LES RELATIONS INTERNATIONALES ENTRE L’UNION EUROPEENNE ET LA RUSSIE par Louis SAISI

Les relations internationales entre l’UNION EUROPÉENNE et la RUSSIE par Louis SAISI

Les relations internationales entre l’Union européenne (UE) et la Russie ne sont pas bonnes, c’est le moins qu’on puisse dire…

À la suite d’une série d’évènements et conflits liés à la crise ukrainienne, le Conseil de l’UE avait renforcé le 31 juillet 2014 les sanctions prises à l’égard de la RUSSIE, en adoptant des mesures ciblant la coopération sectorielle et les échanges avec la FÉDÉRATION DE RUSSIE : il s’agissait, entre autres, d’une limitation de l’accès de la Russie aux marchés de capitaux primaires et secondaires de l’UE, d’un embargo sur l’importation et l’exportation d’armes et de matériel connexe. En mars 2015, le Conseil européen lie leur durée à la mise en œuvre des accords de MINSK [1]. Les sanctions furent prolongées en juin 2016.

En représailles, dès 2014, la RUSSIE, à son tour, avait décrété un embargo sur la plupart des produits alimentaires en provenance des pays qui avaient imposé des sanctions à l’encontre de MOSCOU, ainsi que devait le confirmer le Premier ministre russe Dimitri MEDVEDEV le 7 août 2014. « La Russie a complètement interdit l’importation de bœuf, de porc, des fruits et légumes, de volaille, de poisson, de fromage, de lait et de produits laitiers en provenance de l’Union européenne, des États-Unis, de l’Australie, du Canada et de la Norvège », avait déclaré Dimitri MEDVEDEV à l’issue d’une réunion du gouvernement. Cette décision avait fait l’objet d’un décret signé la veille par le président Vladimir POUTINE. Cet embargo était valable pendant un an à compter du 7 août 2014. Or, Selon EUROSTAT [2], les exportations agricoles et agroalimentaires vers la Russie représentaient 10 % du total pour un montant de 12 milliards d’euros par an.

Cela fut le résultat de la politique agressive d’expansion vers l’Est de l’Union européenne dont elle refuse pourtant d’assumer la responsabilité.

Rappelons, en effet, que fin 2013, un accord d’association devait être signé entre l’UE et l’Ukraine. Devant une telle situation qui perturbait les relations de voisinage historiques entre la Russie et l’Ukraine, la Russie s’efforça de faire pression sur KIEV pour faire changer le gouvernement ukrainien d’avis, notamment en restreignant le commerce de certains produits, en revoyant les prix du gaz et en envisageant d’imposer aux citoyens ukrainiens un passeport étranger. MOSCOU craignait en effet que cette union ne se fasse à son détriment (ce qui était l’évidence même), alors que Vladimir POUTINE ambitionnait en même temps un rapprochement de la Russie avec les pays anciennement soviétiques. En novembre 2013, l’Ukraine décida finalement, en raison des pressions russes, de refuser l’accord avec l’Union européenne et de « relance[r] un dialogue actif avec Moscou ». Ce revirement devait entraîner d’importantes manifestations pro-européennes à KIEV rassemblant quelques milliers de personnes occupant la place Maïdan, avec comme mot d’ordre la démission du président Viktor IANOUKOVYTCH qui, le 23 février 2014, fut contraint de fuir en Russie, ce qui permit à l’opposition de prendre le pouvoir. Débuta alors une crise entre l’UKRAINE et la RUSSIE et l’occupation par des troupes pro-russes de la CRIMÉE avec des manifestations dans les villes russophones de l’est de l’Ukraine (telles que DONETSK), la RUSSIE ne reconnaissant pas la légitimité du nouveau gouvernement ukrainien et qualifiant son accession au pouvoir de coup d’État. Alors qu’en principe l’UNION EUROPÉENNE et les ÉTATS-UNIS étaient des parties extérieures à ce conflit, ils prirent fait et cause pour l’UKRAINE et condamnèrent la RUSSIE, l’accusant d’intervenir militairement en CRIMÉE et ordonnant la suspension immédiate des négociations de libéralisation des visas tout en évoquant la possibilité de sanctions économiques (gels d’avoirs).

