Droit du Travail : de l’inconstitutionnalité du référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur, en dehors des syndicats
I/ Vouloir faire du référendum et des accords d’entreprise la nouvelle modalité de la définition des conditions de travail par dérogation à la loi ou à des accords de branches professionnelles entre syndicats des travailleurs et des employeurs risque d’aboutir à l’émiettement du Code du Travail, comme cela a déjà été justement et largement souligné.
Par rapport à ce qu’étaient les grands principes protecteurs de notre droit du travail – qui visaient à compenser et corriger le rapport de subordination du travailleur à son employeur (ce qui est la définition même du contrat de travail), le projet de modification du Code du Travail – porté par le gouvernement MACRON/PHILIPPE – n’est pas une réforme, c’est une contre-révolution dans notre droit du travail car il remet en question ce qu’avait été la révolution progressive et pacifique du Code du Travail par rapport aux principes du Code civil.
En effet, il n’échappe à aucune conscience citoyenne éclairée que cette posture est déjà en soi critiquable du point de vue des effets engendrés quant à l’existence de « droits différents » entre les travailleurs selon l’entreprise où ils exerceront leurs compétences professionnelles.
Jusqu’aux lois REBSAMEN et El KHOMRI, que ce soit par des accords de branches, ou que cela résulte de la volonté d’une entreprise elle-même, les entreprises pouvaient certes être plus généreuses envers leurs salariés par rapport aux dispositions du Code du Travail, mais elles ne pouvaient se montrer plus restrictives, la loi étant le plancher à respecter.
En d’autres termes, la règle sociale était : « Plus, oui ; moins, non ! ». Et parfois, au fil du temps, le « plus » était progressivement étendu, que ce soit par de nouveaux accords de branches ou par la loi elle-même. Il n’est que de se rappeler de l’extension, par la loi, de la 4ème semaine de congés payés qui était déjà pratiquée chez Renault [1]…
II/ Mais cette nouvelle place centrale que le gouvernement veut assigner au contrat par rapport à la loi, constitue, aussi, une remise en question de la place de la loi. Dans notre édifice normatif, c’était la loi qui occupait cette place centrale, depuis 1789. Elle avait un fondement constitutionnel : en effet, la loi, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse, doit être la même et égale pour tous, et elle est l’expression de la volonté générale (article 6, DDHC [2]). Et, loin d’être dogmatique, elle traduit toujours la recherche du compromis qui correspond à l’intérêt général du moment.
À l’inverse, le contrat est le fruit de l’expression de volontés particulières dans la quête de la recherche et de la défense de leurs intérêts respectifs. Certes, d’un point de vue formel, il constitue l’expression de la « liberté » des parties et scelle leur accord, un accord de volontés. Mais cela n’est qu’une vérité apparente et fait fi du contexte économique des rapports sociaux du travail car le contrat, dans son « localisme », obéit à des considérations très contingentes et surtout à des rapports de forces locaux, et donc à des situations inégalitaires quant aux positions respectives des partenaires sociaux.
Dans la conclusion d’un contrat, il n’y a jamais égalité des parties, et c’est celle des parties – qui se trouve, dans la situation du moment, placée dans la situation la meilleure, la plus avantageuse – qui dicte sa « volonté » (= sa propre « loi ») à l’autre partie.
Et ce, même dans les contrats de gré à gré, au sens de l’alinéa 1er de l’article 1110 du Code civil :
« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. »
Mais l’on sait que, de fait, ces contrats de gré à gré sont plus fictifs que réels quant à la force véritable de chacune des deux parties pour négocier le contenu du contrat.
Ainsi, dans le cas du contrat de vente, tout dépend de la situation de celui qui vend et de celui qui achète…
Par exemple, dans le contrat de vente d’un bien immobilier, celui-ci s’acquiert le plus souvent au prix du marché. Dans le marché immobilier, les particuliers désireux de devenir propriétaires d’une maison ou d’un appartement d’habitation doivent le plus souvent s’endetter (obtention d’un prêt à intérêts) pour acheter un bien car leur propre pouvoir d’achat est sans incidence sur les prix pratiqués par le marché de l’immobilier.
