Paul VALERY et la passion méditerranéenne… par Louis SAISI

Ville de Sète

 Paul VALÉRY

et la passion méditerranéenne…

par Louis SAISI

Ci-dessous, Paul VALERY

            (1871-1945)

Les thèmes de la mer, du soleil et de la lumière sont centraux et récurrents dans l’œuvre de Paul VALÉRY (1871-1945) qui a été très marqué par son enfance sétoise.

Son attrait pour la nature n’est pas sans rappeler le même attachement de NIETZSCHE qui prête à ZARATHOUSTRA les paroles suivantes :

« Car la mer veut être baisée et aspirée par le soleil ; elle veut devenir air et hauteur et sentier de lumière, et lumière elle-même !

En vérité, pareil au soleil, j’aime la vie et toutes les mers profondes.

Et ceci est pour moi la connaissance : tout ce qui est profond doit monter — à ma hauteur ! »

Ainsi parlait ZARATHOUSTRA [1].

Son attachement à la Méditerranée et à l’espace méditerranéen, VALÉRY nous l’a puissamment révélé dans Inspirations méditerranéennes, petit Recueil publié en 1933 à l’occasion d’une conférence prononcée le 24 novembre de la même année.

C’est, selon Gabriel FAURE (il ne s’agit pas ici du musicien, et il n’y a pas d’accent sur le « e » de son patronyme), VALÉRY qui, en 1933, inaugura la série de conférences – décidées par les Annales pour permettre aux écrivains de parler d’eux-mêmes et de leurs œuvres – pour « traiter des rapports de sa vie et de sa sensibilité avec cette mer Méditerranée qui n’avait cessé, depuis (son enfance), de (lui) être présente, soit aux yeux, soit à l’esprit » [2].

Gabriel FAURE (1877-1962) qui s’est employé à en restituer la genèse était un poète, écrivain et essayiste très italophile ayant écrit de nombreux ouvrages sur l’Italie ( y compris Venise, Vintimille et Rome). Rien d’étonnant qu’il s’attachât, dès 1954, à analyser les liens de Paul VALERY avec la Méditerranée, comme le fit ensuite, après lui, l’universitaire Patricia SIGNORILE [3].

     Ci-dessous, vue du port de Sète

Dès sa jeunesse, comme on le sait, le goût de VALERY pour la mer l’avait vite porté vers l’idée d’envisager son entrée à l’École Navale, mais, comme il devait l’avouer dans Inspirations méditerranéennes, si, depuis les hauteurs du collège, la contemplation des escadres mouillées au large de Sète avait fait naître chez lui une vocation maritime pour la « glorieuse fonction de l’aspirant de la marine », il en avait été dissuadé par la dure réalité « des figures incorruptibles de la géométrie, les pièges et les énigmes systématiques de l’algèbre, les tristes logarithmes, les sinus et leurs cosinus fraternels » [4]. Il fallait bien en prendre son parti et « se contenter de tristes regards sur le large, ne jouir que des yeux et de l’imagination, et dériver cette passion marine malheureuse vers les lettres ou la peinture [5]… Ces rêveurs se satisfaisaient, poètes ou peintres naissants, des impressions que prodigue la mer si riche en évènements, la mer génératrice de formes et de projets extraordinaires, mère d’Aphrodite et donnant l’âme à tant d’aventures. » [6]. VALÉRY dût renoncer à préparer le concours de l’École Navale pour s’inscrire, une fois bachelier, à la faculté de Droit de Montpellier, en 1889, dont il sortit licencié le 28 juillet 1892 [7].

Si à partir de 1894, il délaissa sa ville natale [8] pour Paris, pendant toute sa vie d’écrivain il ne manqua pas une occasion de séjourner longuement et régulièrement sur la côte d’Azur. Le poète entreprit également quelques traversées maritimes en direction des grandes villes portuaires de la Méditerranée (Gênes notamment) puis, un peu plus tardivement, il participa à quelques croisières dont celle de 1929 qui, comme on l’ignore parfois, devait le conduire à visiter des villes corses notoires (mais nous y reviendrons bientôt dans un autre article consacré, cette fois, à sa « corsitude »).

De cette mer Méditerranée qui lui était chère, on en retrouve la trace, dans les années 20, dans Le Cimetière marin (1920) et dans d’autres poèmes comme Charmes (1922) ou encore dans Regards sur la mer, mais aussi dans d’autres textes, et, bien sûr, dans les Cahiers [9].

Son recueil de poèmes Charmes est rempli de références à l’Antiquité hellénique : « Parque, Pythie, Narcisse, sylphes, dryades et nymphes, Érechthéion d’Athènes » s’y disputent les meilleures places dans le cœur du poète…

C’est qu’en effet cette Méditerranée, loin d’être lointaine et vague, est très présente et se situe au cœur même de l’histoire intime de VALÉRY.

 

 

I/ Le cimetière marin

Ci-dessous, le cimetière marin de Sète

Le poème « Le cimetière marin », publié en 1920 [10] chez l’éditeur Émile-Paul Frères, puis incorporé dans Charmes (1922) est sans doute le plus célèbre de VALÉRY qui en avait commencé la rédaction au moment où il travaillait également à La Jeune Parque (1917).

Les deux textes du Cimetière et de Parque ont en commun les rapports entre la conscience et le corps et, bien sûr, la présence de la mer.

« Le cimetière marin » est le « grand poème » [11] de VALERY ; pour certains « le plus beau poème… et un des plus beaux de notre poésie » [12]. On peut ajouter le plus célèbre aussi, et enfin le plus souvent cité.

