UNE DAME SEXAGENAIRE TRES STABLE MAIS SI AMOUREUSE DES CHANGEMENTS PAR Louis SAISI

Une dame sexagénaire réputée très stable mais si amoureuse des changements…

par Louis SAISI

 

La 5ème République fête aujourd’hui, 4 octobre 2018, ses 60 ans d’existence…

La sexagénaire est souvent louée, par rapport à ses devancières, pour son exceptionnelle longévité et ses capacités d’adaptation…

C’est ainsi qu’ouvrant le bal des hommages hagiographiques qui ne vont pas manquer de se déverser sur la vieille et honorable dame lauréate du prix « longévité », Gérard COURTOIS, dans une chronique du journal Le Monde du 11 septembre 2018 intitulée « La Ve République est peut-être le plus mauvais régime… mais à l’exception de tous les autres », publié dans ce même journal, s’extasie sur une telle longévité (https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/11/la-ve-republique-est-peut-etre-le-plus-mauvais-regime-mais-a-l-exception-de-tous-les-autres_5353226_3232.html).

Écoutons-le :

« La longévité de cette République est remarquable dans un pays qui avait fait preuve, jusque-là, d’une effervescence institutionnelle sans égale, expérimentant, en l’espace de deux siècles, cinq Républiques, deux empires, trois monarchies et un « Etat français »… Seule la IIIème République, proclamée en 1870 et qui rendit l’âme dans la débâcle de 1940, aura vécu plus longtemps.

Longévité d’autant plus remarquable que cette sexagénaire n’a jamais cessé d’être harcelée de critiques et secouée par les crises. Le 4 septembre 1958, déjà, ses opposants… »

Longévité « remarquable », sauf que Gérard COURTOIS est bien contraint d’admettre, même s’il ne l’écrit pas formellement que la IIIème République vécut elle-même pas moins de 65 ans, du 16 juillet 1875 (si l’on prend la dernière des trois lois constitutionnelles de 1875 sur les rapports des pouvoirs publics [1] ) jusqu’à la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 par laquelle une assemblée nationale aux abois [2], réunie à Vichy, « donne tout pouvoir au gouvernement de la république, sous l’autorité et la signature du maréchal PETAIN, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle Constitution de l’Etat français ».

Et encore, si l’on date son acte de naissance du 4 septembre 1870 [3], la IIIème République a alors duré pas moins de 70 ans, alors qu’elle était de nature radicalement différente de la 5ème dans sa relation au pouvoir et son incarnation ! C’est dire que, pour le moment, la 5ème n’en est pas encore là!

S’agissant de la 5ème République, Gérard COURTOIS s’extasie sur sa « longévité d’autant plus remarquable que cette sexagénaire n’a jamais cessé d’être harcelée de critiques et secouée par les crises »…

Ici aussi le propos est excessif car il y eut, sans conteste possible, une République qui fut autrement plus vilipendée que la 5ème République : ce fut, ici encore, la 3ème… En effet, dès sa naissance s’il fut un régime qui fut contestée c’est bien celui de la IIIème République ! Et quant au nombre de crises qu’elle connut, elles furent légion. Et pour n’en donner ici qu’un simple rapide rappel…

Dès sa naissance, la 3ème République fut en butte successivement à une contestation « radicale » par les Radicaux (hostilité au Sénat) [4] ; aux prétentions du rétablissement de la monarchie dès ses origines (1875 à 1879) ; dix ans plus tard, elle dut faire face à la menace du coup d’Etat du général BOULANGER (27 janvier 1889) ; puis, encore dix ans plus tard, à la poussée de la droite anti républicaine en 1899 (ligues factieuses de DEROULEDE) qui provoqua la mise en place d’un gouvernement de défense républicaine du 22 juin 1899 au 3 juin 1902 présidé par Waldeck ROUSSEAU [5] rassemblant les républicains ; à la même époque, à l’affaire DREYFUS (1894 à 1906) [6] qui a tant divisé la France en deux camps résolument antagonistes ; dans les années trente, à la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934 organisée, à Paris, devant la Chambre des députés, par des groupes de droite, des associations d’anciens combattants et des ligues d’extrême droite pour protester contre le limogeage du préfet de police Jean CHIAPPE à la suite de l’affaire STAVISKY, et à l’émeute qui s’ensuivit sur la place de la Concorde (émeute qui fit, avec les décès ultérieurs à la manifestation, des dizaines de morts [7] et autour de 2 000 blessés).

C’est dire qu’il serait sain que nous sortions enfin du registre des lieux communs sur la 5ème République pour établir un véritable bilan qui est d’autant plus nécessaire qu’aujourd’hui son essoufflement est patent, malgré les remèdes qu’on lui a régulièrement injectés depuis sa naissance et qui résident dans pas moins de 24 réformes constitutionnelles en 60 ans, et dont certaines – très substantielles – ont altéré profondément sa nature originelle parlementaire [8]. Cela fait une moyenne de 4 réformes constitutionnelles tous les 10 ans ou une réforme constitutionnelle tous les 2 ans et demi … À peine en place, la nouvelle majorité présidentielle et législative, issue des élections des mois de mai  et juin 2017, a voulu, à son tour, marquer de son empreinte les institutions de la 5ème République en déposant le 9 mai 2018 un projet de loi constitutionnelle intitulé « pour une République plus représentative, responsable et efficace » [9]. En soi, c’est déjà la preuve que tout ne va pas si bien que ça au niveau de nos institutions si elles n’ont pas permis à la République d’être suffisamment « représentative », « responsable », « efficace »…

Mais l’aveu va ensuite encore plus loin et porte sur la reconnaissance du fait que la « révision » est devenue un mode habituel de gouvernement, car l’exposé des motifs du projet de réforme constitutionnelle précitée contient la pépite suivante :

« Depuis dix ans, la Constitution du 4 octobre 1958 n’a pas connu de révision »…

Quelle anomalie ! Dix ans, sans une réforme constitutionnelle, Dieu que c’est long !