Assez paradoxalement, en mars 2014, l’Union européenne – qui, pourtant, avait reconnu la destitution d’un gouvernement légal par l’opposition ukrainienne à la suite d’une manifestation populaire – refusa de reconnaître le référendum d’autodétermination de la CRIMEE et son rattachement à la RUSSIE. Or cela fut d’autant plus surprenant de la part de l’Union européenne qu’elle fut plus accommodante et conciliante lorsqu’il s’était agi de l’éclatement de l’ex YOUGOSLAVIE au démantèlement de laquelle elle avait d’ailleurs activement participé entre 1991 et 2008. Mais elle alla plus loin, car le même mois, le Conseil de l’Europe adopta deux vagues de sanctions diplomatiques contre la Russie. Il gela les avoirs et prononça des interdictions de visas à l’encontre de personnalités et d’entreprises russes.

Il n’est guère discutable, si l’on se réfère à la chronologie des évènements ukrainiens que l’Union européenne a contribué à l’allumage de l’étincelle dans sa tentative de séduction de l’Ukraine. Il n’est guère davantage discutable que, dans le domaine des relations internationales, l’Union européenne et l’OTAN développent une entreprise de déstabilisation économique et politique de la zone eurasienne – pourtant bien éloignée des traditionnelles frontières européennes – dominée par la Russie où celle-ci avait noué des rapports ancestraux, à la fois marchands et politiques, avec ses voisins que sont l’UKRAINE et la GÉORGIE.

Certes, la RUSSIE, de son côté, s’efforce de vouloir contrôler une zone qui, pendant longtemps, a été sous son influence, voire son hégémonie, mais outre que la France en fit autant en Afrique noire avec ses anciennes colonies (cf. la politique de « Françafrique« ) , cela ne dédouane pas pour autant l’Union européenne de sa POLITIQUE D’EXPANSION dans cette zone devenue si sensible.

En effet, l’irruption de l’Union européenne et de l’OTAN dans les relations actuelles entre des États souverains voisins n’est pas fondée sur la recherche de la paix ni de l’apaisement des tensions, mais uniquement sur la volonté de tirer, vers l’UE et vers l’OTAN, l’UKRAINE et la GEORGIE, ce qui constitue un anachronisme et une survivance de la période de la guerre froide qu’on croyait pourtant révolue depuis l’effondrement du bloc soviétique. L’intervention de l’Union européenne dans les conflits frontaliers opposant la Russie à l’UKRAINE et à la GEORGIE, dans une posture systématiquement opposée à la Russie, ne peut s’analyser que comme la manifestation d’un certain impérialisme économique et militaire de la part de l’UE et de son allié militaire, les USA, dans le cadre de l’OTAN, dans cette région.

Par ailleurs, la politique européenne d’extension vers l’Est de sa zone d’influence et d’échanges aux pays du partenariat oriental ne peut laisser la Russie indifférente.

L’idée d’un partenariat oriental avait été lancée par la POLOGNE et la SUÈDE. Elle fut reprise lors du sommet européen qui s’est tenu à PRAGUE le 7 mai 2009 où fut lancé le partenariat oriental vers les six pays suivants : BIÉLORUSSIE, MOLDAVIE, UKRAINE, ARMÉNIE, AZERBAÏDJAN, GÉORGIE.

Ces pays sont différents par leur superficie et population (mais c’est le cas aussi des pays du bloc historique de l’Europe), mais surtout par leur situation géographique. Il y a d’une part ceux dits d’Europe orientale comme la BIÉLORUSSIE, la MOLDAVIE et l’UKRAINE, situés entre l’UE et la Russie ; d’autre part ceux du Caucase du Sud comme l’ARMÉNIE, la GÉORGIE et l’AZERBAÏDJAN.

Mais quid des relations de l’UE avec la FÉDÉRATION DE RUSSIE qui ne peut rester les bras croisés devant l’impérialisme de l’UE [3], alors que l’UE avait signé avec la RUSSIE en 1994 un accord de partenariat et de coopération qui était entré en vigueur en 1997 pour une période initiale de dix ans  [4]. L’adoption, en juin 2010, du « Partenariat pour la Modernisation » a constitué la seule véritable avancée issue du Sommet Union européenne-Russie de Rostov-sur-le-Don adopté à cette date. Cette initiative visait notamment à renforcer les partenariats industriels et technologiques entre la Russie et l’Union européenne.

