La résurgence outre-tombe de la corsitude de Paul Valéry par Louis Saisi

La résurgence outre-tombe de la corsitude de Paul VALÉRY

par Louis SAISI

(II)

La Corse, une représentation géographique

                 de l’île de Beauté

Dans cette seconde partie de notre étude consacrée au poète Paul VALERY, nous avons choisi de la centrer sur la résurgence outre-tombe de sa « corsitude », apparue récemment, bien longtemps après la mort de l’écrivain. En effet, le terme « résurgence » est défini par le Larousse comme « la réapparition à l’air libre d’une nappe d’eau souterraine. Au sens figuré, cela devient le « Fait de réapparaître, de resurgir » [1].

Si au lieu de nous placer dans l’espace, nous avions choisi le temps, dans le titre de ces quelques réflexions, nous aurions pu également utiliser au lieu de « résurgence » l’expression « Risorgimento corse outre-tombe » de VALÉRY qui nous aurait permis, on l’a compris, de faire un clin d’œil au terme italien « Risorgimento » [2] correspondant, comme on le sait, au mouvement d’unification italienne, ayant donné naissance à l’Italie moderne. Ç’eut été, sans doute, encore mieux souligner, aujourd’hui, la « résurgence » ou le début de la « renaissance » des origines corses de VALÉRY.

En effet, la corsitude de Paul VALÉRY, de son vivant, semble avoir été longtemps passée sous silence, puis, après sa mort elle fut, un moment, discutée, et enfin, aujourd’hui, elle semble être admise, même si c’est parfois encore du bout des lèvres…

Car, si les liens très forts – voire charnels, fusionnels, mystiques même – de VALÉRY (1871-1945) avec la Méditerranée sont solidement établis et partagés au sein de la communauté scientifique (cf. sur ce site notre précédente étude : « Paul VALÉRY et la passion Méditerranéenne »), en revanche, les origines corses de l’écrivain et poète Paul VALÉRY ont longtemps été méconnues ou ignorées de ses contemporains, souvent au profit de ses illustres origines génoises par sa mère entretenant une parenté prestigieuse avec les VISCONTI de Milan [3].

Certes, on en parle de manière moins feutrée aujourd’hui mais si certains milieux lettrés et universitaires se sont fort heureusement emparés de la question des origines corses de Paul VALÉRY, c’est parfois, nous semble-t-il, pour en convenir presque sur le mode d’une concession…

La discrétion relative à ses origines corses ne peut être imputée au poète lui-même car il n’a jamais renié ses racines corses. Sa biographie officielle [4] mentionnant laconiquement « Né à Sète, le 30 octobre 1871. D’ascendance corse par son père et génoise par sa mère… » faisait apparaître sa double appartenance à l’ensemble méditerranéen par ses père et mère.

On sait déjà que l’auteur du cimetière marin était fier de sa naissance à Sète :

« Je me félicite d’être né en un point tel que mes premières impressions aient été celles que l’on reçoit face à la mer et au milieu de l’activité des hommesIl n’est pas de spectacle pour moi qui vaille ce que l’on voit d’une terrasse ou d’un balcon bien placé au-dessus d’un port. » [5]

Mais qu’en était-il de ses origines corses ?

Déjà, et cela est largement connu, Paul VALÉRY n’est pas né en Corse, mais à Sète… Il est le second fils de Barthélemy VALÉRY, vérificateur principal des douanes, et de Fanny Grassi, fille du Consul d’Italie [6], et descendante de vieilles familles de Gênes et de Venise.

Or si l’origine génoise, par sa mère, du poète était bien connue et si ses liens avec cette ville et le reste de la péninsule étaient souvent évoqués à travers les nombreux séjours de VALÉRY dans le grand port méditerranéen ainsi que par ses voyages dans les autres régions d’Italie, en revanche sa filiation avec la Corse, par son père, était moins mise en avant dans les revues et cénacles lettrés.

L’histoire des liens de VALÉRY avec la Corse et l’image brouillée qui en a souvent été retenue réside dans l’ombre portée par Gênes, « la Superbe », et berceau de sa mère, sur sa filiation paternelle. (I)

Pourtant, par la naissance même de son père à Bastia, humble rivale de Gênes mais la plus importante des villes corses, sa filiation avec la Corse est bien établie, ne pouvant laisser place à aucun doute (II).

I/ L’empreinte, parfois encombrante, de ses origines génoises chez Paul VALÉRY

Vue du Golfe de Gênes

« Paulo » avait deux ans quand il fit, pour la première fois, la traversée vers Gênes et la côte ligure qu’il devait ensuite aborder souvent dans sa plus tendre enfance.

Car c’est à Gênes que résidait la famille de sa mère, famille patricienne que l’on visitait quand l’on quittait Sète. Mais, à l’occasion de ces transhumances probablement estivales, VALÉRY en profitait pour visiter également l’Italie qu’on pratiquait et tutoyait déjà à la table familiale (A).

Quant à Gênes, assez paradoxalement, c’est la crise de la vingtaine de VALÉRY qui devait ancrer durablement l’active cité italienne dans le pédigrée du jeune Paulo, après le succès définitif du Risorgimento et la formation de l’unité de la péninsule bottée [7] (B).

A/ L’Italie et Léonard de Vinci

L’Italie, pour le fils du Vérificateur des Douanes et de l’aristocrate italienne, fut d’abord concrète, charnelle. En famille, on pratiquait un italien familier, non académique.

Paul VALÉRY eut d’ailleurs du mal à s’en déprendre : tournures incorrectes et gallicismes émaillaient ses écrits dans la langue de DANTE, au point que, plus tard, il préféra s’exprimer en français en public. Cela ne l’empêcha pas d’étudier soigneusement l’italien, de lire des ouvrages scientifiques non traduits et de traduire lui-même certains Carnets de Léonard de Vinci.

