L’ORGANISATION POUR L’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES PAR LOUIS SAISI

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC)

et le règlement des conflits nés de l’application de la convention

 

SYRIE, rapport des forces, avril 2018

 Ces dernières années la communauté internationale a été légitimement émue par le fait que des armes chimiques seraient employées dans la guerre civile syrienne. L’utilisation de gaz sarin, du chlore et du gaz moutarde aurait été observée au cours de ce conflit. Si la majorité des attaques chimiques sembleraient avoir été le fait du régime syrien (étant entendu que la véracité des faits est toujours l’objet d’un âpre débat entre les protagonistes), l’État islamique en ferait également usage, de même – peut-être? – que les « rebelles » insurgés contre le Chef d’Etat syrien. Selon des ONG médicales et humanitaires, les armes chimiques du régime auraient fait près de 2 000 morts de fin 2012 à mi-2017. Les massacre de la GHOUTA, le 21 août 2013, et de KHAN CHEIKHOUN, le 4 avril 2017, auraient été les deux attaques les plus meurtrières du conflit.

La RUSSIE, mais aussi l’ARMENIE et l’ALLEMAGNE [1] furent, dans le passé, les principaux fournisseurs de technologie et de matières premières pour le programme syrien de production d’armes chimiques.

Le 4 février 2018,  des bombardements présumés au chlore, à SARAQEB, dans la province d’IDLIB (nord-ouest), et à DOUMA, dans la GHOUTA orientale, près de DAMAS, semblèrent accuser à nouveau le régime syrien d’utiliser des armes chimiques malgré les engagements pris en 2013 avec le parrainage de la Russie. (cf. Le Monde du 7 février 2018).

Début avril 2018, de nouveaux soupçons pesèrent sur le régime de DAMAS au point que, le jeudi 12 avril 2018, sur TF1, le Président MACRON déclara : « Nous avons la preuve que la semaine dernière, il y a maintenant près de dix jours, des armes chimiques ont été utilisées, au moins du chlore, et qu’elles ont été utilisées par le régime de BACHAR AL ASSAD ». Il ajouta aussitôt, menaçant, qu’il était en contact étroit avec le Président américain Donald TRUMP quant à l’opportunité  de prendre la décision d’une éventuelle opération militaire, laquelle, précisa-t-il, interviendrait « une fois que nous aurons vérifié toutes les informations» avec l’objectif d’«enlever les moyens d’intervention chimique au régime ».

La riposte annoncée par notre Président ne tarda pas… En représailles, dans la nuit du 14 avril 2018 (de vendredi à samedi), la France participait, aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni, à des frappes sur la Syrie. Selon les déclarations officielles, la France aurait engagé cinq frégates, cinq Rafale, quatre Mirage 2000, deux Awacs et des ravitailleurs pour frapper deux sites de la région d’HOMS.

Selon les propres sources onusiennes, « quelques heures après les frappes aériennes conduites par trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU sur trois sites » qui abriteraient des armes chimiques en Syrie, le Conseil de Sécurité de l’ONU se réunit en urgence, le samedi 14 avril 2018, à la demande de la Fédération de Russie. Le projet de résolution présenté par la délégation russe pour faire condamner les frappes aériennes conduites en Syrie fut rejeté par 3 voix pour, 8 voix contre et 4 abstentions.

Parmi les membres du Conseil, 3 pays (dont deux membres permanents) ont voté en faveur du projet de résolution russe : CHINE, RUSSIE, BOLIVIE.

8 pays (dont 3 membres permanents) s’y sont opposés : ÉTATS-UNIS, FRANCE, ROYAUME-UNI, CÔTE D’IVOIRE, KOWEÏT, PAYS-BAS, POLOGNE, SUÈDE.

4 autres pays se sont abstenus : ÉTHIOPIE, GUINÉE ÉQUATORIALE, KAZAKHSTAN, PÉROU.

Ce vote, très nuancé dans son expression, montre, à l’évidence, que si la résolution russe n’a pas été adoptée, l’on ne peut pas dire, au niveau de la société internationale, que l’intervention militaire de la FRANCE, des ÉTATS-UNIS et du ROYAUME-UNI ait été,  même implicitement, nettement validée.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. António GUTERRES, intervint pour rappeler aux membres du Conseil de Sécurité  la nécessité d’exercer leur responsabilité première – le maintien de la paix et de la sécurité internationales -, dans le strict respect de la Charte des Nations Unies et, de manière générale, du droit international.

« La Charte des Nations Unies est très claire sur ces questions », affirma-t-il, en soulignant la responsabilité première du Conseil de sécurité de maintenir la paix et la sécurité internationales. 

Puis, s’adressant à tous les États Membres, le Secrétaire général de l’ONU lança un appel à la retenue « dans ces circonstances dangereuses » de manière à éviter toute action qui mènerait à une escalade des tensions et à une aggravation des souffrances du peuple syrien.

Si les frappes occidentales contre le régime syrien, en représailles contre l’usage d’armes chimiques, pourraient affecter l’appareil militaire de BACHAR AL-ASSAD, être dissuasives et inciter la Russie à revenir à la table des négociations, elles pourraient  également, selon certains experts, mettre le feu aux poudres dans la région et être un nouveau facteur de tension internationale au Moyen-Orient.

En effet, les frappes occidentales se heurtent à l’alliance russo-syrienne, la Russie étant l’allié sûr et indéfectible de BACHAR AL-HASSAD, ce qui complique les choses s’agissant de la dimension géopolitique de ce conflit.

Cette situation internationale ne peut donc que nous inviter à savoir raison garder et à nous tourner modestement vers l’analyse des textes ayant débouché sur la convention internationale contre l’utilisation des armes chimiques signée à Paris le 13 janvier 1993 et entrée en vigueur le 29 avril 1997.

