La Déclaration universelle des Droits de l’Homme et l’accueil des réfugiés libyens de l’Aquarius par Louis SAISI

La déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 DECEMBRE 1948

et l’accueil des réfugiés libyens de l’Aquarius

par Louis SAISI

 

Les États européens (Italie, Malte, France, etc.) – professant en principe l’humanisme et les valeurs judéo-chrétiennes – se renvoient la balle quant à l’accueil des 141 réfugiés fuyant la LIBYE, la guerre civile et la misère…

Pourtant, le respect et la dignité de la personne humaine ont été reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 adoptée à Paris au palais de Chaillot par la résolution 217 (III) A du même jour…

La Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée à PARIS le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale de l’ONU proclame, en effet, dans son préambule :

« Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression.

….

« Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.

« Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

La Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 août 1948 reconnaît les principaux droits de la personne humaine suivants :

Article premier

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

 Article 2

« 1.Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté. »

Article 3

« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »

Article 6

« Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. » 

Article 13

1. …

2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

Article 14

« 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »

 

Ci-dessus, le navire humanitaire AQUARIUS, affrété par les ONG SOS Méditerranée

et Médecins sans frontières, le 1er août 2018. (BORIS HORVAT /AFP)

« Où on va ? »

« La réponse à la question où on va, on ne l’a pas encore », lance ALOÏS, bénévole à Médecins sans frontières aux rescapés de l’Aquarius.

Le navire attend toujours, mardi 14 août, de trouver un port d’accueil, alors qu’il a secouru 141 personnes au large de la LIBYE vendredi dernier 10 août, dont une moitié de mineurs et plus d’un tiers de femmes, essentiellement originaires de SOMALIE et d’ÉRYTHRÉE.

« On demande expressément aux dirigeants européens de respecter les droits de ces personnes qu’on a à bord et juste de faire preuve d’un minimum de décence pour ces vies humaines, qui sont fragiles et vulnérables et qui ont des droits comme n’importe quel humain », affirme ALOÏS, bénévole de l’Aquarius..

« Au moins cette fois-ci, ce sont des vivants que j’ai avec moi. On les traite avec dignité, ce que les autorités ne font pas. » (Déclaration de TANGUY, marin-sauveteur à France info).

Certes les bénévoles des deux ONG – SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, qui ont affrété le bateau – ne sont guère surpris de devoir affronter à nouveau cette situation de refus de la part des États européens. Mais il est difficile de devoir admettre qu’il faut toujours expliquer à des personnes ayant fui des prisons en LIBYE qu’elles doivent patienter avant de pouvoir dormir sur un lit sur la terre ferme et non sur un pont brûlant en acier …

« Dans la mesure où je me suis habitué à ramasser des cadavres, je peux bien m’habituer à attendre », grince TANGUY, marin-sauveteur, à bord de l’Aquarius depuis deux ans.

À bord, les migrants tuent le temps comme ils peuvent.

Tel homme se plaint de douleurs, parce qu’il y a quelques mois, des Libyens lui ont tiré une balle dans le bras. Mais pour la lui retirer, il faudra attendre d’être à quai.

Telle autre femme rescapée, dans un accès d’indignation, n’hésite pas à déclarer à la radio franceinfo :

« Aujourd’hui, c’est l’Afrique qui a des problèmes. Mais demain ce sera peut-être votre tour, vous, les Français, vous, les Européens »  

« OUVREZ-NOUS VOS PORTES, nous ne sommes pas venus violer vos lois… NOUS SOMMES DES ÊTRES HUMAINS » supplie UNE  rescapée à bord de l’Aquarius…