Son retentissement fut tel qu’il fit l’objet de nombreuses études, analyses et exégèses dont celle, substantielle et la plus connue, de l’universitaire Gustave COHEN intitulée Essai d’explication du « Cimetière marin », qui a été préfacée par VALERY lui-même. L’on dit même qu’avant sa publication dans la Nouvelle Revue française de mars 1933, Paul VALERY eut l’occasion d’assister en Sorbonne à l’explication de son texte devant des étudiants par le professeur COHEN. VALERY fut à la fois intéressé et déçu par l’explication et, dans sa préface à l’ouvrage publié qu’il avait intitulée « A propos du cimetière marin » [13], il conclut en ces termes : « Il n’y a pas de vrai sens d’un texte. Pas d’autorité de l’auteur. Quoi qu’il ait voulu dire, il a écrit ce qu’il a écrit. Une fois publié, un texte est comme un appareil dont chacun peut se servir à sa guise et selon ses moyens ; il n’est pas sûr que le constructeur en use mieux qu’un autre. Du reste, s’il sait bien ce qu’il voulait faire, cette connaissance trouble toujours en lui la perception de ce qu’il a fait. » [14]

Ci-dessous, PINDARE

célèbre poète lyrique grec

     (518-438 Av. JCh)

Le cimetière se présente comme une méditation métaphysique sur la vie et la mort en 24 strophes de six vers (sizains). Dans sa publication de 1920, VALERY l’avait fait précéder d’une épigraphe empruntée aux Pythiques de PINDARE [15] et figurant en grec ancien :

« Μή, φίλα ψυχά, βίον ἀθάνατον σπεῦδε, τὰν δ’ ἔμπρακτον ἄντλεῖ μαχανάν. »

Pindare, Pythiques, III, vers 61 et 62.

La traduction n’ayant pas été donnée par VALÉRY lui-même, celle la plus communément admise en France est, semble-t-il, la suivante :

« O mon âme, n’aspire pas à la vie immortelle, mais épuise le champ du possible. » [16]

 

Paul VALERY s’affirme dans cette œuvre comme un poète symboliste de la première moitié du 20e siècle, se rattachant aux poètes VERLAINE, RIMBAUD et MALLARMÉ qui furent les pionniers de ce courant poétique.

Pour ces poètes et intellectuels, le monde n’est qu’un ensemble de symboles et la mission du poète consiste à les décrypter.

Le cimetière de Sète, situé tout près de sa ville natale et surplombant la mer constitue le prétexte idéal pour développer une réflexion sur la mort et la déchéance du corps humain.

D’entrée de jeu, dans les premières strophes, le ton est donné par une image allégorique d’une nature marine :

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,

Entre les pins palpite, entre les tombes ; »

Midi le juste y compose de feux

La mer, la mer, toujours recommencée

Ô récompense après une pensée

Qu’un long regard sur le calme des dieux !

 

Quel pur travail de fins éclairs consume

Maint diamant d’imperceptible écume,

Et quelle paix semble se concevoir !

Quand sur l’abîme un soleil se repose,

Ouvrages purs d’une éternelle cause,

Le Temps scintille et le Songe est savoir.

 

Stable trésor, temple simple à Minerve,

Masse de calme, et visible réserve,

Eau sourcilleuse, œil qui gardes en toi

Tant de sommeil sous un voile de flamme,

Ô mon silence… ! Édifice dans l’âme,

Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit !

 

Temple du Temps, qu’un seul soupir résume,

À ce point pur je monte et m’accoutume,

Tout entouré de mon regard marin ;

Et comme aux dieux mon offrande suprême,

La scintillation sereine sème

Sur l’altitude un dédain souverain.

 

Ci-dessous, les « colombes » (barques)

du poème du Cimetière marin

chères au cœur de Valéry

Les petites barques, équipées de leurs voiles blanches, qui surgissent, telles des colombes marchant sur les vagues, incarnent le mouvement de la vie, de même que les pins et la mer dans la lumière du soleil. À l’opposé, les « tombes » symbolisent la mort inévitable.

La substance de son poème, les sources spirituelles du cimetière marin, VALERY les a trouvées sur les lieux de son enfance dans le port de Sète, comme il le rapporte dans sa magnifique conférence Inspirations méditerranéennes prononcée le 24 novembre 1933.

La lumière, VALERY, en a fait un « personnage » [17] sur « la scène de théâtre » [18] que constituent les grands ports de la Méditerranée (Gênes, Marseille ou Naples), avec « les profils de la terre et la perspective des eaux » [19].

Dans un poème « Nage » – inséré dans Inspirations méditerranéennes-, il a chanté la mer, cette « eau universelle » [20] avec laquelle, le jeune nageur qu’il fut, entretint un rapport fusionnel. S’il ne connaissait rien à la terre, à ses moissons, aux vendanges ni aux Géorgiques de Virgile, nous dit-il, en revanche, il aimait « se jeter dans la masse…, se retourner dans cette pure et profonde substance… Ici, tout le corps se donne, se reprend, se conçoit, se dépense et veut épuiser tous ses possibles. Il la brasse, il la veut saisir, étreindre, il devient fou de vie et de sa libre mobilité, il l’aime, il la possède, il engendre avec elle mile étranges idées. Par elle, je suis l’homme que je veux être. Mon corps devient l’instrument direct de l’esprit, et cependant l’auteur de toutes ces idées. » [21]

Dans cette fusion de son corps et de son âme avec l’eau et son cœur embrasé de l’incandescence de la lumière, VALERY s’enhardit dans ses confidences pour, selon sa propre expression, en élever « le ton » [22]. Écoutons-le :