Dans notre analyse nous nous attacherons essentiellement à identifier quels sont les organes habilités à intervenir dans la résolution des conflits résultant de l’application de cette convention et aussi à cerner quels sont les mécanismes mis en place pour gérer ces conflits et les résoudre,  en liens étroits, d’ailleurs, avec le dispositif de paix de l’organisation des Nations Unies (ONU).

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Logo de l’OIAC

La Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC), est l’abrégé d’un traité international dénommé « Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction ».

Il s’agit d’un traité international de désarmement qui interdit la mise au point, la fabrication, le stockage et l’usage des armes chimiques.

Comme il a été dit, cette Convention a été signée le 13 janvier 1993 à Paris et est entrée en vigueur le 29 avril 1997.

États parties

Pratiquement, presque tous les États membres de la société internationale en font partie.

Selon l’Organisation de la Convention sur l’Interdiction des armes chimiques (OIAC), la CIAC compte 193 États parties (qui ont ratifié la Convention ou y ont accédé).

La Syrie a accédé assez tardivement à la Convention le 14 septembre 2013. C’est une adhésion tardive, certes, mais sous cet angle, a priori au moins, il paraît difficile de jeter la pierre à la Syrie quant à cette tardiveté car elle est en soi préférable à la situation des quatre États qui n’ont pas encore rejoint l’organisation de la CIAC.

L’Etat de Palestine a rejoint l’OIAC depuis le 16 juin 2018.

Les États en dehors de la Convention

 L’Etat d’Israël a signé la convention dès 1993 (13/01/1993) mais ne l’a pas encore ratifiée.

Trois autres États demeurent encore en dehors de la Convention : la Corée du Nord, l’Égypte, le Soudan du Sud.

Il n’en demeure pas moins vrai que les États membres de l’OIAC représentent déjà quelque 98 % de la population et des terres émergées du monde ainsi que 98 % de l’industrie chimique mondiale.

Toujours selon l’OIAC, de toutes les organisations internationales de désarmement, c’est celle qui connaît la croissance numérique la plus rapide. L’Organisation des Nations Unies a invité tous les États à adhérer à la CIAC et à débarrasser le monde de la menace que constituent les armes chimiques pour la sécurité internationale.

I/ Les principaux caractères de l’OIAC

Article 8 : L‘Organisation : objet et mission

Au titre des « dispositions générales », le § 1er de l’article 8 dispose :« Les États parties créent par les présentes l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, afin de réaliser l’objet et le but de la présente Convention, de veiller à l’application de ses dispositions, y compris celles qui ont trait à la vérification internationale du respect de l’instrument, et de ménager un cadre dans lequel ils puissent se consulter et coopérer entre eux. »

A/ Présentation formelle de la Convention

Bâtiment abritant le siège de l’OIAC à LA HAYE

La convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) se présente elle-même sous la forme d’un préambule suivi de 24 articles.

Le préambule constitue à la fois l’exposé des motifs de la Convention et les objectifs qu’elle vise.

Un autre document a été annexé à la convention elle-même : il s’agit de l’« Annexe sur l’application de la Convention et la vérification », très substantielle puisqu’elle se compose elle-même de pas moins de trois Annexes : 1/ Annexe sur les Produits Chimiques [2] ; 2/ Annexe sur la Vérification intitulée « Annexe sur l’application de la Convention et la vérification », très substantielle puisqu’elle se compose elle-même de pas moins de 11 parties [3] ; 3/ Annexe sur la Confidentialité [4].

La Convention fait elle-même explicitement référence à ces trois Annexes auxquelles elles renvoient pour son application.

La CIAC en ce qu’elle prescrit et impose « l’interdiction complète et efficace de la mise au point, de la fabrication, de l’acquisition, du stockage, de la conservation, du transfert et de l’emploi des armes chimiques et leur destruction » se décrit comme une « étape nécessaire » vers la réalisation d’« un désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace, y compris l’interdiction et l’élimination de tous les types d’armes de destruction massive ».

La CIAC se place donc sous l’égide des Nations-Unies pour contribuer à la réalisation de ses « buts » et « principes ».

Les 24 articles qui suivent le préambule sont consacrés aux obligations des États parties (déclaration de leurs armements chimiques, destruction de ceux-ci et des usines de fabrication, délais pour accomplir ces obligations).

B/ L’obligation d’adhésion à l’Organisation (OIAC) des États parties à la Convention

L’adhésion à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) est obligatoire pour les États signataires membres de la Convention et nul ne peut être privé de sa qualité de membre de l’Organisation dont le siège est à LA HAYE.

Ce même article, dans son § 4, crée les organes de l’Organisation qui sont : la Conférence (des États parties) ; le Conseil exécutif et le Secrétariat (cf. infra).

C/ La mission et la méthode de l’OIAC

L’action de l’OIAC depuis 1997 (ci-dessous)

Le § 5 définit la mission de l’Organisation :

« L’Organisation exécute les activités de vérification prévues par la présente Convention de sorte que leurs objectifs soient atteints de la manière la moins intrusive possible dans les délais et avec l’efficacité voulus. Elle ne demande que les informations et données qui lui sont nécessaires pour s’acquitter des responsabilités qui lui sont confiées par la Convention. Elle prend toutes les précautions qui s’imposent pour protéger la confidentialité des informations relatives à des activités et des installations civiles et militaires dont elle a connaissance dans le cadre de l’application de la Convention et, en particulier, elle se conforme aux dispositions de l’Annexe sur la confidentialité. »

Ainsi donc, loin de préconiser la méthode inquisitoriale, l’Organisation, pour atteindre les objectifs visés par la convention, se veut la moins intrusive possible, avec seulement pour seul souci le recueil des informations strictement nécessaires pour remplir les responsabilités qui lui sont confiées par la Convention, et toutes les précautions doivent être prises pour protéger la confidentialité des informations.