Cela devait se concrétiser par l’écriture de son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1894) qui fut le résultat de son séjour en Italie en 1892 durant lequel il ne vit pas que les demeures des familles de notables de Gênes car «soucieux d’éduquer son œil à l’image et à l’art » (selon sa propre expression), il ne resta pas à Gênes mais poussa jusqu’à Milan pour voir « La Cène » de Léonard de Vinci dont il garda une impression profonde et durable. En découvrant les tableaux, fruits du génie universel du maître de la Renaissance, il poursuivit une démarche intellectuelle dans ses pas (amorcée semble-t-il dès 1886). Le contexte l’y portait car l’Institut de France [8] avait décidé de s’ouvrir à la publication des manuscrits de Léonard de Vinci, butin de guerre de la campagne d’Italie de BONAPARTE dont il était le dépositaire. Ainsi Charles RAVAISSON-MOLLIEN (1848-1919) publia, une première fois en 1889 (en 3 vol.), puis en 1892, Les manuscrits de Léonard de Vinci. Un peu plus tard, et sous une forme et un format plus accessible, furent publiés, en 1910, des extraits des 14 Carnets de Léonard de Vinci sous l’autorité de PÉLADAN, chez l’éditeur Sansot et Cie, à Paris, en 436 pages [9].

Les « Carnets » de Léonard de Vinci, fort volume de 1656 pages illustrées, furent publiés ensuite par Gallimard en 1942. Ils furent réédités, en mai 2019, à l’occasion de la commémoration des 500 ans de la mort de l’artiste. Dans la préface dithyrambique à l’édition de 1942, VALÉRY écrivit :

« II y eut une fois Quelqu’un qui pouvait regarder le même spectacle ou le même objet, tantôt comme l’eût regardé un peintre, et tantôt en naturaliste ; tantôt comme un physicien, et d’autres fois comme un poète ; et aucun de ces regards n’était superficiel. »

Pour VALÉRY, Léonard de Vinci était l’homme par qui « le point le plus haut auquel la civilisation européenne est arrivée » [10]. Il lui importait donc de faire connaître le peintre et sculpteur florentin, et c’est en essayiste qu’il conçut de réaliser son dessein à travers son Introduction.

B/ La crise de la « vingtaine » éclipsée par la « crise de Gênes »

 

Une vue de la très méditerranéenne

                  ville de Gênes

Si, comme il vient d’être rappelé, avec son goût très marqué pour l’Italie et Gênes, la cité maternelle a pris une telle importance, notamment chez les commentateurs s’attachant à mettre en avant la part italianisante de Paul VALÉRY, c’est aussi à cause de la fameuse « nuit de Gênes » du 4 au 5 octobre 1892 [11], au cours de laquelle le jeune poète de vingt-et-un ans connut une crise sentimentale, intellectuelle et morale après laquelle, malgré ses succès initiaux, il se détourna de la poésie pour s’enfermer dans un obscur emploi de rédacteur au ministère de la Guerre et se livrer à d’abstraites recherches dans ses Cahiers dans lesquels il voulait donner la priorité absolue à la « vie de l’esprit », sur la poésie et l’amour.

Outre qu’il y a lieu de relativiser la localisation de sa « nuit de Gênes » qui eut pu survenir n’importe où, VALÉRY atteste lui-même – dans « Au sujet d’Eurêka » [12] d’Edgar Allan POE – de sa crise de la vingtaine (que l’on doit donc dater de 1891) et, surtout du fait que, lors de celle-ci, il était dans un état de mise en berne de toutes ses activités intellectuelles et avait notamment cessé de faire des vers :

Ci-dessous, photo du jeune Valéry

en 1893 (un peu après sa « crise »)

« J’avais vingt ans, et je croyais à la puissance de la pensée. Je souffrais étrangement d’être, et de ne pas être. Parfois, je me sentais des forces infinies. Elles tombaient devant les problèmes ; et la faiblesse de mes pouvoirs positifs me désespérait. J’étais sombre, léger, facile en apparence, dur dans le fond, extrême dans le mépris, absolu dans l’admiration, aisé à impressionner, impossible à convaincre. J’avais foi dans quelques idées qui m’étaient venues. Je prenais la conformité qu’elles avaient avec mon être qui les avait enfantées, pour une marque certaine de leur valeur universelle : ce qui paraissait si nettement à mon esprit lui paraissait invincible ; ce que le désir engendre est toujours ce qu’il y a de plus clair.

Je conservais ces ombres d’idées comme mes secrets d’Etat. J’avais honte de leur étrangeté ; j’avais peur qu’elles fussent absurdes ; je savais qu’elles l’étaient, et qu’elles ne l’étaient pas. Elles étaient vaines par elles-mêmes, puissantes par la force singulière que me donnait la confidence que je me gardais. La jalousie de ce mystère de faiblesse m’emplissait d’une sorte de vigueur.

J’avais cessé de faire de vers ; je ne lisais presque plus. Les romans et les poèmes ne me semblaient que des applications particulières, impures et à demi inconscientes, de quelques propriétés attachées à ces fameux secrets que je croyais trouver un jour, par cette seule assurance sans relâche qu’ils devaient nécessairement exister. Quant aux philosophes, que j’avais assez peu fréquentés, je m’irritais, sur ce peu, qu’ils ne répondissent jamais à aucune des difficultés qui me tourmentaient. Ils ne me donnaient que de l’ennui ; jamais le sentiment qu’ils communiquassent quelque puissance vérifiable. Et puis, il me paraissait inutile de spéculer sur des abstractions que l’on n’eut pas d’abord définies. Peut-on faire autrement ? Tout l’espoir pour une philosophie, est de se rendre impersonnelle. Il faut attendre ce grand pas vers le temps de la fin du Monde.

J’avais mis le nez dans quelques mystiques. Il est impossible d’en dire du mal, car on n’y trouve que ce qu’on apporte. » [13].

Ci-dessous les palais de Gênes « La Superbe »

Par ailleurs, l’on sait, aujourd’hui, depuis la monumentale biographie de Michel JARRETY [14] sur Paul VALÉRY que le rôle de la ville de Gênes n’a pas été aussi central car le poète a construit sa propre légende au cours de cette nuit d’orage génoise, alors que sa « crise » se déroula en vérité, sur plusieurs années, entre 1891 à 1894. Déjà, en 1889, sa rencontre, le 10 octobre, avec MALLARMÉ fut pour lui, selon Michel JARRETY, plutôt décevante car, malgré quelques encouragements, son Maître et poète admiré adoptait un ton pontifiant avec ses disciples, et lui préférait Henri de Régnier, et il faudra attendre plusieurs années pour que l’affection naisse entre les deux poètes. Peu après, le 20 mars 1892, la lettre que VALERY écrivit à son ami Pierre LOUŸS témoigne de son doute intellectuel quant à sa propre place dans le Panthéon de la poésie : « Je crois aussi que le monde n’a pas besoin d’un … Dierx [15], d’un Leconte de Lisle même, de plus. »

