Quel est le sens de ce 1er Mai 2023 ?  Syndicats, Retraites et Droit du Travail par Louis SAISI

Quel est le sens de ce 1er Mai 2023 ?

Syndicats, Retraites et Droit du Travail

par Louis SAISI

« Ne parlez pas d’acquis sociaux, mais de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais. » (Ambroise CROIZAT)

Le 1er mai 2017, avant la clôture du quinquennat, calamiteux sur le plan social, du Président HOLLANDE, nous nous étions penchés sur ce site sur le sens de cette journée célébrant la « Fête du travail » mais surtout celle des travailleurs en en rappelant la genèse et les temps forts montrant que ce fut un combat – parfois sanglant, aux USA (Chicago) comme en France (Fourmies) – autour de l’obtention de la journée maximale de travail portée 8 heures. Nous n’y reviendrons pas ici, et renvoyons à cet article : « 1er mai, fête du Travail ou des Travailleurs ? » (1er mai 2017, https://ideesaisies.deploie.com/premier-mai-fete-du-travail/).

I/ Le contexte de ce nouveau Premier Mai

Aujourd’hui, 1er mai 2023, dans le cadre de l’Intersyndicale, les grandes centrales syndicales de travailleurs, avec des organisations de jeunesse, ont mis en place, depuis plusieurs mois, un front uni de lutte contre le recul de départ de l’âge de la retraite à 64 ans.

A/ Droits sociaux et conquis sociaux

Ci-dessous, Ambroise CROIZAT (1901-1951).

Syndicaliste, il fut secrétaire général de la

fédération des travailleurs de la métallurgie CGT

et député communiste de la Seine.

Cette mise en cause nous fait toucher du doigt la pertinence de la distinction entre « acquis sociaux » et « conquis sociaux » faite par Ambroise CROIZAT [1] qui fut, à la Libération, ministre communiste du travail et de la sécurité sociale (22 novembre 1945-4 mai 1947) et qui jeta, avec le Haut fonctionnaire Pierre LAROQUE, les fondations de la sécurité sociale.

Ce front de défense du maintien de l’âge de la retraite à 62 ans montre que la lutte des syndicats est moins orientée vers de nouveaux conquis sociaux mais vers la sauvegarde d’un droit existant – remis en cause par le Pouvoir politique s’appuyant sur les organisations patronales dont celle du MEDEF.

Ambroise CROIZAT [2] considérait lui-même justement qu’un droit social – obtenu souvent de haute lutte -, loin de devoir être considéré comme un « acquis » définitif et intouchable, devait plutôt être plus véritablement appréhendé comme un « conquis social » pour bien en souligner sa vulnérabilité et donc la nécessité de le défendre.

En effet, ces dernières décennies, l’intégrisme idéologique libéral dans la mise en œuvre de son projet de société libérale suppose, comme l’annonçait Denis KESSLER, Haut représentant du patronat, la destruction du modèle social français hérité du compromis de la Libération entre les forces syndicales et politiques – dont celles de progrès – ayant lutté contre le nazisme au sein de la Résistance.

B/ Le projet social de l’intégrisme politique libéral

Ci-dessous, Denis KESSLER (MEDEF),

pourfendeur du modèle social français au sein du MEDEF

Radical partisan de la conversion idéologique de la France au libéralisme anglo-saxon, Denis KESSLER [3], alors second dirigeant du MEDEF, n’hésitait pas, selon la Revue Challenges du 4 octobre 2007, à mettre en cause le modèle social français en ces termes :

« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie.

Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…

À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le Programme du Conseil national de la Résistance ! 

—-

Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasi-disparition du parti communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l’essoufflement asthmatique du Parti socialiste comme conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager l’aggiornamento qui s’annonce. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d’entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs n’est pas un problème qu’en psychanalyse. »

[(Ce texte est extrait d’un article de la revue Challenges du 4 octobre 2007 (la-bibliotheque-resistante.org)]

Et il louait alors la nouvelle génération de dirigeants de droite incarnée, selon lui, par Nicolas SARKOZY qui donna vie au concept de « droite décomplexée ».

1/ L’abandon du gaullisme étatique au profit des forces du Marché

La droite a longtemps été dominée, depuis l’avènement de la 5ème République, par la figure tutélaire du général de GAULLE qui en avait d’ailleurs fédéré ses différentes composantes bien que, paradoxalement, l’Homme du 18 juin refusait de se reconnaître dans la mouvance de droite.

