La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux cavaliers budgétaires contenus dans les lois de financement de la Sécurité sociale par Louis SAISI

La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux cavaliers budgétaires contenus dans les lois de financement de la Sécurité sociale

par Louis SAISI

Le 20 mars 2023, le projet de réforme des retraites a été définitivement adopté sans vote par l’Assemblée nationale. En effet, les deux motions de censure déposées le 17 mars – après le recours à l’article 49.3 de la Constitution par la Première ministre, le 16 mars, pour faire adopter le texte – furent rejetées.

Les principales dispositions de la loi portant sur les retraites sont la suppression des principaux régimes spéciaux de retraite pour les futurs embauchés, à partir du 1er septembre 2023 ; l’allongement de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite ; l’accélération, dès 2027 (au lieu de 2035), de l’application de la « Loi Touraine » sur l’allongement de la durée de cotisation passant de 42 ans à 43 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein, dès la génération née en 1965 (au lieu de celle née en 1973). L’on peut y ajouter également « Les indicateurs relatifs à l’amélioration de l’emploi des seniors » (articles 2 et 3 de la version définitive du projet de loi).

En application de l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution :

– au niveau de l’Assemblée nationale, après l’adoption de la loi portant réforme des retraites, le Conseil constitutionnel a été saisi : le 20 mars, par les députés du Rassemblement National (RN) ; le 21 mars par les députés des quatre groupes parlementaires constitutifs de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) : Groupe de La France Insoumise (LFI) ; Groupe socialiste et apparentés ; Groupe Écologiste ; Groupe Gauche Démocrate et Républicaine (PCF).

– au niveau du Sénat, le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 mars par plus de 60 sénateurs appartenant aux trois groupes politiques de gauche du Sénat suivants :  Socialiste, Écologiste et Républicain ; Communiste, Républicain Citoyen et Écologiste ; Écologiste, Solidarité et Territoires.

– au niveau du Gouvernement, la Première Ministre a également saisi le Conseil constitutionnel le 21 mars 2023 pour lui demander « de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution ».

Ces différentes demandes ont été enregistrées au Greffe du Conseil constitutionnel sous le N° 2023-849 DC.

De son côté, l’Intersyndicale a annoncé son intention d’adresser au Conseil constitutionnel une « contribution extérieure » afin d’obtenir le rejet de la loi portant réforme des retraites.

Ce terme de « contribution extérieure » se justifie par le fait qu’une organisation syndicale ne fait pas partie des autorités habilitées à saisir le Conseil constitutionnel qui sont limitativement énumérées par l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution.

En revanche, la possibilité de déposer une contribution extérieure est largement ouverte à tout citoyen ou groupement de particuliers (association, société, entreprise) désireux de développer un argumentaire afin de s’exprimer sur la question de constitutionnalité qui est un procès objectif, et en principe désintéressé, fait à un acte juridique fondamental, en l’occurrence une loi arguée d’inconstitutionnalité, au nom de la suprématie de la Constitution placée au sommet de la hiérarchie des normes juridiques.

Bien que dépourvues de caractère officiel, les « contributions extérieures » permettent aux acteurs de la « société civile » d’intervenir pour apporter leur contribution sur le contrôle de la constitutionnalité de la loi opéré par le Conseil constitutionnel [1].

Rappelons que cette loi sur les retraites est passée par l’artifice de l’article 47-1 de la Constitution relatif aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, et de manière encore plus exorbitante des procédures habituelles puisqu’il s’est agi, en l’occurrence, d’une loi rectificative du financement de la sécurité sociale qui ne saurait être enfermée dans les mêmes délais contraints de calendrier budgétaire posés par les alinéas 2 et 3 de l’article 47-1 précité.

Or l’on se souvient qu’il y a, à peine, un peu plus d’un an, déjà, le Gouvernement de Jean CASTEX [2] – nommé par le président Emmanuel MACRON – à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, avait utilisé le véhicule de cette loi pour faire passer, dans le texte législatif dont la constitutionnalité avait alors été mise en cause par un certain nombre de sénateurs, une série de dispositions considérées, par les requérants de la Chambre Haute, comme étrangères à ce que doit être contenu de la loi de financement de la sécurité sociale.

Ce sont de telles dispositions étrangères aux lois de finances ou de financement de la sécurité sociale – désignées sous l’expression de « cavaliers budgétaires » – qui sont susceptibles d’être invalidées par le Conseil Constitutionnel en cas de saisine de celui-ci.

Une disposition non financière incluse dans le projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale peut faire l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel, s’il est saisi. L’objectif est de préserver l’efficacité de la procédure fiscale mais aussi l’unité du budget.

C’est ainsi que lors du vote et de l’adoption de la loi de finances de 2022, le Conseil constitutionnel censura, dans sa décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021 [3], 10 articles de cette loi qu’il qualifia de « cavaliers budgétaires », estimant que leur objet ne relevait pas du domaine du budget de l’Etat.

Sur le fondement de l’article 32 de de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) disposant que « Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler », le Conseil constitutionnel rappelle que la sincérité de la loi de finances de l’année se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine. L’impératif de sincérité doit donc s’attacher à l’examen de cette loi pendant toute la durée de celui-ci.

Parmi les articles jugés contraires à la Constitution, certains concernaient l’accompagnement des associations dans leurs démarches administratives, d’autres, l’échange d’informations entre des agents des douanes et ceux du ministère de l’Environnement pour lutter contre la « déforestation importée », ou encore l’extension des possibilités pour les organismes de formation professionnelle (appelés « opérateurs de compétences ») de collecter des contributions supplémentaires de la part des entreprises sur une base volontaire. « Ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’Etat ». Elles furent donc censurées, avec d’autres, par le Conseil constitutionnel comme contraires à la Constitution.

Quant aux lois de financement de la sécurité sociale leur objet est défini par l’article 34 de la Constitution qui dispose :

« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

Le Conseil constitutionnel se réfère également, dans sa décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 (cf. infra), à l’article LO 111-3 du Code de la sécurité sociale (loi organique) qui fixe la teneur de la loi de financement de la Sécurité sociale et qui d’ailleurs, après sa décision précitée, a fait l’objet d’une modification par le biais de l’article 1er de la LOI n°2022-354 du 14 mars 2022.

En matière de financement de la sécurité sociale, la tentation peut être forte, à l’occasion des débats parlementaires, de déposer des amendements proposant, par exemple, de réorganiser les soins médicaux, alors que de tels amendements n’ont pas forcément une implication directe sur les comptes sociaux.

Si, comme nous aurons d’ailleurs l’occasion de le voir ci-dessous, certains de ces amendements ne sont certes pas sans intérêt et se proposent parfois d’améliorer le dispositif légal existant, il reste qu’étrangers à la problématique du financement de la sécurité sociale ils constituent une immixtion dans un domaine qui n’est pas celui de la loi soumise à la votation parlementaire qu’ils contribuent alors à obscurcir et détourner de son objet principal et exclusif qui est financier.

C’est ainsi que le 29 novembre 2021, malgré l’opposition du Sénat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 avait été adopté, par l’Assemblée nationale statuant elle-même définitivement, dans les conditions prévues à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution

Le Conseil constitutionnel fut aussitôt saisi le 30 novembre 2021 par plus de soixante sénateurs, en application de l’article 61, alinéa 2 de la Constitution.

Lors de cette saisine, les sénateurs requérants contestèrent la conformité à la Constitution de son article 6 et sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale ainsi que son article 35. Ils contestaient également la place dans la loi de financement de la sécurité sociale des articles 28, 41, 46, 68, 70, 73, 74, 75, 76, 86, 87, 90, 94, 95 et 105 ainsi que la procédure d’adoption de certaines dispositions des articles 37 et 93.