 

Le 10 décembre 2013, l’OIAC a reçu le prix NOBEL de la Paix pour son action en faveur de la destruction et du démantèlement des armes chimiques.

D/ Les moyens

Ses deux principaux moyens sont d’une part l’état de la science et de la technique (article 8, A, § 6) mises au service des activités de vérification de l’Organisation ; d’autre part la contribution financière des États membres selon le barème des quotes-parts de l’Organisation des Nations-Unies, ajusté pour tenir compte de la différence entre le nombre des membres de l’ONU et celui des membres de la Convention (article 8, A, §§ 7 et 8).

II/ Les organes de l’OIAC

Article 8, § 4 de la Convention

Le § 4 de l’article 8 (A « Dispositions générales ») de la Convention dispose :

« Sont créés par les présentes la Conférence des États parties, le Conseil exécutif et le Secrétariat technique, qui constituent les organes de l’Organisation ».

A/ La Conférence des États parties (art. 8, B, §§ 9-22

La Conférence des États parties (ci-dessous)

C’est la structure plénière et le principal organe de l’Organisation : elle se compose de tous ses États membres. 

Sa mission, très large, est définie au § 19 du B de l’article 8 : elle est compétente sur tous les points, questions et problèmes ayant trait à l’application de la Convention, y compris ceux relevant de la sphère des compétences propres du Conseil exécutif et du Secrétariat technique. Elle est habilitée à émettre des recommandations et peut se prononcer sur tous les points, questions et problèmes intéressant la Convention qui seraient soulevés par un Etat partie ou portés à son attention par le Conseil exécutif.

Elle peut, d’ailleurs, dans le cadre de ses fonctions, adresser des directives au Conseil exécutif et au Secrétariat technique conformes aux dispositions de la Convention.

Elle tient des sessions ordinaires, qui ont lieu chaque année, sauf décision contraire de sa part.

Elle peut aussi se réunir dans des sessions extraordinaires, soit qu’elle en décide ainsi elle-même, soit qu’elle soit sollicitée par le Conseil exécutif ou par un Etat membre appuyé par un tiers des membres de l’Organisation.

Elle se réunit également tous les 5 ans en session extraordinaire « pour procéder à l’examen du fonctionnement de la Convention » afin de tenir compte de l’évolution des « progrès scientifiques et techniques pertinents » (cf. § 22, B, article 8).

Au cours de ses sessions ordinaires, la Conférence adopte le rapport et le budget-programme de l’Organisation que lui présente le Conseil exécutif ; décide du barème des quotes-parts revenant aux États parties ; élit les membres du Conseil exécutif ; nomme le Directeur général du Secrétariat technique qui prend le nom de Directeur général.

Les 193 pays membres financent le budget annuel de 65 millions d’euros de l’organisation en fonction de la taille de leur économie. C’est ainsi que certains pays contribuent seulement à hauteur de quelques centaines d’euros.

Pour toutes les décisions relatives au fonctionnement de l’Organisation (questions de procédure), les décisions de la Conférence sont prises à la majorité simple des présents et des votants.

S’agissant des questions de fond, la Conférence s’efforce de prendre ses décisions en recherchant le consensus.

Que faut-il entendre ici par « consensus » ?

Selon l’éclairage que nous donne le regretté professeur Michel VIRALLY [5]:

« Le mécanisme du consensus, qui prend de plus en plus de place dans la pratique des conférences et organisations internationales, est plus équivoque. L’accord qu’il manifeste paraît, en effet, beaucoup plus limité. Le seul point sur lequel on puisse affirmer avec certitude une rencontre d’opinions porte sur ce que la discussion doit être close et que le texte issu de cette discussion (et des négociations qui l’ont accompagnée) doit être considéré comme adopté par l’organe (ou la conférence) qui en a été le cadre. La signification exacte de cet assentiment sur le plan du droit (mises à part, encore une fois, les suites procédurales : l’adoption du texte), doit être examinée dans chaque cas avec beaucoup d’attention, car il n’est pas évident qu’elle soit toujours la même. Indépendamment même des réserves qui peuvent être exprimées par les uns ou les autres, les conditions dans lesquelles le consensus a été finalement obtenu sont de grande importance dans cette évaluation, de même que le contenu du texte adopté. Celui-ci est, en effet, dans une situation très particulière : il ne se heurte à aucune opposition, mais a été adopté sans approbation formelle d’aucun participant. »

L’hypothèse semble donc être celle où la discussion sur une question de fond ne fait pas « consensus » car la décision envisagée se heurte à l’opposition de un ou plusieurs États.

Dans ce cas, faute d’un tel consensus, le Président suspend les travaux pendant 24 heures qui sont mises à profit pour aboutir au consensus. À l’issue de cette suspension, si le consensus n’est pas trouvé, le vote a lieu à la majorité qualifiée des 2/3 (cf. § 18, article 8, B).

En cas de doute sur le point de savoir si une question relève d’une question de procédure ou de fond, le doute est tranché par assimilation de la question posée à une question de fond, sauf si la Conférence en décide autrement à la majorité requise pour le traitement des questions de fond.

B/ Le Conseil exécutif (article 8, C, §§ 23-36)

Le Conseil exécutif de l’OIAC (ci-dessous)

    

  • Élu par la Conférence pour 2 ans, le Conseil exécutif se compose de 41 membres [6] désignés selon le principe de rotation et selon leur appartenance régionale de sorte que tous les continents soient représentés : 9 États parties d’Afrique désignés par les États parties situés dans cette région ; 9 États parties d’Asie désignés par les États parties situés dans cette région ; 5 États parties d’Europe orientale désignés par les États parties situés dans cette région ; 7 États parties d’Amérique latine et des Caraïbes désignés par les États parties situés dans cette région ; 10 États parties du groupe des États d’Europe occidentale et autres États, désignés par les États parties qui sont membres de ce groupe ; un autre Etat partie [7] que désignent à tour de rôle les États parties de la région de l’Asie et de celle de l’Amérique latine et des Caraïbes.
  •  Comme critère de la désignation des États, et pour chacune des zones géographiques évoquées ci-dessus, le choix du tiers ou de près de la moitié de ceux-ci [8] se porte, en principe, sur les États parties dont l’industrie chimique nationale compte parmi les plus importantes de la région.              