Cela se traduira, après son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, par la publication de son autre chef d’œuvre La soirée avec monsieur Teste (1896). Mais ces deux publications ne lui valurent aucune véritable reconnaissance, sinon dans un cercle très restreint. Pour autant c’est dans cette voie de la réflexion et de la « vie de l’esprit » qu’il persévéra dans ses Cahiers, n’écrivant plus de poèmes, mais préférant se consacrer quotidiennement, aux premières heures du jour, à ses Cahiers [16]. Ce n’est qu’en 1917, et sous l’influence de GIDE notamment, qu’il revint à la poésie[17] avec la publication, chez Gallimard, de La Jeune Parque [18] qu’il dédia à son ami, l’auteur des Nourritures terrestres, et qui obtint tout de suite, en France et à l’étranger, un accueil triomphal.

II/ L’identité corse de Paul VALÉRY

Du fait qu’elle ait été discrète et non revendiquée de manière ostentatoire par l’écrivain-poète, beaucoup ont cru y voir une forme d’indifférence de sa part pour l’Ile de Beauté. Et l’expression « corse occulté » surgit parfois.

L’appartenance à un ensemble géographique culturel et linguistique doit-elle être brandie comme un étendard pour signaler et exprimer une identité durable ?

A/ La découverte de la Corse : le problème du lien à la terre corse

Si nous laissons l’empreinte génoise pour revenir à la place de la Corse dans l’identité de Paul VALÉRY, aujourd’hui encore, de manière certes plus feutrée, à l’occasion des journées du Musée Paul Valéry de Sète – qui furent ouvertes des 21 au 23 septembre 2018 -, l’universitaire Françoise GRAZIANI, professeure à l’université de Corte-Bastia, évoquait un « corse occulté » soulignant que VALÉRY n’était jamais venu en Corse, hormis une courte escale à Bastia, lors d’une croisière. Il n’aurait vu alors la Corse que depuis la mer…

Or, si l’on en croit d’autres sources sérieuses [19], la présentation de son contact avec la Corse faite ci-dessus par l’honorable universitaire précitée n’est pas corroborée par Paul VALÉRY qui, par deux fois, évoqua lui-même avoir foulé le sol corse. Ainsi la première fois remonte à un âge juvénile, comme le montre une lettre adressée au poète Pierre Que visiter en Corse - que voir et que faire en CorseLECA dans laquelle il lui fit part, très modestement d’ailleurs, de son premier contact avec la Corse : « …je n’ai été en Corse que pendant quelques jours, à l’âge de quatre ans ! ». Cet aveu discret, il le reprendra à nouveau dans un courrier adressé à son cousin, le Docteur RAMARONI, où il confirma avoir passé dans l’île « quatre jours quand il avait quatre ans. » Mais, surtout, bien plus tard encore, alors âgé de cinquante-huit ans (en 1929), VALÉRY découvrit cette fois quelques villes principales corses à l’occasion de la croisière qu’il entreprit sur un yacht baptisé Tenax, mais qui ne fut pas aussi anecdotique et insignifiante qu’on l’a dit souvent. Il précisa en effet que « cette croisière comporta des escales à Ajaccio, Bonifacio, Bastia, Calvi. À l’intérieur, on poussa jusqu’à Corte. » Et Madame de la ROCHEFOUCAULD devait ajouter que le poète en profita pour « revoir quelques cousins » [20]. C’est dire que si VALÉRY connaissait incontestablement mieux Gênes que Bastia et la Corse en général, il est inexact, et pour le moins excessif, d’affirmer qu’il n’avait jamais mis les pieds dans l’île (sur la carte ci-dessus, voir l’emplacement de certaines des villes corses visitées par VALERY).

1/ Le contexte littéraire et politique corse

Certains eussent pu s’étonner de ne pas pouvoir compter Paul VALÉRY parmi les écrivains corses de son époque. Mais pour apprécier la corsitude à la fois personnelle et littéraire de Paul VALÉRY, il fallait la resituer dans ce qu’était le contexte des écrivains corses s’exprimant dans l’Entre-deux-guerres.

Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur l’article « Littérature corse en langue française » publié en ligne par l’excellente Revue Inter Romania déjà citée de l’Associu Di Soustegnu Centru Culturale Universita Di Corsica.

Suivant cette revue, il ne s’agit pas ici d’évoquer ceux des écrivains qui dans l’Entre-deux-guerres résidaient en Corse car ils écrivaient sur l’île et ils n’avaient pas choisi de participer au champ littéraire de langue corse qui se développait à leur époque. Leurs préoccupations étaient néanmoins souvent les mêmes que celles des auteurs corsistes avec lesquels ils entretenaient d’ailleurs une certaine proximité.

Ci-dessous, la revue corse « A Muvra »

Il s’agissait plutôt de ces autres écrivains corses qui furent partagés entre la culture française et la culture corse, et qui ont été généralement en liaison avec les groupes d’écrivains et les revues animant le mouvement de renaissance corse (notamment A Muvra ou L’Annu Corsu – voire les deux –, ou encore L’île, revue en français dans laquelle cohabitaient des personnalités très différentes) [21].

 

 

Certes, VALERY n’appartenait pas à ces auteurs corses de Paris pratiquant ce que l’on a appelé parfois « l’ubiquité symbolique » ou le « dédoublement de personnalité littéraire ». Il ne fait pas partie de ces auteurs corses, nés une vingtaine d’années après lui, qui – comme Diane de CUTTOLI (1898-19..) (avec laquelle VALERY entretiendra d’ailleurs une correspondance amicale régulière), Pierre DOMINIQUE (1889-1973) (de son vrai nom LUCCHINI), Pierre BONARDI-SANVILLI (1887-1964) (qui fut vice-président de la Société des gens de Lettres et secrétaire général de l’Association des écrivains coloniaux) – partageaient leur temps à la fois entre l’île et PARIS (avec de fréquents allers et retours entre la Corse et PARIS) en quête d’une consécration sur l’une ou l’autre des deux parties du territoire. C’est qu’en effet ils avaient orienté leurs œuvres dans les deux directions, en consacrant tour à tour leur travail à la Corse mais aussi à des thèmes plus généraux pouvant leur permettre d’acquérir une reconnaissance littéraire sur le continent.