L’on sait déjà que dans la vie quotidienne, pour le plus grand nombre de nos concitoyens, la plupart des contrats les plus usuels sont des contrats d’adhésion auxquels, de fait, l’une des parties ne fait que se soumettre à la volonté préconçue et pré-formulée par l’autre partie, composée, le plus souvent, de groupes économiques plus puissants, producteurs de biens, gestionnaires ou, le plus souvent, prestataires d’activités ou de services.
Une telle situation est d’ailleurs reconnue objectivement par l’alinéa 2 de l’article 1110 du code civil qui définit ainsi le contrat d’adhésion :
« Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »
Une partie du contrat d’adhésion est donc soustraite à la négociation des parties du fait de la volonté de l’une d’elles qui en a déjà fixé par avance le contenu.
L’on est toujours libre, certes, de refuser de contracter et de s’obliger. Ainsi, lorsque du côté du plus faible, il y a un refus d’accepter les conditions du plus fort, il n’y a alors, pour lui, pas d’accès aux transports publics, pas d’assurances automobiles, etc.
Il y a là, manifestement, un déséquilibre des parties.
Cette notion de déséquilibre des parties a d’ailleurs été consacrée par le Code civil lui-même, mais elle reste toutefois limitée aux contrats d’adhésion.
En effet, le Code civil, dans son article 1171 – modifié par l’article 2 de l’ordonnance N° 2016-131 du 10 février 2016 – dispose dans son alinéa 1er, que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite », mais c’est aussitôt pour réduire le champ d’application de cette disposition en stipulant dans l’alinéa 2 du même article que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation. », ce qui réduit considérablement la portée de l’alinéa 1er.
Cet article est lui-même dans le prolongement de l’article 1170 du Code civil qui dispose « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. » et codifie la célèbre jurisprudence CHRONOPOST de 1996 (Cass. Com.22 octobre 1996, N° 93-18632) relative aux clauses contredisant l’obligation essentielle du débiteur. Cet article prohibe toute clause ayant pour effet de priver de sa substance une obligation essentielle du débiteur et trouvera notamment à s’appliquer aux clauses limitatives de responsabilité.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a estimé « qu’en statuant ainsi alors que, spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société CHRONOPOST s’était engagée à livrer les plis de la société BANCHEREAU dans un délai déterminé, et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Quant au Code de la consommation lui-même, dans sa volonté louable de protéger le consommateur, il ne change rien à cette réalité socio-économique initiale.
III/ On a prêté au gouvernement Macron/Philippe [3] l’intention de faire figurer dans la loi d’habilitation – qui sera déposée devant le Parlement et devant fixer le cadre de la modification du Code du Travail par voie d’ordonnances – la possibilité de prévoir dans les ordonnances le référendum d’entreprise [4], sur décision de l’employeur, pour promouvoir plus facilement le développement d’accords d’entreprises [5].
Déjà, depuis les lois REBSAMEN et « travail » (EL KHOMRI), aux termes mêmes des dispositions de l’article L2232-12 du Code du Travail, les accords d’entreprises existent aujourd’hui lorsqu’ils ont été conclus par l’employeur et les organisations syndicales représentatives des personnels ayant recueilli plus de 50% au 1er tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.
En revanche, aux termes mêmes du même article, un référendum peut être organisé sur un accord d’entreprise dans le délai d’un mois suivant la signature d’un tel accord lorsqu’il est demandé par une plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.
Mais l’accord des syndicats pour atteindre la majorité absolue des suffrages exprimés est toujours recherché et ce n’est que si 8 jours après la demande, les éventuelles signatures d’autres syndicats n’ont pas permis d’atteindre les 50% que la consultation est alors organisée dans le délai de 2 mois. L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (C. Trav., Art. L 2232-12).