En effet, certaines familles politiques conservatrices, comme la démocratie chrétienne ou le gaullisme, avaient toujours refusé, dans une perspective conciliatrice farouchement opposée à une analyse de classe des rapports économiques et sociaux  (s’adresser au patron comme à l’ouvrier), de se dire de « droite ». « Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté, prouve précisément ce que je vous dis, c’est-à-dire que, maintenant comme toujours, je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France », affirmait par exemple Charles de GAULLE dans le contexte de la campagne présidentielle de 1965.

Seuls certains partis politiques – souvent petits ou longtemps marginaux – se revendiquaient explicitement de droite, comme par exemple, lors des Législatives de 1997, « La Droite indépendante », réunissant le CNIP et le MPF de Philippe de VILLIERS.

Après le retrait du général de GAULLE de la scène politique en 1969, ses successeurs les plus proches du sérail « gaulliste » (POMPIDOU, CHIRAC) avaient conservé le moule politique du père fondateur de la 5ème République et n’avaient jamais remis en cause le pacte social issu de la Libération résultant du compromis historique, politique et social, au sein du Conseil national de la Résistance : le parti se revendiquant de la pensée du général de Gaulle se voulait rassembleur, même s’il évolua vers une ligne plus libérale et europhile que sociale et souverainiste dans les années 1990-2000.

Au centre,  Jacques CHIRAC, fondateur du parti RPR,

en 1976, machine de guerre pour la conquête du pouvoir

alors incarné par Valéry GISCARD d’ESTAING (1974-1981)

À l’instar de ce que fut le RPF – Rassemblement du peuple français –  créé par le général de GAULLE en 1947 (et mis en sommeil en 1955), les post-gaullistes (= ceux qui se revendiquaient de l’héritage du général de GAULLE) conservèrent pendant un certain temps, au moins dans le sigle de leur parti, l’idée, habile et dynamique, de « rassemblement » accréditant une volonté politique de dépassement des divergences et des divisions. C’est ainsi qu’en décembre 1976, sous l’impulsion de Jacques CHIRAC, fut créé le « Rassemblement pour la République» (RPR) qui marqua, durablement à droite  (1976-2002),  la vie politique française.

Mais avec la montée, à droite, du Front National, la Droite classique de gouvernement, craignant d’être évincée par l’Extrême droite du Front national, dût reconsidérer ses fondamentaux devant cette nouvelle donne afin de conserver le leadership en tant que force alternative susceptible d’accéder au pouvoir. Quant à la méthode choisie, au lieu d’une alliance avec le Front National (FN devenu RN) – prônée par certains à droite (comme le fit, par exemple, l’UDF Charles MILLON à LYON) -, Nicolas SARKOZY, avec ceux qui souhaitaient assécher électoralement le FN en retrouvant les électeurs de droite « partis » à l’extrême droite, lança alors l’idée d’une « droite décomplexée » :

« Pour retrouver leur confiance, il nous faut à nouveau tenir un discours de droite, qui ne soit pas outrancier, mais décomplexé », expliquait déjà début 1998 celui qui était alors le secrétaire général du RPR (Le Figaro, 9 avril 1998). « Les électeurs qui nous ont quittés reviendront le jour où la droite redeviendra, sans complexe et sans outrance, ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être » plaidait-il à la fin de la même année (Le Monde 10 septembre 1998).

2/ La mise en cause de l’État interventionniste avec l’émergence d’une « droite décomplexée »

C’est surtout dans son livre, intitulé Libre, publié en 2001 (Robert Laffont/XO Éditions), que Nicolas SARKOZY théorisa ce concept de « droite décomplexée » en affirmant par exemple :

« Quant à se dire de droite, une bonne partie de mes amis s’y refusent obstinément. J’avoue avoir du mal à comprendre cette forme de pudeur qui n’est rien d’autre qu’une façon de céder à la mode du moment. Tandis que la gauche ne cesse d’affirmer sa fierté d’exister en tant que telle, nombre de responsables de l’opposition considèrent comme quasi infamant d’être catalogués à droite, tout en s’abstenant de préciser ce qu’ils sont. Ce faisant, ils organisent les conditions de notre défaite idéologique avant même l’engagement de la bataille. Car enfin, pourquoi donc serait-il noble d’être de gauche et faudrait-il s’excuser d’être de droite ? »

Quant au fond, Nicolas SARKOZY était partisan à la fois d’assumer une politique libérale – en rupture avec le modèle social français issu du Conseil national de la Résistance – et de mettre en œuvre des politiques sécuritaire et migratoire plus fermes. Le lien du parti de droite dominant avec la pensée libérale était cette fois fermement revendiqué et assumé.  Sur le plan idéologique, la mutation du gaullisme historique était achevée. Il ne restera plus que la fidélité aux institutions autoritaires de la 5ème République dont, aujourd’hui, l’article 49-3 de la Constitution de 1958 en est la plus flagrante et triste illustration par sa pratique récurrente.