 

Ci-dessus une manifestation de

l’autonomisme corse

Entre-les-deux-guerres

 

Mais si l’on excepte le cas de Diane de CUTTOLI – qui se partageait entre son appartement parisien et Ajaccio, et reconnue elle-même sur le continent [22] -, les deux écrivains corses précités durent parfois payer le prix de leur errance affective et intellectuelle entre la Corse et le continent. En effet, revers de la médaille, l’amour de la Corse, notamment chez BONARDI, en fit un militant « corsiste » qui, à travers son œuvre de fiction La mer et le maquis (1923) et son héros, Nunziu Caravelli, le bandit qui, en devenant le dirigeant d’un parti corse activiste, n’hésita pas à envisager le recours à la force dans la contestation de la présence de la France sur l’île, ce qui, à l’époque de la publication de cet ouvrage, semblait excessif… Aujourd’hui, ces « corsistes » armés de BONARDI semblaient annoncer les militants d’Aléria (1975) et les nationalistes qui les ont suivis, dans un sens encore plus radical, en ayant adopté cette forme de lutte.

Quant à Pierre DOMINIQUE, médecin de son état, il eut du mal à se fixer entre le village corse de Sartène et Paris.

Par ailleurs, ces écrivains nationalistes corses partageaient souvent les idées développées par l’extrême droite

Ancien fonctionnaire colonial, de 1911 à 1914, après son exclusion du parti radical-socialiste, Pierre BONARDI se tourna vers le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Pendant la guerre, il soutint Pierre Laval et prôna la ségrégation comme solution à la question juive.

En 1955, il fonda, avec Petru ROCCA [23] et d’autres, Parlemu Corsu, une Académie régionaliste et littéraire pour la défense du dialecte et des traditions corses, dont il était le président. Cette association créa un prix littéraire à son nom.

De son côté, Pierre DOMINIQUE, fortement influencé par l’Action française d’où il venait, oscilla entre le fascisme – qui était pour lui un pôle d’attraction magnétique (il fut d’ailleurs, sous Vichy, directeur général de l’Office français de l’information jusqu’en 1943, semble-t-il) – pour se tourner ensuite vers le radical-socialisme, et selon certains, il fit même le tour du cadran de l’échiquier politique…

2/ D’autres écrivains « d’origine corse »

Bien que ces écrivains soient incontestablement d’origine corse et qu’ils aient été intégrés dans la savante et exhaustive Anthologie des écrivains corses [24] établie par Hyacinthe YVIA-CROCE [25], leur insertion dans la littérature insulaire est souvent contestée. En effet, la question souvent posée est celle de savoir si leurs œuvres sont consacrées à la Corse et si elles contiennent une vision littéraire de la Corse ou de la « corsité ».

Sans que cela ne nous entraîne ici dans de trop longs développements, l’on peut toutefois – pour avoir fait, modestement nous-mêmes, le choix de nous adosser à la vision de Hyacinthe YVIA-CROCE, l’auteur de l’Anthologie précitée des écrivains corses – nous interroger quant à la manière de poser la question en ces termes. En effet, selon nous, un homme ou une femme est « corse » si « il » ou « elle » est de filiation corse par son père ou/et sa mère : c’est ce qu’il est communément convenu d’appeler les liens du sang. Et s’il est écrivain, on peut dire de lui, et rien ne l’empêche, « écrivain corse » pour indiquer le lieu géographique, en France, auquel le rattache ses origines familiales, même si dans son œuvre il n’a pas consacré une seule ligne à la Corse. Il ne viendrait à personne l’idée de dire qu’on est « corse » exclusivement quant à la manière dont on exerce son art ou n’importe quelle autre activité professionnelle. Bien sûr, l’écrivain corse dont la toile de fond de l’œuvre est la Corse marque ainsi très fortement, par ses choix personnels ou son inspiration, son ancrage dans la culture et les mœurs et traditions de l’Ile de Beauté. Mais sa liberté de création doit être intacte, et l’on ne saurait vouloir réduire son activité littéraire exclusivement à la Corse, ni parallèlement vouloir gommer l’origine géographique corse des autres écrivains s’ils n’écrivent pas sur la Corse. Cela est vrai en général, mais l’est encore davantage dans une République, une et indivisible comme la France, où l’identité géographique est surtout intérieure de telle sorte qu’on la porte en soi et sans ostentation, c’est-à-dire en dehors même de la profession qu’on embrasse et la manière dont on l’exerce, ainsi que du lieu où l’on habite présentement, sauf à vouloir établir une liste aristocratique discutable des écrivains purs ou impurs quant à leurs racines corses.

C’est ainsi que parmi ces écrivains d’origine corse, il y eut Michel ZEVACO (1860-1918), né à Ajaccio où il passa son enfance. Il connut une très courte expérience de professeur à l’âge de vingt ans. Il entra ensuite dans l’armée où il resta quatre ans comme sous-lieutenant de dragons. Libéré en juillet 1886, il s’installa à Paris et devint journaliste, puis secrétaire de rédaction à L’Égalité, journal de tendance socialiste révolutionnaire. Il n’aura de cesse de professer des idées libertaires, celles des milieux socialistes et anarchistes qu’il fréquentait. Durant la période des attentats anarchistes que connut la France, à la fin du 19ème siècle, il se distingua par la virulence de ses propos et fut condamné pour « provocation au meurtre » à plusieurs séjours carcéraux à la prison Sainte-Pélagie. À partir de 1905, Michel ZÉVACO passa au journal Le Matin pour en devenir, avec Gaston Leroux, l’un des feuilletonistes attitrés dans le genre « romans populaires ». C’est là qu’il publia Le Capitan et la série des Pardaillan, roman de cape et d’épée (lu avec passion par Jean-Paul SARTRE, enfant), qui lui permit de connaître le succès. S’il n’y a pas de trace de sa corsitude dans ses romans, à l’occasion, il n’hésitait pas à revendiquer ses origines corses et confessait en appeler à la vengeance pour châtier physiquement, s’il le rencontrait, tel éditeur napolitain l’ayant roulé…

L’on trouvait aussi Claude FARRÈRE (1876-1957) – nom de plume de Frédéric-Charles-Pierre-Edouard BARGONE – qui, bien que revendiquant haut et fort ses origines corses, était né à Lyon. Ayant arpenté toutes les mers comme officier de marine, c’est dans Le dernier bandit, publié en 1950, qu’il exprima surtout sa vision romantique de l’île et de son peuple : « Bandit corse, il va de soi Bandit d’honneur. Ces bandits-là sont les plus magnifiques honnêtes gens du monde, et la seule fatalité les a poussés, hors la morale judiciaire, vers le crime, si l’on tient à qualifier de crime la poursuite d’une juste vengeance… ». Mais cette nouvelle, la seule écrite par lui sur la Corse, est inspirée de celles de Prosper MERIMEE et date de la fin de sa vie.