Malgré son triste sort, une autre jeune femme a encore la force de chanter… Originaire de Côte d’Ivoire, elle n’avait jamais pensé un jour devoir se rendre en Europe. Elle vivait en LIBYE avant la chute de KHADAFI. Lorsque le pays a basculé, elle a été vendue, raconte-t-elle : « Pour la prostitution ». Pour y échapper, elle n’avait pas d’autre choix que de traverser la Méditerranée. « Quand les Français se déplacent et qu’ils arrivent en Côte d’Ivoire, à l’aéroport c’est écrit ‘Bonne arrivée’. Arrêtez de dire que vous ne voulez plus des immigrants. Ouvrez-nous les portes, on ne va pas exploiter toute votre richesse. Ouvrez-nous les portes, nous ne sommes pas venus violer vos lois. Ouvrez-nous les portes, nous sommes des êtres humains. »

« Quoi qu’il arrive, vous n’allez pas retourner en LIBYE », affirme ALOÏS, le bénévole, aux rescapés. « On n’a pas le droit de vous ramener dans cet endroit qui est jugé non-sûr », rappelle-t-il, en français et en anglais, sous les applaudissements des migrants.

En France, la ville de SETE s’est portée volontaire pour accueillir le bateau dans son port.

NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER…

Jean-Claude GAYSSOT, président du port de Sète, ancien Ministre des Transports, a déclaré le lundi 13 août 2018 qu’il était prêt à accueillir le navire affrété par SOS Méditerranée, et les 141 migrants qu’il transporte, à condition que l’exécutif donne son aval. Une invitation qu’il a expliquée le soir même sur l’antenne de BMFTV :

« Il s’agit de vies humaines, il s’agit de femmes, d’enfants, de familles qui fuient la guerre, qui fuient la répression, qui fuient la misère (…) Le droit maritime international fait obligation de sauver des vies humaines, sinon on est  coupable de non-assistance à personne en danger. »

La Corse, de son côté, s’est déclarée prête à accueillir dans l’un de ses ports le navire humanitaire Aquarius et les 141 migrants à son bord, une nouvelle fois refoulé par l’Italie et Malte, a déclaré mardi le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy TALAMONI : « Bien sûr, La Corse est exactement dans le même état d’esprit » qu’à la mi-juin, a dit le dirigeant indépendantiste sur BFMTV, en faisant référence au fait que les autorités de l’île avaient proposé d’accueillir ce navire affrété par SOS Méditerranée, refusé par le gouvernement italien nouvellement formé par l’extrême droite et le mouvement populiste Cinq étoiles.

Mais, dans ce type de problème, la décision n’appartient pas aux autorités locales mais au pouvoir politique central, même si l’on peut se féliciter que certaines collectivités territoriales montrent la voie en se portant volontaires en matière d’accueil des réfugiés et migrants.

La France « discute » actuellement avec les autres pays méditerranéens de l’Union européenne pour trouver « rapidement » un port d’accueil au navire Aquarius et ses 141 migrants, que l’Italie et Malte refusent d’accueillir, a indiqué lundi 13 août l’Élysée à l’AFP, alors que le port de Sète s’est porté volontaire.

Il est URGENT pour la France, terre des droits de l’Homme et de liberté, de montrer l’exemple et d’accueillir ces migrants et réfugiés et non pas d’attendre… le bon vouloir des autres États européens…

Aux dernières nouvelles de mardi soir, 14 août 2018, l’île de Malte, qui, dans un premier temps, avait refusé d’accueillir le bateau, vient de donner son feu -vert pour le laisser accoster sur son territoire. «Malte va donner à l’Aquarius la permission d’entrer dans ses ports, même s’il n’a pas l’obligation légale de le faire.», a tweeté le premier ministre maltais, Joseph MUSCAT. « A la suite de discussions entre la France et Malte, un certain nombre d’Etats membres de l’Union européenne, avec le soutien de la Commission européenne, se sont accordés sur un partage des responsabilités », a déclaré le gouvernement maltais. « Malte servira de base logistique et la totalité des migrants à bord seront répartis entre la FRANCE, l’ALLEMAGNE, le LUXEMBOURG, le PORTUGAL et l’ESPAGNE ».  La France, quant à elle, en accueillera 60 sur les 141.

MALTE a accueilli également 114 autres migrants – qui avaient été recueillis par un autre bateau – et qui sont arrivés dans l’île le 14 août 2018 par « d’autres moyens », ce qui porte le total des migrants accueillis à MALTE à 255.