Mais pour aller à l’essentiel, nous n’examinerons ici que les dispositions déclarées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel, soit à la demande des sénateurs auteurs de sa saisine (à savoir les articles soulignés en gras ci-dessus), soit qu’elles aient été examinées d’office par le CC lui-même (comme nous le verrons infra).

Dans sa décision précitée n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 relative à la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Conseil constitutionnel déclara inconstitutionnelles les dispositions suivantes de cette loi (en gras celles invoquées par les sénateurs requérants et retenues par le CC) :

  • les articles 14, 22, 27 ;
  • les paragraphes II à IV de l’article 28;
  • le paragraphe II de l’article 37 ;
  • les articles 41, 46, 48, 50, 52, 60 et 63 ;
  • le paragraphe III de l’article 64 ;
  • les articles 67, 70, 72 et 75;
  • les 1 ° et 2 ° de l’article 80 ;
  • le paragraphe III de l’article 85 ;
  • et les articles 87, 90, 91, 94, 95, 99, 101 et 106.

I/ L’annulation de certaines dispositions contestées par les sénateurs

A/ Les dispositions des paragraphes II à IV de l’article 28 de la loi déférée relatives aux conditions dans lesquelles sont évalués des projets de recherche médicale

Pour le Conseil Constitutionnel (CC) de telles dispositions  » ne trouvent (…) pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont ainsi contraires à la Constitution« .

En effet, selon le Conseil constitutionnel, l’article 28 de la loi déférée a pour objet, à son paragraphe I, de rehausser le taux de contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques et, à ses paragraphes II à IV, de modifier les modalités d’encadrement de certaines recherches médicales.

Or les dispositions des paragraphes II à IV se bornent à modifier les conditions dans lesquelles sont évalués certains projets de recherche médicales, notamment par la création de comités d’éthique locaux. Par suite, elles « n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ». Par ailleurs, elles ne relèvent pas davantage « des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. »

La conclusion du Conseil constitutionnel est qu’ « elles ne trouvent … pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont ainsi contraires à la Constitution ».

B/ Les dispositions de l’article 41 relatives aux modifications dans lesquelles sont exécutées des mesures de contention ou d’isolement de personnes hospitalisées à la demande de tiers

S’agissant de l’article 41, il modifie les conditions dans lesquelles sont exécutées les mesures de contention ou d’isolement appliquées à des personnes hospitalisées sans leur consentement, et notamment les cas dans lesquels le juge des libertés et de la détention doit être saisi pour les renouveler au-delà de certaines durées.

Pour le Conseil constitutionnel, de telles dispositions « sont (…) contraires à la Constitution » car « n’ayant pas d’effet ou (…) un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement… Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. »

C/ L’article 46 et la mise à disposition d’une carte professionnelle pour les intervenants et intervenantes de l’aide à domicile

L’article 46 se borne à prévoir que l’État peut, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, autoriser la mise en place et le financement, par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, d’une carte professionnelle pour les intervenants et intervenantes de l’aide à domicile.

Le Conseil constitutionnel considère donc qu’il a un « effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

D/ L’article 70 fixant les nouvelles obligations de l’activité des centres de santé exerçant dans les domaines dentaires ou ophtalmologiques

Cet article, qui soumet à de nouvelles obligations l’activité des centres de santé exerçant dans les domaines dentaire ou ophtalmologique, n’a pas d’effet ou à un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.

E/ L’article 75 et la mise à disposition de l’accès gratuit au guide du bon usage des examens d’imagerie médicale au sein de l’espace numérique des médecins généralistes

L’article 75 prévoit les conditions dans lesquelles peut être expérimentée la prise en charge des frais occasionnés par la promotion et la mise à disposition de l’accès gratuit au guide du bon usage des examens d’imagerie médicale au sein de l’espace numérique des médecins généralistes.

Selon le CC, il n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.

F/ L’article 87 et les campagnes d’information sur les compétences des sages-femmes

Cet article se borne à prévoir que la Caisse nationale d’assurance maladie met en œuvre des campagnes d’information sur les compétences des sages-femmes.

Pour le CC, l’article 87 « … n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, pour utiles qu’elles puissent être, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

G/ L’article 90 et le tiers payant des assurances complémentaires de santé mettant en place des services numériques au profit des professionnels de santé (optique, audiologie et soins dentaires)

L’article 90 devait faciliter la mise en place par les organismes d’assurance maladie complémentaire de services numériques au profit des professionnels de santé en vue de l’application du tiers payant sur certaines prestations en matière d’optique, d’audiologie et de soins dentaires.

Le Conseil constitutionnel constate que cet article « ne modifie pas les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part des rémunérations prise en charge par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie. »

Par suite, « ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses et sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Elles ne trouvent donc pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont contraires à la Constitution. »

H/ L’article 94 et la cession à titre gratuit par l’agence nationale de santé publique de biens meubles à des organismes publics

Le CC considère que cet article « n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution. »

I/ L’article 95 et le partage de certaines informations entre l’assurance-maladie et les professionnels de santé en vue d’une meilleure information des assurés

Pour le CC, cet article « n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution. »

II/ Les autres questions soulevées d’office par le Conseil également sanctionnées

À l’occasion de sa saisine sur un article d’un projet de loi de finances de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel se saisit volontiers d’office des cavaliers budgétaires présents par ailleurs dans le texte, ce qui renforce la cohérence et la spécificité des lois de financement de la sécurité sociale.

Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il lui appartient « de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure prévue à l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui détermine le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles. »

Par suite, les questions soulevées d’office par le Conseil constitutionnel et dont il a prononcé l’inconstitutionnalité sont plus nombreuses (18) que celles des sénateurs auteurs de sa saisine dont l’inconstitutionnalité a été retenue par lui (9 déclarées inconstitutionnelles sur 19 dispositions contestées).

A/ En ce qui concerne les dispositions prévoyant la remise de rapports 

Il s’agit des dispositions des articles ci-dessous prévoyant, à compter de la promulgation de la loi, la remise de rapports par le Gouvernement au Parlement.

1/ L’article 63 : remise par le Gouvernement dans un délai d’un an d’un rapport au Parlement sur la révision des actes hors nomenclature et leur financement.

2/ L’article 64, paragraphe III, prévoyant dans un délai de 6 mois la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport identifiant la liste des dispositifs médicaux en nom de marque qui peuvent faire l’objet d’une substitution.

3/ L’article 85, paragraphe III, prévoyant, dans un délai de 6 mois, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la contraception masculine.

4/ L’article 106 prévoyant, au plus tard le 31 janvier 2022, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’amélioration de la couverture sociale contre le risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles de certains travailleurs indépendants.

Le CC considère que l’ensemble des dispositions ci-dessus inventoriées de 1 à 4 « n’ont pas pour objet d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale au sens des dispositions du 4 ° du C du paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution. »

B/ En ce qui concerne d’autres dispositions déclarées inconstitutionnelles 

Il s’agit des 14 séries d’articles suivants : 14, 22, 27, 37 (paragraphe II), 48, 50, 52, 60, 67, 72, 80 (1° et 2), 91, 99 et 101.

1/ L’article 14 et la transmission à divers organismes, par le centre national de traitement des données fiscales, d’informations relatives à la contribution sociale généralisée acquittée.

2/ L’article 22 et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales mettant à la disposition des artistes auteurs le certificat de précompte afférent aux cotisations et contributions versées.

3/ L’article 27 et l’augmentation de l’amende – réprimant, en cas de récidive, le fait pour un grossiste-répartiteur de ne pas respecter les obligations de service public – portée à un maximum de 10 % du chiffre d’affaires annuel le plus élevé des trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.