Ci-dessous, Francis CARCO

   Auteur de « Jésus la Caille »

Quant à Francis CARCO (1886-1958), enfin, romancier, poète et critique d’art, de son vrai nom François CARCOPINO-TUSOLI, né à Nouméa, il était de lignée corse par son père. Il eut une activité littéraire importante sur le continent mais il ne puisait pas son inspiration dans la culture et les mœurs corses, même si s’agissant de ses personnages issus de lieux et milieux très interlopes, l’on a parfois évoqué, comme trame de fond sur laquelle ils évoluaient, le « maquis parisien »… En effet, l’un des personnages de son roman, Jésus-la-Caille (1914), très stylé et maniant bien le couteau, dans son activité pseudo professionnelle assez répréhensible, est corse…

On le voit, avec le rattachement de ces trois écrivains avec la Corse on se rapproche du « cas VALÉRY »…

 

VALERY n’étant pas lui-même né en Corse, son lien avec la Corse n’était pas directement territorial pour lui faire ressentir un besoin physique impérieux et permanent de Corse qui pour lui était une île d’expression française aux paysages ressemblant à ceux de son midi natal, comme, par exemple, pour beaucoup de corses de Marseille ayant choisi l’exil dans cette ville la plus corse du continent. Mais, contrairement à la plupart des corses de Marseille, il n’est pas né en Corse et n’a pas vécu en Corse pendant son enfance ni son adolescence. C’est dire que son attachement à la Corse ne pouvait prendre que le visage et les accents de la figure paternelle. Dès lors, cette absence d’un contact physique permanent de Paul VALÉRY avec la Corse ne peut guère être invoquée pour qu’on puisse lui reprocher son attitude vis-à-vis de ses liens originels avec la Corse qui n’en étaient pourtant pas moins existants et réels…

Vestiges de l’occupation génoise de la Corse,

ci-dessous, des citadelles,  forts et tours

              jalonnent le littoral corse

Bien que née au milieu du vingtième siècle, cette forme de défiance, assez excessive vis-à-vis de VALÉRY, perdure encore aujourd’hui, n’ayant pas définitivement cessé de faire polémique. Mais peut-être que certains de ces critiques farouches de la grande distance du poète avec la Corse – eux-mêmes corses souvent – sont plus ou moins inconsciemment irrités, agacés même par la place excessive prise par Gênes dans la biographie du poète, car cela réveille l’image de « Gênes la Superbe », cette ennemie héréditaire, impérialiste et occupante de la Corse [26] dont les citadelles sont encore aujourd’hui les vestiges (celle de Bastia donna d’ailleurs son nom à la belle ville corse).

Sans doute faut-il y voir également la raison de leur refus obstiné d’inclure le poète dans « la liste des hommes illustres corses ».

B/ Les racines corses de VALÉRY : un père né à Bastia

 Emplacement de Bastia, ville paternelle

La polémique autour des liens de VALÉRY avec la Corse allant parfois jusqu’au rejet de ses liens charnels avec l’Ile de Beauté fut d’autant plus troublante que s’agissant de sa filiation paternelle avec la Corse, la revue bastiaise « U Fucone », organe de la Société littéraire « Salvator Viale » avait reproduit, dès 1927, dans son deuxième fascicule, l’acte de naissance du père de l’écrivain-poète, Barthélémy VALERJ né le 23 janvier 1825, à Bastia (Corse), « fils d’Ambroise VALERJ, commerçant, et de Jeanne-Marie, née GUAITELLA, époux » [27]. Barthélémy était apparenté au comte Jean-Joseph VALÉRY, sénateur de la Corse [28].

L’apparente anomalie orthographique du patronyme était fréquente en Corse et a été savamment expliquée par le fait que de nombreux noms de famille corses sont le pluriel de prénoms se terminant en « i », en « o » ou en « e », les formes terminées en « y » ne peuvent provenir que de prénoms se terminant en « io », comme « Antonio » ou « Valerio » devenant respectivement « Antonj »-« Antony » et « Valerj »-« Valery », mais la finale « j » n’étant pas française et ayant même cessé d’exister en italien, elle a été remplacée soit par « y », soit par « i » donnant soit « Valery » soit « Valeri » au gré de l’humeur ou de l’inspiration des officiers d’état civil [29].

La migration à Sète de la famille semble avoir été rapide car Barthélemy VALÉRY, le père du poète, qui avait entamé une carrière de Vérificateur principal des douanes à Bastia, quitta cette ville à 26 ans pour s’installer à Sète à partir de 1851 [30], où il deviendra, contrôleur principal. C’est vingt ans plus tard que Paul VALÉRY y naquit, en 1871. Après sa naissance, treize ans plus tard, la famille s’établira ensuite à Montpellier en 1884 [31].

Dans sa lettre-préface à « L’enchantement multiple » (1923) de la poétesse corse Diane de CUTTOLI [ 32], Paul VALÉRY écrivit à celle-ci : « Vous vivez dans une île très belle que j’ai quelque raison de chérir (…) cette terre séparée, qui se défend encore un peu de ressembler à toutes les autres. »

C’est à lui également que nous devons l’expression « L’île que nous savons… » extraite d’une lettre, inédite, qu’il adressa encore à Diane de CUTTOLI avec laquelle il avait entretenu une correspondance régulière.

C/ Une identité corse revendiquée

Paul VALÉRY affirmait lui-même dans l’une de ses correspondances :

« Né d’un Corse, j’ai souvent senti en moi le sang de notre race ; j’en ai senti souvent l’esprit dans ma pensée et dans mon cœur ; esprit que je n’ai pas puisé directement dans l’île, mais dont j’ai reçu l’émanation, la tradition par l’exemple de mon père corse et par l’éducation qu’il m’a donnée… »

1/ « Le sang de notre race… l’exemple de mon père corse… » 

Les termes ici sont forts, et il ne faut pas prendre cette confession comme un exercice littéraire purement conventionnel ou seulement comme une manifestation de l’affection filiale d’un fils qui rend en même temps implicitement hommage à son père.