Si cette stratégie d’une « droite décomplexée » et assumée permit à SARKOZY, en 2007, d’accéder à l’Élysée, elle ne lui permit pas sa réélection en 2012.

Ci-dessous, Emmanuel MACRON, en 2016, en campagne électorale…

 

Quant à notre président actuel, Emmanuel MACRON, il s’est explicitement rallié à la vision du MEDEF qui est aussi, comme on l’a vu avec SARKOZY, celle de la partie la plus à droite de la classe politique. En effet, alors qu’il était candidat à la présidence de la République, le 4 septembre 2016, rejoignant sans ambages les propos précités de Denis KESSLER, Emmanuel MACRON s’était exprimé ainsi sur France Inter :

 « … le modèle de l’après-guerre ne marche plus. Le consensus politique, économique et social, qui s’est fondé en 1945 et qui a été complété en 1958, est caduc. […] Le monde du travail de demain, c’est un monde dans lequel chacune et chacun devra plusieurs fois dans sa vie changer vraisemblablement d’entreprise, de secteur, et peut-être de statut, et donc, c’est un monde où il faut permettre à chacune et chacun de s’adapter à ces cycles économiques qui sont en train de se retourner. »

II/ Rapide rappel de la spécificité du modèle social français

Mais avant la mise en œuvre décomplexée du projet libéral porté ces dernières années par les présidents SARKOZY, HOLLANDE et MACRON avec la complicité active de la Haute technocratie administrative de BERCY, ce qui faisait le particularisme de la France c’est que progressivement, après la conquête de la journée de 8 heures, la reconnaissance de la classe salariale (s’étant longtemps confondue avec la classe ouvrière) – avait généré, dans notre pays, l’élaboration d’un Code du travail définissant légalement ce que devaient être les rapports sociaux dans l’entreprise par le biais de dispositions fixant les droits des travailleurs dès l’instant que ceux-ci se trouvaient placés, par le contrat de travail, dans un rapport de subordination par rapport à leurs employeurs possédant, quant à eux, le droit d’organiser leur entreprise, de la diriger selon leurs propres vues et de sanctionner les salariés réputés ne pas observer leurs obligations ou commettant une faute considérée comme « grave » pouvant conduire jusqu’à la rupture du contrat de travail par leur licenciement sous le contrôle du juge des prud’hommes en première instance.

 

Dans le domaine de la santé, la création de la sécurité sociale par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 avait fait émerger, avec ses 5 branches, un droit à la santé pour tous les citoyens, soutenu par un appareil public hospitalier maillant le territoire national, en liens avec l’enseignement de la médecine et la recherche médicale (INSERM).

 

 

Ci-dessous, schéma économique keynésien tiré 

de l’ouvrage Théorie générale de l’emploi, 

de l’intérêt et de la monnaie (The General Theory

of Employment, Interest and Money) (1936),

de John Maynard KEYNES (1883-1946), économiste,

Haut fonctionnaire et essayiste britannique 

Au plus fort temps de son développement, le modèle français se caractérisait également par l’intervention de l’Etat dans l’économie pour impulser le développement économique et social du pays. Outre l’existence d’un secteur public économique, avec les entreprises publiques créées dans les secteurs clé de l’économie (énergie, transports, banques, secteurs industriels de pointe), une planification indicative – visant à prévoir et maîtriser les besoins vitaux de la France – avait également vu le jour, d’abord selon un schéma vertical, puis, à partir de la loi du 29 juillet 1982, portant réforme de la planification, selon un schéma horizontal y associant les régions avec la création des fameux contrats de plan État-Régions (CPER).