« Le port, les navires, les poissons, la nage, ce n’était qu’une manière de prélude. Il me faut essayer, maintenant, de vous montrer une action plus profonde de la mer natale sur mon esprit… [23]

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« Certainement, rien ne m’a plus formé, plus imprégné, mieux instruit – ou construit – que ces heures dérobées à l’étude, distraites en apparence, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil. Je retrouvais, sans le savoir, je ne sais quels étonnements et quelles exaltations de primitif. Je ne vois pas quel livre peut valoir, quel auteur peut édifier en nous ces états de stupeur féconde, de contemplation et de communion que j’ai connus dans mes premières années. » [24]

Ainsi, dans ses Inspirations méditerranéennes (1933), VALÉRY rappelle l’importance des sensations primordiales dans la manière d’être et de sentir. Son ami, Valéry LARBAUD, n’hésite pas à saluer éloquemment en lui un « grand interprète lyrique » de cette nature, et aussi capable de produire sur ses lecteurs « une sorte de communion dans la vie, la clarté, la beauté ».

Paul VALÉRY a lui-même souligné, avec peut-être une volonté de paradoxe, que Le cimetière marin était le seul parmi ses poèmes comportant des souvenirs de choses vues : le cimetière de Sète. À la mort de Paul VALÉRY, le cimetière Saint-Charles fut rebaptisé « Cimetière marin » et il y fut enterré.

II/ Valéry et la création du Centre universitaire méditerranéen

                            Ci-dessous,

le Centre universitaire méditerranéen de Nice

En 1933, le Centre universitaire méditerranéen (CUM) est créé à Nice sous la double direction de l’académicien Paul VALÉRY [25], son administrateur, et de Maurice MIGNON, son directeur, agrégé d’italien.

Dans le courant du mois de juillet, la nomination de Paul Valéry pour un mandat de trois ans renouvelables est acquise. L’Académicien présente alors son projet d’organisation du Centre Universitaire Méditerranéen daté du 14 juillet 1933 et c’est le 21 juillet qu’Anatole de MONZIE, alors Ministre d l’Éducation nationale [26], signe son arrêté de nomination.

Peu après sa nomination officielle comme administrateur du CUM, le 23 juillet 1933, lors du 3e Conseil de Perfectionnement du CUM, Paul Valéry lit son projet, notamment les passages suivants :

« (…) Il est à souhaiter pour la gloire de Nice et de la Nation, que notre Centre se manifeste et s’impose, quelque jour, comme le lieu d’élaboration d’une connaissance méditerranéenne, le point où se forme une conscience de plus en plus nette et complète de la fonction de cette mer privilégiée dans le développement des idéaux et des ressources de l’homme (…) »

Malgré la forte implication de MIGNON et VALÉRY, les débuts du démarrage du CUM ne furent pas un long fleuve tranquille…. Sans doute Jean MÉDECIN, le maire de Nice, en avait-il trop circonscrit sa géographie intellectuelle lorsqu’il avait exprimé devant son conseil municipal sa volonté de faire de Nice « le foyer du rayonnement de l’esprit latin » [27].

Il nous semble, modestement quant à nous, que l’évolution du projet doit être analysée dans le contexte institutionnel de l’époque et aussi celui de crise (montée des tensions en Europe). Déjà, sous l’angle institutionnel, le projet a souffert, au sommet de l’Etat, d’une implication qui ne fut pas constante ni encore moins suivie.

En effet, porteur du projet avec Jean MEDECIN, Anatole De MONZIE fut Ministre de l’Éducation nationale un peu moins de 2 ans, du 3 juin 1932 au 29 janvier 1934 dans les gouvernements suivants : troisième gouvernement d’Édouard Herriot, gouvernement de Joseph Paul-Boncour, premier gouvernement d’Édouard Daladier, premier gouvernement d’Albert Sarraut, deuxième gouvernement de Camille Chautemps.

Et, surtout, il ne fut guère longtemps en place après la création du CUM, le 14 juillet 1933. Et encore son activité ministérielle au poste de Ministre de l’Éducation nationale peut-elle être considérée sous la 3ème République comme étant d’une exceptionnelle longévité car, après lui, du 30 janvier 1934 au 4 juin 1936 se succédèrent pas moins de six ministres de l’Éducation nationale. Ensuite, Jean ZAY fut le seul Ministre de l’Éducation nationale qui, avec l’arrivée du Front populaire, connut une exceptionnelle longévité (mai 1936-avril 1938). Cependant, Jean ZAY, comme Ministre de l’Éducation nationale, conserva son poste jusqu’au 10 septembre 1939. Après le 10 septembre 1939 jusqu’à la crise du 16 juin 1940 [28] se succédèrent trois ministres de l’Éducation nationale.

Côté niçois, selon Jérémie DUBOIS, Jean MÉDECIN insistait surtout sur la nécessité de développer l’offre intellectuelle de sa ville pour en renforcer l’attractivité économique et touristique [29].

Mais le lien qu’il voulait établir avec l’Italie, alors fasciste, fut difficile compte tenu du contexte politique de la période.

De manière générale, les dirigeants du CUM rencontrèrent des difficultés à obtenir des gouvernements étrangers qu’ils financent des chaires représentatives de leur langue au sein du Centre.

La première chaire étrangère qu’ils obtinrent d’un gouvernement étranger fut la chaire roumaine qui fut annoncée par Paul VALERY le 7 décembre 1935. Fondée par le gouvernement de BUCAREST, elle s’intitulait chaire Mihai EMINESCU et fut inaugurée le 7 janvier 1937 par la poétesse Hélène VACARESCO.