Héritage insulaire de son père et de l’éducation qu’il lui donna ? Le poète, sans ostentation – car ça n’était pas son style –, sut à maintes reprises faire preuve d’un caractère bien trempé dans ses convictions et leur expression.

 

Ci-dessous,  Paul Valéry en habit d’académicien,

lors de sa réception à l’Académie française

le 23 juin 1927

Ainsi le 23 juin 1927, son discours de réception à l’académie est resté célèbre dans les annales de la vénérable institution du quai Conti. VALÉRY qui, selon les usages bien établis, prononça l’éloge d’Anatole FRANCE, son prédécesseur, s’acquitta de sa mission tout en évitant de prononcer une seule fois son nom. L’explication qui en fut donnée alors est qu’il n’avait jamais pardonné à Anatole FRANCE son refus de publier, en 1874, l’« Après-midi d’un faune » de MALLARMÉ dans Le Parnasse contemporain [33].

Mais ce n’est pas tout, car au moment où éclata le second conflit mondial sur le sol français, Paul VALÉRY s’opposa vivement à la proposition de son confrère académicien Abel BONNARD [34] qui invitait l’Académie à adresser ses félicitations au maréchal PETAIN pour sa rencontre avec Hitler le 24 octobre 1940 à Montoire.

Bien qu’il fût interdit par l’occupant, le 9 janvier 1941, l’éloge funèbre du philosophe juif Henri BERGSON (1859-1941), qu’il prononça, en tant que Directeur de l’Académie, fut salué par tous comme un acte de courage et de résistance.

Il commença, en effet, ainsi son discours en frappant très fort :

« Messieurs,

Je pensais, au commencement de cette année qui trouve la France au plus bas, sa vie soumise aux épreuves les plus dures, son avenir presque inimaginable, que je devais exprimer ici les vœux que nous formons tous, absents et présents de cette Compagnie, pour que les temps qui viennent nous soient moins amers, moins sinistres, moins affreux que ceux que nous avons vécus en 1940, et vivons encore. » [35]

Et dans sa conclusion digne de l’exorde, il ne craignit pas de saluer une dernière fois BERGSON en ces termes :

« Très haute, très pure, très supérieure figure de l’homme pensant, et peut-être l’un des derniers hommes qui auront exclusivement, profondément et supérieurement pensé, dans une époque du monde où le monde va pensant et méditant de moins en moins, où la civilisation semble, de jour en jour, se réduire au souvenir et aux vestiges que nous gardons de sa richesse multiforme et de sa production intellectuelle libre et surabondante, cependant que la misère, les angoisses, les contraintes de tout ordre dépriment ou découragent les entreprises de l’esprit, Bergson semble déjà appartenir à un âge révolu, et son nom, le dernier grand nom de l’histoire de l’intelligence européenne. » [36]

En refusant d’obtempérer et de collaborer, Paul VALÉRY perdit ainsi sous l’Occupation son poste d’administrateur du centre universitaire de Nice où il avait été nommé en 1933 (voir notre article précédent sur ce site : Paul Valéry et la passion Méditerranéenne, 15 décembre 2020)..

2/ Un « état d’insularité » intériorisé

Le poète a évoqué à quoi correspondait cet état d’insularité intériorisé :

« … j’ai dû commencer vers l’âge de neuf ou dix ans à me faire une sorte d’île dans mon esprit, et quoique d’un naturel assez sociable et communicatif, je me réservais de plus en plus un jardin très secret où je cultivais les images qui me semblaient tout à fait miennes, ne pouvaient être que miennes… »

Les 28 et 29 juillet 2018 lors des 8e rencontres « Cap Lecture » d’Erbalunga (près de Bastia) qui ont constitué un rendez-vous littéraire, Jean-Guy TALAMONI, troquant son habit d’homme politique nationaliste pour celui d’essayiste, présentait un essai intéressant sur Paul VALÉRY, intitulé « Paul Valéry et la Corse (sous-titré « L’île que nous savons… » selon les mots du poète lui-même) [37].

L’Histoire a parfois des ruses bien curieuses… Il est aujourd’hui assez paradoxal – bien qu’heureux – que Paul VALERY, qui par sa vie et sa sensibilité poétique et littéraire était aux antipodes des nationalistes corses, soit aujourd’hui reconnu et sacré « corse » par Jean-Guy TALAMONI dont on connaît les convictions « nationalistes » corses…

Paul VALÉRY, comme nous espérons l’avoir sinon démontré au moins laissé entrevoir, était corse et français à la fois, et vraisemblablement était-il fier d’être les deux, l’un n’allant pas sans l’autre pour ce méditerranéen passionné, ni encore moins l’un pouvant être brandi contre l’autre en forme de sécession ou d’indépendance…

Nous sommes sûrs que beaucoup de nos amis et frères corses, eux-mêmes artistes souvent, qui l’invoquent et s’en inspirent aujourd’hui, au nom de leur propre corsitude et de celle du poète [38], en sont intimement convaincus.

Il était un trait d’union entre la France et la Corse qui à ses yeux étaient inséparables.

Lorsque l’on considère l’ensemble de son œuvre, l’ancrage de Paul VALÉRY était avant tout l’ancrage d’un intellectuel du monde des lettres dans les valeurs de la République française – qui inclut la Corse comme toutes les régions françaises en son sein, avec la richesse de leurs particularismes – et ces valeurs portaient le « moi » du poète vers le choix de l’Universel (voir notre article déjà cité : Paul Valéry et la passion Méditerranéenne).

Louis SAISI

Paris, le 18 décembre 2020

 NOTES

 [1] Dictionnaire Maxipoche LAROUSSE, 2019, p. 1217.

[2] Risorgimento vient du verbe italien « risorgere » = « resurgir », ou, en français « résurrection » ou mieux « résurgence ».

[3] Voir « Littérature corse en langue française, Cumenti è parè (Commentaires et opinions) », in Revue INTERROMANIA, Associu Di Soustegnu Centru Culturale Universita Di Corsica.

[4] Celle de l’Académie française.