4/ L’article 37, paragraphe II, relatif à la dématérialisation et la transmission électronique des documents permettant la prise en charge des soins, produits et prestations.

5/ L’article 48 et la mise en place, par le directeur général de l’agence régionale de santé, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, d’une plateforme d’appui gériatrique aux établissements et services sanitaires et médico‑sociaux ainsi qu’aux professionnels de santé libéraux apportant des soins ou un accompagnement aux personnes âgées.

6/ L’article 50 et le rôle d’accompagnement, de conseil, d’audit et d’évaluation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au bénéfice des départements, des maisons départementales des personnes handicapées et des maisons départementales de l’autonomie, en vue notamment de garantir la qualité du service et de veiller à l’égalité de traitement des demandes de droits et de prestations de soutien à l’autonomie.

7/ L’article 52 et la modification des conditions dans lesquelles les établissements et services sociaux et médico-sociaux évaluent et font procéder à l’évaluation de la qualité des prestations qu’ils délivrent selon une procédure élaborée par la Haute autorité de santé.

8/ L’article 60 fixant les règles auxquelles sont soumis les fabricants de dispositifs médicaux pour éviter les risques de rupture de disponibilité de ces dispositifs.

9/ L’article 67 et le mécanisme de pénalités à l’encontre des pharmaciens titulaires d’officine en cas de manquement à l’obligation de désactivation de l’identifiant unique figurant sur l’emballage de certains médicaments signalés.

10/ L’article 72 modifiant le calendrier de mise en place, par la Haute autorité de santé, d’un référentiel de bonnes pratiques et de la certification obligatoire des prestataires de service et des distributeurs de matériels destinés à favoriser l’autonomie et le retour à domicile.

11/ Les 1 ° et 2 ° de l’article 80 prévoient deux nouvelles dérogations aux règles relatives à la prescription de certains médicaments et aux activités de pharmacie ainsi que le recueil des avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur ces expérimentations.

12/ L’article 91 envisage de faire une information destinée aux bénéficiaires du RSA leur ouvrant la possibilité d’effectuer un examen de santé proposé par la sécurité sociale.

13/ L’article 99 prévoit la possibilité de permettre aux organismes de sécurité sociale, à Pôle emploi et aux administrations de l’État d’échanger les données qu’ils détiennent et qui sont nécessaires au bénéfice de certains droits ou au versement de prestations.

14/ L’article 101 prévoit l’information des allocataires des prestations familiales sur la nature et l’étendue de leurs droits.

Examinant les 14 séries d’articles ci-dessus, le Conseil constitutionnel considère qu’elles « n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et ne sont pas relatives aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées à ces régimes et organismes, ni aux règles portant sur la gestion des risques par ces mêmes régimes ou organismes. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. »

Au total, le Conseil constitutionnel a déclaré l’inconstitutionnalité de 27 dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

CONCLUSIONS

I/ Sur le plan juridique…

I.1/ L’exemple des nombreuses dispositions déclarés inconstitutionnelles (27) par le Conseil constitutionnel, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, montre le très large contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil constitutionnel qui prohibe les « cavaliers budgétaires » n’ayant aucun rapport avec l’objet de la loi de financement de la sécurité sociale au point d’examiner lui-même d’office certains articles de la loi précitée adoptée le 29 novembre 2021, articles sur lesquels l’inconstitutionnalité n’avait pas été soulevée par les sénateurs auteurs de sa saisine.

Dès lors, il ne fait guère de doute que sous l’angle de la prohibition des « cavaliers budgétaires » qui n’ont pas leur place dans une loi budgétaire – comme l’est aujourd’hui le PROJET DE LOI de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 utilisé comme véhicule législatif pour faire passer la réforme des retraites -, les articles 2 et 3 du texte du Gouvernement relatifs à l’amélioration de l’emploi des séniors (voir Annexe II « Les indicateurs relatifs à l’amélioration de l’emploi des seniors ») devraient être annulés par le Conseil constitutionnel, en application de sa propre jurisprudence que nous avons longuement analysée (Décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021).

I2/ Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner plus haut, et aussi dans un article précédent sur ce même site (cf. « Rétablir la vérité : la forme et le fond », 26 février 2022, https://ideesaisies.deploie.com/retablir-la-veri…-par-louis-saisi/), le véhicule législatif retenu par le Gouvernement pour faire passer la réforme des retraites dans les délais les plus brefs possibles est celui prévu par l’article 47-1 de la Constitution relatif  au « vote des projets de loi financement de la sécurité sociale ».

Or cette pratique doit être dénoncée comme constituant un véritable détournement de procédure et donc un abus de pouvoir car le vote des lois sur les retraites est un vote relevant du mécanisme d’adoption des lois ordinaires régi par l’article 45 de la Constitution qui ne prévoit pas des délais contraints a priori pour leur adoption, contrairement aux textes budgétaires que sont le vote de la loi annuelle de finances (article 47) et le vote des projets de loi de financement de la sécurité sociale (article 47-1).

Pour marquer l’importance de ces deux catégories de textes budgétaires c’est une loi organique spécifique à chacun de ces deux types de textes qui détermine les conditions dans lesquelles s’effectue leur vote.

La Constitution (article 47 précité) prévoit que pour le vote de la loi de finances, l’Assemblée nationale doit impérativement se prononcer en 1ère lecture dans un délai de 40 jours.

A l’issue de ce délai, si l’Assemblée ne s’est pas prononcée, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de 15 jours.

Comme pour l’adoption d’une loi ordinaire, il est procédé ensuite dans les conditions prévues à l’article 45 (navette entre les deux chambres). Mais la navette ne saurait perdurer.

En effet, faute que le Parlement se soit prononcé dans le délai de 70 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par voie d’ordonnance.

Tout ceci s’explique par le fait que l’adoption du budget de l’année à venir doit être réalisée, au plus tard, avant la fin de l’année en cours (31 décembre).

Le mécanisme d’adoption des projets de loi de financement annuel de la sécurité sociale relève de la même philosophie, mais avec des délais encore plus brefs.

L’article 47-1 de la Constitution prévoit que l’Assemblée nationale, en première lecture, doit se prononcer, au plus tard, dans un délai de 20 jours.

Faute qu’elle l’ait fait, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de 15 jours.

Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45 (navette entre les deux chambres). Mais ici aussi la navette est enfermée dans certaines limites.

Car si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 50 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par voie d’ordonnance.

Ici aussi il est nécessaire que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 soit adopté, au plus tard, avant la fin de 2022.

Le texte portant sur la réforme des retraites n’étant pas un texte budgétaire s’inscrit donc dans la procédure ordinaire d’adoption de la loi qui est celle de l’article 45 ne plaçant pas le Parlement dans des contraintes de délais pour son adoption.

Par ailleurs, une autre aberration est contenue dans le dispositif législatif gouvernemental : en effet, quant à son intitulé, il s’agit d’un « PROJET DE LOI de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ».

Or s’agissant d’une loi « rectificative » portant sur un texte déjà voté, il n’est pas nécessaire que ce texte soit enfermé dans les mêmes conditions de délais d’adoption que le texte initial, ne serait-ce que parce qu’en l’occurrence, la course au temps quant à son adoption (avant la fin de 2022…)  est révolue puisque le nouveau texte rectificatif a déjà débordé sur l’année 2023 en cours…

C’est dire que sur le plan de la procédure législative, le mécanisme choisi pour l’examen de la loi sur les retraites – article 47-1 de la Constitution – est incontestablement inconstitutionnel et devrait être annulé par le Conseil constitutionnel, ce qui invalide l’ensemble des dispositions portant sur les retraites.