La chaire d’italien fut créée un peu plus tard le 22 février 1938 et, présentée comme une « chaire italienne Giacomo Leopardi [30] » (voir ci-contre le portrait de l’éminent poète, écrivain et philosophe), elle fut inaugurée par une conférence sur le poète italien du premier tiers du 19ème siècle par Massimo BONTEMPELLI, membre de l’Académie Royale d’Italie. Mais par la suite, les multiples pressions de Maurice MIGNON ne permirent pas la venue d’éminents universitaires italiens, et le Centre dut se contenter du choix par les autorités italiennes de représentants mineurs de l’intelligentsia du pays.

Paul VALÉRY avait écrit en 1933 : « Le Centre Universitaire Méditerranéen est une institution sans modèle, sans exemple et il peut, par conséquent, se créer à lui-même sa valeur propre”.

L’on peut regretter peut-être, avec Jérémie DUBOIS [31], que le CUM, au cours de la période 1933/1940 ait trop focalisé en misant sur sa latinité, avec des relations privilégiées avec l’Italie (surtout dans le contexte de la période) au détriment d’un rayonnement qui eut pu s’étendre sur l’autre rive de la Méditerranée, au Proche Orient et à l’Afrique du Nord.

En effet, le Centre Universitaire méditerranéen n’a pas connu, en son temps, le développement que l’on aurait pu en attendre. Il aurait pu contribuer, notamment, à lutter contre la caricature de l’antique Mare Nostrum accaparée par Mussolini sur des fondements colonialistes, impérialistes et racistes, qui ne focalise que sur les aspects clinquants et fastes du « décorum romain ». Or, pour VALÉRY, la Méditerranée, berceau de la civilisation occidentale, impliquait l’idée de ne pas cantonner la France dans un face à face avec la seule Italie, mais de « placer dans l’Europe tout le littoral de la Méditerranée » [32].

III/ La représentation de la Méditerranée chez Paul VALÉRY

La Méditerranée est d’abord au cœur de la figure humaniste héritée des grecs anciens pour cheminer vers un « MOI universel » (A). Mais elle est aussi, pour VALERY,  une machine à fabriquer de la civilisation (B).

A/ L’homme est la mesure des choses : une parole essentiellement méditerranéenne

Ci-dessous, PROTAGORAS, philosophe grec

                (486-410 avt  JCh)

Rappelant volontiers la parole de PROTAGORAS [33] selon laquelle « l’homme est la mesure des choses » [34], VALERY nous restitue la manière dont il est parvenu, à partir de ses propres sensations et dans la contemplation du paysage méditerranéen, à adhérer à cette affirmation du philosophe antique :

« Mieux que toute lecture, mieux que les poètes, mieux que les philosophes, certains regards sans pensée définie ni définissable, certains arrêts sur les purs éléments du jour, sur les objets les plus vastes, les plus simples, le plus puissamment simples et sensibles de notre sphère d’existence, l’habitude qu’ils nous imposent de rapporter inconsciemment tout évènement, tout être, toute expression, tout détail, – aux plus grandes choses visibles et aux plus stables, – nous façonnent, nous accoutument, nous induisent à ressentir sans effort et sans réflexion la véritable proportion de notre nature, à trouver en nous, sans difficulté, le passage de notre degré le plus élevé, qui est aussi le plus « humain ». Nous possédons, en quelque sorte, une mesure de toutes choses et de nous-mêmes. La parole de Protagoras, que l’homme est la mesure des choses, est une parole caractéristique, essentiellement méditerranéenne(les italiques en gras sont de VALERY, la mise en gras qui suit est de nous, LS).

Que veut-il dire ? Qu’est-ce que mesurer ?

N’est-ce point substituer à l’objet que nous mesurons le symbole d’un acte humain dont la simple répétition épuise son objet ? Dire que l’homme est la mesure des choses, c’est donc opposer à la diversité du monde l’ensemble ou le groupe des pouvoirs humains ; c’est opposer aussi à la diversité de nos instants, à la mobilité de nos impressions, et même à la particularité de notre individu, de notre personne singulière et comme spécialisée, cantonnée dans une vie locale et fragmentaire, un MOI qui la résume, la domine, la contient, comme la loi contient le cas particulier, comme le sentiment de notre force contient tous les actes qui nous sont possibles.

Nous nous sentons ce moi universel, qui n’est point notre personne accidentelle, déterminée par la coïncidence d’une quantité infinie de conditions et de hasards, car (entre nous) que de choses en nous semblent avoir été tirées au sort !… Mais nous sentons, vous dis-je, quand nous méritons de la sentir, ce MOI universel qui n’a point de nom, point d’histoire, et pour lequel notre vie observable, notre vie reçue et conduite ou subie par nous n’est que l’une des innombrables que ce moi identique eût pu épouser… » [35]

Certes VALERY s’abstint-il de pousser plus avant son propos, mais déjà, de son propre aveu, s’étant « laissé entraîner » [36] à faire une incursion dans le domaine de la philosophie – qui n’était pas sa partie et qui ne lui était pas davantage familier -, on ne saurait lui tenir rigueur de s’être limité à avoir voulu montrer seulement comment, sous le ciel méditerranéen, l’on passe naturellement du monde sensible à celui des idées les plus élevées (ce qui explique la longue citation que nous avons faite car elle nous paraît exemplaire quant au caractère pédagogique de l’exercice entrepris par le poète).