Et le paradoxe est d’autant plus fort qu’on nous dit que nos institutions sont pourvues de qualités intrinsèques…

Avec toutes les réformes qu’elle a connues, la 5ème République, dans sa version d’octobre 2018, est bien éloignée de la Constitution originelle du 4 octobre 1958. En effet, toutes les réformes successives les plus importantes ayant consacré la prééminence du Chef (1962, 2000, 2008) – le Chef de l’Etat – nous avons glissé progressivement vers un autre modèle de république – qui n’est plus la 5ème, mais une République qui, au fil du temps, se révèle de plus en plus « présidentielle », mais dans un sens autoritaire en confortant un pouvoir vertical d’essence plus monarchique que républicaine. On est loin du schéma républicain de Jules SIMON selon lequel :

« L’École radicale va  dans l’élimination de l’autorité jusque dans les dernières limites possibles (…) L’autorité ne peut être forte qu’à condition d’être légitime ; elle n’est légitime qu’à condition d’être nécessaire (…) Le pouvoir, s’il est fidèle à sa mission, doit travailler avec une énergie persévérante à sa propre élimination. »

Cette stabilité supposée (en principe ce qui est stable ne bouge pas, au moins dans ses fondements) de nos institutions dont on nous abreuve depuis de trop nombreuses années ressemble trop souvent, il faut bien l’admettre, à une tentative de la part de nos gouvernants d’un formidable conditionnement de l’opinion par une propagande insidieuse qui ne veut pas dire son nom car du verbe à la réalité il y a un large fossé.

Loin de la science constitutionnelle, parmi les dominantes du discours propagandiste, et pour aller vite, il en est au moins deux qui sont stupéfiants et doivent être relevés :

I/ Le record de longévité en tant que régime politique : 60 ans… (1958-2018)… Un curieux critère en démocratie

Pourquoi un recours aussi fréquent à la notion de longévité ? Une telle longévité se veut- elle une référence implicite à l’Ancien Régime, et plus précisément à la monarchie absolue de droit divin ?

En effet, si l’on prend comme mesure de la qualité des institutions leur longévité, alors la Vème République est largement battue – et même à plate couture – par la Monarchie absolue d’Ancien Régime… à laquelle d’ailleurs elle ressemble de plus en plus, mais comme une forme de monarchie élective, ce qui n’est pas un hasard…

La date du début de la Monarchie absolue d’Ancien Régime ayant commencé en  l’année 1661, lors du règne de LOUIS XIV, celle-ci a donc duré jusqu’à 1789, soit pas moins de 128 ans

Louis XIV monte officiellement sur le trône en 1651, alors qu’il est âgé de treize ans, mais sa minorité sera troublée par la Fronde des grands seigneurs du Royaume (1648-1653).

Ce n’est qu’à la mort du cardinal MAZARIN, en 1661, qu’il se dispensera des services d’un Premier Ministre (ou ministre principal) pour assumer personnellement la totalité des pouvoirs, et notamment celui de seul chef du gouvernement.

C’est de 1661 que les historiens ont daté le commencement de la Monarchie absolue d’Ancien Régime, le Roi ne devant rendre compte de l’exercice de son pouvoir qu’à Dieu. LOUIS XV, arrière-petit-fils de Louis XIV, à son tour prolongera l’ère de monarchie absolue inaugurée par son illustre aïeul jusqu’à 1774, et, à sa mort LOUIS XVI lui succédera jusqu’en 1789 et l’ouverture des États Généraux à Versailles. 

VERSAILLES fut le symbole de cette monarchie absolue puisqu’elle était le siège du pouvoir politique. Il faut noter d’ailleurs que s’agissant de LOUIS XV, il naquit et mourut au château de VERSAILLES, symbole  éclatant du règne du Roi Soleil (LOUIS XIV) et de la Monarchie absolue. Il fut donc très imprégné par l’essence même du régime monarchique.

Sans conteste, selon la formule consacrée, « le Roi est mort, vive le Roi« , les régimes de monarchie héréditaire de droit divin sont les régimes les plus stables et les plus longs…

Si donc la longévité est le critère de la pertinence et de  la légitimité d’un régime politique, la monarchie absolue héréditaire de droit divin tient bien la route…

Et les monarchistes nostalgiques de cette période révolue  de notre histoire nationale (l’Ancien Régime) auraient encore de beaux jours devant eux… 

Parfois ils se révèlent chez ceux que l’on n’attendait pas. C’est ainsi que dans une interview parue le 8 juillet 2015 dans le journal hebdomadaire « Le 1″ Emmanuel MACRON, alors fringant Ministre de l’Économie du Président François HOLLANDE, déclarait tranquillement :

« La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même … Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. »

L’analyse, bien que lapidaire, est claire et en même temps paradoxale… « La démocratie, c’est l’incomplétude », à cause d’un « absent… la figure du Roi ».

Ainsi, selon Emmanuel MACRON, ce qu’ « on » attendrait d’un Président de la République, c’est qu’il occupe la fonction du Roi…

C’est vrai que ce  « on » (aussi pratique qu’indéterminé…) simplifie ainsi le problème de la dévolution du pouvoir et que l’on ne perd plus de temps dans les discussions et débats…

Jusqu’alors, c’était connu, on savait que c’était surtout chez les militaires que l’on n’aimait pas trop la démocratie : le général BONAPARTE (qui en toléra les formes et les manipula jusqu’à l’aveu de l’Empire) ; le général BOULANGER (qui faillit perpétrer un coup d’Etat contre le régime de la 3ème République mais se ravisa) ; moins connu, le Général de GALLIFFET (le sabreur de la Commune de Paris, qui devint ministre de la guerre en 1899/1900) ; le maréchal PÉTAIN (qui, en 1940, confisqua tous les pouvoirs au profit d’une dictature personnelle) ; puis le général de GAULLE lui-même qui s’accommodera, en 1958, des formes républicaines et parlementaires mais en inventant un régime fort qui eut, même après son départ, un bel avenir moyennant quelques modifications du texte constitutionnel initial que l’Homme du 18 juin avait donné la France selon, il faut bien le dire, un processus constituant – concédé, il est vrai, par les caciques politiques de la IVème République – qui n’était pas sans rappeler celui de la constitution de l’An VIII et celui du 10 juillet 1940.