Ils doivent être répartis entre la France (60), l’Espagne (60), le Portugal (30) l’Allemagne (50) et le Luxembourg (5). Les 50 autres resteront à Malte.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a envoyé une mission à Malte, pour sélectionner les migrants pouvant bénéficier de l’asile en France, a précisé la présidence de la République. Cette mission est normalement arrivée le jeudi 16 août 2018 à Malte.

Nous sommes maintenant confrontés à un autre problème qui n’est plus celui du débarquement (qui a eu lieu) mais celui de la « sélection » des migrants qui pourront rester dans les pays d’accueil précités au titre de l’asile politique, alors que, selon notre Président, les autres migrants (dits « économiques » qui ont fui la faim et la misère chez eux) seront reconduits dans leur pays d’origine.

Si l’on ne peut certes que se réjouir de cet accord, l’on peut néanmoins regretter que de manière malthusienne et restrictive un numerus clausus ait déjà été instauré distinguant entre ceux des  migrants de l’Aquarius et les autres également accueillis à Malte, et qui entrent bien dans la catégorie des « réfugiés politiques » et « les autres », non éligibles, et susceptibles d’être renvoyés chez eux…

Le statut de « réfugié » est reconnu par l’OFPRA, en application de l’article 1er A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui stipule que :

« le terme de réfugié s’applique à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » .

La Convention de Genève du 28 juillet 1951 précitée relative au statut des réfugiés est un texte de droit international qui définit à la fois ce qu’est un réfugié, ensuite quels sont ses droits et enfin quelles sont les obligations des États signataires à son égard. Cette convention n’est d’ailleurs jamais que la formalisation et la mise en oeuvre de l’article 14-1 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme précitée (cf. supra).  

Déjà, comme on le sait, les « réfugiés politiques » sont eux-mêmes triés sur le volet car ils doivent apporter la preuve qu’ils ont été victimes de persécutions dans le pays qu’ils ont fui, preuve qui est toujours, pour eux, difficile à établir. Ceux d’entre eux revendiquant ce statut et n’apportant pas cette preuve sont refoulés, de même que les autres migrants non politiques. En effet, si les autorités gouvernementales sont contraintes – par les textes juridiques régissant l’asile politique et le statut de réfugiés – d’accueillir les réfugiés politiques, en revanche, elles ne sont plus tenues par des textes internationaux suffisamment contraignants – malgré la philosophie humaniste relative à la dignité de la personne humaine ayant inspiré la Déclaration universelle des Droits de l’Homme précitée (cf. supra) –, pour l’accueil des autres migrants, et les gouvernements européens ne veulent pas de migrants fuyant seulement la misère. Ces migrants sont désignés sous l’euphémisme de « migrants économiques », car il est difficile pour les gouvernements européens de reconnaître qu’ils fuient la faim et la misère et en même temps d’être insensibles à leur sort.

En effet, selon notre Ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves LE DRIAN, « Le but c’est d’éviter ces migrations et d’éviter de se trouver devant cette situation. Mais, quand cette situation a lieu, il faut que nous puissions mettre en œuvre un mécanisme soutenable de sortie de crise humanitaire et c’est l’objectif principal de la France. Il faut faire en sorte que ceux qui peuvent prétendre à l’asile – qui est un droit – puisse le faire et que ceux qui ne peuvent pas y prétendre puissent être raccompagnés humanitairement dans leur pays d’origine avec les autorités de ces pays » (Déclaration sur franceinfo le 14 août 2018).

L’on peut néanmoins regretter que non seulement la donne européenne ne soit pas tellement nouvelle ni pérenne en termes humanitaires – car chaque fois il faudra à nouveau rechercher un accord européen entre quelques États de « bonne volonté » pour l’accueil exclusivement de « réfugiés » – mais qu’elle reste encore bien éloignée de l’esprit de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948…

Louis SAISI

Paris le 14 août 2018

 

 

 

sans frontières, le 1er août 2018. (BORIS HORVAT /AFP)

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