En guise d’excuse, il nous dit aussitôt humblement : « Si je me suis laissé entraîner, c’est qu’un regard sur la mer, c’est un regard sur le possible… Mais un regard sur le possible, si ce n’est pas encore de la philosophie, c’est sans doute un germe de philosophie, de la philosophie à l’état naissant »[37].

Mais la Méditerranée est aussi, pour VALÉRY, qui connaît la profondeur de l’histoire, un espace où ont pris corps les plus grandes réussites de l’esprit humain.

B/ La Méditerranée, « machine à fabriquer de la civilisation »

Dans sa très riche et lumineuse conférence Inspirations méditerranéennes, en guise de conclusion à ce qu’il a appelé « son expérience méditerranéenne », VALERY se plaît à évoquer le rôle que la Méditerranée a joué « dans la constitution de l’esprit européen, ou de l’Europe historique, en tant que l’Europe et son esprit ont modifié le monde humain. »[38]

Dans son approche, lyrique et laudative, de la Méditerranée, VALERY se place dans les pas du célèbre et éminent géographe que fut Élisée RECLUS (1830-1905).

La Géographie universelle d’Élisée RECLUS est publiée entre 1876 et 1895. C’est dans le volume sur l’Europe méridionale que l’on trouve un admirable chapitre consacré à la Méditerranée, et c’est le premier paru en 1876, soit sept ans après l’ouverture du canal de Suez.

 

 

Ci-dessous Elisée RECLUS

     éminent géographe

           (1830-1905)

RECLUS, comme on le sait, développait sa vision de géographe dans une perspective historique qui l’avait conduit à voir dans la Méditerranée un espace dans lequel des centres de civilisation successives s’étaient épanouies, des Égyptiens aux Romains, en passant par les Phéniciens puis les Grecs. Partant de la rive Sud, passant par la rive orientale, remontant au Nord, puis vers l’occident, les centres de civilisation dessinent un cercle qui trouve son apogée en Europe, et notamment en France. Les progrès des technologies maritimes, la fin de la piraterie, la paix avec le Royaume-Uni, font de la Méditerranée un espace en voie de pacification au 19ème siècle. Elle est la mer porteuse de richesse, de progrès, de développement. Elle est même personnifiée car « entrelacs d’iles, presqu’îles, péninsules », celles-ci sont « semblables aux replis du cerveau humain ». RECLUS, dans sa fascination, va jusqu’à la présenter comme un « grand agent médiateur sans lequel, nous tous, occidentaux, nous serions restés dans la Barbarie primitive. » Mais, surtout, pour RECLUS, la Méditerranée fut un lieu primordial non seulement pour l’Europe, mais pour le monde entier en tant qu’il a été le réceptacle de la diffusion de la civilisation européenne.

Quant à VALERY, comme l’avait fait Élisée RECLUS avant lui, il sut mettre en avant la fonction de trait d’union de la Méditerranée, entre les trois masses continentales de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, ces « « trois parties du monde », c’est-à-dire trois mondes fort dissemblables (qui) bordent ce vaste lac salé » [39].

Ci-dessous, scène de la vie romaine autour

                 du droit  et de la loi

Pour le poète, c’est sur les rivages de la Méditerranée qu’est née : « l’édification de la personnalité humaine » ; « l’homme élément politique membre de la cité » ; « l’homme entité juridique définie par le droit » ; « l’homme égal à l’homme devant Dieu… ».

C’est encore là qu’a été inventée la distinction des « lois naturelles… des lois civiles ».

C’est là aussi qu’est né le culte de « la puissance de la parole, consciemment disciplinée et dirigée… pleinement et utilement développée » au service de la « logique », « de la découverte de vérités abstraites … (comme) la géométrie ou celui des relations qui permettent la justice ; ou bien maîtresse du forum, moyen politique essentiel, instrument régulier de l’acquisition ou de la conservation du pouvoir » [40].

Même si, comme le souligne lui-même VALERY, tous les facteurs essentiels de l’éclosion de la civilisation européenne étaient posés sur les rivages de la Méditerranée, la force de cet ensemble géographique et culturel est qu’à partir de « circonstances locales » il ait pu essaimer dans le monde et porter un message dont les effets sont « d’intérêt et de valeur universels »[41].

Et le poète du Cimetière marin ne cesse de clamer combien est admirable le fait civilisationnel méditerranéen :

« Jamais, et nulle part, dans une aire aussi restreinte et dans un intervalle de temps si bref, une telle fermentation des esprits, une telle production de richesse n’a pu être observée. C’est pourquoi et par quoi s’est imposé à nous l’idée de concevoir l’étude de la Méditerranée comme l’étude d’un dispositif, j’allais dire d’une machine à faire de la civilisation. [42]» (souligné par nous, LS)

En guise de brève conclusion…

L’éclairage de Paul VALERY sur l’espace méditerranéen mériterait certes, nous dira-t-on, d’être revisité, aujourd’hui, à la faveur des évènements et des zones de tensions et de conflits qui traversent cet espace devenu très sensible et mouvant ces dernières décennies. Et Il serait dès lors incontestablement utile et nécessaire de reprendre l’ensemble de la question de l’espace méditerranéen dans une perspective géopolitique actualisée.

La fin de la guerre froide (1989) et la « première guerre du Golfe » (1990/1991) ont débouché sur la mise en place de nouveaux cadres coopératifs multilatéraux dans l’espace méditerranéen auxquels la France a participé dans leur énonciation et leur mise en œuvre.