C’est dire que malgré le lancement, en juin 2008, des négociations sur un nouvel accord entre l’Union européenne et la Russie, qui devait remplacer l’actuel accord de 1997-2017 arrivé à son terme, les négociations n’ont guère progressé.

L’Acte final de la Conférence d’HELSINKI sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), signé le 1er août 1975, préconisait la recherche du règlement de tout conflit par la voie pacifique, en développant des accords de coopération entre États égaux et souverains maîtres de leur destin (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec l’Union européenne).

Or l’Union européenne, dans sa logique d’intégration dans son ordre communautaire marchand de tout ce qui est à sa périphérie – politique européenne dite de « voisinage » qui commence par des accords d’association à l’UE avec comme objectif l’intégration au sein de l’UE –  développe une pratique d’expansion quasi illimitée, dans une optique qui est moins celle d’une Europe historique (à supposer qu’il en ait jamais existé une) que de développement de son propre « marché ».

Ainsi, au lieu d’apporter sa médiation entre les protagonistes, dans un souci de paix et de sécurité, l’Union européenne tourne le dos à l’esprit des accords de la Conférence d’HELSINKI.

Louis SAISI

Paris, le 24 juin 2018

NOTES

[1] Le protocole de MINSK fut signé le 5 septembre 2014 dans la capitale de la Biélorussie. Etaient parties à cet accord  les représentants de l’UKRAINE, de la RUSSIE, de la République populaire de DONETSK (DNR) et de la République populaire de LOUGANSK (LNR) pour mettre fin à la guerre en UKRAINE ORIENTALE. Il fut signé après de longues négociations, sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L’accord faisait suite à une série de tentatives pour faire cesser les combats dans la région du DONBASS, en UKRAINE ORIENTALE.  Il s’efforça de mettre en œuvre un cessez-le-feu immédiat. Cependant, l’accord échoua dans son objectif de faire cesser tous les combats dans l’est de l’Ukraine. Moins d’un an plus tard, il fut donc nécessaire d’organiser un autre sommet, toujours à MINSK (on parla alors d’un MINSK II),  le 11 février 2015.  Les dirigeants de l’UKRAINE, de la RUSSIE, de la FRANCE et de l’ALLEMAGNE se  mirent d’accord sur des mesures concernant la guerre du DONBASS. Les négociations, longues et difficiles, aboutirent le 12 février 2015 à l’adoption d’un cessez-le-feu qui devait entrer en application pour le 15 du mois. Il reste que la trêve promise a été violée à de nombreuses reprises. Une nouvelle trêve fut signée le 23 décembre 2016, mais les rebelles prorusses et les Ukrainiens s’accusèrent mutuellement d’avoir déclenché de nouvelles hostilités. Et le conflit n’est toujours pas réglé. Le 26 janvier 2018 le Trésor américain annonçait de nouvelles sanctions contre 21 personnes et neuf entreprises liées au conflit en Ukraine et à l’annexion de la Crimée par Moscou. Les Etats-Unis ont adopté des sanctions de plus en plus sévères contre la Russie. La nouvelle rencontre au sommet du 11 juin 2018 qui s’est déroulé entre PARIS, BERLIN, MOSCOU et KIEV sur le conflit à l’est de l’Ukraine n’a rien résolu. 

[2] EUROSTAT est l’office de statistique de l’Union européenne. Son siège est situé à Luxembourg. Sa mission est de fournir des statistiques de haute qualité pour l’Europe.

[3] Cf Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Ancien ministre : « La Russie, menace ou partenaire stratégique ? », Fondation Charles de Gaulle, http://www.charles-de-gaulle.org/wp-content/uploads/2017/06/Menace-ou-partenaire-strat%C3%A9gique-par-Jean-Pierre-Chev%C3%A8nement.pdf .

Voir aussi Jean-Pierre CHEVÈNEMENT : Arrimer la Russie à l’Europe : « Crise ukrainienne une épreuve de vérité », in Le Monde Diplomatique, juin 2015.

[4] Cf. Sénat, Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, Commission des Affaires européennes, Rapport d’information de M Yves POZZO DI BORGO, sénateur de Paris, Rapport d’information n° 664 (2010-2011).

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