Ainsi trois chefs militaires – auréolés de leur prestige militaire ou de leur ardent patriotisme et courageuse résistance à l’occupant – ont accédé, en France, aux plus hautes fonctions de l’Etat : BONAPARTE, PETAIN, De GAULLE…

Ils donnèrent tous les trois des constitutions à la France – Constitution de l’An VIII (25 décembre 1799) à laquelle BONAPARTE prit une part active sinon prépondérante, projet de constitution sous la forme de trois actes constitutionnels de 1940 du Maréchal PETAIN qui ne furent jamais promulgués, Constitution du 4 octobre 1958 élaboré par Michel DEBRÉ sous l’impulsion du général de GAULLE – dont la caractéristique commune résidait dans une certaine défiance vis-à-vis des assemblées élues doublé d’un certain antiparlementarisme fondé sur leur conviction que des assemblées parlementaires trop puissantes étaient génératrices d’un mauvais fonctionnement de l’Etat par leurs délibérations excessives pour trouver un consensus et leur mainmise sur l’Exécutif. Le rééquilibre des pouvoirs passait, pour eux, par l’instauration – voire la restauration – d’un Exécutif indépendant et fort incarnant la pérennité de l’Etat (comme dans les monarchies) et un gouvernement autonome mettant en mouvement l’action politique incarnée par l’homme qui est à sa tête.

Aujourd’hui, les militaires – réputés pour aimer l’ordre et l’action – ont fait de nombreux adeptes dans le « civil » et les formes autoritaires de régimes politiques recueillent l’adhésion de nombreux partisans au sein de la classe politique dont le passe-temps favori est de rechercher qui pourra être son prochain « Roi » (dans des « primaires » souvent fratricides dont certains partis ne se relèvent toujours pas).

II/ Un régime stable, fort…

Selon l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle N° 911 du 9 mai 2018 « pour une République plus représentative, responsable et efficace », « La Ve République a apporté à la France une démocratie stable et efficace ».

La « démocratie », c’est, selon la célèbre formule de LINCOLN, le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »… Elle suppose donc, dans les régimes représentatifs, la confiance et l’assentiment du peuple souverain. Or, il n’est guère avéré que la 5ème République ait maintenu le lien originel revendiqué par Charles de GAULLE qui était présumé lier ses gouvernants au peuple, notamment par le recours fréquent au référendum de l’article 11 et en respectant le verdict populaire quand la légitimité du Chef de l’Etat  était mise en cause par le suffrage universel. Dans ce domaine-là, force est de constater que le général de Gaulle n’a pas eu de successeur… Mis en difficulté devant le peuple lui-même, loin de démissionner, les présidents MITTERRAND et CHIRAC ont cohabité avec une majorité parlementaire hostile symbolisant le désaveu du peuple. De même, après le « non » au référendum portant sur l’adoption du Traité constitutionnel européen (TCE) le 29 mai 2005 [10], le Président CHIRAC resta en place et atermoya en préparant discrètement mais sûrement le terrain au Traité de Lisbonne qui fut imposé, en 2008, par son successeur Nicolas SARKOZY avec la complicité, le 4 février 2008, du Parlement réuni en Congrès à Versailles, qui vota la révision de la Constitution permettant la ratification du Traité de Lisbonne, nouvelle version camouflée du TCE.

Quant à la stabilité, comme nous l’avons vu, c’est au prix de nombreuses révisions constitutionnelles que la 5ème République a passé l’épreuve du temps, et en mutant considérablement, ce qui a profondément altéré sa nature initiale fondamentalement parlementaire, altération à laquelle le général de Gaulle n’a pas été étranger avec sa réforme constitutionnelle du 6 novembre 1962 qui faisait de lui, de fait, à la fois un Chef d’Etat et le véritable chef du gouvernement, le Premier Ministre désigné par ses soins ne jouant plus que le rôle de fusible en cas de conflit avec le Parlement…

« Stabilité » qui fut donc plus formelle que réelle avec, comme nous l’avons dit, une moyenne d’une révision constitutionnelle tous les 2 ans et demi…

Par cette affirmation discutable, le Gouvernement puise ainsi dans le catalogue inépuisable des idées reçues…

Parmi celles-ci, il en est une autre qui consiste à asséner l’idée selon laquelle pour être « stable » un régime politique doit être fort, voire autoritaire…

Pour la France, cela fut pourtant démenti par notre féconde histoire constitutionnelle.

A/ Le régime de la IIIème République : un régime républicain très stable

Ainsi, comme on l’a vu, le régime politique de la Troisième République fut d’une grande stabilité et d’une exceptionnelle longévité puisque sa carrière s’étira de 1870 (ou 1875) jusqu’au 10 juillet 1940.

Il ne faut pas confondre l’instabilité ministérielle chronique sous la IIIème République – si régulièrement décriée – avec le fonctionnement régulier des institutions qui étaient, quant à elles, au contraire, très stables et solides, et qui permirent d’ailleurs à la France de sortir vainqueur du terrible premier conflit mondial lors de la guerre de 1914-1918.

Dès l’arrivée des républicains au pouvoir, ce régime évolua rapidement à partir de 1879 vers un régime parlementaire, avec une dualité au sein de l’Exécutif entre un Chef d’Etat – élu par la chambre des députés et le Sénat – incarnant la permanence de l’Etat et, dans la pratique, un chef du gouvernement ou président du Conseil des Ministres qui, à la tête du gouvernement, était investi de la conduite de la politique du gouvernement lui-même responsable devant le Parlement.