II/ Sur le plan politique…

Derrière toute question de constitutionnalité il y a toujours un contexte politique, lui-même évolutif, qu’il n’est pas sans intérêt d’analyser ou de rappeler. La loi sur la réforme des retraites, telle qu’elle a été adoptée, n’y échappe pas.

Il y a lieu en effet de noter qu’aujourd’hui sur la question des retraites, les deux assemblées parlementaires, par rapport au contexte de l’adoption, le 29 novembre 2021, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 sont à fronts renversés.

Ci-dessous Gérard LARCHER (LR),

Président du Sénat de 2008 à 2011

et depuis 2014…

En mars 2023, en effet, c’est le Sénat qui s’est montré le plus ardent soutien du Gouvernement, notamment sur le recul de l’âge de départ à la retraite passant de 62 à 64 ans, alors que l’Assemblée nationale a été plus rétive et critique quant à l’adoption du texte du Gouvernement, d’où l’annonce, par la Première Ministre, le jeudi 16 mars, du recours par le Gouvernement au 49-3.

A l’inverse, en 2021, le Sénat, dans sa majorité LR, avait été hostile au président MACRON et aux groupes politiques LREM et MoDEM, fidèles soutiens du Président élu en 2017.

II.1/ Comme nous l’avons vu, la séquence de la saisine du Conseil constitutionnel, en novembre 2021, à propos de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, s’inscrit dans la durée de la législature 2017-2022.

L’on se souvient que dès octobre 2017, les résultats des élections sénatoriales voient la droite conforter sa majorité à la Haute assemblée.

Pendant cinq ans, le Sénat, seule chambre d’opposition à Emmanuel MACRON, va exercer avec célérité sa fonction de contrôle de l’action de l’Exécutif. Les commissions d’enquête en ont été la forme la plus significative.

La première expression de l’opposition sénatoriale a été la création de la commission d’enquête sur l’affaire BENALLA (été 2018 puis janvier 2019) au cours de laquelle le Sénat fut même accusé de s’être transformé en « tribunal politique » par la majorité présidentielle alors que parallèlement un sondage révélait que pas moins de 76% de Français interrogés ne manquaient pas d’approuver l’inélucable et nécessaire audition d’Alexandre BENALLA devant la commission d’enquête du Sénat [4].

En juin 2020, la première vague épidémique de covid-19 s’atténue et le Sénat est bien décidé à tirer les leçons de la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement en créant sa commission d’enquête sur la gestion de cette crise.

Après avoir auditionné pas moins de 133 personnes pendant 102 heures, le rapport sénatorial est implacable. Il analyse avec précision comment la France s’est retrouvée démunie en nombre de masques. Il révèle le rôle majeur qu’a joué le directeur général de la santé d’alors, Jérôme SALOMON, dans ce « fiasco », puis souligne les errances du ministre de la Santé, Olivier VÉRAN, pour reporter la responsabilité sur les gouvernements passés, et ne pas reconnaître la pénurie. Les conclusions du rapport d’enquête conduisent à la mise en examen par la Cour de justice de la République de l’ancienne ministre de la Santé, Agnès BUZYN pour mise en danger de la vie d’autrui.

À partir du 17 mars 2020, la mise en place de l’Etat d’urgence sanitaire entraîne un confinement généralisé. Au fil des mois et des textes d’urgence sanitaire, les débats entre sénateurs et gouvernement vont se tendre autour du contrôle de l’action de l’Exécutif.

Faute d’obtenir gain de cause sur le plan législatif, le Sénat va multiplier les commissions d’enquête pour faire entendre sa voix. Lors de l’examen du projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire, le Sénat avait plaidé en vain, pour la mise en place d’un système de péremption du « passe vaccinal ». La mesure est rejetée par le gouvernement et la majorité présidentielle. Une commission d’enquête se met alors en place pour examiner « l’adéquation passe vaccinal à l’évolution de l’épidémie de covid-19 ». En février 2022, sa principale recommandation concerne « une levée rapide » du passe vaccinal, que le gouvernement d’ailleurs, le précédant de quelques jours, s’empresse d’annoncer.

Après l’échec de la demande – par le groupe communiste du Sénat appuyé par la Droite – d’un rapport sur les conséquences de la fermeture des lits dans les hôpitaux publics, en mars 2022, le rapport d’une autre commission d’enquête sénatoriale sur la situation de l’hôpital dénonce « l’incapacité » du gouvernement à donner des chiffres, et pointe « des indications très parcellaires sur la base d’une enquête effectuée en urgence ».

Au cours de l’année 2021, des révélations concernant l’intervention de cabinets privés dans la gestion de la crise sanitaire fuitent dans la presse.

A ce sujet, le 17 mars 2022, la commission d’enquête sénatoriale souligne, dans ses conclusions, que les dépenses de l’Etat rémunérant de telles activités de conseil ont dépassé le milliard d’euros en 2021. La rapporteure du Sénat et le président (LR) de la commission soulignent une forme de « réflexe » automatique de la part de l’État dans l’appel aux consultants. Ils évoquent également une « fébrilité » sur ces sujets de la part du gouvernement.

Auditionné par la commission d’enquête, Karim TADJEDDINE, directeur associé de MCKINSEY & COMPANY, avait déclaré sous serment que sa société payait ses impôts en France. Or, l’enquête du Sénat révèle, au contraire, que le cabinet MCKINSEY n’a pas payé d’impôts sur les sociétés en France depuis au moins 10 ans [5].

A côté des commissions d’enquête,  le Sénat décide, en 2019, de faire porter l’une de ses missions d’information sur l’évaluation des politiques fiscales du Gouvernement. Cette évaluation est lancée alors que les gilets jaunes manifestent sur les ronds-points contre « le Président des riches » et réclament le retour de l’ISF.

Mais la mission d’information du Sénat éprouve des difficultés à obtenir la coopération de Bercy pour effectuer son travail d’information [6].

La mission parvient néanmoins à rédiger et finaliser son rapport dans lequel elle met en cause « la théorie du ruissellement ». Deux ans après la suppression de l’ISF et la création de la « flat tax », la réforme d’Emmanuel MACRON a rapporté pas moins de 1,7 million d’euros à chacun des 100 Français les plus riches.

Ainsi donc, de 2017 à 2022, lors du premier quinquennat d’Emmanuel MACRON s’appuyant sur une large majorité LREM et MoDEM à l’Assemblée nationale, le Sénat a joué le rôle d’un contre-pouvoir actif et exigeant et, comme on l’a vu, sa saisine, le 30 novembre 2021, du Conseil constitutionnel – à propos de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 -, s’inscrit dans ce cadre institutionnel et aussi politique de la décomposition de la droite classique LR à l’Assemblée nationale et du parti socialiste au sein de cette même assemblée.

II.2/ Aujourd’hui, après la déconfiture de la droite LR aux élections présidentielles [7] et législatives [8] du printemps 2022, dans le conflit social et politique de la réforme des retraites, le Sénat est devenu le plus solide soutien du Gouvernement tandis que le groupe LR de l’Assemblée nationale, à part une poignée de députés frontalement hostiles à l’Exécutif, tout en étant critique, n’ira pas jusqu’à voter la motion de censure.

Mais par un étrange et paradoxal retour des choses, c’est la jurisprudence du Conseil constitutionnel élaborée dans sa décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 relative à la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 [9] sur saisine alors par plus de 60 sénateurs, qui devrait permettre de censurer le texte aujourd’hui soutenu par la majorité du Sénat dont certains amendements furent intégrés, avec l’accord du Gouvernement, au projet initial de celui-ci.