Le Conseil exécutif est défini comme l’organe exécutif de l’Organisation.

Relevant de la Conférence, il agit en conformité avec les recommandations, les décisions et les directives de la Conférence et veille à ce que celles-ci soient appliquées comme il se doit et de manière suivie.

Parmi ses attributions, le Conseil exécutif examine et présente à la Conférence le projet de budget-programme de l’Organisation ; étudie et présente à la Conférence le projet de rapport de l’Organisation sur l’application de la Convention, le rapport sur l’exécution de ses propres activités et les rapports spéciaux qu’il juge nécessaires ; prend les dispositions nécessaires pour l’organisation des sessions de la Conférence et notamment pour l’établissement de l’ordre du jour provisoire.

Le Conseil exécutif est aussi un organe agissant. C’est ainsi qu’il conclut des accords ou prend des arrangements avec les États et les organisations internationales au nom de l’Organisation, sous réserve de l’approbation préalable de la Conférence ; conclut des accords avec les États parties au nom de l’Organisation en ce qui concerne l’article X et supervise le fonds de contributions volontaires mentionné dans cet article ; approuve les accords ou les arrangements concernant l’exécution des activités de vérification négociés par le Secrétariat technique avec les États parties.

En amont des conflits, le Conseil exécutif examine tout problème ou toute question relevant de sa compétence qui a des répercussions sur la présente Convention et sur son application, y compris les motifs de préoccupation quant au respect de la Convention.

Le Conseil exécutif examine les cas de non-respect de la Convention, et, selon qu’il convient, en informe les États parties et porte le problème ou la question à l’attention de la Conférence.

Lorsqu’il examine des doutes ou des préoccupations quant au respect de la Convention et des cas de non-respect, et plus précisément en cas d’un usage abusif des droits énoncés dans la Convention, le Conseil exécutif consulte les États parties intéressés et, selon qu’il convient, demande à l’Etat partie de prendre des mesures pour redresser la situation dans des délais fixés.

S’il juge nécessaire de poursuivre l’affaire, le Conseil exécutif prend entre autres une ou plusieurs des mesures suivantes :

  • Il informe tous les États parties du problème ou de la question ;
  • Il porte le problème ou la question à l’attention de la Conférence ;
  • Il fait des recommandations à la Conférence touchant les mesures à prendre pour redresser la situation et assurer le respect de la Convention

Dans le cas d’une situation particulièrement grave et urgente, le Conseil exécutif porte directement le problème ou la question, y compris les informations et les conclusions pertinentes, à l’attention de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Il informe en même temps tous les États parties de cette démarche.

Le Conseil exécutif élit son président parmi ses membres.

Il tient des sessions ordinaires : en principe trois sessions ordinaires annuelles (habituellement en mars, en juillet et en octobre) et, plus fréquemment, entre les sessions ordinaires, il se réunit aussi souvent que l’exige l’exercice de ses attributions et compétences (réunions ou consultations officieuses).

Chaque membre du Conseil exécutif dispose d’une voix. Le Conseil exécutif prend les décisions sur les questions de fond à la majorité des deux tiers de l’ensemble de ses membres et à la majorité simple de l’ensemble de ses membres pour les décisions relatives aux questions de procédure. En cas de doute sur la nature d’une question elle est traitée comme une question de fond, sauf si le Conseil exécutif en décide autrement à la majorité des 2/3 des voix.

C/ Le Secrétariat technique (article 8, D, §§ 37-47)

 Le Secrétariat technique aide la Conférence et le Conseil exécutif dans l’accomplissement de leurs fonctions. Il exécute les mesures de vérification prévues par la présente Convention (§ 37).

Le Secrétariat technique est chargé des tâches d’administration spécifiques suivantes (§ 38) :

  • Il établit et présente au Conseil exécutif le projet de budget-programme de l’Organisation ;
  • Il établit et présente au Conseil exécutif le projet de rapport de l’Organisation sur l’application de la présente Convention et tous autres rapports que la Conférence ou le Conseil exécutif demanderait ;
  • Il fournit un appui administratif et technique à la Conférence, au Conseil exécutif et aux organes subsidiaires ;
  • Il adresse et reçoit au nom de l’Organisation des communications destinées aux États parties ou émanant de ceux-ci et portant sur des questions relatives à l’application de la présente Convention ;
  • Il fournit une assistance technique aux États parties en vue de l’application des dispositions de la présente Convention et établit pour eux à cette même fin des évaluations techniques, notamment de produits chimiques inscrits et non-inscrits.

Le Secrétariat technique est également doté d’un pouvoir d’intervention en amont (§ 39) :

 

  • Il négocie avec les États parties des accords ou des arrangements concernant l’exécution des activités de vérification, qui sont soumis à l’approbation du Conseil exécutif ; coordonne la constitution et le maintien de stocks permanents destinés aux secours d’urgence et à l’aide humanitaire fournis par les États parties conformément au paragraphe 7, alinéas b) et c), de l’article X ;
  • Il administre le fonds de contributions volontaires visé à l’article X, recueille les déclarations présentées par les États parties et enregistre sur demande les accords bilatéraux conclus entre des États parties ou entre un Etat partie et l’Organisation aux fins de l’article X.