Cette forte implication de l’Etat dans le développement économique et social s’est traduite par la sortie de son rôle traditionnel de puissance souveraine limitant ses activités aux domaines régaliens (sûreté intérieure, défense, justice, législation), pour s’étendre à des secteurs nouveaux aussi différents que ceux de l’éducation, de la santé, de la culture, etc.  qui, loin d’être artificiellement créés, correspondent, au contraire, à une demande sociale d’intervention de l’autorité étatique : demande d’école, demande de santé, demande de culture, etc.

Cette présence de l’État dans l’accompagnement de la vie quotidienne des citoyens s’est caractérisée par la socialisation du droit, avec l’émergence de nouveaux droits économiques et sociaux au profit des citoyens.

Ceci explique que, parallèlement, pour faire fonctionner tous ces services publics correspondant aux besoins vitaux des citoyens, se soit mise en place une puissante administration d’État dont les agents – en principe recrutés sur concours et chargés de servir l’intérêt général en observant une obligation de réserve – sont des fonctionnaires réputés désintéressés, et à ce titre régis par un statut spécial, celui de la Fonction publique, comportant des droits et obligations.

III/ La mise en cause pratique du modèle social français

Ce rapide rappel ne nous a pas semblé superflu car ce fragile équilibre – toujours sous tension – de notre Droit du travail fut malmené par trois séries de réformes introduites par les présidents SARKOZY (2007-2012) (A), HOLLANDE (2012-2017) (B) et MACRON (2017-2023) (C) et leur Gouvernement respectif, avec le soutien, chacun, de leur majorité parlementaire. Ce dessein libéral fut affirmé avec encore plus de force, ensuite, par le Président MACRON qui, après son projet avorté de réforme intégrale du système des retraites [4], poursuit son œuvre destructrice du modèle social français – aujourd’hui honni par l’Union européenne et les Marchés économiques et financiers – avec la remise en cause de l’âge légal de départ à la retraite.

A/ Sarkozy à la manœuvre ou le poids de l’idéologie libérale (2010)

Sous le quinquennat de SARKOZY (2007-2012), la droite va mettre en œuvre son programme de sape du modèle social français.

Le 16 mai 2010, Éric WOERTH, ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique, transmet aux partenaires sociaux le document d’orientation du gouvernement indiquant les pistes privilégiées pour assurer le financement des régimes de retraites. Dans ce document, il déclare que seule l’augmentation progressive de la durée d’activité peut assurer un financement du système sans pénaliser le niveau de vie des Français (niveau des cotisations et pensions), la croissance et l’emploi (pas d’impôt supplémentaire sur le capital). Éric WOERTH annonce ensuite, le 16 juin suivant, son souhait de porter l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, dans le cadre d’un avant-projet de loi sur les retraites qui repose principalement sur deux mesures-phares, concernant l’âge de départ.

Le gouvernement présente, le 7 septembre 2010 à l’Assemblée nationale, un projet de loi reprenant les grandes lignes de cet avant-projet  en se basant sur les prévisions financières du Conseil d’orientation des retraites contestées par les syndicats.

La loi du 9 novembre 2010 entérine ce projet et consacre l’abandon de l’âge de départ à la retraite à 60 ans pour le porter à 62 ans.

B/ Hollande et sa conversion pragmatique au modèle libéral (2012-2017)

1/ La réforme du système des retraites : une réforme se voulant pragmatique mais bien loin de la réalité du premier travail des jeunes et de la mutation de l’âge de la jeunesse

Pendant le quinquennat de François HOLLANDE, la réforme des retraites en France, de 2013-2014 – portée, le nez sur le guidon, par la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol TOURAINE –  emboîte le pas aux réformes opérées antérieurement par la Droite.

Comme ses devancières de droite, la nouvelle réforme de gauche est tributaire du rapport du COR et affiche une volonté de préserver l’équilibre financier du système français de retraites par répartition en s’efforçant de combler un déficit prévu alors à vingt milliards d’euros en 2020.

La réforme HOLLANDE/TOURAINE consiste en un ensemble de modifications paramétriques du système de retraite français formalisée par la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites [5] et par un ensemble de textes règlementaires.

Le premier Ministre Jean-Marc AYRAULT annonce que l’âge de départ à la retraite à 62 ans ne sera pas modifié. La réforme augmente les taux de cotisations salariale et employeur chacun de 0,15 point en 2014, puis 0,05 point par an en 2015, 2016 et 2017 (soit au total 0,3 point). Par ailleurs, pour une retraite à taux plein, la durée de cotisation augmentera d’un trimestre tous les 3 ans, jusqu’à 43 ans en 2035 (contre 41,5 ans avant la réforme).