Ci-dessous, les députés LR à l’Assemblée nationale le 17 février 2023

Quant aux députés LR, si officiellement ils se considèrent dans l’opposition au pouvoir politique macronien, seul le tiers du pari LR – dix-neuf députés [10] issus des Républicains (LR) sur 61 – a finalement voté la motion de censure portée par le groupe centriste Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), qui a recueilli 278 voix sur les 287 nécessaires. C’est dire que, contrairement à la focalisation faite par la presse et les médias pour entretenir un faux suspense sur le vote des députés LR sur la  motion de censure transpartisane précitée, très majoritairement ce groupe ne l’a pas votée, entraînant son rejet à 9 voix près.

Mais sur la réforme des retraites, la réalité politique – traduite concrètement par les comportements  dans leurs votes au Sénat comme à l’Assemblée nationale – est que les élus LR du Sénat (Gérard LARCHER, président du Sénat et Bruno RETAILLEAU, président du groupe LR) et les  2/3 des députés LR de l’Assemblée nationale (avec, à leur tête, Olivier MARLEIX, président du groupe parlementaire LR, et Éric CIOTTI, président du parti LR) ont de fait constitué, avec le Gouvernement et leurs homologues macroniens, malgré une « opposition » de façade et sous couvert d’une bataille contre la NUPES, un front politique homogène et uni, radicalement anti-social, à la fois hostile aux syndicats et à la majorité des citoyens français qui rejettent toujours leur réforme.

C’est ainsi que le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier MARLEIX (ci-contre à gauche), avait affirmé, dès janvier 2023, que la droite, – qui était prête « à soutenir une réforme » des retraites -, était enfin « satisfaite d’avoir été entendue » par le Gouvernement…

Et le patron des sénateurs LR, Bruno RETAILLEAU, n’a pas hésité à rappeler que la majorité (macronienne) présente une réforme des retraites identique à celle voulue par le Sénat, à majorité de droite. Selon lui, « sur les soixante-deux députés [LR], une très grande majorité va le voter. Il y a peut-être une douzaine, une quinzaine qui pourrait ne pas le voter ». Mais « je ne vois pas comment on peut ne pas voter une réforme qu’on a appelée de nos vœux depuis des années ».

On ne saurait mieux dire en termes de clarification politique…

Au sein du régime autoritaire de la 5ème République, la tendance va toujours dans le sens de la simplification de la vie politique pour donner le pouvoir au « Prince » qui nous gouverne avec l’onction du suffrage universel et aussi sa cohorte de courtisans. Pour pouvoir légiférer et réaliser les mesures phares de son programme politique ou de ses propositions de campagne électorale, le Président doit fédérer toutes les forces politiques de son camp, comme naguère De GAULLE avait fédéré, avec succès, les différentes droites (droite républicaine anticommuniste, monarchistes légitimistes ou orléanistes, bonapartistes) composant le paysage politique français. C’est ainsi qu’avec la feuille de route donnée à sa Première Ministre Elisabeth BORNE, le Président MACRON est parti à la conquête de toutes les forces de droite pour faire la majorité qui lui manque actuellement et qui le contraint à légiférer avec le 49-3. Dans la vision autoritaire de la pratique présidentielle du pouvoir, plutôt que l’art du compromis avec les diverses composantes politiques, c’est à cet exercice habituel de nature assez jupitérienne que se sont toujours livrés les présidents successifs de la 5ème République car il s’agit pour eux d’avoir une majorité parlementaire docile, souple et malléable, soit avant même d’accéder au pouvoir, soit après s’ils n’ont pu le faire avant. C’est dire que malgré les sorties tonitruantes du général de Gaulle contre la 4ème République et le « régime des partis » – les deux voués aux gémonies jusqu’à son accès au pouvoir en 1958 -, comme ses devancières, la 5ème République est inévitablement tributaire des accords ou désaccords entre les partis politiques, comme le reconnaît d’ailleurs explicitement l’article 4 de la Constitution de 1958. Pour gouverner et faire la loi, le Président, malgré tous ses pouvoirs, a besoin du Parlement car les grands choix politiques relèvent du domaine de la loi (article 34 de la Constitution).

Enfin, cette réforme des retraites, qui a généré l’union sacrée de la droite anti-sociale dans les deux assemblées parlementaires – contre les syndicats, la NUPES et le peuple -, constitue incontestablement un marqueur politique important et hautement significatif quant à la pertinence, l’actualité et la vitalité du clivage Gauche/Droite dont le président MACRON, aujourd’hui, son groupe politique Renaissance et ses alliés, ainsi que de nombreux autres partis et personnalités politiques – de droite  en général – ne cessent de clamer l’obsolescence et le nécessaire dépassement.

C’est ce clivage toujours fondé qu’ont montré les débats parlementaires et les votes, les revendications et les manifestations de l’Intersyndicale regroupant tous les syndicats de salariés, toutes sensibiliés réunies, et l’opposition du peuple qui travaille et se lève tôt…

Louis SAISI

Paris, le 4 avril 2023

I/ NOTES

[1] En raison de son caractère officieux, rien ne permet de garantir que l’argumentation développée dans une « contribution extérieure » sera examinée, ni a fortiori retenue par le Conseil constitutionnel, qui décide souverainement prendre en compte ou au contraire d’ignorer les arguments qui y sont développés.

[2] Succédant à Edouard PHILIPPE, Jean CASTEX fut nommé Premier ministre le 3 juillet 2020. Les ministres et ministres délégués furent nommés le 6 juillet, suivis des secrétaires d’État le 20 juillet. Le gouvernement resta en fonction jusqu’au 16 mai 2022.

[3] JORF n°0304 du 31 décembre 2021, texte n° 3.

[4] Sondage IFOP réalisé pour Public Sénat.

[5] Suite à ces révélations, le Parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire du chef de « blanchiment aggravé de fraude fiscale » visant le cabinet MCKINSEY.

[6] Selon « Public Sénat », au bout de 6 mois de vaine relance, « le Sénat se fait « doubler » par un rapport de France Stratégie, un organe placé sous l’égide du gouvernement et qui travaille sur le même sujet. »

[7] Arrivée en 5e position, Valérie PÉCRESSE, la candidate « Les Républicains » (LR), a recueilli seulement 4,78 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle.

[8] De 112 députés élus en 2017 constituant un groupe parlementaire d’une centaine de députés, le groupe LR passe à 61 députés élus lors des élections législatives de 2022.

[9] Cf. Décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021, JORF n°0299 du 24 décembre 2021, texte n° 4, ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.832. DC.

[10] Il s’agit des 19 députés suivants du groupe LR : Emmanuelle ANTHOINE (Drôme), Jean-Yves BONY (Cantal), Ian BOUCARD (Territoire de Belfort), Fabrice BRUN (Ardèche), Dino CINIERI (Loire), Pierre CORDIER (Ardennes), Josiane CORNELOUP (Saône-et-Loire), Vincent DESCŒUR (Cantal), Fabien DI FILIPPO (Moselle), Julien DIVE (Aisne), Francis DUBOIS (Corrèze), Pierre-Henri DUMONT (Pas-de-Calais), Justine GRUET (Jura), Maxime MINOT (Oise), Aurélien PRADIÉ (Lot), Raphaël SCHELLENBERGER (Haut-Rhin), Isabelle VALENTIN (Haute-Loire), Pierre VATIN (Oise) et Jean-Pierre VIGIER (Haute-Loire).

II/ SIGLES ET ABREVIATIONS

CC = Conseil constitutionnel ;

IFOP = Institut français d’opinion publique ;

ISF = Impôt sur la fortune. Il s’applique seulement à la fortune immobilière (IFI) car il pèse uniquement sur le patrimoine immobilier. Il remplace, depuis 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui concernait également la fortune mobilière.