Le Secrétariat technique informe le Conseil exécutif de toute difficulté qu’il a pu rencontrer dans l’exercice de ses fonctions, y compris des doutes, ambiguïtés ou incertitudes quant au respect de la présente Convention qu’il a constatés dans l’exécution de ses activités de vérification et qu’il n’a pu lever ou éclaircir par des consultations avec l’Etat partie intéressé.

Quant à sa composition, le Secrétariat technique est doté d’un Directeur général, qui en est le chef et en dirige l’administration, ainsi que les corps des inspecteurs, des collaborateurs scientifiques, techniques et autres, selon les besoins. 

Ci-dessous, M. Ahmet ÜZÜMCÜ,

Directeur général de l’OIAC (2010-2018)

Le Directeur général est nommé pour quatre ans par la Conférence sur recommandation du Conseil exécutif ; son mandat est renouvelable une seule fois.

Depuis 2010 et jusqu’en 2018, le Directeur général de l’OIAC est S.E. M. Ahmet ÜZÜMCÜ [9], diplomate turc.

Ahmet ÜZÜMCÜ fut d’abord ambassadeur de Turquie à Vienne, en Autriche, de 1979 à 1982, puis consul à Alep de 1982 à 1984.

De 1986 à 1989, il représenta la délégation turque auprès de l’OTAN. Il travailla d’ailleurs pour cette organisation jusqu’en 1994. De 1996 à 1999, il dirigea le personnel du Ministère des affaires étrangères Turc. Il fut ensuite nommé Ambassadeur de Turquie en Israël, jusqu’en 2002. Il fut par la suite le représentant permanent de la Turquie au Conseil de l’OTAN à Bruxelles.

Par la suite, il fut Sous-secrétaire adjoint d’État aux affaires politiques bilatérales puis représentant permanent de la Turquie aux Nations unies jusqu’à son élection au poste de directeur général de l’OIAC, en 2009 et sa prise de fonctions à l’OIAC en 2010.

L’inspectorat fait partie du Secrétariat technique et est placé sous la supervision du Directeur général. On comptait 96 inspecteurs en 2017.

Le Directeur général est chargé de la nomination des membres du personnel ainsi que de l’organisation et du fonctionnement du Secrétariat technique, et en répond auprès de la Conférence et du Conseil exécutif.

Le Secrétariat technique est composé d’environ 470 fonctionnaires (471 en 2017) issus de pas moins de 70 nationalités différentes.

Comme à l’ONU, le Secrétariat reconnaît six langues officielles : l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe.

III/ La résolution des conflits

L’OIAC dispose de ses propres mécanismes internes pour régler les conflits entre États nés du non-respect de l’application de la Convention. En cas d’échec, il peut toujours en appeler à l’intervention de l’ONU car l’OIAC n’est pas un gendarme et ne dispose pas du droit de régler les conflits par l’utilisation d’une force propre ni même d’en appeler à celle des États membres de la Convention et parties à l’OIAC.

Le règlement des conflits est prévu par les articles 9 (consultations, coopération et établissement des faits), 12 (mesures propres à redresser une situation et à garantir le respect de la présente convention, y compris les sanctions) et 14 (règlement des différends).

Dans un premier temps le règlement d’un conflit est laissé à la discrétion des États parties à la Convention.

A/ Consultations, coopération et établissement des faits

–    Article 9 (consultations, coopération et établissement des faits) :

« 1 – Les États parties se consultent et coopèrent, directement entre eux ou par l’intermédiaire de l’Organisation ou encore suivant d’autres procédures internationales appropriées, y compris des procédures établies dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et conformément à sa Charte, sur toute question qui serait soulevée touchant l’objet et le but de la présente Convention ou l’application de ses dispositions. »

 Dans le cadre posé par l’article 9 précité, son § 2 prévoit que tout Etat partie à la Convention peut demander à un autre Etat partie des « éclaircissements au sujet d’une question dont l’Etat partie requérant croit qu’elle suscite un (…) doute ou une (…) préoccupation » sur le respect de la Convention. »

L’Etat requis de se justifier doit « dès que possible, et en tout état de cause au plus tard dix jours après réception de la demande » livrer à l’Etat requérant « des informations suffisantes pour lever ce doute ou cette préoccupation ainsi qu’une explication de la façon dont les informations fournies règlent la question. »

Les États concernés peuvent, éventuellement avec d’autres, « organiser par consentement mutuel des inspections ».

Ils peuvent aussi prendre entre eux « tous autres arrangements pour éclaircir et régler toute question qui susciterait un doute quant au respect de la Convention ou une préoccupation au sujet d’une question connexe qui serait jugée ambiguë ».

Mais le § 2 du même article 9 précise que « de tels arrangements n’affectent pas les droits et obligations qu’a tout Etat partie en vertu d’autres dispositions de la présente Convention. »

Parmi ces droits, un État plaignant partie à la Convention a le droit d’en appeler au Conseil exécutif soit pour lui demander une aide directe pour éclaircir toute situation jugée par lui ambiguë quant au respect de la Convention par un autre Etat partie ; soit pour lui demander d’obtenir lui-même d’un autre Etat partie des éclaircissements au sujet d’une situation jugée ambiguë.

Dans cette seconde hypothèse, le Conseil exécutif doit informer les États parties de sa saisine de la demande d’éclaircissements qui lui a été adressée par l’Etat plaignant.

Lorsqu’après un délai de 60 jours suivant la présentation de la demande d’éclaircissements au Conseil exécutif le doute n’est pas levé, ou si l’Etat requérant estime que ses doutes justifient un examen urgent, celui-ci peut alors demander la convocation d’une session extraordinaire de la Conférence, conformément au paragraphe 12, alinéa c), de l’article VIII. Lors de cette session extraordinaire, la Conférence examine la question et peut recommander toute mesure qu’elle juge appropriée pour régler la situation.

