L’œil est dans les décombres
poème
de Guy LAVIGERIE
Ci-dessous, sous les décombres de GAZA, une mère serrant son enfant dans ses bras
Nous avons le plaisir de publier sur notre site le poème « L’oeil est dans les décombres » de Guy LAVIGERIE.
Citant Predrag MATVEJEVIĆ [1], Guy LAVIGERIE nous dit que son poème est un « poème de circonstance »…
C’est qu’en effet l’actualité politique du Proche-Orient nous montre hélàs que les bombes sur GAZA continuent à pleuvoir sur ce territoire où vivent plus de 2 millions de Palestiniens – dont la moitié sont des enfants – faisant des milliers de victimes civiles innocentes (hommes, femmes, enfants), sans compter la dégradation de leurs conditions de vie quotidienne constatées et dénoncées par de nombreuses organisations internationales.
La Cour Internationale de Justice de l’ONU elle-même, dans son arrêt du 26 janvier 2024 – sur lequel nous reviendrons dans un très prochain article – s’agissant d’« au moins certains des actes et omissions que l’Afrique du Sud reproche à Israël » les a considérés comme « … susceptibles d’entrer dans les prévisions de la convention. » (il s’agit de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée à l’unanimité le 9 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies).
Il est difficile de rester indifférent face à une telle situation. Et l’on peut passer des nuits blanches à ressasser tous ces faits et à s’indigner contre cette inhumaine et révoltante situation.
C’est ainsi qu’après une nuit blanche, le 2 février dernier, Guy LAVIGERIE considère qu’« il n’est plus temps de chercher des informations sur la situation catastrophique, accablante, mortifère dans laquelle sont plongés les Palestiniens du fait de la violence mécaniste de leur oppresseur immédiat et de celle dérivée que les peuples de bonne conscience leur infligent tous les jours. Il faut donc être personnellement inconscient ou jouir d’une mentalité très particulière, éventuellement cynique et perverse, pour ne pas en être affecté. »
C’est au cours de cette nuit blanche qu’a germé son poème intitulé « L’œil est dans les décombres », et Guy LAVIGERIE d’ajouter « Quand vient l’aube vous envoyez le poème aux amis ».
Principalement comédien et metteur en scène, accessoirement réalisateur de documentaires, Guy LAVIGERIE a publié quelques textes personnels dans une dizaine de revues dont Europe, Poésie (Seghers) ou sur le blog du Monde Diplomatique et tout récemment dans lundimatin. Il a par ailleurs traduit plusieurs ouvrages de littérature latino-américaine.
Nous remercions ici très chaleureusement notre ami Guy LAVIGERIE de nous avoir autorisé à publier ci-dessous son poème.
Louis SAISI
Paris, le 22 février 2024
L’OEIL EST DANS LES DÉCOMBRES [2]
Apollinaire* ni Baudelaire
ne t’en auraient dit cette chose
qu’après shoah en un temps clos
viendrait de ceux-là mêmes
devenus les Dépositaires
l’industriel accablement
d’injures au ciel et à la Bible
Et dans un tel assentiment
de plaine et de dévastation
la foule vaquant à ses occupations
délasserait ses membres
en se craquant les doigts
du spectacle de la famine
en terre sainte administrée
de sable et de gravats
de son et de lumière
Ni Aragon ni Laâbi
mais peut-être Genet
rêvant dans la forme palestinienne
t’aurait pris par la main
posée là sur un paravent
entre mer et sable de hurlevent
Et l’aurait portée à ta sourde oreille
bouche bée yeux muets
ventre assis à l’esprit aboli
Sans te faire changer
citoyen Meursault d’un iota!
l’idée folle que
la victime était au fond du char
et regardait de loin
l’assassin courir nu
prisonnier de la grève
à l’assaut de ta vie tranquille.
Et l’image qui te possède te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse*
Guy LAVIGERIE,
poème à la nuit blanche
Paris, le 2 février 2024
NOTES
[1] Predrag MATVEJEVIĆ : Pour une poétique de l’événement : La poésie de circonstance » – Suivi de L’engagement et l’événement (Ed. G.F, collection 10/18, Paris, 1979, 328 pages). Predrag MATVEJEVIĆ (1932-2017), né à Mostar (Bosnie-Herzégovine, alors en Yougoslavie) et mort à Zagreb (Croatie), est un écrivain et essayiste yougoslave.
[2] Poème paru le 3 février 2024 dans L’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). « L’UJFP est une association qui dénonce le racisme sous toutes ses formes : contre les Noirs, les Arabes les Roms, les Musulmans, les Juifs. Nous ne faisons pas de l’antisémitisme un racisme à part. Beaucoup d’entre nous ont des histoires familiales reliées au génocide nazi et nous dénonçons l’instrumentalisation de l’antisémitisme pour criminaliser les Palestiniens et leurs soutiens. » (Site de l’UJFP du 14 février 2024).
Le poème de Guy LAVIGERIE a été également publié le 8 février 2024 dans lundimatin#414.
Lundimatin est un journal d’information en ligne diffusé sur internet qui paraît tous les lundis depuis décembre 2014. Depuis mai 2017, il est devenu aussi une revue papier semestrielle publiée aux Éditions La Découverte en vue de « composer des archives pour éclaircir le présent ».