LFI = La France Insoumise ;

LIOT = Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (groupe centriste de l’Assemblée nationale) ;

LO = Loi organique ;

LOLF = Loi organique relative aux lois de finances. Il s’agit d’un texte juridique qui fixe le cadre des lois de finances en France. La LOLF fut promulguée en août 2001 pour application définitive à compter de la loi de finances pour 2006, ce qui laissait quatre ans à l’Exécutif pour se préparer. En tant que loi organique, elle a une valeur supérieure à la loi ordinaire ;

LR = Les Républicains (parti politique de droite) ;

LREM = La République en Marche (parti du Président devenu « RENAISSANCE » depuis les dernières législaives de 2022) ;

MoDEM = Mouvement pour la démocratie ;

NUPES = Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale ;

PCF = Parti communiste français ;

RN = Rassemblement national.

III/ ANNEXES

A/ ANNEXE I : Décision du Conseil constitutionnel n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021

(Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022)

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, sous le n° 2021-832 DC, le 30 novembre 2021, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Jean-Claude ANGLARS, Jean BACCI, Philippe BAS, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Mmes Nadine BELLUROT, Catherine BELRHITI, Martine BERTHET, MM. Étienne BLANC, Jean-Baptiste BLANC, Mme Christine BONFANTI-DOSSAT, MM. Bernard BONNE, Michel BONNUS, Mme Alexandra BORCHIO FONTIMP, M. Gilbert BOUCHET, Mme Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, M. Yves BOULOUX, Mmes Toine BOURRAT, Valérie BOYER, MM. Max BRISSON, Laurent BURGOA, Alain CADEC, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, M. Jean-Noël CARDOUX, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Mme Marie-Christine CHAUVIN, M. Guillaume CHEVROLLIER, Mme Marta de CIDRAC, M. Pierre CUYPERS, Mme Laure DARCOS, M. Marc-Philippe DAUBRESSE, Mmes Annie DELMONT-KOROPOULIS, Patricia DEMAS, Catherine DEROCHE, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, Catherine DUMAS, Françoise DUMONT, Dominique ESTROSI SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, MM. Gilbert FAVREAU, Bernard FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Mme Laurence GARNIER, M. Fabien GENET, Mmes Frédérique GERBAUD, Béatrice GOSSELIN, Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Daniel GREMILLET, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Daniel GUERET, Alain HOUPERT, Jean-Raymond HUGONET, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Else JOSEPH, Muriel JOURDA, MM. Roger KAROUTCHI, Christian KLINGER, Marc LAMÉNIE, Mme Florence LASSARADE, M. Daniel LAURENT, Mme Christine LAVARDE, MM. Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Ronan LE GLEUT, Henri LEROY, Gérard LONGUET, Mmes Vivette LOPEZ, Viviane MALET, MM. Didier MANDELLI, Thierry MEIGNEN, Mme Marie MERCIER, M. Sébastien MEURANT, Mme Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Philippe MOUILLER, Mme Laurence MULLER-BRONN, M. Philippe NACHBAR, Mme Sylviane NOËL, MM. Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Cédric PERRIN, Stéphane PIEDNOIR, Mme Kristina PLUCHET, M. Rémy POINTEREAU, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, Frédérique PUISSAT, Isabelle RAIMOND-PAVERO, MM. Jean-François RAPIN, Damien REGNARD, Olivier RIETMANN, Hugues SAURY, Stéphane SAUTAREL, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Mme Elsa SCHALCK, MM. Bruno SIDO, Jean SOL, Laurent SOMON, Philippe TABAROT, Mme Claudine THOMAS, MM. Cédric VIAL et Jean Pierre VOGEL, sénateurs.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de la sécurité sociale ;
  • le code du travail ;
  • l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
  • la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 13 décembre 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

  1. Les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Ils contestent la conformité à la Constitution de son article 6 et sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale ainsi que son article 35. Ils contestent également la place dans la loi de financement de la sécurité sociale des articles 28, 41, 46, 68, 70, 73, 74, 75, 76, 86, 87, 90, 94, 95 et 105 ainsi que la procédure d’adoption de certaines dispositions des articles 37 et 93.

– Sur l’article 6 :

  1. L’article 6 de la loi déférée modifie l’article 50 de la loi du 14 décembre 2020 mentionnée ci-dessus afin notamment de reporter jusqu’au 31 décembre 2028 la possibilité pour les établissements de santé assurant le service public hospitalier de conclure un contrat avec les agences régionales de santé pour obtenir le versement d’une dotation par les organismes de la branche maladie.
  2. Les sénateurs requérants contestent le rattachement de cet article au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, dans la mesure où il serait dépourvu d’effet sur les comptes de la sécurité sociale.
  3. Ils soutiennent également que cet article met en œuvre des dispositions qui placent à la charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale les dotations versées par les organismes de la branche maladie aux établissements de santé assurant le service public hospitalier, ce qui serait contraire à l’exigence d’équilibre financier de la sécurité sociale. Ils demandent par conséquent au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées de l’article 50 de la loi du 14 décembre 2020 et du C du paragraphe II septies de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 mentionnée ci-dessus.
  4. Le C du paragraphe II septies de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 prévoit que la Caisse d’amortissement de la dette sociale assure la couverture des dotations de la branche maladie versées, dans la limite de 13 milliards d’euros, au titre du soutien exceptionnel au désendettement des établissements de santé relevant du service public hospitalier pour favoriser leur investissement.
  5. L’article 50 de la loi du 14 décembre 2020 dispose que les organismes de la branche maladie peuvent verser une dotation annuelle aux établissements de santé assurant le service public hospitalier et que ce versement est soumis à la conclusion par chaque établissement concerné, avant le 31 décembre 2021, d’un contrat pour une durée maximale de dix ans avec l’agence régionale de santé. Il prévoit également que la somme de ces dotations ne peut excéder 13 milliards d’euros.
  6. Les dispositions contestées de l’article 6 modifient cet article 50 afin de prévoir que « Lorsqu’un contrat ou un avenant au précédent contrat a pour seul objet de concourir à la compensation des charges résultant d’opérations d’investissements structurants, il peut être conclu jusqu’au 31 décembre 2028. Les versements interviennent avant le 31 décembre 2030 ». Elles prévoient également que la dotation peut être comptabilisée par l’établissement de santé en plusieurs fois en fonction de l’échéancier des versements.
  7. En premier lieu, le premier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ». L’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale détermine le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale.
  8. Les dispositions contestées ont pour objet de reporter, au-delà du 31 décembre 2021, la date limite de signature des contrats entre les agences régionales de santé et les établissements publics de santé et, par suite, les versements de dotations par les organismes de la branche maladie qui lui sont subordonnés. Elles constituent donc, au sens du paragraphe V de l’article L.O. 111-3, des dispositions ayant un effet sur les dépenses de l’année des régimes obligatoires de base.
  9. En second lieu, la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peutêtre appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
  10. Les dispositions contestées de l’article 6 de la loi se bornent à modifier l’article 50 de la loi du 14 décembre 2020 pour reporter la date limite de conclusion des contrats entre les agences régionales de santé et les établissements publics de santé.
  11. Elles ne modifient pas les dispositions déjà promulguées du C du paragraphe II septies de l’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 qui mettent à la charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale le montant des dotations versées par les organismes de la branche maladie aux établissements de santé. Elles ne les complètent pas davantage, ni n’en affectent le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
  12. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’exigence d’équilibre financier de la sécurité sociale ne peut qu’être écarté.
  13. Par conséquent, les deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa du paragraphe I et le second alinéa du paragraphe V de l’article 50 de la loi du 14 décembre 2020, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

– Sur l’article 35 :