1°) Les inspections par mise en demeure

Le principe est énoncé par le § 8 de l’article 9 qui dispose :

« Chaque Etat partie a le droit de demander une inspection sur place par mise en demeure de toute installation ou de tout emplacement se trouvant sur le territoire d’un autre Etat partie ou en tout autre lieu placé sous la juridiction ou le contrôle de cet Etat à seule fin d’élucider et de résoudre toutes questions liées au non-respect éventuel des dispositions de la présente Convention, et de faire effectuer cette inspection sans retard en quelque lieu que ce soit par une équipe d’inspection désignée par le Directeur général et en conformité avec l’Annexe sur la vérification. »

Le § 9 suivant encadre la mise en œuvre de la demande d’inspection par mise en demeure sous un triple point de vue. Ainsi sont prohibés les abus dans les demandes d’inspection : d’une part l’Etat demandeur de l’inspection a le devoir de faire en sorte que sa demande ne sorte pas du cadre de la convention ; d’autre part, sa demande doit être motivée en fournissant notamment « toute l’information pertinente qui est à l’origine de la préoccupation quant au non-respect éventuel de la Convention » ; enfin, l’inspection par mise en demeure est limitée quant à sa finalité : elle n’est effectuée qu’à « seule fin d’établir les faits se rapportant au non-respect éventuel de la Convention ».

La demande d’inspection sur place par mise en demeure est présentée au Conseil exécutif et, simultanément, au Directeur général afin qu’il y soit donné immédiatement suite (Art. 9, §. 13).

L’Etat inspecté a « le droit et l’obligation de faire tout ce qui lui est raisonnablement possible pour démontrer qu’il respecte la présente Convention et, à cette fin, de permettre à l’équipe d’inspection de remplir son mandat » (§11, a) et de permettre l’accès à l’intérieur de son site (installation et emplacement mis en cause).

De son côté, l’Etat partie requérant peut, sous réserve de l’accord de l’Etat partie inspecté, envoyer un représentant observer le déroulement de l’inspection par mise en demeure ; ce représentant peut être soit un ressortissant de l’Etat partie requérant soit d’un Etat partie tiers (§12).

2°) La double vérification du bien-fondé de la demande d’inspection par mise en demeure

Cette double vérification est assurée d’une part par le Directeur général ; d’autre part, par le Conseil exécutif.

  • Le contrôle des conditions requises assuré par le Directeur général

Après s’être assuré que la demande d’inspection satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4 de la dixième partie de l’Annexe sur la vérification, le Directeur général transmet la demande d’inspection à l’Etat partie inspecté au moins 12 heures avant l’arrivée prévue de l’équipe d’inspection au point d’entrée.

 

  • Le contrôle des conditions requises exercé par le Conseil exécutif

Le § 16 de l’article 9 affirme le rôle important dévolu au Conseil exécutif en cas de conflit justifiant une demande d’inspection : il reste saisi de l’affaire tout au long de la procédure d’inspection, sans toutefois que ses délibérations puissent retarder le déroulement de l’inspection.

Mais, bien en amont, le Conseil exécutif se voit reconnaître un droit de veille et de sauvegarde de la bonne application de la convention. C’est ainsi qu’après avoir pris connaissance de la demande d’inspection, et s’il estime que la demande est « frivole ou abusive » ou qu’elle sort manifestement du cadre de la Convention (article 9, § 8), le Conseil exécutif peut se prononcer contre la réalisation de l’inspection par mise en demeure, au plus tard 12 heures après réception de la demande d’inspection. Compte tenu de son caractère négatif et aussi définitif, cette décision doit cependant être adoptée à la majorité des trois quarts de l’ensemble de ses membres. Comme il s’agit d’une décision arbitrale, ni l’Etat partie requérant ni l’Etat partie inspecté ne prennent part à une telle décision.

Si le Conseil exécutif se prononce contre l’inspection par mise en demeure, les préparatifs sont interrompus, et il n’est donné aucune autre suite à la demande d’inspection, les États parties intéressés en étant informés en conséquence.

  • L’inspection et le rapport d’inspection

Lorsque l’inspection par mise en demeure fait consensus, c’est le Directeur général qui délivre le mandat d’inspection pour sa conduite dans les conditions prévues par la dixième partie de l’Annexe sur la vérification ou, dans le cas d’une allégation d’emploi, conformément à la onzième partie de cette annexe.

L’Etat partie inspecté doit prêter son concours à l’équipe d’inspection tout au long de l’inspection par mise en demeure et doit la faciliter.

L’équipe d’inspection doit rédiger un rapport contenant d’une part les faits constatés et précisant d’autre part quel a été le degré de coopération de l’Etat inspecté pour la bonne exécution de la mission d’inspection par mise en demeure.

Le rapport final de l’équipe d’inspection est ensuite transmis par le Directeur général à l’Etat requérant, à l’Etat inspecté ainsi qu’au Conseil exécutif et à tous les autres États parties.

Le Conseil exécutif doit ensuite se prononcer sur les trois points suivants : y a-t-il eu « non-respect » de la convention ?  La demande ne sortait-elle pas du cadre de la convention ? Y a-t-il eu abus du droit de demander une inspection par mise en demeure ?

En cas d’abus de droit de la part de l’Etat requérant, le Conseil exécutif examine la question de savoir si celui-ci doit assumer la totalité ou une partie des incidences financières de l’inspection par mise en demeure. Au cours de cette procédure l’Etat requérant et l’Etat inspecté peuvent y prendre part. À son issue, ils sont informés du résultat.

B/ Les suites en cas de non-respect de la convention après l’inspection par mise en demeure

Si le Conseil exécutif, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont dévolus, parvient à la conclusion qu’il peut être nécessaire de poursuivre l’affaire, il peut prendre les mesures appropriées en vue de redresser la situation pour assurer le respect de la Convention.