[5] Paul VALERY : Inspirations méditerranéennes, Éditions Fata Morgana, Musée Paul Valéry, 2020, 44 pages, notamment p. 9.

[6] Fonds Paul VALÉRY, Médiathèque de Sète (ayant succédé à la bibliothèque municipale).

[7] De 1859 à 1870, l’unification italienne s’est réalisée par étapes successives. Au départ, en 1848, l’Italie était divisée entre huit États différents, dont l’un était sous le joug de l’empire d’Autriche. À partir de 1859, grâce à l’action des patriotes italiens (en particulier Garibaldi et Cavour), aidés par l’appui militaire de Napoléon III puis leur alliance avec le royaume de Prusse, le roi de Piémont-Sardaigne, Victor-Emmanuel II réunit sous son autorité les différents États. Ceux-ci formèrent en mars 1861, le Royaume d’Italie, auquel, en 1866, la Vénétie, puis, en 1870, les Etats pontificaux (Rome) seront rattachés. En 1871, l’Italie était unifiée et formait le royaume d’Italie.

[8] Bibliothèque de l’Institut de France (en ligne) : « Les carnets de Léonard de Vinci » (carnets datant de 1487 à 1508 environ). Ils sont « plus scientifiques et techniques qu’artistiques ».

[9] Cf. BNF Gallica : Les Manuscrits de Léonard de Vinci : les 14 manuscrits de l’Institut de France / Leonardo da Vinci ; extraits et description par Péladan ; [trad. de Charles Ravaisson-Mollien].

[10] Un peu plus tard, VALERY écrivit La Conquête allemande (1897) où il présentait, de manière lucide, l’Allemagne comme un danger pour la France et pour l’Europe entière. Le texte avait d’abord paru dans The New Review en janvier 1897, n°92, pp. 99-112, sous le titre La Conquête allemande, essai sur l’expansion germanique. En 1924, ce texte fit l’objet d’une nouvelle édition sous le titre Une Conquête méthodique. C’est du reste sous ce dernier titre que ce texte sera toujours réimprimé. Cet opuscule de Paul Valéry (Sète, 1871-Paris, 1945) est un ouvrage de circonstance qu’il écrivit en 1897, de passage à Londres, à la demande de William Henley, poète et directeur de la New Review. Ce dernier lui demanda une étude d’ensemble sur l’accroissement de la puissance germanique, pour servir de conclusion à une série d’articles publiés dans la même revue sur l’Allemagne.

[11] À rapprocher de ce que fut la période de « crise » de Stéphane MALLARMÉ, son aîné et modèle, chez qui, seize ans auparavant, l’année 1866 marqua un tournant lors d’un séjour à Cannes chez son ami Eugène Lefébure. Il entra alors dans une période de doute absolu qui dura jusqu’à 1869 (cf. Jean-Claude ENCALADO, L’invention esthétique, « Stéphane Mallarmé, Résolution d’une crise », 9 juin 2017. Publication en ligne : https://encalado. WordPress.com/2017/06/09/stephane-mallarme-resolution-dune-crise/.

[12] Reprenant le titre de l’essai célèbre d’Edgar Allan POE sur la genèse du Corbeau, traduit par Charles BAUDELAIRE, Éditions d’art, Paris 1923.

[13] Cf. « Au sujet d’Eurêka », À Lucien Fabre, in Paul VALÉRY, Œuvres, NRF, Librairie Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1957, 1807 pages, édition de Jean HYTIER (2 tomes), notamment Variété, tome 1, pp. 854-855.

[14] Michel JARRETY : Paul VALÉRY, Ed. Fayard, Paris, 2008, 1366 pages.

[15] Allusion à Leon DIERX (1832-1912), moins connu aujourd’hui que Lecomte de L’Isle. Il fut néanmoins un célèbre poète et peintre réunionnais de son temps célébré au 20ème siècle. Il s’installa à Paris en 1860 où à partir de 1863, le réunionnais côtoya Leconte de Lisle, chef de file des Parnassiens. Il rejoignit lui-même le Parnasse en 1864. Il fut élu nouveau « prince des poètes » après la mort de Mallarmé.

[16] Voir Michel JARRETY : « Présentation » (des Cahiers Valéry), in Observatoire de la vie littéraire, 2017, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL, 2017,

[17] Toutefois, dans l’hommage à Paul Valéry prononcé à l’occasion de ses funérailles nationales le 25 juillet 1945 (en présence du général de GAULLE), Georges DUHAMEL, Secrétaire perpétuel de l’Académie française data à 1912 le retour de VALERY à la poésie en évoquant sa « retraite de 20 ans en ces termes : « À quel adolescent proposer l’exemple singulier de cet homme qui, les premiers chants proférés, s’est détourné de la carrière pour une retraite de vingt ans ? ». Ce renouveau poétique de 1912-1913 se fonda sur des œuvres antérieures de jeunesse qui furent ébauchés entre 1897 et 1900 dont certaines aboutirent d’ailleurs, après un travail de cinq ans à la publication de La Jeune Parque en 1917.

[18] Amaury NAUROY : « La jeune Parque », Gallimard, documents : « Du manuscrit au livre.

[19] Cf. « Littérature corse en langue française, Cumenti è parè (Commentaires et opinions) », op. cit.

[20] Cf. « Littérature corse en langue française, Cumenti è parè (Commentaires et opinions) », op. cit.

[21] Sur les revues corses de l’entre-deux-guerres, citons les travaux suivants :

Christian PERI : La revue de la Corse : sociologie d’une revue de l’entre-deux-guerres, 1920-1940. ; François PIAZZA : De l’Annu corsu à l’Année corse ; .Vanessa ALBERTI : Les revues culturelles éphémères de l’entre-deux-guerres ; Sylvain GREGORI : Corsitude, mémoire et culture coloniale dans les revues corses de l’entre-deux-guerres ; Francis POMPONI : La revue de la Corse : idéologie et historiographie ; Marie-Claude LEPLETIER : La caricature insulaire à travers l’exemple du journal A Muvra, 1920-1939 ; Gilles GUERRINI : La mémoire de Ponte Novu dans l’Almanaccu di A Muvra ; Eugenio di RIENZI : La Corse et l’espace politique méditerranéen dans l’Archivio storico di Corsica.