Les libertés publiques y fleurirent : la loi du 30 juin 1881 accorda la liberté de réunion publique sans autorisation qui, en fait, fut remplacée par une déclaration préalable (cette déclaration préalable étant supprimée en 1907) ; la liberté de la presse (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) ; la liberté syndicale (loi du 21 mars 1884) ; la liberté d’association (loi du 1er juillet 1901) ; l’affirmation du principe de laïcité par le vote de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’Etat.

C’est également sous la IIIème République que furent votées les deux grandes lois sur les collectivités territoriales.

C’est ainsi que la loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux fut adoptée au lendemain de la Commune de Paris. La loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, encore appelée la « Grande Charte municipale », fit de la commune, pour la première fois, une véritable collectivité territoriale décentralisée avec des organes élus.

Jacques GODECHOT, éminent historien de l’histoire constitutionnelle française, écrit d’ailleurs fort à propos : « Il est fort probable que, sans la défaite de 1940, la Constitution de 1875 aurait encore duré fort longtemps. La facilité avec laquelle on pouvait d’ailleurs la réviser permettait de l’aménager et même de la transformer totalement » [11]

Mais cette facilité du mode de révision des lois constitutionnelles de 1875 ne rendit pas pour autant le recours à un tel mécanisme banal et nécessaire. En effet, la stabilité des institutions de la IIIème République est attestée par le faible nombre des réformes constitutionnelles les concernant (3 en 65 ans, soit une moyenne d’une tous les 20 ans).

En effet, en 65 ans d’existence, les lois constitutionnelles de 1875 proprement dites ne furent révisées que trois fois, et encore sur des points n’altérant pas la nature originelle du régime tel qu’il fonctionna à partir de 1879 :

  • le 21 juin 1879 pour modifier le lieu du siège des chambres (Paris remplaçant désormais Versailles) ;
  • le 14 août 1884 : 1°) en ce qui concerne la réduction à 2 mois du délai initial (3mois) pour la convocation des collèges électoraux en cas de dissolution de la chambre des députés par le Président de la République ; 2°) pour interdire la révision de la forme républicaine du gouvernement et pour rendre inéligibles à la présidence de la République les membres des familles ayant régné sur la France ; 3°) pour déconstitutionnaliser certains articles de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 relatifs à l’organisation du Sénat (articles 1 à 7 fixant le nombre total des sénateurs ; le nombre des sénateurs devant être élus dans les divers départements ou les colonies ; les conditions d’éligibilité au Sénat ; le mode de scrutin applicable à l’élection des sénateurs et à la désignation du corps électoral pour l’élection de ceux-ci ; le mode de scrutin et la majorité requise pour la désignation des sénateurs élus par l’Assemblée ; la durée du mandat des sénateurs et leur renouvellement ; l’inamovibilité des sénateurs élus par l’Assemblée et leur remplacement en cas de vacance par décès, démission ou autre cause) ; 4°) la suppression du § 3 de l’article 1er de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics relatif aux prières publiques le dimanche lors de la réunion du Sénat et de la Chambre des députés).
  • le 10 août 1926 la révision constitutionnelle est assez spéciale et discutable car elle consista à inscrire dans la constitution un objet qui n’était pas en soi constitutionnel : il s’agissait d’ajouter à la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics des dispositions relatives à la création d’une caisse autonome de gestion des bons du trésor et d’amortissement de la dette publique pour selon POINCARÉ rendre aux Français confiance dans leur monnaie après la crie financière.

B/ Des régimes pourtant réputés « forts » qui furent emportés par des coups d’Etat…

L’on peut en citer au moins deux.

Le premier est le régime du Directoire issu de la Constitution du 5 fructidor An III (22 août 1795), le second est celui de la « seconde République » issu de la Constitution du 4 novembre 1848.

1°) Le Directoire (1795-1799)

Le régime de la Constitution de l’An III, plus connu sous le nom de « Directoire », voulait empêcher le retour de la démocratie de l’An II, c’est-à-dire d’un collectif d’hommes se revendiquant d’être mandatés par le peuple (dictature de salut public s’appuyant sur le peuple de Paris), mais aussi du retour de la monarchie ou de l’émergence d’une dictature militaire. Il s’agissait de consolider le gouvernement de la bourgeoisie pour lui permettre enfin une paisible jouissance des avantages et bienfaits que la Révolution lui avait apportés. Ses promoteurs se mirent donc en congé de ROUSSEAU – et du dogme de la souveraineté de la loi émanation de la volonté générale -, pour lui préférer MONTESQUIEU avec une stricte séparation des pouvoirs, mais avec une prééminence du pouvoir exécutif composé de cinq directeurs élus pour 5 ans par le Corps législatif, qui était lui-même affaibli par sa division en deux chambres (l’une ayant l’initiative des lois, l’autre les votant, sans pouvoir les amender, ou les rejetant totalement).

C’est le directoire en corps qui gouvernait en disposant de grands pouvoirs, notamment dans l’emploi des forces armées, mais aussi en matière de nomination et de révocation des chefs militaires, des fonctionnaires civils (agents diplomatiques, etc.). Les conventionnels thermidoriens estimant avoir réalisé une architecture constitutionnelle lumineuse avaient prévu des modalités de révision constitutionnelle difficiles à mettre en œuvre et s’étalant sur pas moins de 9 années, ce qui conduisit au coup d’Etat du 18 brumaire 1799 (9 novembre 1799) dont le sabre fut celui du général BONAPARTE. Des députés des deux conseils se laissèrent facilement persuader de la nécessité de confier à une « commission consulaire exécutive » – composée des deux directeurs comploteurs SIEYES et Roger DUCOS et du général BONAPARTE – le soin d’élaborer une nouvelle constitution avec l’aide de deux commissions, l’une composée de 25Anciens, l’autre de 25 députés des Cinq-Cents.