Dans les entreprises de moins de moins de 50 salariés, en l’absence de délégués syndicaux dans celles-ci ou l’établissement, ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans de telles entreprises, les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou à l’instance mentionnée à l’article L. 2391-1 ou, à défaut, les délégués du personnel peuvent négocier, conclure et réviser des accords collectifs de travail s’ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise [6] ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Une même organisation ne peut mandater qu’un seul salarié. (Code du Travail, art. L 2232-21-1), soit par des salariés mandatés par un ou plusieurs syndicats (C. Trav, art. L 2232-27).
Dans l’hypothèse où les entreprises de moins de 50 salariés sont dépourvues de délégué syndical mais pourvues de délégués du personnel n’ayant pas manifesté leur souhait de négocier, à la suite de la procédure définie aux articles L 2232-23-1 ayant donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de carence, un accord d’entreprise peut être négocié et conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel (article L.2232-24 du code du travail) ou, à défaut, avec des salariés élus non mandatés, conformément à l’article L 2232-22.
L’accord signé par un salarié mandaté doit enfin être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans des conditions déterminées par le décret d’application et selon le respect des principes généraux du droit électoral. Il s’agira donc pour l’employeur d’organiser un vote portant sur l’approbation ou non de l’accord conclu avec le salarié mandaté. La sincérité et la régularité du vote devront être garanties, et le résultat constaté par un procès-verbal affiché dans l’entreprise.
Il est un domaine où l’employeur a davantage de latitude par rapport au référendum d’entreprise : il s’agit de celui des accords d’intéressement qui ont un statut spécifique.
Un accord d’intéressement peut en effet être valablement mis en place pour une durée de trois ans à la suite d’une ratification à la majorité des deux tiers du personnel d’un projet d’accord présenté par l’employeur (article L.3312-5 du code du travail).
Il y a lieu toutefois de noter que dans la hiérarchie de leur genèse de tels accords sont d’abord recherchés entre l’employeur et soit les représentants d’organisations syndicales représentatives, soit au sein du Comité d’entreprise, le référendum ne venant qu’ensuite et lorsqu’il existe dans l’entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité d’entreprise, la ratification est demandée conjointement par l’employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.
À l’issue de ce rappel nécessaire des textes actuels, l’on voit mal ce qui pourrait à nouveau être inventé en matière d’accords d’entreprise – lesquels vont déjà assez loin dans la mise en cause de la loi et de sa mission historiquement protectrice des salariés dans les rapports sociaux du travail (cf. supra I et II) -, sauf à vouloir donner un surcroît de pouvoir à l’employeur dans l’entreprise et en considérant que celle-ci est avant tout la propriété exclusive de l’employeur ou des actionnaires dont il est le représentant.
IV/Le recours au référendum sur simple décision unilatérale de l’employeur, et en-dehors des syndicats, marquerait le passage de la négociation collective d’entreprise (qui implique, comme il a été vu, l’intervention des syndicats dans l’entreprise) à un mode de gouvernement de l’entreprise par référendum du seul fait de la volonté de l’employeur.
Ce serait l’équivalent de l’introduction de l’article 11 de notre Constitution du 4 octobre 1958 faisant de l’employeur l’autorité centrale qui apprécierait de la nécessité de changer la donne et les normes du travail – durée du travail, repos et congés payés – applicables au sein de son entreprise, ce qui lui permettrait de passer par-dessus la tête des syndicats et même de gouverner contre eux.
Du point de vue de la philosophie qui serait à la base d’un tel dispositif, l’on peut à bon droit se demander si l’on n’assisterait pas alors à une remise en cause de la fragmentation du droit qui avait donné naissance à des droits particuliers [7] comme le droit du travail pour tenir compte de l’évolution des rapports socio-économiques et de la spécificité d’une telle matière mettant face à face des protagonistes placés dans des situations tellement inégalitaires que la paix sociale commandait nécessairement de les corriger au nom d’une éthique de justice sociale.