Ainsi du côté du Pouvoir politique, comme le montre excellemment la caricature ci-contre, la réforme des retraites en arrive à brouiller la vision des âges…  Dès lors,  les « vieux » deviennent agiles et jeunes… et ils sont donc sommés de devoir travailler plus longtemps…

En effet, il n’est guère discutable que la disposition relative aux 43 annuités de cotisations risque de rendre inopérantes celles relatives à l’âge de départ à la retraite à 62 ans car, quels sont ceux prêts à partir à la retraite à 62 ans sans une retraite pleine et entière à cause du système de décote sanctionnant un nombre insuffisant d’années de cotisations ? Or, pour totaliser 43 annuités de cotisations et pouvoir partir à la retraite à l’âge de 62 ans, il faut avoir commencé à travailler à l’âge de 19 ans et donc n’avoir point fait une formation longue, le plus souvent sous la forme d’études longues supérieures qui se trouvent de ce fait, de manière assez aberrante, pénalisées au lieu d’être encouragées…

 

Ci-dessous, conciliabules entre Marisol TOURAINE et F. HOLLANDE

Or, comment Marisol TOURAINE et François HOLLANDE pouvaient-ils ignorer que l’âge moyen d’accès à un premier emploi stable est passé de 20 ans en 1975, à 27 ans aujourd’hui, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental publié en avril 2019 ?

Avec cette règle progressive des 43 annuités, pour un jeune ayant accédé à son premier emploi à 27 ans (CDD ou CDI), malgré l’affichage formel d’un droit à partir à 62 ans, la réforme TOURAINE signifie un départ à la retraite à 70 ans pour percevoir une retraite pleine et entière.

 

Le sociologue Jean VIARD, auteur d’un essai d’une soixantaine de pages, intitulé Un nouvel âge jeune, publié le 3 octobre 2019, a montré que l’âge de la jeunesse s’étirerait désormais de 16 à 26 ans. Contrairement aux générations précédentes, l’arrivée sur le marché du travail devient plus tardive.

Selon le médiatique sociologue, “C’est donc plutôt vers 30 ans que la plupart des jeunes deviennent adultes, quand ils cumulent travail plus stable et enfants” [6].

Mais cette mutation d’une plus longue longévité de l’âge de la jeunesse pose alors le problème de la reconnaissance d’une partie du temps de formation comme un véritable travail.  Ainsi, après 16 ans (fin de la scolarité obligatoire), le temps de formation ne devrait-il pas être assimilé à un véritable travail ? La vision classique voire traditionnelle du travail, considérée comme une activité purement manuelle ou enfermée dans le strict processus de production de biens ou de services, ne devrait-elle pas être élargie, sous certaines conditions, bien sûr, à définir ?

2/ Les réformes du Code du travail sous HOLLANDE

La collusion politique entre HOLLANDE et MACRON quant à la mise en œuvre du projet libéral européen pour la France apparaît dès le quinquennat de François HOLLANDE (2012-2017) dont MACRON est alors le Ministre de l’Économie. En effet, la première des réformes du Président HOLLANDE, bien qu’elle ne concerne que très partiellement le Code du travail, touche néanmoins à un symbole important du droit du travail : le repos du dimanche ainsi que la question sensible d’une nouvelle réglementation du travail de nuit.

Promulguée le 6 août 2015, sous le N° 2015-990, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – dite « loi Macron » car portée par Emmanuel MACRON, alors ministre de l’Économie du Président HOLLANDE -, cette loi était une loi souvent qualifiée de « fourre-tout » car elle concernait de larges pans de l’activité économique qu’elle se proposait de relancer. À elle seule, cette loi constituait quasiment un « Manifeste » libéral, tant par son contenu que par son volume. Ceci explique que, comme nous l’avons déjà souligné, le Code du travail était lui-même affectée par cette loi car elle devait permettre l’élargissement des possibilités d’ouverture des commerces le dimanche et la nuit.  Plus généralement, la philosophie de ce texte se rattachait à la doxa européenne de la concurrence libre et non faussée par le biais de l’introduction de plus de concurrence, notamment dans les secteurs réglementés : libéralisation des transports par cars grâce à la suppression du monopole de la SNCF et déréglementation de certaines professions (notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs) en vue d’augmenter le nombre de ces professionnels.