C’est ainsi qu’un régime réputé fort – par rapport au gouvernement d’assemblée de la Convention voué aux gémonies par ses géniteurs thermidoriens – fut voué à l’impuissance et finit par être emporté par un coup d’Etat qui profita à un militaire…

2°) La Seconde République (1848-1851) : la prééminence du pouvoir exécutif fatale au régime républicain

Comme on le sait, la Seconde République ne dura pas plus de trois années car elle fut emportée par le coup d’Etat, celui du 2 décembre 1851, perpétré par le Prince Président Louis Napoléon BONAPARTE.

La Seconde République avait, en effet, délégué le Pouvoir exécutif à un citoyen qui recevait le titre de Président de la République (article 43 C). Il était élu pour quatre ans au suffrage universel et n’était pas immédiatement rééligible (article 45 C).

Il disposait de pouvoirs très étendus, nommait et révoquait les ministres, les chefs militaires et les hauts fonctionnaires ainsi que les procureurs généraux (article 64 C).

Face à lui, le pouvoir législatif était délégué à une assemblée unique, mais nombreuse de 750 membres (Articles 20, 21 C).

Les « représentants » élus à l’Assemblée nationale l’étaient au suffrage universel pour une durée de 3 ans (Articles 24, 31 C).

La Constitution dressait le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif l’un contre l’autre ; au lieu de chercher à prévoir constitutionnellement le règlement des désaccords, elle établissait d’abord la rivalité et le conflit, sur la base d’une souveraineté concurrente.

Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon BONAPARTE était élu à la présidence de la République avec près de 5,5 millions de voix contre moins de 2 millions de voix pour ses quatre concurrents réunis (dont LAMARTINE lui-même).

N’étant pas immédiatement rééligible en 1852, il lui fallut penser à modifier l’article 45 de la Constitution pour permettre sa réélection, ce à quoi il s’attela dès mai 1851…

Le 31 mai 1851, la procédure de révision fut entamée. Après un avis favorable de la commission d’examen, rapporté en séance par TOCQUEVILLE, l’Assemblée se prononça pour la révision, le 19 juillet, mais seulement par 446 voix contre 278. Les 3/4 des suffrages exprimés, seuil requis par l’article 111 de la Constitution, n’étaient pas atteints, et par ailleurs le même vœu, s’il avait été adopté par l’Assemblée, aurait dû être suivi de deux autres délibérations consécutives prises, chacune, à un mois d’intervalle, ce qui rendait la révision très aléatoire sinon impossible. L’affaire était donc mal engagée… Aussi, pour la première fois, début août, le président ne repoussa pas l’idée d’un coup de force qu’il réalisa peu après, dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, après l’avoir minutieusement préparé avec ses proches et « fidèles ».  

Le 2 décembre 1851, le prince-président Louis Napoléon Bonaparte, en dissolvant une l’Assemblée indocile qui ne lui avait pas permis de se représenter, violait la Constitution et s’emparait de tous les pouvoirs. L’opération, rondement menée, ouvrit la voie à l’Empire. Sans rencontrer de résistance populaire massive comparable à celle des journées révolutionnaires de 1848 [12].

Le 2 décembre au matin, sous une pluie froide, les Parisiens découvrirent une affiche apposée sur les murs de la capitale vers 6 heures. Elle annonçait les dissolutions de l’Assemblée législative, du Conseil d’État et convoquait le peuple pour un plébiscite destiné à donner mandat au président de rédiger une nouvelle Constitution. Celle-ci lui permettrait de se maintenir à la tête de l’État avec des pouvoirs accrus. Coup d’État ? Oui, parce que le Président ne pouvait dissoudre l’Assemblée, ni abroger une loi de sa propre autorité. Mais aussi trahison ? Certainement, car le Prince-Président violait un serment de fidélité fait à la Constitution au lendemain de son élection en décembre 1848.

Les 20-21 décembre 1851, Louis Napoléon BONAPARTE organisa un plébiscite sur ses réformes.

Les citoyens français étaient appelés à répondre oui ou non à la question suivante, pour le moins très orientée : « Le Peuple français veut le maintien de l’autorité de Louis-Napoléon Bonaparte, et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution sur les bases proposées dans sa proclamation du 2 décembre 1851. »

A priori, les résultats pourraient surprendre :

  • 7 481 231 répondent « OUI » (92,03 % des exprimés, soit 74,81 % des inscrits) ;
  • 647 292 répondent « NON » (7,96 % des exprimés, soit 6,47 % des inscrits) ;
  • 1 871 477 s’abstiennent (soit 18,72 % des inscrits).

Mais le scrutin se déroula dans un pays en effervescence. Comme on l’a dit (cf. note 12), les principaux opposants étaient en prison, ou en exil. Seuls les bulletins « Oui » étaient imprimés. Les républicains courageux qui voulaient voter « Non » devaient, sur place, et au vu de tous, l’écrire sur des bulletins vierges. Ils furent pourtant 647 292 à oser voter « Non », contre 7 481 231 « Oui », avec un taux d’abstention de près de 19%. Dans l’armée, les soldats devaient voter sur des registres ouverts devant leurs officiers.

Commentant ces résultats le Prince président parjure devait dire : « La France a compris que je n’étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Plus de 7 millions de suffrages viennent de m’absoudre ».

Moins d’un an plus tard, le 2 décembre 1852, à la suite d’un autre plébiscite, le Second Empire était établi, Louis-Napoléon BONAPARTE devenait « NAPOLEON III, empereur des Français ».

CONCLUSIONS

1/ S’agissant du fonctionnement des institutions de la Vème République… DES ATTENTES NOUVELLES

Les Français sont aujourd’hui très réservés vis-à-vis des institutions de la 5ème République. La majorité d’entre eux en appellent à une VIème République.

En effet, selon un récent sondage [13], 53% des Français sont favorables à la mise en place d’une VIème République.

Les Français sont très partagés sur le fonctionnement des institutions nationales : 50% trouvent qu’elles fonctionnent mal contre 49% pour lesquels elles fonctionnent bien,

51% des Français souhaiteraient accorder davantage de pouvoir à l’Assemblée nationale.