D’autre part, la fracture méditerranéenne entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée tend à s’aggraver, à la fois en termes économiques et politiques : à l’évidence, les mécanismes de coopération existants, notamment le processus de Barcelone initié en novembre 1995 par le Président CHIRAC – pour un partenariat euro-méditerranéen dans les domaines de la sécurité, du développement et de la culture entre l’Union européenne et dix États riverains de la mer Méditerranée : l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité palestinienne – n’ont pas eu de résultats à la mesure de leurs ambitions.

Quant à l’Union pour la Méditerranée (UpM), créée le 13 juillet 2008, lors du Sommet de Paris pour la Méditerranée, elle n’a pas véritablement pris son essor faute d’avoir rassemblé, au niveau européen, un nombre suffisant d’États convaincus de la pertinence et de l’utilité du projet initié par la France par rapport à leurs propres intérêts.

Mais force est de constater qu’une telle analyse de ces cadres institutionnels et jeux d’alliance constitue un autre sujet qui, pour aussi intéressant et crucial qu’il soit, dans la configuration des composantes politiques et culturelles du monde méditerranéen, nous conduirait à de nouveaux développements inévitablement abondants, alors que notre propos s’est voulu centré sur Paul VALERY et sa propre vision de la Méditerranée.

Chez VALÉRY, comme on l’a vu, la Méditerranée, est identifiée à un espace singulier porteur d’une dynamique créatrice qui s’appelle « la civilisation ». En cela, elle est comparable à une machine qui serait une matrice fondatrice de civilisation, notamment dans ce que fut cet espace d’émergence de religions monothéistes, des Sciences, de la Philosophie, du Politique, du Droit, de la Parole et des Arts, etc.

Même si l’apport fécond de Paul VALÉRY dans la célébration de la Méditerranée n’échappe pas à une part d’idéologie, il invite à la renaissance d’une civilisation méditerranéenne dont les racines, loin d’être exclusivement judéo-chrétiennes, sont au contraire multiples : carthaginoises, grecques, romaines, juives, chrétiennes, islamiques.

Son analyse pénétrante de l’espace méditerranéen mérite donc encore, aujourd’hui, d’être connue et largement diffusée car ce n’est pas tant sa diversité qui le caractérise mais la similitude. L’on a opposé, trop longtemps, un Occident uni autour de racines culturelles et religieuses qualifiées souvent de « judéo-chrétiennes » – l’on se souvient que l’une des questions clivantes soulevées par le projet de Constitution européenne concernait le point de savoir si la constitution de l’Europe devait reprendre cet archétype à son compte [43] – à un « Orient arabo-musulman ». En réalité, cette tradition judéo-chrétienne caractérisant l’Occident fait partie de l’imaginaire collectif de l’Occident, de même que l’hostilité, supposée millénaire, entre l’Orient et l’Occident. Or, comme l’a très bien développé VALÉRY, il existe un patrimoine commun hellénistique, byzantin, romain et des influences indéniables de transfert de connaissances sur la rive nord comme sur la rive sud de la Méditerranée.

Quant à la « fracture » entre l’Occident et l’Orient – revenu sur le devant de la scène politique sur fond de lutte anxiogène contre le terrorisme -, comme l’a montré Georges CORM [44], dans la lignée de VALÉRY, il s’agit d’une « fracture imaginaire ». C’est à partir du XIX° siècle que se sont imposés les clichés d’un Orient archaïque et irrationnel par opposition à un Occident matérialiste, rationaliste et individualiste, ce qui tarit dès lors toute pensée critique.

Les clichés et préjugés ont parfois la vie dure, et c’est déjà une bonne chose que les réflexions de VALÉRY sur la Méditerranée, dans un souci humaniste de concorde universelle, de fraternité et de paix, aient pu en démystifier un certain nombre.

En cette triste et sinistre année 2020 finissante, il est encore temps, pour nous, de rappeler qu’elle fut et qu’elle est, pour quelques jours encore, le centième anniversaire de la publication du Cimetière marin. C’est l’occasion d’exprimer à son illustre auteur notre gratitude et notre chaleureuse émotion pour nous avoir donné ce poème ainsi que ses Inspirations méditerranéennes nous ramenant à cette Méditerranée qui fut le berceau de son enfance où naquit son plus beau poème en même temps qu’elle fut cette « folie de lumière » [45] qui éclaira une bonne partie de son œuvre.

Louis SAISI

Paris, le 15 décembre 2020

NOTES

[1] Ainsi parlait Zarathoustra est un poème philosophique de Friedrich NIETZSCHE, publié entre 1883 et 1885.

[2] Gabriel FAURE, Paul Valéry Méditerranéen, Ed. Horizons de France, Paris, 1954, p. 105.

[3] Patricia SIGNORILE :« Paul Valéry et la Méditerranée : de la genèse personnelle à « la machine à civilisation » HAL, Archives ouvertes, janvier 2009 ; voir aussi du même auteur les contributions dans les ouvrages suivants : Valéry et la Méditerranée (direction), Aix-en-Provence, Édisud, 2006, 190 p. ; Regards sur Paul Valéry (chapitre d’un ouvrage collectif recensant les Actes des « Journées Paul Valéry »), 2011, Fata Morgana, 2012.

[4] Cf. Inspirations méditerranéennes, Ed. Fata Morgana, 2020, Musée Paul Valéry, p. 16.