Comme le projet menaçait de s’enliser après de longs mois de débats, le Gouvernement crut devoir hâter son adoption, le 10 juillet 2015, par le recours à l’article 49-3 de la Constitution, décidé par le Premier ministre, Manuel VALLS, ce qui permit son adoption sans un vote sur le texte lui-même.

La seconde réforme du Code du travail sous le quinquennat du Président HOLLANDE – la plus importante – a été introduite par l’article 2 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels – dite « loi El KHOMRI » (du nom de la ministre du Travail qui l’a portée). Il s’agit d’une réécriture totale de la partie du Code du travail relative à l’aménagement du temps de travail qui permet notamment aux accords d’entreprises de déroger aux accords de branches en matière de temps de travail, d’heures supplémentaires ou de congés [7]. Cette disposition, d’inspiration anglo-saxonne, remet ainsi en cause la hiérarchie habituelle des normes du Code du travail en plaçant désormais la norme contractuelle résultant d’un accord d’entreprise au-dessus des autres dispositions (conventions collectives de branche). L’article 2 de la loi précitée prévoyant un tel dispositif suscita une forte opposition dans l’opinion publique (pétitions en ligne dépassant le million de signatures) et, au sein même de la majorité qui vit se constituer un groupe informel de députés frondeurs au sein du Parti socialiste très critiques vis-à-vis du Gouvernement).

Après treize journées de manifestations nationales au printemps 2016, le Premier ministre, Manuel VALLS, dût recourir au 49-3 pour imposer un texte qui était censé être pris au nom du « dialogue social », mais qui, en réalité, conformément à la doxa libérale à laquelle le pouvoir socialiste s’était fraîchement converti, visait surtout à donner aux entreprises la « souplesse » et la « visibilité » qu’elles réclamaient au nom de la compétition économique.

IV/ Sous le premier quinquennat du Président MACRON (2017-2022), la réforme du droit du travail fut l’une des premières réformes impulsées par celui-ci.

N’ayant pas conservé un bon souvenir de la procédure parlementaire à l’occasion de sa propre expérience gouvernementale aux côtés de François HOLLANDE, lors de la présentation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques précitée que le Gouvernement dût faire passer au forceps du 49-3 (cf. supra), le président MACRON voulut éviter de soumettre à la discussion et critique parlementaire son dispositif de nouvelle réforme du Code du travail. C’est ainsi que tout de suite après son élection, dès le mois de juin 2017, le nouveau président marqua son souci d’aller vite en procédant à la réforme du Code du travail par le biais d’ordonnances prises par le Gouvernement dans le cadre de l’article 38 de la Constitution.

Ce fut l’objet de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social [8] qui ne fut promulguée qu’après la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-751 DC du 7 septembre 2017 [9].

La nouvelle réforme du Code du travail se fit donc par le biais de 5 ordonnances dites « Travail » du 22 septembre 2017 qui furent publiées au Journal officiel le 23 septembre 2017. Ces ordonnances furent complétées par une ordonnance dite « balai » du 20 décembre 2017 visant à mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi du 15 septembre 2017 précitée.

Il s’agissait, pour le Gouvernement dirigé par Edouard PHILIPPE, de s’engouffrer dans la brèche ouverte sous HOLLANDE par la loi EL KHOMRI précitée pour élargir le champ d’application des accords d’entreprise afin de leur accorder une place encore beaucoup plus importante dans la relation du processus de production entre les employeurs et les salariés.

Par ailleurs, pour le président MACRON et son gouvernement, il fallait aussi protéger les employeurs s’étant rendu coupables d’un licenciement abusif en plafonnant le versement aux travailleurs d’indemnités de licenciement, d’où l’idée d’un barème.

Quant au délai de prescription pour contester un licenciement aux prud’hommes, il fut réduit pour tous les types de licenciement, passant à 1 an, en reprenant le délai le plus faible – qui était celui applicable aux licenciements économiques – et en l’étendant à tous les autres types de licenciement, pour lesquels, antérieurement, le délai pour agir était de 2 ans. Tous les licenciements se voient désormais appliquer le même délai de prescription de 1 an. Il s’agit de protéger la sécurité juridique de l’employeur en ne l’exposant pas à un délai de contestation trop long. Passé le délai d’un an, le salarié est donc considéré comme ayant renoncé à toute forme de contestation juridictionnelle.