Plus de 6 Français sur 10 sont insatisfaits de la manière dont Emmanuel MACRON exerce la fonction présidentielle (62%) contre 37% qui en sont satisfaits.

58% des Français considèrent qu’Emmanuel MACRON fait une utilisation excessive des pouvoirs qui lui sont conférés.

57% des Français estiment qu’Emmanuel MACRON occupe une place excessive dans l’action de l’exécutif.

Néanmoins pour 60% des Français, Emmanuel MACRON leur paraît dans la continuité des autres Présidents, avec une pratique du pouvoir le rapprochant le plus de celle de Nicolas SARKOZY, ce qui tendrait donc à montrer que la dérive présidentielle actuelle n’est pas seulement liée à la personnalité du Président mais puise sa source dans les institutions elles-mêmes.

Pourtant, de manière encore assez paradoxale par rapport aux réponses précédentes, les Français restent encore partagés quant à la posture que doit adopter le Président de la République…

En effet, 45% de Français sont de plus en plus favorables à un Président qui interviendrait comme ARBITRE (contre 31% en 2007) alors que 52% d’entre eux émettent le souhait de voir le Président impliqué dans l’action politique. Si les seconds restent encore majoritaires, leur nombre régresse car ils étaient 64% en 2007 à vouloir l’implication du Président dans l’action politique.

2/ Un Exécutif fort Est-il FORCEMENT uN gage de stabilité?

Il n’est en tout cas pas correct, par rapport à notre propre histoire constitutionnelle, et contrairement à ce que veulent souvent faire croire certains constitutionnalistes, d’associer mécaniquement la stabilité des institutions à la nécessité d’un Exécutif fort.

Un Exécutif fort, d’essence monarchique (même par le biais du suffrage universel), peut menacer la République et même emporter le régime, comme ce fut le cas en 1799 puis en 1851, après l’instauration des régimes respectivement du Directoire (1795-1799) et de la Seconde République (1848-1851).

Pour ne nous cantonner ici, dans ce bref rappel, qu’à la Seconde République, en 1848, LAMARTINE et Jules GREVY s’opposèrent sur l’élection d’un Président de la République au suffrage universel, à l’occasion des travaux de la Constituante élue le 23 avril 1848 pour élaborer une Constitution, après les journées révolutionnaires des 22 au 24 février 1848 qui aboutirent à l’abdication de LOUIS PHILIPPE, suivie de la proclamation de la République et de la mise en place d’un Gouvernement provisoire [14].

Face à LAMARTINE qui vantait les grands mérites de l’élection d’un Président de la République au suffrage universel, Jules GREVY avait dénoncé les risques inhérents à ce type d’institution.

Jules GRÉVY fit une critique sans concession des pouvoirs considérables attribués au Président de la République, qui apparaissait comme un authentique monarque caché, formidablement servi par la sanction de la souveraineté populaire s’exprimant dans le suffrage universel.

Pour GRÉVY, en effet, le déséquilibre des pouvoirs était trop flagrant, avec une grande force de contrainte liée à la puissance étatique, militaire et administrative du Président de la République et à sa souveraineté qui était immédiatement concurrente de celle de l’Assemblée. Le suffrage universel risquait, selon Jules GRÉVY, de faire le jeu de la démagogie. Les partisans de CAVAIGNAC et les républicains les plus convaincus et les plus égalitaires appuyèrent un amendement GRÉVY qui supprimait la magistrature présidentielle.

Mais ce fut LAMARTINE qui l’emporta contre Jules GRÉVY…

Car Alphonse de LAMARTINE entendait courir le risque de césarisme ou de dictature dénoncé par GRÉVY. LAMARTINE voulait fonder une république à l’américaine, avec l’élection d’un président de la République au suffrage universel, mais avec une seule chambre. Appréciant peu CAVAIGNAC, LAMARTINE apporta son concours à la droite et emporta, avec lui, la masse des indécis.

Mais, comme nous l’avons vu, le coup d’Etat du 2 décembre 1851 valida malheureusement les craintes de Jules GRÉVY.

3/ Une République parlementaire peut s’appuyer sur des institutions stables

Ainsi en fut-il des institutions de la IIIème République qui, comme on l’a vu, vécurent de 1870 (ou 1875) à juillet 1940 et qui ne furent modifiées que trois fois en 70 ou 65 ans – selon qu’on prend la date de proclamation de la République, 4 septembre 1870, ou celle de l’élaboration des trois lois constitutionnelles de 1875 -, soit en moyenne une réforme constitutionnelle tous les 20 ans…

C’est de cette période que date la fondation durable de la République et son inscription dans nos mœurs quotidiennes, à telle enseigne que dans sa célèbre décision du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel devait dire qu’au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (selon la formule du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946) figure la liberté d’association (résultant de la loi du 1er juillet 1901, œuvre de la IIIème République).

Ainsi une velléité de loi de la 5ème République tournant le dos au principe de liberté en matière de création d’une association fut fort heureusement contrée et empêchée par le Conseil constitutionnel invoquant le principe de liberté résidant au cœur de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, et cela par le biais du fécond préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

C’est dire la dette politique et philosophique que nous avons envers les IIIème et IVème Républiques parlementaires qui n’avaient pourtant pas inscrit dans leurs textes respectifs la prééminence de l’Exécutif. Ces constitutions n’étaient sûrement pas parfaites mais elles avaient su dessiner un certain rapport de proximité avec les citoyens par le canal de leurs représentants chargés de faire la loi, expression de la volonté générale, et au centre de notre Droit et de notre culture républicaine.

La République, c’est le « NOUS » et non le « JE» et les « jeux de pouvoir » …

C’est dire que l’humanisme – au sens kantien de « l’esprit des Lumières », c’est à dire en tant que libération des hommes de toutes les chaînes et tutelles qui entravent l’exercice de leur liberté – et la fraternité (égalité et solidarité entre les hommes) devraient constituer l’épicentre du gouvernement de la République.