Il peut même faire des recommandations précises à la Conférence. Dans cette hypothèse, la Conférence étudie la suite à donner, conformément à l’article XII.

1°) Les sanctions administratives contre un Etat coupable de non-respect de la convention

Elles résultent du § 2 de l’article 12 de la Convention qui prévoit que la Conférence peut, sur proposition du Conseil exécutif, « restreindre ou suspendre les droits et privilèges dont jouit cet Etat partie au titre de la présente Convention jusqu’à ce qu’il fasse le nécessaire pour se conformer aux obligations qu’il a contractées en vertu de la Convention » (§ 2).

2°) La notion de « préjudice grave » et sa sanction par des « mesures collectives »

 Le § 3 de l’article 12 fait état des sanctions pouvant être envisagées contre un Etat dans l’hypothèse « où un préjudice grave risque d’être porté à l’objet et au but de la présente Convention du fait d’activités interdites par la Convention, en particulier par l’article premier ». Il va encore plus loin dans la sévérité du régime alors applicable pour sanctionner l’infraction.

Dans ce cas, en effet, la Conférence peut alors « recommander aux États parties des mesures collectives, conformément au droit international ».

Que faut-il entendre par « mesures collectives (conformes) au droit international » [10]?

Selon nous, Il ne doit pouvoir s’agir que de sanctions non militaires qui, pour être « conformes au droit international », doivent être conformes à la Charte des Nations-Unies et qui selon nous doivent dès lors être calquées sur celles dont dispose le Conseil de sécurité de l’ONU, en application de l’article 41 de la Charte. 
Selon cet article, ces mesures « peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.« 
3°) Le cas d’une « situation particulièrement grave » : l’intervention de l’ONU

Ce cas est réglé par le § 4 de l’article 12 qui dispose :

 

« Si la situation est particulièrement grave, la Conférence porte la question, y compris les informations et les conclusions pertinentes, à l’attention de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. »

 La « situation particulièrement grave » n’est pas définie par le texte de la Convention. C’est donc la Conférence qui est juge de la gravité de la situation.

Dans cette hypothèse, qui risque de mettre en péril la paix et la sécurité internationales, la Conférence se dessaisit elle-même et porte l’affaire devant les instances compétentes de l’ONU : Assemblée générale et Conseil de sécurité, avec toutes « les informations et les conclusions pertinentes » en sa possession.

C/ Les principes devant présider au règlement des différends

L’article 14 de la Convention leur est entièrement consacré.

Le § 1er de cet article énonce le principe selon lequel les différends pouvant naître au sujet de l’application de la Convention doivent être réglés selon les dispositions de celle-ci « et d’une manière conforme aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »

 Le 2ème principe énoncé au § 2 suivant est celui invitant les États parties à un différend à s’efforcer de le régler par la voie pacifique qui est celui des négociations « ou par tout autre moyen pacifique de leur choix, y compris en ayant recours aux organes appropriés de la Convention ».

Ils peuvent également « par consentement mutuel » décider de saisir la Cour internationale de Justice conformément au Statut de cette dernière.

Dans tous les cas, ils doivent tenir informé le Conseil exécutif des mesures qu’ils ont prises.

Le 3ème principe est celui reconnaissant le rôle actif du Conseil exécutif qui peut soit offrir ses bons offices pour le règlement d’un différend par tout moyen approprié soit inviter les États parties au conflit à « entamer le processus de règlement qu’ils ont choisi et en recommandant un délai d’exécution de toute procédure convenue ».

Le 4ème principe (§ 4) a trait au rôle de la Conférence qui « examine, quant aux différends, les points qui sont soulevés par des États parties ou qui sont portés à son attention par le Conseil exécutif. »

Le rôle de la Conférence est très large car, si « elle le juge nécessaire, elle (peut) créer, conformément au paragraphe 21, alinéa f), de l’article VIII, des organes chargés de contribuer au règlement des différends ou confie(r) cette tâche à des organes existants ».

Le § 5 régit les modalités de saisine de la Cour Internationale de Justice par la Conférence et le Conseil exécutif pour solliciter son avis sur un point de droit entrant dans le cadre des activités de l’Organisation (OIAC). L’un et l’autre des deux organes ne peuvent le faire qu’avec l’autorisation de l’Assemblée générale des Nations Unies. Ils devront pour cela conclure un accord avec l’ONU à cette fin, conformément au paragraphe 34, alinéa a), de l’article VIII.

Enfin le § 6 précise que les dispositions de l’article 14 ne font pas obstacle à l’application des autres dispositions de la Convention (article 9 notamment) et des sanctions prévues pour garantir le respect de la Convention.

CONCLUSIONS

Les différends pouvant naître au sujet de l’application de la Convention – comme ceux intervenus en Syrie à la suite de l’invocation d’utilisation de substances toxiques sur les populations civiles par l’armée syrienne – doivent être réglés selon les dispositions de celle-ci « et d’une manière conforme aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »

 Aucun des États – ou groupe d’États – membres de l’OIAC ne peut se prévaloir unilatéralement d’un droit d’intervention direct contre un Etat contrevenant membre de l’Organisation, quelles que soient ses fautes et responsabilités au regard de l’application des dispositions de la convention sur la prohibition des armes chimiques.

Comme on l’a vu, dans l’hypothèse d’une situation particulièrement grave – qui risque de mettre en péril la paix et la sécurité internationales – la Conférence des États parties à la convention se dessaisit elle-même et décide de porter l’affaire devant les instances compétentes de l’ONU : Assemblée générale et Conseil de sécurité, avec toutes « les informations et les conclusions pertinentes » en sa possession.