[22] Elle obtint deux fois le Prix de Poésie de l’Académie Française. Elle recevait également les éloges de la critique littéraire et de nombreuses personnalités du monde littéraire (Henri de RÉGNIER, Francis CARCO, Paul MORAND…). Sans parler de Paul VALERY qui préfaça son livre L’enchantement multiple !

[23] En 1938, la revue « A Muvra »   de Petru ROCCA commença à publier des articles antisémites et anti francs-maçons. En 1939, après de multiples saisies et perquisitions, le journal fut interdit.

[24] H. YVIA-CROCE. Anthologie des écrivains corses, extraits variés, accompagnés de notices biographiques et bibliographiques et de notes explicatives, illustrés de nombreux fac-similés, avec une préface de M. Paul Graziani,… T. Ier XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles Reliure inconnue – 1 janvier 1929

[25] Paul SILVANI, “Un historien : Hyacinthe Yvia Croce,” Médiathèque Culturelle de la Corse et des Corses,

[26] À la fin du Xe siècle, GÊNES et PISE, cités florissantes, entreprennent de chasser les maures de Corse et de Sardaigne. Pendant deux siècles, les deux cités se disputent avec acharnement les deux îles et de manière plus générale, le contrôle de la mer Tyrrhénienne. Après la victoire de Gênes sur Pise le 6 août 1284, Gênes récupère alors, outre le port de Livourne, les droits de Pise sur la Corse et sur la Sardaigne qui seront cependant très vite contestés par la papauté et le roi d’Aragon, investi roi de Corse et de Sardaigne. La Sardaigne est abandonnée en 1320 aux Aragonais mais la Corse reste génoise malgré de longues luttes sur terre et sur mer entre la cité et l’Aragon. Dans les années 1350, le doge de Gênes, Jean da Murta, reçoit la soumission du peuple de Corse. Désormais, Gênes, par l’intermédiaire d’offices financiers (la Maona jusqu’en 1453 puis la banque de Saint-George jusqu’en 1561), s’efforce de réduire la noblesse insulaire. Au XIVe siècle, la République de Gênes a un véritable empire maritime en mer Méditerranée et en mer Noire, incluant la Corse, alors son grenier à blé.

[27] Paul ARRIGHI : « Paul Valéry et la Corse », in Revue d’Histoire littéraire de la France, 56ème année, N°3 (juillet-septembre 1956), notamment pp. 392-400.

[28] Voir Littérature corse en langue française, Cumenti è parè (Commentaires et opinions), in Revue INTERROMANIA, Associu Di Soustegnu Centru Culturale Universita Di Corsica.

[29] Pour une explication plus exhaustive, voir Paul ARRIGHI : « Paul Valéry et la Corse », in Revue d’Histoire littéraire de la France, 56ème année, N°3 (juillet-septembre 1956), notamment pp. 392-400.

[30] Cf. Barthélémy VALÉRY, Généanet.org.

[31] Fonds VALÉRY, Médiathèque de Sète.

[32] Diane de CUTTOLI : L’enchantement multiple, Ed. Sansot, R. Chibère, 1923, 111 pages (avec une lettre-préface de Paul Valéry).

[33] Le poème, intitulé en 1875 Improvisation d’un Faune, subit son deuxième « échec » au regard des catégories esthétiques de l’époque, quand il se voit refusé par le Parnasse contemporain, alors placé sous l’autorité de Banville, Coppée, et Anatole France. Le Parnasse était alors placé sous l’autorité de BANVILLE, COPPE et Anatole FRANCE. C’était le second échec DE MALLARMÉ avec son poème lyrique L’Après-midi d’un faune dont, dix plus tôt, en 1865, la destination théâtrale de la pièce – qu’il avait alors envisagée pour le « Théâtre français » – lui fut refusée par BANVILLE et COQUELIN la jugeant inadaptée pour un tel type de représentation (cf. « L’Après-midi d’un faune et l’interprétation des arts : Mallarmé, Manet, Debussy, Gauguin, Nijinski » par Jean-Nicolas ILLOUZ, in Littérature 2012/4, n°168, pages 3 à 20).

[34] Abel BONNARD (1883-1968) devait devenir Le 18 avril 1942, ministre de Vichy dans le gouvernement de Pierre LAVAL qui le nomma ministre de l’Éducation nationale. Sa nomination fut saluée dans tous les journaux fascisants d’extrême droite, notamment  La Gerbe et Je suis partout (où il avait été chroniqueur) ainsi que par Robert BRASILLACH.[

[35] Cf. Académie française : Allocution prononcée à l’occasion de la mort de M. Henri Bergson (Paul VALERY).

[36] Ibid.

[37] Cf. Sophie DEMICHEL-BORGHETTI :  Paul Valéry et la Corse – L’île que nous savons… de Jean-Guy TALAMONI », Revue Musanostra, 4 août 2020.

[38] Le 14 mars 2020, un peu avant le premier confinement dans le cadre du mois de la création insulaire, Patrizia GATTACECA et ses musiciens se produiront à Bastia au centre culturel de l’Alb’Oru pour présenter leur nouvel album « Carmini », une magnifique occasion permettant de découvrir les textes du poète méditerranéen Paul VALÉRY.
En avril 2019, après plus d’un an de travail de mise en musique et de traduction de texte, la chanteuse Patrizia GATTACECA, le musicien Jean-Bernard RONGICONI et Ghjacumu THIERS (écrivain et traducteur), s’allient pour proposer leur adaptation musicale des textes de Paul VALÉRY. Dans un album intitulé « Carmini » (Charmes en Français), Patrizia GATTACECA interprète douze titres en langue corse tous tirés du recueil  » Charmes  » de Paul VALERY. En effet, l’on se souvient qu’en 1922, Paul Valéry publia Charmes. Déjà, le titre du recueil revêtait un double sens. En latin, en effet, « char­mes » (carmina) signifie à la fois « poèmes » et « chants magiques » (la magie étant censée percer les secrets de la Nature). Cette ambivalence du titre a souvent incité à rechercher, au-delà des apparences, un sens caché aux vingt et un poèmes qui composent le volume. Aujourd’hui, en Corse, de ce recueil de poèmes est née l’idée du spectacle « Carmini« , représentation alliant une chanteuse, cinq musiciens, une danseuse (Barbara BRECQUEVILLE) et des projections visuelles (Armand LUCIANI), que Guy CIMINO a mis en scène.

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