Un nécessaire équilibre des pouvoirs est donc nécessaire dans toutes les constitutions car un tel équilibre est garant de la liberté et des droits des citoyens.

Paris, le 4 octobre 2018

Louis SAISI

SIGLES

C = Constitution ; exemple : (article 43 C) = article 43 de la Constitution (en l’occurrence de 1848) ;

RC = Réforme constitutionnelle ;

TCE = Traité constitutionnel européen.

NOTES

[1] Les deux autres lois constitutionnelles furent celles du 25 février 1875 : la première, relative à l’organisation des pouvoirs publics ; la seconde relative à l’organisation du Sénat.

[2] L’Assemblée nationale, réunie à VICHY, était incomplète et accablée par la défaite de mai-juin 1940. C’est cette défaite de juin 1940 qui emporta la IIIème République.

[3] Date de la proclamation de la République après le désastre de SEDAN et la chute de Napoléon III. Mais si la IIIe République fut proclamée en 1870, elle resta pendant un certain temps placée sous le contrôle des monarchistes et de MAC MAHON, président de la République française jusqu’en 1879.

[4] En 1871, le terme « radicaux » est employé par les conservateurs qui veulent faire passer les républicains pour des révolutionnaires. Mais le terme de radical, signifiant intransigeant, avait déjà été développé plus positivement par Jules SIMON dans son ouvrage écrit dès 1868 intitulé La politique radicale. Il sera ensuite utilisé par les républicains les plus à gauche pour se différencier des modérés et des opportunistes. Le radicalisme exprimait, dans les années 1860, une vision révolutionnaire de la société et de la démocratie politique. On y trouvait des adeptes de la démocratie directe, parfois très critiques vis à vis du parlementarisme, ou encore des critiques très proudhoniennes de l’autorité. Ainsi Jules SIMON écrivait : « L’École radicale va  dans l’élimination de l’autorité jusque dans les dernières limites possibles (…) L’autorité ne peut être forte qu’à condition d’être légitime ; elle n’est légitime qu’à condition d’être nécessaire (…) Le pouvoir, s’il est fidèle à sa mission, doit travailler avec une énergie persévérante à sa propre élimination. ». Ils exprimaient des idéaux d’égalité et de justice sociale, souvent  très proches des idées socialistes. Ils proposaient alors des réformes politiques ambitieuses, comme l’impôt progressif sur le revenu, l’assistance sociale aux enfants et aux vieillards, l’extension des droits de la femme, l’abolition de la peine de mort, la nationalisation des chemins de fer, qui furent énoncées au Congrès de NANCY en 1907. Mais pas plus que le programme de Belleville développé par GAMBETTA, celui de Nancy ne fut pas ou très tardivement appliqué (l’impôt progressif, par exemple ne sera voté qu’en 1917). Le programme de BELLEVILLE fut considéré comme la première charte du radicalisme. Il fut rédigé dans le cadre des élections législatives de mai 1869. Bien que l’on impute ce programme à GAMBETTA, il fut, en fait, élaboré par le comité électoral composé d’ouvriers de BELLEVILLE. Il fut approuvé ensuite par Léon GAMBETTA (1838-1882), figure emblématique et chef de file de la mouvance « radicale » française sous le second Empire et la 3ème République. Candidat député à BELLEVILLE en 1869, GAMBETTA avait prêté serment, devant un parterre ouvrier, de défendre leur programme « démocratique-radical » [PROGRAMME DE BELLEVILLE] affirmant: « Comme vous, je pense qu’une démocratie régulière et loyale est, par excellence, le système politique qui réalise le plus promptement et le plus sûrement l’émancipation morale et matérielle du plus grand nombre et assure au mieux l’égalité sociale dans les lois, dans les faits et dans les mœurs. Mais, comme vous aussi, j’estime que la série progressive de ces réformes sociales dépend absolument du régime et de la réforme politiques et c’est pour moi un axiome en ces matières que la forme emporte et résout le fond (…) Je fais plus que consentir. Voici mon serment : Je jure obéissance au présent contrat et fidélité au peuple souverain. » (Profession de foi adressée aux électeurs de la première circonscription du département de la Seine, 8 mai 1869). Lors des élections de 1876, les radicaux obtinrent 80 sièges. L’attitude modérée de GAMBETTA suscita des critiques dans son propre groupe et certains cherchèrent à s’en démarquer. Deux tendances se firent jour : les « radicaux« , intransigeants, avec Louis BLANC et CLEMENCEAU et les « opportunistes » avec GAMBETTA, prêts à accepter des responsabilités gouvernementales et qui, peu après, formèrent l’Union républicaine. « Nous les républicains radicaux, nous voulons la république pour ses conséquences naturelles, les grandes et fécondes réformes qu’elle entraîne», disait CLEMENCEAU. La crise du 16 mai 1877 mit un terme provisoire à cet éparpillement de leurs forces. Républicains et radicaux, soucieux de défendre les droits du Parlement, signèrent ensemble le manifeste des 363 contre le cabinet de BROGLIE. Mais l’opposition entre opportunistes et radicaux resurgit et s’accentua : CLEMENCEAU exigea des réformes immédiates et accusa les opportunistes d’immobilisme. Le 21 octobre 1880, reprenant le « Programme de Belleville« , il prononça un discours important à MARSEILLE dans lequel il prônait la séparation de l’Église et de l’Etat, la confiscation des biens des congrégations, la suppression du Sénat, l’élection des magistrats, l’autonomie municipale, l’impôt sur le revenu, la limitation de la durée légale de la journée de travail, la retraite des vieux travailleurs, la responsabilité des patrons en cas d’accident, le rétablissement du divorce et la reconnaissance du droit syndical.

[5] Alliance républicaine démocratique, radicaux, le socialiste MILLERAND.