La philosophie des lois REBSAMEN, EL KHOMRI et, dans leur continuité, les projets d’ordonnances aujourd’hui en gestation dans les cénacles ministériels sont contraires :
1°) au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (intégré dans notre actuelle Constitution du 4 octobre 1958) faisant des syndicats les défenseurs des « droits » et des « intérêts » des travailleurs (c’est la définition de « l’action syndicale ») ;
2°) à l’alinéa 7 de ce même préambule qui dispose :
« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprise ».
Cette disposition – qui a valeur constitutionnelle – interdit donc par la voie d’une simple loi (une ordonnance a une valeur législative après sa ratification par le Parlement) la mise hors-jeu des syndicats dans tout référendum auquel ils ne seraient pas associés.
V/ L’on pourrait ajouter à ces considérations les droits économiques et sociaux énoncés et reconnus par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 qui vont dans le même sens (voir l’Annexe I ci-dessous).
Certes, objectera-t-on, la portée juridique de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme est faible car elle n’a pas la valeur juridique d’un traité international, avec la dimension contraignante qui s’y attache, et elle ne peut guère être invoquée avec succès devant un juge, et l’on peut le regretter. C’est ainsi que dans un arrêt du 23 novembre 1984 « ROUJANSKY et autres » le Conseil d’État a affirmé qu’elle était dépourvue de valeur normative et donc n’était pas susceptible de mettre en échec une loi française qui lui serait contraire.
Il reste qu’adopté par 50 États sur les 58 États participants au moment de sa gestation (aucun Etat n’ayant voté contre), ce texte conserve sa force morale.
Par ailleurs, de manière à assurer plus efficacement le respect des libertés et droits fondamentaux sur le plan international, il a été décidé de rédiger des déclarations des droits ayant valeur juridique.
Tel est l’objet des deux Pactes adoptés le 16 décembre 1966 : le premier est relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le second concerne les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
Au 16 mars 2016, le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels avait été ratifié par 164 États.
En ce qui concerne la France, ces deux textes sont entrés en vigueur en 1981. Ils ont pour principal intérêt de reprendre, en détail, l’ensemble des libertés et droits évoquées dans la Déclaration universelle de 1948 et de leur conférer ainsi une valeur juridique contraignante.
Le 13 novembre 2014, la France a même ratifié le protocole facultatif [8] se rapportant au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Malheureusement, les travaux préparatoires à cette ratification minimisent la portée juridique du texte au profit de la mise en relief de son caractère symbolique. En effet, la France n’accompagne pas son engagement des déclarations d’acceptation des procédures d’enquête et de communications interétatiques.
Néanmoins, dans l’affaire ROUJANSKY et autres, précitée, du 23 novembre 1984, s’il a refusé d’accorder toute valeur normative à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, en revanche, le Conseil d’Etat a accepté de vérifier que « les dispositions énumérées ci-dessus de la loi du 7 juillet 1977 ne sont contraires à aucune stipulation de ce pacte » (Pacte international sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1966), et notamment aux dispositions des articles 2 et 25 de ce Pacte.
Nous reproduisons donc également dans l’Annexe II ci-dessous quelques extraits du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui a été adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966.
Ce Pacte, entré en vigueur le 3 janvier 1976, conformément aux dispositions de son article 27, est applicable en France depuis 1981.
Louis SAISI
Paris, le 28 juin 2017
NOTES :
[1] L’histoire des congés payés illustrent bien le rôle irremplaçable de la loi. Fixés à quinze jours à l’origine (Front populaire), les congés payés minimum obligatoires se sont allongés au XXe siècle par l’action législative : de deux semaines en 1936, ils passent à 3 semaines en 1956, puis à 4 semaines en 1969 et enfin à 5 semaines en 1982.
Au départ, les premières négociations d’entreprise chez Renault où la CGT, la CFTC et FO, grâce à la mobilisation de la première centrale syndicale de l’époque, obtiennent, en 1955, la 3ème semaine de congés payés, le paiement des jours fériés et une retraite complémentaire, puis la 4ème semaine de congés payés en 1962.
