que les USA, car elle développe une conception des droits de l’homme à géométrie variable selon qu’il s’agit de la guerre russo-ukrainienne (intransigeance forte et inébranlable et mesures fortes contre la RUSSIE sanctionnant, de sa part, la violation du droit international) ou, sur le front du Moyen-Orient dans le conflit israélo-palestinien, de l’extermination de Gaza par Israël où prévaut, de la part de l’UE, un abandon total de ces mêmes principes, depuis plusieurs décennies…

B/ Une relation contractuelle dont l’article 2 de l’Accord avec Israël est totalement ignoré

Est-il besoin de le rappeler, l’article 2 de l’Accord entre l’Union européenne et Israël – signé en 1995 et entré en vigueur en 2000 – exige normalement que les relations entre l’Union européenne et Israël reposent sur « le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques« , valeurs guidant tant leur politique intérieure qu’extérieure (sic).

C/ La désinvolture d’Israël

L’article 2 de l’accord précité n’a pas empêché les gouvernements israéliens successifs, notamment celui d’Ariel SHARON (2001-2006) puis celui de Benyamin NETANYAHOU, de s’affranchir de tels engagements, en poursuivant et intensifiant l’appropriation des terres palestiniennes.

Cela n’a pas davantage retenu l’UE d’élargir progressivement cet accord, en intégrant même Israël à plusieurs politiques communautaires. Ainsi l’Etat hébreu est intégré à la politique de voisinage de l’UE, qui vise à assurer de bonnes relations politiques et économiques avec les voisins des États membres.

D/ Un gel des relations insignifiant en 2012 et sans lendemain

Le dialogue politique au niveau ministériel n’a été gelé qu’en 2012 sans que l’accord n’ait jamais été suspendu. Les discussions n’ont guère tardé à être rétablies en 2022, sans que des avancées concrètes aient été observées à cette date et encore moins depuis celle-ci.

Il a fallu attendre le 24 février 2025, pour que les ministres des Affaires étrangères de l’UE rencontrent leur homologue israélien Gideon SA’AR à Bruxelles UE et Israël.

E/ La charge des associations humanitaires et ONG en février 2025

Face à une situation toujours aussi condamnable sur le terrain, de nombreuses associations et ONG comme Human Rights Watch n’ont pas hésité à demander que cet accord soit révisé. Dans une lettre envoyée aux dirigeants de l’UE et de ses États membres le 24 février dernier, 125 organisations de la société civile avaient même exhorté l’UE à axer ses discussions avec Gideon SA’AR sur la possible suspension de l’accord UE-Israël.

Cette demande avait d’ailleurs déjà été lucidement et courageusement formulée un an auparavant par le Premier ministre espagnol, Pedro SÁNCHEZ, et son homologue irlandais, Leo VARADKAR. Dans un courrier adressé à la présidente de la Commission européenne, ils demandaient d’évaluer d’urgence si Israël respectait les obligations en matière de droits de l’Homme prévues dans le cadre de son accord d’association avec l’UE.

F/ Des Ministres des Affaires Etrangères de l’UE réunis en juin 2025 et décidant de ne rien faire…

Le 23 juin 2025, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, réunis en Conseil, ont de nouveau abordé la situation à Gaza, à la suite d’un audit du représentant spécial de l’UE ayant relevé de nombreuses violations du droit international humanitaire, notamment la destruction d’infrastructures médicales, les déplacements forcés de populations et l’expansion des colonies en Cisjordanie. Malgré ces constats, les Vingt-Sept ont adopté une position modérée, appelant Israël à entreprendre des efforts concrets sur le terrain, sans décider de sanctions immédiates.

G/ Les déclarations sidérantes de Kaja KALLAS, Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

L’on se souvient que le 18 juin 2025, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja KALLAS, avait fermement critiqué les opérations militaires d’Israël dans la bande de Gaza, estimant même que l’objectif affiché de Tel-Aviv était de prendre le contrôle total du territoire et de provoquer le déplacement forcé de la population civile et constituait donc une violation manifeste du droit international.

Aujourd’hui, depuis jeudi dernier, l’affichage explicite par le Premier Ministre israélien de prendre le contrôle total de la bande de Gaza ne laisse plus le moindre doute quant aux intentions d’Israël…

Alors, que valent des déclarations aussi anesthésiantes qu’insignifiantes que celles consistant à demander aimablement à Israël de se tenir « sage », sauf à vouloir laisser impunis les crimes de guerre d’Israël ?

« Nous avons examiné aujourd’hui la conformité d’Israël par rapport à l’article 2 de notre accord d’association. Notre premier objectif est de demander [au pays] que la situation sur le terrain change réellement […] Notre intention n’est pas de les punir« , a déclaré en conférence de presse la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja KALLAS.

On croit rêver à lire une telle prose aussi insipide qu’irresponsable ! Un peuple meurt et l’on continue à s’acoquiner avec son bourreau !

De telles déclarations ne risquent pas de faire trembler l’Etat hébreu ni encore moins son Premier Ministre habitués des violations internationales et du droit international humanitaire restés toujours impunis…

Jusqu’à quand ?

Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de Palestiniens, ni à Gaza ni en Cisjordanie, grâce à la complicité objective des USA et au troublant silence (=« feu-vert »?) aussi diplomatique qu’affairiste, de l’Union européenne ???

Louis SAISI,

Paris, le 10 août 2025

NOTES

[1] CIJ = Cour Internationale de Justice, principal organe judiciaire des Nations Unies.

[2] CPI = La Cour pénale internationale est une juridiction internationale reconnue par 124 États parties. Elle est compétente pour juger les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression. Ces crimes doivent être commis par un ressortissant d’un État partie ou sur le territoire d’un État partie (ou d’un État qui a accepté la compétence de la Cour).

[3] Mon Balagan : MonBalagan – 1949 : Israël est admise à l’ONU – résolution n° 273 (texte et débats)

[4] Source précitée, Mon Balagan…

[5] LA CROIX (journal en ligne) : « ONU : depuis 1948, Israël fait peu de cas des résolutions du Conseil de sécurité », 26 mars 2024 (par Vinclane JOLY)

[6] Ibid.

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