Le § 4 de l’article 2 de la Charte des Nations-Unies est très clair :

 » Les Membres de l’Organisation s’abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible  avec les buts des Nations-Unies ».

Cet article 2 de la Charte de l’ONU, qui en énonce les principes, est probablement la pierre angulaire du droit international élaboré au lendemain des deux conflits mondiaux (comme le rappelle le préambule de la Charte).

Il ne souffre que deux exceptions :

1°) la première exception est celle prévue par l’article 42 de la Charte qui prévoit que le Conseil de sécurité puisse lui-même décider de recourir à la force lorsque les mesures n’impliquant pas l’emploi de la force qu’il a préconisées pour donner effet à ses décisions sont ignorées ou ne se sont pas avérées adéquates. Dans ce cas, « il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. »

2°) la seconde exception est celle prévue par l’article 51 de la Charte qui reconnaît le « droit naturel de légitime défense, individuelle  ou collective, dans le cas où un Membre des Nations-Unies est l’objet d’une agression armée ».

Cette situation ne dessaisit pas pour autant le Conseil de Sécurité qui reste chargé de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par les États Membres dans le cadre de ce droit à légitime défense doivent d’ailleurs être immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité et n’affectent en rien les pouvoirs du Conseil de Sécurité pour agir à tout moment de la manière qu’il jugera nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Louis SAISI

Paris, 7 juillet 2018

NOTES

[1] En réponse au député allemand Jan VAN AKTEN du parti Die Linke, le ministère de l’économie allemande a précisé que des composés chimiques entrant dans la composition du gaz chimique sarin tels que le fluorure de sodium, l’acide fluorhydrique et l’hydrogène fluoré ont été exportés en 2002-2003 à hauteur de 40 tonnes puis 97 tonnes en 2005-2006 pour un montant de 174 000 euros. Le feu vert à la livraison a été donné sous le gouvernement de Gerhard SCHRODER puis sous celui d’Angela MERKEL après avis des services secrets indiquant que « l’usage civil était possible »

[2] Dans cette Annexe sur les Produits Chimiques, l’on trouve : A. Principes Directeurs pour les Tableaux de Produits Chimiques ; B. Tableaux de Produits Chimiques (3 tableaux) (source : OIAC, Annexe sur les Produits chimiques, https://www.opcw.org/fr/convention-sur-linterdiction-des-armes-chimiques/annexes/annexe-sur-les-produits-chimiques/).

[3] L’Annexe sur la Vérification se compose des 11 parties suivantes : Première Partie (Définitions) ; Deuxième Partie (Règles Générales Régissant la Vérification) ; Troisième Partie (Dispositions Générales) ; Quatrième Partie (A) (Destruction des Armes Chimiques) ; Quatrième Partie (B) (Armes Chimiques Anciennes et Armes Chimiques Abandonnées) ; Cinquième Partie (Destruction des Installations de Fabrication d’Armes Chimiques) ; Sixième Partie (Régime Applicable aux Produits Chimiques du Tableau 1) ; Septième Partie (Régime Applicable aux Produits Chimiques du Tableau 2) ; Huitième Partie (Régime Applicable aux Produits Chimiques du Tableau 3) ; Neuvième Partie (Régime Applicable aux Autres Installations de Fabrication de Produits Chimiques) ; Dixième Partie (Inspections par Mise en Demeure) ; Onzième Partie (Allégations d’Emploi d’Armes Chimiques) (source : OIAC : Annexe sur la vérification, https://www.opcw.org/fr/convention-sur-linterdiction-des-armes-chimiques/annexes/annexe-sur-la-verification/).

[4] Dans cette Annexe sur la Confidentialité, l’on trouve les quatre séries de dispositions suivantes : A. Principes Généraux du Traitement de l’Information Confidentielle ; B. Emploi et conduite du personnel du secrétariat technique ; C. Mesures propres à protéger les installations sensibles et à empêcher la divulgation de données confidentielles lors des activités de vérification sur place ; D. Procédures à suivre en cas de manquement ou d’allégation de manquement à la confidentialité (cf. OIAC : Annexe sur la Confidentialité, https://www.opcw.org/fr/convention-sur-linterdiction-des-armes-chimiques/annexes/annexe-sur-la-confidentialite/).

[5] Sur la notion d’accord et de consensus, cf. VIRALLY (Michel) : Le droit international en devenir – Essais écrits au fil des ans, Publications de l’Institut universitaire de hautes études internationales, Genève, Graduate Institute Publications, 1990, 504 p, notamment pp. 135-145. Il s’agit d’un recueil de 25 essais extraits d’une soixantaine publications diverses.

[6] Lors de la première élection du Conseil exécutif, 20 États parties seront élus pour un an, compte dûment tenu des proportions numériques résultant des zones géographiques d’appartenance des États selon les indications précisées dans la Convention (article 8). Par ailleurs, après que les articles IV et V auront été intégralement appliqués, la Conférence pourra, à la demande de la majorité des membres du Conseil exécutif, réexaminer la composition de ce dernier à la lumière des événements ayant un rapport avec les principes régissant sa composition qui sont spécifiés au paragraphe 23.

[7] Comme critère de cette désignation, il est entendu que les États parties de ces régions choisissent par rotation l’un des membres de leur groupe.

[8] Toutefois pour les 5 États parties d’Europe orientale, un seul Etat sur 5 est désigné comme celui dont l’industrie chimique nationale compte parmi les plus importantes de la région.

[9] Ses prédécesseurs furent : M. José BUSTANI (1997-2002) ; M. Rogelio PFIRTER (2002-2010).

[10] Cf. Georges DUBÉ : « Les sanctions du droit international public dans la charte des nations unies », United Nations Student Interne, Les Cahiers de droit, 5 (1), pp. 98–103, Été 1961, ERUDIT (consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal).

 

 

 

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