Si les discussions engagées entre le patronat et FO aboutissent à un accord, le 20 mai 1965, généralisant la 4ème semaine de congés payés, les retombées de cet accord seront pourtant très limitées, et il faudra attendre une loi de 1969 pour que la quatrième semaine soit réellement appliquée dans toutes les entreprises. Rappelons qu’avant 1936, le principe des congés payés en France était très limité. Et ce, alors même que plusieurs pays les avaient déjà instaurés. Il en était ainsi en Allemagne dès 1905, en Autriche-Hongrie et dans les pays scandinaves depuis 1910, en Tchécoslovaquie, Pologne, Luxembourg, au début des années 20, puis en Grèce, Roumanie, Espagne, Portugal ainsi qu’au Chili, Mexique, Brésil, entre la fin des années 20 et le début des années 30. Ainsi, dire que le Front Populaire de 1936 octroyant 2 semaines de congés payés caractériserait un certain esprit « jouisseur » qui serait typiquement français et aurait signé le déclin de la France (voire la défaite de 1940, Maréchal PÉTAIN dixit) est démenti par les faits. Cette manière de voir, assez réactionnaire (au sens étymologique), s’est d’ailleurs généralisée, aujourd’hui, à une partie de notre classe politique qui s’ingénie à vouloir analyser les « Trente Glorieuses » (1945-1975) comme une parenthèse dans l’élévation du niveau de vie des classes modestes et moyennes et l’évolution de notre droit l’accompagnant comme étant d’inspiration socialo-collectiviste suspecte et laxiste…
[2] Article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
[3] Bien qu’aux termes même de la Constitution le Président de la République ne soit pas le chef du gouvernement qui est incarné par le Premier Ministre (articles 20 et 21 C). Mais celui-ci est nommé par le Président de la République qui désigne un proche dans cette fonction, comme si elle était déléguée par le Président lui-même.
[4] Voir Le Monde N° 22 532 daté du vendredi 23 juin 2017, notamment supplément Eco & Entreprise, p.3.
[5] En fait, l’information donnée par le journal du soir n’a pu être ni confirmée ni infirmée. En effet, tel qu’il a été rendu public le mercredi 28 juin 2017, après le Conseil des Ministres du même jour, le projet de loi d’habilitation ne contient rien d’éclairant quant au contenu des ordonnances en gestation. Espérons que Madame la Ministre du Travail sera plus loquace lorsqu’elle soumettra au Parlement le projet de loi d’habilitation, sinon cela ressemble à une demande de « chèque en blanc » adressée à l’organe législatif, en l’occurrence dessaisi du processus législatif…
[6] Une fois l’accord conclu avec un ou plusieurs délégués du personnel, celui-ci doit être transmis à la commission paritaire de la branche professionnelle dont relève l’entreprise. Cette commission paritaire peut s’opposer à la validité de l’accord dans un délai de 4 mois. À défaut d’opposition ou de réponse dans le délai de 4 mois, l’accord est réputé avoir été validé.
[7] L’on peut citer, entre autres, le droit administratif, le droit commercial, le droit rural, le droit médical, etc. En réalité, l’évolution du droit – tant critiquée par trop de juristes civilistes puristes, comme Louis JOSSERAND (1868-1941), en tant qu’elle dérogeait au principe civiliste de la force obligatoire des contrats – pouvait être perçue comme une transformation du droit (à l’instar de ce que furent les transformations du droit public analysées par le Doyen L. Duguit), une révolution pacifique engendrée par les nécessités de la vie sociale. En effet, l’intervention de l’Etat dans la sphère contractuelle n’était pas nouvelle, elle s’était seulement intensifiée, le droit glissant constamment du moral vers l’économique, pour prendre en compte les disparités de situations originelles, comme l’atteste la longue histoire du droit du travail.
[8] Le Protocole facultatif relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a été adopté par l’Assemblée Générale de l’ONU le 10 décembre 2008, et a été ouvert à la signature des États le 30 septembre 2009. En février 2013, il atteignait 10 ratifications et entrait conséquemment en vigueur 3 mois plus tard, le 5 mai 2013. En septembre 2015, il comptait 21 États parties.