[5] On connaît le goût de Valéry pour la peinture qui le fit côtoyer de nombreux peintres en vue de son époque. Parmi les peintres du « cercle familial », après l’installation de Paul Valéry à Paris, en 1894, l’on peut citer le collectionneur et peintre Henri ROUART et ses liens avec la famille de Berthe MORISOT. La peinture devient en quelque sorte une affaire de famille puisque Paul se marie en 1900 avec Jeannie GOBILLARD, nièce de Berthe et que, le même jour Julie MANET (fille de Berthe et nièce d’Edouard MANET) épouse Ernest ROUART (fils d’Henri). Ce cercle habite dans un immeuble au 40 de la rue de Villejust (devenue rue Paul Valéry), un lieu où les murs sont abondamment garnis de toiles et d’œuvres de divers artistes mais principalement de Berthe MORISOT (« Sur le Lac » étant l’une de ses toiles les plus connues, citée, le plus souvent, pour la clarté du coloris et la vivacité de la touche. Un second cercle est constitué par celui qui a été appelé le « cercle amical proche » qui se constitua lorsque Paul Valéry devenu célèbre, se mit à fréquenter les salons parisiens. C’est ainsi que Jacques-Émile BLANCHE fit de lui plusieurs portraits, l’artiste nous le montrant, par exemple, en tant que penseur. Les peintres Maurice DENIS pratiquant des couleurs affirmées, Auguste RENOIR qui brossa, en 1892, le portrait de Stéphane MALLARMÉ., Edgar DEGAS, auquel VALERY consacra une étude « Degas, Danse, Dessin » et qui réalisa un grand pastel de nu féminin, Claude MONET, enfin, avec ses nymphéas et une vue de Venise. L’on peut citer encore parmi les peintres seulement « fréquentés », Pierre BONNARD, Albert MARQUET ou encore Edouard VUILLARD. Et bien que Paul VALÉRY, attaché à une tradition plus classique, ait reconnu lui-même qu’il avait beaucoup de mal à adhérer à leur modernité, deux très grands noms figurent également parmi ses fréquentations : il s’agit d’une part de Pablo PICASSO (Guitare sur un tapis rouge) ; d’autre part d’Henri MATISSE (La leçon de piano). Paul VALERY confessa avoir éprouvé des émotions artistiques fortes devant certaines toiles, comme celles, entre autres, de « La Fileuse » de Gustave COURBET, et, en général, devant l’œuvre plus onirique de Gustave MOREAU très représentatif du courant symboliste. VALÉRY s’essaya lui-même à la peinture. Dès son jeune âge à Sète, il aimait dessiner, puis s’adonna aussi à la peinture, notamment l’aquarelle, la gouache ou l’encre de Chine. Ainsi tout au long de sa vie, il cultiva cette sensibilité, ce qui ne l’empêchait pas de rester toujours modeste, car, lucide, il avait coutume de dire : « Peindre ne signifie pas être peintre » …

[6] Ibid, pp. 16-17.

[7] Paul VALÉRY, Œuvres, tome 1, NRF, Librairie Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1957, 1807 pages, édition de Jean HYTIER (2 tomes), introduction bibliographique par Agathe ROUART-VALERY, pp. 11-72, notamment p. .19. Le décret et la circulaire du 24 juillet 1889, relatifs au programme de licence en droit, précisaient qu’elle s’effectuait en trois ans.

[8] Il reviendra à Sète, le 13 juillet 1935, quand, répondant à l’invitation de ses amis locaux, après avoir été reçu en Mairie, il gagna le Collège où il fit toutes ses études. En costume d’académicien, le poète fut accueilli par les élèves et leurs professeurs dans la grande cour du Bahut où, il prononça un discours, rappelant sa jeunesse et vantant l’importance des études littéraires.

[9] En 1894, le premier cahier, intitulé Journal de bord, mentionne des titres comme : « Esthétique Navale », « Critique d’art » et « Cité Moderne » (CI, 47). Déjà les brouillons de 1891 glorifient la mer et l’architecture navale. Ses 261 « Cahiers » qui représentent quelque 30 000 pages écrites à partir de 1892, sont déjà, selon une heureuse expression du journal Le Monde (2 juin 2016), un « véritable continent ».

[10] Publié la première fois dans le numéro de janvier 1920 de la Nouvelle Revue Française.

[11] Critique anonyme cité par Paul PIELTAIN dans sa monumentale analyse de l’œuvre : Le cimetière marin de Paul Valéry, Essai d’explication et commentaire. Structure, mouvements et moyens d’expression de poème. Critiques des interprétations, Palais des Académies, Bruxelles, 1975, 324 pages, notamment « A propos du livre ».

[12] Ibid.

[13] Publié dans Paul VALERY, Variété, Œuvres, tome 1, op.cit, « « Au sujet du cimetière marin », pp. 1496-1507.

[14] Op. cit., p. 1507.

[15] PINDARE – en grec ancien Πίνδαρος / Píndaros -, l’un des plus célèbres poètes lyriques grecs – est né près de Thèbes (Béotie), en 518 av. J.-C., et mort à Argos en 438 av. J.-C. Attachée à la religion traditionnelle, au régime politique aristocratique mis en place notamment à THÈBES et à son dérivé qu’était l’Eunomie ou « bon ordre », (du grec ancien εὐνομία), [Il fut considéré, dès l’Antiquité, comme le maître incontesté du lyrisme choral grec qui se présentait comme une synthèse de l’art poétique, musical et chorégraphique. Il inaugura en outre dans ses Odes triomphales un art lyrique servi par des rythmes savants où foisonnent des images imposantes et majestueuses. Longtemps ignoré en France, il fut, redécouvert par les Modernes seulement au XIXe siècle, et il inspira les plus grands poètes dont Victor HUGO et VALERY lui-même furent les plus éminents représentants.