  1. L’article 35 approuve le rapport sur le financement de la sécurité sociale pour la période 2022-2025 accompagnant la loi déférée en application du paragraphe I de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale.
  2. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître les exigences de l’article 4 bis de l’ordonnance du 24 janvier 1996 en application duquel tout nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale doit être accompagné d’une augmentation de ses recettes permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale au-delà du 31 décembre 2033. Au soutien de ce grief, ils font valoir que la trajectoire financière quadriennale décrite dans ce rapport serait « manifestement incompatible » avec un amortissement de la dette sociale d’ici au 31 décembre 2033, dès lors que les déficits prévus pour les années à venir impliqueront nécessairement de nouveaux transferts de dettes à la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
  3. Il résulte de l’article 4 bis de l’ordonnance du 24 janvier 1996 que tout nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale est accompagné d’une augmentation de ses recettes permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale au-delà du 31 décembre 2033.
  4. Les dispositions contestées se bornent, en application du paragraphe I de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, à approuver le rapport figurant en annexe B à la loi déférée décrivant, pour les quatre années à venir, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
  5. Elles n’ont ainsi ni pour objet ni pour effet de procéder à de nouveaux transferts de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
  6. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 4 bis de l’ordonnance du 24 janvier 1996 ne peut donc qu’être écarté.
  7. Par conséquent, l’article 35 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

– Sur les dispositions dont la place dans la loi déférée est contestée :

  1. Les sénateurs requérants contestent le rattachement des articles 28, 41, 46, 68, 70, 73, 74, 75, 76, 86, 87, 90, 94, 95 et 105 au domaine des lois de financement de la sécurité sociale dans la mesure où elles n’auraient pas d’effet ou un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèveraient pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
  2. L’article 28 de la loi déférée a pour objet, à son paragraphe I, de rehausser le taux de contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques et, à ses paragraphes II à IV, de modifier les modalités d’encadrement de certaines recherches médicales.
  3. Les dispositions de ces paragraphes II à IV, qui se bornent à modifier les conditions dans lesquelles sont évalués certains projets de recherche médicales, notamment par la création de comités d’éthique locaux, n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Elles ne trouvent donc pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont ainsi contraires à la Constitution.
  4. L’article 41 modifie les conditions dans lesquelles sont exécutées les mesures de contention ou d’isolement appliquées à des personnes hospitalisées sans leur consentement, et notamment les cas dans lesquels le juge des libertés et de la détention doit être saisi pour les renouveler au-delà de certaines durées.
  5. Ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  6. L’article 46, qui se borne à prévoir que l’État peut, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, autoriser la mise en place et le financement, par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, d’une carte professionnelle pour les intervenants et intervenantes de l’aide à domicile, a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  7. L’article 68 autorise les orthoptistes à réaliser certains actes et à établir certaines prescriptions. Au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
  8. L’article 70, qui soumet à de nouvelles obligations l’activité des centres de santé exerçant dans les domaines dentaire ou ophtalmologique, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  9. Les articles 73 et 74 prévoient que l’État peut autoriser, à titre expérimental, respectivement les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes à exercer leur art sans prescription médicale pour une durée de trois ans et dans six départements. Au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
  10. L’article 75, qui prévoit les conditions dans lesquelles peut être expérimentée la prise en charge des frais occasionnés par la promotion et la mise à disposition de l’accès gratuit au guide du bon usage des examens d’imagerie médicale au sein de l’espace numérique des médecins généralistes, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  11. L’article 76 prévoit, à titre expérimental, que les infirmiers en pratique avancée peuvent réaliser certaines prescriptions médicales. Au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
  12. L’article 86 de la loi déférée instaure, à compter du 1erjuillet 2022, un entretien postnatal précoce obligatoire. La création d’un entretien postnatal précoce obligatoire, pris en charge par l’assurance maladie, distinct des examens prénataux et postnataux obligatoires et destiné à l’ensemble des femmes ayant accouché, a une incidence sur les dépenses de l’année et des années ultérieures des régimes obligatoires de base qui affectent directement leur équilibre. Dès lors, ces dispositions trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
  13. L’article 87, qui se borne à prévoir que la Caisse nationale d’assurance maladie met en œuvre des campagnes d’information sur les compétences des sages-femmes, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, pour utiles qu’elles puissent être, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  14. L’article 90, qui prévoit que les organismes d’assurance maladie complémentaire mettent à la disposition des professionnels de santé des services numériques en vue de l’application du dispositif du tiers payant sur certaines prestations en matière d’optique, d’audiologie et de soins dentaires, ne modifie pas les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part des rémunérations prise en charge par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie. Dès lors, ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses et sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Elles ne trouvent donc pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont contraires à la Constitution.
  15. L’article 94, qui autorise la cession à titre gratuit de biens meubles acquis par l’agence nationale de santé publique au profit de certaines personnes publiques, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  16. L’article 95, qui organise le partage de certaines informations entre l’assurance maladie et les professionnels de santé et vise à améliorer l’information des assurés, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.
  17. L’article 105 concerne les travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique. Il prévoit notamment que les plateformes exerçant certaines activités de conduite et de livraison, peuvent proposer à leurs travailleurs des prestations de protection sociale complémentaire bénéficiant à titre collectif à l’ensemble des travailleurs de la plateforme et qui sont versées par des mutuelles, institutions de prévoyance ou entreprises d’assurance. Il précise également que sont exclues de l’assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs concernés les contributions des plateformes au financement de la protection sociale de leurs travailleurs. Ces dispositions, qui portent sur l’assiette des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, trouvent leur place en loi de financement de la sécurité sociale de l’année, ainsi que celles du reste de l’article 105 qui en sont inséparables et ont donc été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.

– Sur la procédure d’adoption du 2 ° du paragraphe II de l’article 93 :

  1. Il ressort de l’économie de l’article 45 de la Constitution, notamment de la première phrase de son premier alinéa aux termes de laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec les dispositions restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle.
  2. Le 2 ° du paragraphe II de l’article 93 prévoit que, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et jusqu’au 31 décembre 2022, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à rétablir, adapter ou compléter les dispositions mentionnées à l’article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 1226-1-1 du code du travail, ainsi que les dispositions prises en application de ces mêmes articles.
  3. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions d’avoir été introduites en méconnaissance de l’article 45 de la Constitution.
  4. Introduites en nouvelle lecture, ces dispositions sont en relation directe avec celles prévoyant la prise en charge exceptionnelle de l’indemnité mentionnée à l’article L. 1226-1 du code du travail qui figuraient à l’article 46 du texte initial. Ainsi, elles ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.

– Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :

  1. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure prévue à l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui détermine le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.

. En ce qui concerne les dispositions prévoyant la remise d’un rapport :

  1. L’article 63 prévoit que, dans un délai d’un an à compter de sa promulgation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la révision des actes hors nomenclature et leur financement.
  2. Le paragraphe III de l’article 64 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant la liste des dispositifs médicaux en nom de marque qui peuvent faire l’objet d’une substitution.
  3. Le paragraphe III de l’article 85 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la contraception masculine.
  4. L’article 106 prévoit qu’au plus tard le 31 janvier 2022, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’amélioration de la couverture sociale contre le risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles de certains travailleurs indépendants.
  5. Ces dispositions n’ont pas pour objet d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale au sens des dispositions du 4 ° du C du paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.