ANNEXE I : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (extraits relatifs aux droits économiques et sociaux, articles 22 à 27 ) (les passages soulignés l’ont été par nous)
Le 10 décembre 1948, sur les 58 États Membres – qui constituaient alors l’Assemblée générale de l’ONU – 50 Etats ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme, à Paris, au Palais de Chaillot (résolution 217 A (III)).
Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.
Article 23
- Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
- Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
- Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
- Toute personne a le droit de fonder, avec d’autres, des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
Article 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.
Article 25
- Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
- La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.
Article 26
- Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
- L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
- Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.
Article 27
- Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
- Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Annexe II : Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Extraits, articles 6 à 13)
Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966
Entrée en vigueur : le 3 janvier 1976, conformément aux dispositions de l’article 27
Article 6
- Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit.
- Les mesures que chacun des États parties au présent Pacte prendra en vue d’assurer le plein exercice de ce droit doivent inclure l’orientation et la formation techniques et professionnelles, l’élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales.
Article 7
Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment :
a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs :
i) Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune ; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu’eux pour un même travail ;
ii) Une existence décente pour eux et leur famille conformément aux dispositions du présent Pacte ;
b) La sécurité et l’hygiène du travail ;
c) La même possibilité pour tous d’être promus, dans leur travail, à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes ;
d) Le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés.
Article 8
- Les États parties au présent Pacte s’engagent à assurer : a) Le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l’organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui ; b) Le droit qu’ont les syndicats de former des fédérations ou des confédérations nationales et le droit qu’ont celles-ci de former des organisations syndicales internationales ou de s’y affilier ; c) Le droit qu’ont les syndicats d’exercer librement leur activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui ; d) Le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays.
2- Le présent article n’empêche pas de soumettre à des restrictions légales l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique
3- Aucune disposition du présent article ne permet aux États parties à la Convention de 1948 de l’Organisation internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de prendre des mesures législatives portant atteinte — ou d’appliquer la loi de façon à porter atteinte — aux garanties prévues dans ladite convention.
Article 9
Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales.
Article 10
Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent que :
- Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l’élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge. Le mariage doit être librement consenti par les futurs époux.
- Une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants. Les mères salariées doivent bénéficier, pendant cette même période, d’un congé payé ou d’un congé accompagné de prestations de sécurité sociale adéquates.
- Des mesures spéciales de protection et d’assistance doivent être prises en faveur de tous les enfants et adolescents, sans discrimination aucune pour des raisons de filiation ou autres. Les enfants et adolescents doivent être protégés contre l’exploitation économique et sociale. Le fait de les employer à des travaux de nature à compromettre leur moralité ou leur santé, à mettre leur vie en danger ou à nuire à leur développement normal doit être sanctionné par la loi. Les États doivent aussi fixer des limites d’âge au-dessous desquelles l’emploi salarié de la main-d’œuvre enfantine sera interdit et sanctionné par la loi.
Article 11
- Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie.
- Les États parties au présent Pacte, reconnaissant le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim, adopteront, individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets : a) Pour améliorer les méthodes de production, de conservation et de distribution des denrées alimentaires par la pleine utilisation des connaissances techniques et scientifiques, par la diffusion de principes d’éducation nutritionnelle et par le développement ou la réforme des régimes agraires, de manière à assurer au mieux la mise en valeur et l’utilisation des ressources naturelles ; b) Pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins, compte tenu des problèmes qui se posent tant aux pays importateurs qu’aux pays exportateurs de denrées alimentaires.
Article 12
- Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre.
- Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer : a) La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ; b) L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ; c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ; d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie.
Article 13
- Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
- Les États parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice de ce droit : a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous ; b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité ; c) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité ; d) L’éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme ; e) Il faut poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant.
- Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’Etat en matière d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.
- Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l’éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l’Etat.
3 commentaires sur “Droit du Travail : de l’inconstitutionnalité du référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur, en dehors des syndicats”
Je vous remercie.