[16] Celle-ci est celle PUECH (Aimé) : Pindare, Pythiques, CUF, Les Belles Lettres, 1922. Mais de nombreuses traductions différentes en ont été données, comme, par exemple, celle de Saint-John PERSE : « N’aspire point, ô mon âme, à une existence immortelle et n’assure aucun œuvre que tu ne puisses parfaire. » mais toutes se rapprochent du sens de celle-ci.

[17] Inspirations méditerranéennes, op. cit., p. 11

[18] Ibid., p. 11.

[19] Ibid., p. 11.

[20] Ibid.., p. 24 ;

[21] Ibid., p. 25.

[22] Ibid., p. 27.

[23] Ibid., p. 27

[24] Ibid., p. 28.

[25] Le 19 novembre 1925 Paul VALERY fut élu à l’académie française au fauteuil d’Anatole France.

[26] Anatole De MONZIE (1876-1947), avocat de formation, avait entamé une carrière de Haut fonctionnaire dès le début du siècle. En 1902, il devint chef de cabinet du ministre de l’Instruction publique puis de celui de la Justice, puis se convertit à la politique comme élu député Républicain socialiste puis socialiste du Lot (1909-1919 et 1929-1940), puis sénateur (1920-1929), il devint sous-secrétaire d’État à la Marine marchande en 1913. Lors de son passage au ministère de l’Éducation nationale (1932-1934), il créa notamment le Bureau universitaire de statistiques, en liaison avec l’Union nationale des étudiants de France, la Confédération des travailleurs intellectuels et la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement secondaire Antérieurement, le bref passage d’Anatole de Monzie au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en 1925 est marqué par la publication de célèbres Instructions sur l’enseignement de la philosophie le 2 septembre 1925. Dans la lignée de Victor Cousin, elles affichent l’ambition d’un enseignement de la philosophie propre à former le citoyen : « Développer les facultés de réflexion des jeunes gens, les mettre en état et surtout en disposition de juger plus tard par eux-mêmes, sans indifférence comme sans dogmatisme, leur donner sur l’ensemble des problèmes de la pensée et de l’action des vues qui leur permettent de s’intégrer vraiment à la société de leur temps et à l’humanité, voilà quelle est, au fond, la fonction propre du professeur de philosophie. » Il s’agit donc de permettre que les jeunes gens « soient armés d’une méthode de réflexion et de quelques principes généraux de vie intellectuelle et morale qui les soutiennent dans cette existence nouvelle, qui fassent d’eux des hommes de métier capables de voir au-delà du métier, des citoyens capables d’exercer le jugement éclairé et indépendant que requiert notre société démocratique. »

[27] Cf. PV du Conseil municipal de Nice du 18 février 1933 (AM Nice, DP 42/45 CUM).

[28] Le soir du dimanche 16 juin 1940, à Bordeaux, Paul REYNAUD démissionna et laissa au maréchal PÉTAIN le soin de former un nouveau gouvernement et de décider de l’attitude à prendre devant l’invasion allemande…

[29] Cf. Jérémie DUBOIS, Université de Reims : « Le Centre universitaire méditerranéen de Nice et les stratégies d’influence de l’Italie fasciste. Entre légitimations croisées et suspicions mutuelles », Note 8, in Revue Relations internationales 2014/2 (N° 158), pp. 27 à 43. Mis en ligne CAIRN. Info le 05/08/2014,

https://doi.org/10.3917/ri.158.0027.

[30] Giacomo LEOPARDI (1798-1837) fut un écrivain, poète et philosophe italien, souvent considéré comme le deuxième plus célèbre et influent écrivain italien après DANTE ALIGHIERI.

[31] Cf. Jérémie DUBOIS, op. cit..

[32] OE. I, p. 997.

[33] PROTAGORAS était un Philosophe grec (né vers 486 avant J.-Ch  ; mort vers 410 avant J.-Ch.). Bien que son itinéraire philosophique ne soit pas très bien connu, on lui prête un parcours de sophiste au cours duquel il fit de longs séjours à Athènes, où il aurait rencontré Périclès et Socrate ; puis il aurait visité la Sicile et l’Italie méridionale. Il est souvent mis en scène par PLATON dans ses dialogues, notamment Le Protagoras (ou Les Sophistes). Peu de fragments subsistent de son œuvre, sauf quelques affirmations selon lesquelles « toutes nos connaissances proviennent de nos sensations », « l’homme est la mesure de toute chose », qui donnent néanmoins l’orientation générale de sa philosophie.

[34] Inspirations méditerranéennes, op. cit., p. 29.

[35] Paul VALERY : Inspirations méditerranéennes, op. cit., pp. 28-31.

[36] Ibid., p. 31.

[37] Ibid., p. 31.

[38] Op. cit., p. 38.

[39] Ibid., p. 40

[40] Ibid., pp. 42-43.

[41] Ibid., p. 42.

[42] Paul VALERY : Regards sur le monde actuels, Ed. Gallimard, Paris, 1951 (43ème édition), p. 317 (1ère édition 1931).

[43] Le préambule du traité du Traité de Lisbonne – signé le 13 décembre 2007 dans cette même ville – se borne à inclure de manière lapidaire une référence aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe » dans le second considérant rédigé ainsi : « S’INSPIRANT des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit ».

[44] Georges CORM, Orient-Occident, la fracture imaginaire, La Découverte, (Poche), 2002.

[45] Inspirations méditerranéennes, op. cit., p. 24.

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