Cendre et or, poème d’Antemanha, poétesse franco-allemande et récitante bilingue

 

Sur la photo ci-dessus, Antemanha, à droite, lors d’une lecture de poésie publique à La Guillotine-Les Pianos Montreuil. Crédit photographique : Philippe Barnoud

Nous publions ci-dessous un poème de notre amie Antemanha, poétesse franco-allemande, qui, se produisant comme récitante bilingue, très reconnue et appréciée, lors de nombreux concerts et de lectures, en Europe et aux Etats-Unis, a déja enregistré plusieurs disques. Cinq recueils de poésie ont également paru, et une douzaine de ses textes a été mise en musique par différents compositeurs.

Dans le poème Cendre et or ci-dessous, s’inspirant du poète Paul CELAN [1], de nationalité roumaine, elle pointe et dénonce la destruction des écoles de Gaza privant les enfants de l’enclave palestinienne de l’éducation, notre bien le plus précieux contre la barbarie [(cf. Bernard CHARLOT, Education ou barbarie (2020) ; voir sur ce site L’être Humain Est une Aventure. Pour une anthropo-pédagogie contemporaine par Bernard CHARLOT, 12 avril 2023, https://ideesaisies.deploie.com/letre-humain-est…-bernard-charlot/)].

C’est qu’en effet, selon l’UNICEF [2], les écoles de Gaza, transformées en abris, sont régulièrement la cible d’attaques qui les placent en première ligne du conflit. Au cours du seul mois d’octobre 2024, 64 attaques ont été confirmées sur le terrain, la plupart dans le nord. Au total, 95 % de l’ensemble des écoles de la bande de Gaza ont subi de graves dommages au cours de l’année écoulée, et 128 personnes, dont de nombreux enfants, auraient été tuées durant ces frappes. 

Toujours d’après l’UNICEF, le nombre d’enfants déplacés au cours des 14 derniers mois s’élève quant à lui à plus d’un million.

Louis SAISI,

Paris, le 15 février 2025

Cendre et or                                                                                                                                                                                                                                                            à Gisela Hemau 

Privés de pays nous pouvons toujours apprendre

se dirent les habitants de Nonlieu

et mirent fin à l’analphabétisme

 

Jouez plus douce la mort

la mort est un maître d’Allemagne

crie l’homme d’après Celan [3]

 

Notre pays est en nous si nous apprenons

se dirent les habitants de Nonlieu

et devinrent brillants

 

Attaquons-nous à cela

pulvérisons leurs écoles pendant l’été

pensèrent les maître-élèves

s’étant identifiés à leurs bourreaux

 

Calcul mental :

9211 squelettes d’étudiants

plus 397 squelettes d’enseignants

égale combien d’os ?

 

Éliminons les bases du savoir

[4]ةيميلعتلا ةدابلإا

Aux animaux point de connaissances

 

Vous aurez une tombe dans les nuages où l’on n’est pas serré

crie l’homme au serpent d’après Celan

 

Une infinie étendue la guerre

égale combien de bandes de gaze ?

 

Lait noir de l’aube dans des écoles mortes

nous te buvons nous pleurons

 

Tes cheveux d’or Shoulamit

tes cheveux cendre Nasreen

 

Le serpent se mord la queue

 

Des hirondelles de cendre et d’or

se croisent dans l’air brillant

se chuchotent fragments de pensées

ANTEMANHA, 4/9/2024

Poétesse franco-allemande et récitante bilingue

NOTES

[1] Le poème Cendre et or se réfère au célèbre texte de Paul CELAN, Fugue de la mort (1945) dont il cite de brefs passages, tout en les recontextualisant. Ainsi, pour donner un exemple,

tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith
de Paul CELAN, devient-il
tes cheveux d’or Shoulamit
tes cheveux cendre Nasreen
dans le poème d’ANTEMANHA, afin de faire apparaître le cheminement d’une violence insensée par les voies de l’introjection et de la projection transgénérationnelles. En absence de lieu sur terre, l’espace de l’air, si cher à Celan, devient ici un lieu de refuge pour celles et ceux qui continuent à penser, à rêver de convivialité.

[2 ] UNICEF = Désigné sous l’acronyme « UNICEF », il s’agit du  fonds des Nations unies pour l’enfance, qui est une agence de l’Organisation des Nations Unies (ONU) consacrée à l’amélioration et à la promotion de la condition des enfants. Lors de sa création, le , son nom est originellement United Nations International Children’s Emergency Fund (Fonds d’urgence international des Nations unies pour l’enfance), dont elle conserve l’acronyme lors de l’adoption de son nom actuel, en 1953, lorsqu’elle devient un organe permanent du système des Nations unies.

[3] Difficile de ne pas rappeler ici, même brièvement, la figure de Paul CELAN (1920-1970) qui était un poète et traducteur de nationalité roumaine et de langue allemande, naturalisé français en 1955. Son nom d’écrivain est la métathèse de son patronyme roumain. Sa famille juive – père et mère – de Cernăuți, en Bucovine, région aujourd’hui située en Ukraine (mais appartenant alors à la Grande Roumanie historique d’entre les deux guerres), sera victime de l’holocauste nazi, après avoir été déportée en 1942 dans un camp de Transnitrie (nom roumain de la région située à cheval sur l’Ukraine et la Moldavie). Après la fin de la seconde guerre mondiale, quittant la Roumanie pour Vienne, à partir de 1947 – où il publia son premier livre Le Sable des urnes (Der Sand aus den Urnen) -, il s’installa ensuite à Paris, où il exerça la fonction de lecteur d’allemand et de traducteur à l’École normale supérieure. Très tourmenté par la mort tragique de ses parents dans les camps nazis et par son propre passage, en 1943, dans un camp de travail forcé, en Moldavie, CELAN mit fin à ses jours en 1970 en se jetant dans la Seine (depuis le pont Mirabeau, selon la probabilité la plus souvent émise).

[4] En arabe, » al-ibada al-ta’limiya« , extermination éducative. Voir ci-dessus les chiffres donnés par l’UNICEF.

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