[6] L‘affaire DREYFUS a divisé profondément et durablement la France en deux camps opposés, les « dreyfusards » partisans de l’innocence de DREYFUS, et les « antidreyfusards » partisans de sa culpabilité. Cet affrontement des deux camps rejoignait, en gros, le clivage « gauche » (dreyfusards) et extrême droite (anti dreyfusards).

[7] La fusillade fit au minimum 15 morts le jour-même (dont 14 parmi les manifestants), mais 31 voire 37 morts si l’on comptabilise les décès ultérieurs. De nouvelles manifestations violentes – avec de nouvelles victimes du côté des manifestants – se produisirent les 7, 9 et 12 février. La crise du 6 février 1934 provoqua, dès le lendemain, la chute du second gouvernement Daladier et devait conduire au sursaut des partis de gauche (radicaux, socialistes et communistes) avec la mise en place d’un Front Populaire de résistance aux visées factieuses de l’extrême droite, lors des élections législatives de 1936.

[8] Sur les 24 révisions constitutionnelles opérées depuis 1958, 23 l’ont été en application de l’article 89 de la Constitution consacré à son mode de révision. Parmi celles-ci, 22 ont été ratifiées par le Congrès et une seule par référendum (celle d’octobre 2000 relative à la réduction de la durée du mandat présidentiel).

Parmi les plus importantes, citons, entre autres, la réforme constitutionnelle (RC) n°62-1292 du 6 novembre 1962 modifiant les articles. 6 et 7 de la Constitution afin de permettre l’élection du Président de la République au suffrage universel (adoptée en violation de l’article 89 de la Constitution) ; la RC n° 2000-964 du 2 octobre 2000 : après référendum, l’article 6 est à nouveau modifié pour ramener de sept à cinq ans le mandat du Président de la République( réforme dite du « quinquennat » en 2000) , suivie, sur le plan de la législation ordinaire, de l’inversion du calendrier électoral pour les élections du Président et de l’Assemblée nationale, ce qui renforce la prééminence du Président de la République ; la RC n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV relatif à l’Union européenne pour introduire l’impact du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (malgré le rejet, le 29 mai 2005, par le peuple français du Traité constitutionnel européen qui sera repris dans le Traité de Lisbonne) ; la RC n° 2008-724 du 23 juillet 2008 dite de « modernisation des institutions de la Ve République » qui a entraîné la modification de plus de la moitié des articles de la Constitution, avec, parfois, une réécriture complète ou l’introduction de procédures totalement nouvelles. Le Constituant a opéré une transformation profonde du texte constitutionnel, y compris sur des points souvent considérés comme fondateurs des équilibres de la Ve République. Elle a constitué ainsi une importante révision constitutionnelle et a opéré une réforme d’ensemble des institutions (modifications de très nombreux articles et introduction de nouveaux). Parmi les innovations majeures introduites par cette dernière réforme constitutionnelle, citons notamment : l’adjonction, à l’article 11, d’un dispositif instituant timidement le référendum d’initiative populaire devant être nécessairement partagée avec le Parlement ; l’adjonction, à l’article 18 relatif au droit de message du Président, d’un alinéa 2 attribuant au Chef de l’Etat un droit d’ intervention directe devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles ; l’introduction d’un article 61-1 instituant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ; l’introduction d’un nouveau titre (« Le Défenseur des droits », art. 71-1).

[9] Voir ce projet de loi constitutionnelle N° 911 du 9 mai 2018 pour une République plus représentative, responsable et efficace, www.assemblee-nationale.fr.

[10] Le 29 mai 2005, c’est la victoire en France du non au référendum sur le traité constitutionnel européen par 54,67 % des suffrages, contre 45,33 % pour le oui (30,63 % d’abstention).

[11] Jacques GODECHOT : Les constitutions de la France depuis 1789, Ed. Garnier Flammarion, Paris, 1970, 508 p, notamment chapitre XII « La Constitution de 1875 et ses révisions », p. 330

[12] Il y eut néanmoins quelques résistances parmi les hommes politiques de l’Assemblée. Ainsi 220 députés libéraux conservateurs – sur les 750 qui venaient d’être chassés du Palais-Bourbon – se réunirent après bien des hésitations dans la mairie du Xe arrondissement. Ils décidèrent d’un certain nombre de mesures, légalement parfaitement justifiées : déchéance du président, appel à la garde nationale, commandement des troupes confié au général Oudinot assez courageux pour se démarquer de ses confrères embarqués dans le coup d’État. Mais au bout de quelques instants, la réunion est interrompue par la police et les députés arrêtés. Résistance symbolique ? Acte courageux des libéraux conservateurs ? C’est le cas de quelques-uns dont on peut rapprocher l’attitude de celle des maires qui démissionnèrent ce jour-là. Mais nombreux sont ceux qui ne protestèrent guère autrement que pour la forme. L’arrestation, qu’on pensait de peu de durée, leur évitait d’être dangereusement sollicités par la foule en cas de résistance populaire. Quant aux républicains eux-mêmes, ils mirent sur pied un comité de résistance dans lequel figuraient Victor HUGO, bien sûr, mais aussi Victor SCHOELCHER, Michel de BOURGES, Hippolyte CARNOT, Jules FAVRE, de FLOTTE, Emmanuel ARAGO, LAMENNAIS. Leur appel aux armes parut alors avoir aussi peu de chances de réussir que la protestation plus convenue des conservateurs.

[13] Les Français et la Vème République à l’occasion de son 60ème anniversaire, sondage réalisé par BVA pour Sciences Po, L’Obs et France Inter auprès d’un échantillon de 1040 Français interrogés par Internet du 29 au 30 août 2018.

[14] Dont LAMARTINE était la personnalité la plus notable (il avait publié l’année précédente son Histoire des Girondins qui l’avait rendu célèbre) aux côtés notamment de Louis BLANC et de l’ouvrier ALBERT. Ce gouvernement était constitué par des républicains pour moitié démocrates et pour moitié libéraux.

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