. En ce qui concerne d’autres dispositions :

  1. L’article 14 a pour objet de permettre la transmission, par le centre national de traitement des données fiscales, d’informations relatives à la contribution sociale généralisée acquittée à divers organismes.
  2. L’article 22 prévoit que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales mettent à la disposition des artistes auteurs le certificat de précompte afférent aux cotisations et contributions versées.
  3. L’article 27 prévoit que, en cas de récidive, l’amende réprimant le fait pour un grossiste-répartiteur de ne pas respecter les obligations de service public auxquelles il est soumis est portée à un maximum de 10 % du chiffre d’affaires annuel le plus élevé des trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
  4. Le paragraphe II de l’article 37 est relatif à la dématérialisation et la transmission électronique des documents permettant la prise en charge des soins, produits et prestations.
  5. L’article 48 prévoit que, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le directeur général de l’agence régionale de santé peut mettre en place une plateforme d’appui gériatrique aux établissements et services sanitaires et médico‑sociaux ainsi qu’aux professionnels de santé libéraux apportant des soins ou un accompagnement aux personnes âgées.
  6. L’article 50 prévoit que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie assure au bénéfice des départements, des maisons départementales des personnes handicapées et des maisons départementales de l’autonomie, un rôle d’accompagnement, de conseil, d’audit et d’évaluation, en vue notamment de garantir la qualité du service et de veiller à l’égalité de traitement des demandes de droits et de prestations de soutien à l’autonomie.
  7. L’article 52 modifie les conditions dans lesquelles les établissements et services sociaux et médico-sociaux évaluent et font procéder à l’évaluation de la qualité des prestations qu’ils délivrent selon une procédure élaborée par la Haute autorité de santé.
  8. L’article 60 fixe les règles auxquelles sont soumis les fabricants de dispositifs médicaux pour éviter les risques de rupture de disponibilité de ces dispositifs.
  9. L’article 67 prévoit un mécanisme de pénalités à l’encontre des pharmaciens titulaires d’officine en cas de manquement à l’obligation de désactivation de l’identifiant unique figurant sur l’emballage de certains médicaments signalés.
  10. L’article 72 modifie le calendrier de mise en place, par la Haute autorité de santé, d’un référentiel de bonnes pratiques et de la certification obligatoire des prestataires de service et des distributeurs de matériels destinés à favoriser l’autonomie et le retour à domicile.
  11. Les 1 ° et 2 ° de l’article 80 prévoient deux nouvelles dérogations aux règles relatives à la prescription de certains médicaments et aux activités de pharmacie ainsi que le recueil des avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur ces expérimentations.
  12. L’article 91 prévoit d’informer les bénéficiaires du revenu de solidarité active de la possibilité d’effectuer un examen de santé proposé par la sécurité sociale.
  13. L’article 99 permet aux organismes de sécurité sociale, à Pôle emploi et aux administrations de l’État d’échanger les données qu’ils détiennent et qui sont nécessaires au bénéfice de certains droits ou au versement de prestations.
  14. L’article 101 prévoit l’information des allocataires des prestations familiales sur la nature et l’étendue de leurs droits.
  15. Ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et ne sont pas relatives aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées à ces régimes et organismes, ni aux règles portant sur la gestion des risques par ces mêmes régimes ou organismes. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.

– Sur les autres dispositions :

  1. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. – Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 :

  • les articles 14, 22, 27 ;
  • les paragraphes II à IV de l’article 28 ;
  • le paragraphe II de l’article 37 ;
  • les articles 41, 46, 48, 50, 52, 60 et 63 ;
  • le paragraphe III de l’article 64 ;
  • les articles 67, 70, 72 et 75 ;
  • les 1 ° et 2 ° de l’article 80 ;
  • le paragraphe III de l’article 85 ;
  • et les articles 87, 90, 91, 94, 95, 99, 101 et 106.

Article 2. – Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • les deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa du paragraphe I et le second alinéa du paragraphe V de l’article 50 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de la loi déférée ;
  • l’article 35 de la loi déférée.

Article 3. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 16 décembre 2021.

JORF n°0299 du 24 décembre 2021, texte n° 4
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.832.DC

B/ ANNEXE II : Les indicateurs relatifs à l’amélioration de l’emploi des seniors

PROJET DE LOI de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (Texte définitif) En application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, est considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, le projet de loi dont la teneur suit …

——

——

Article 2

  1. – La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi rétablie :

« Section 4 « Indicateurs relatifs à l’amélioration de l’emploi des seniors

« Art. L. 5121-6. – L’employeur poursuit un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des seniors.

« Art. L. 5121-7. – Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs à l’emploi des seniors, en distinguant leur sexe, ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise. « La liste des indicateurs et leur méthode de calcul sont fixées par décret. « Une convention ou un accord de branche étendu peut déterminer la liste des indicateurs mentionnés au premier alinéa et leur méthode de calcul, qui se substituent alors à celles fixées par le décret mentionné au deuxième alinéa pour les entreprises de la branche concernée. « Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de mise en œuvre du troisième alinéa, la date et les modalités de publication des indicateurs ainsi que la date et les modalités de leur transmission à l’autorité administrative.

« Art. L. 5121-8. – Les entreprises qui méconnaissent l’obligation de publication prévue à l’article L. 5121-7 peuvent se voir appliquer par l’autorité administrative une pénalité, dans la limite de 1 % des rémunérations et gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant celle au titre de laquelle l’obligation est méconnue. « La pénalité est prononcée dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. Son montant tient compte des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’emploi des seniors ainsi que des motifs de méconnaissance de l’obligation de publication. « Le produit de cette pénalité est affecté à la caisse mentionnée à l’article L. 222-1 du code de la sécurité sociale.

« Art. L. 5121‑9. – Dans les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif de publication des indicateurs prévus à l’article L. 5121‑7, constatent la détérioration de ces indicateurs, l’employeur engage des négociations portant sur les mesures d’amélioration de l’emploi des seniors dans un délai de six mois. À défaut d’accord, l’employeur établit un plan d’action.

« Les entreprises pour lesquelles les indicateurs ont atteint une valeur maximale ou minimale démontrant que l’objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des seniors est atteint ne sont pas soumises à l’obligation de couverture par un accord ou un plan d’action mentionnée au premier alinéa du présent article. »

  1. – La sous-section 4 de la section 3 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° Après le 6° de l’article L. 2242-20, il est inséré un 7° ainsi rédigé : « 7° L’emploi des seniors, en prenant en compte les indicateurs publiés par l’entreprise en application de l’article L. 5121-7, et l’amélioration de leurs conditions de travail. » ;

2° Au 6° de l’article L. 2242-21, les mots : « l’emploi des salariés âgés et » et, à la fin, les mots : « et l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés » sont supprimés.

III. – Le Gouvernement engage, dès la publication de la présente loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’adoption du décret mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 5121-7 du code du travail.

  1. – Les I et II du présent article entrent en vigueur le 1er juillet 2024. Par dérogation, ils s’appliquent à compter du 1er novembre 2023 aux entreprises d’au moins mille salariés.

Article 3

  1. – Les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel peuvent engager une négociation en vue de définir des mesures visant à favoriser l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée, sur la base d’un document d’orientation transmis par le ministre chargé du travail, prévu à l’article L. 1 du code du travail.
  2. – En l’absence d’accord national interprofessionnel conclu avant le 31 août 2023, le III du présent article s’applique à titre expérimental du 1er septembre 2023 jusqu’au 1er septembre 2026.

III. – Un demandeur d’emploi de longue durée âgé d’au moins soixante ans, inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi et tenu d’accomplir à ce titre des actes positifs et répétés de recherche d’emploi peut conclure avec un employeur un contrat pour la fin de sa carrière. Le contrat est conclu pour une durée indéterminée. Une convention de branche ou un accord de branche étendu définit les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat, les modalités selon lesquelles l’employeur peut, par dérogation aux articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail, mettre à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié. Les rémunérations versées au salarié durant les douze premiers mois d’exécution de ce contrat sont exonérées des cotisations dues au titre du 1° de l’article L. 241-6 du même code. Cette exonération n’est pas applicable aux rémunérations versées au salarié percevant une pension de vieillesse servie par un régime de retraite légalement obligatoire.

IV. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue aux II et III du présent article au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.

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