                                   Ci-dessous,

des retraites et des Présidents – HOLLANDE et MACRON  –

                       boulimiques de réformes…

Ainsi de 2012 à 2022, sous les quinquennats de HOLLANDE puis de MACRON, le centre de gravité du Code du travail – à l’origine conçu pour corriger les rapports inégalitaires entre les salariés et leurs employeurs du fait de la subordination, au sein du monde de l’entreprise, des premiers aux seconds – s’est déplacé des travailleurs vers les employeurs. Il s’agit désormais de mettre au centre du Code du travail les préoccupations des employeurs au nom de la compétition économique des entreprises. Autrement dit, la philosophie libérale de l’économie et de la société fondée sur la concurrence des rapports marchands dans la recherche du profit fait subrepticement son entrée dans le Code du travail.

Le droit du travail n’a plus, comme fonction centrale et exclusive, de protéger le faible contre le fort, mais devient également un outil au service de la compétition économique. Le droit du travail devient de moins en moins uniforme et égal pour tous les travailleurs mais cède la place aux disparités plus grandes dans les situations de travail par le biais des accords d’entreprise pouvant déroger aux accords de branche considérés comme trop avantageux pour les salariés d’une entreprise auxquels l’on substitue des accords locaux d’entreprise moins favorables.

Désormais, ce n’est plus seulement le salarié qu’il faut protéger mais aussi l’employeur…

Pour les oppositions et syndicats, les ordonnances « travail » impulsées par le président MACRON en septembre 2017 contribuent à détricoter un peu plus le Code du travail dans les pas de HOLLANDE.

V/ Vers un nouveau paysage syndical ?

En riposte à l’offensive libérale contre les régimes de retraite, les syndicats, aujourd’hui, opposent un front commun uni autour de la défense de l’âge de départ à la retraie à 62 ans et non à 64 ans.

Or ce front commun de refus de la réforme gouvernementale est d’autant plus significatif que, comme on le sait, le paysage syndical est très éclaté en France, depuis de nombreuses décennies, à l’image de la multiplicité des partis animant notre vie politique, sauf que ceux-ci, contrairement aux premiers, savent se regrouper pour conquérir le pouvoir comme les y contraint le jeu sévère des institutions de la 5ème République et le très contestable mode de scrutin majoritaire uninominal à 2 tours.

A/ Représentativité et diversité syndicale

Pour les syndicats, même la reconnaissance, par le Pouvoir politique, de leur représentativité quant à leur représentation effective des salariés dans les entreprises ou structures publiques ne joue pas un rôle unificateur les incitant à dépasser leur diversité. Leur multiplicité, le culte de leur autonomie et leurs divergences idéologiques et programmatiques affaiblissent souvent leur rayonnement et l’efficacité de leur action au profit d’un État tout puissant jouant sur leurs divisions, et n’hésitant pas parfois à faire de l’un d’eux son interlocuteur privilégié, comme on l’a vu, ces dernières années, avec un curieux « dialogue » privilégié de l’Etat avec tel syndicat réputé « réformiste », tel que la CFDT, comme si les autres syndicats avaient placé au cœur de leur plateforme revendicative ou leur programme la destruction de l’Etat de droit, du seul fait qu’ils dénoncent des options politiques gouvernementales plus orientées vers la protection des plus riches – qui sont souvent aussi les détenteurs du pouvoir économique – plutôt que vers la défense des plus faibles, parmi lesquels les travailleurs salariés eux-mêmes…

B/ Représentativité syndicale et posture nécessairement « réformiste » des syndicats dont la représentativité est reconnue

1/ Les syndicats représentatifs des salariés

Ce classement par le Pouvoir politique entre certains syndicats qui seraient réputés sérieux et fréquentables et d’autres pas – car considérés comme trop radicaux et dangereusement contestataires – est d’autant plus discutable que ce parti pris étatique ne respecte pas son propre classement des centrales syndicales reconnues comme représentatives.

En effet, comme nous allons le voir ci-dessous, pour être reconnue « représentative », toute organisation syndicale doit respecter certaines règles dont celle du respect des valeurs républicaines et de sa propre indépendance. C’est dire que les 4 autres fédérations syndicales nationales représentatives (CGT, CGT-FO, CFE-CGC, CFTC, cf. ci-dessous) sont à mettre sur le même plan que la CFDT quant à leur pratique du syndicalisme qui est loin, aujourd’hui, d’être « révolutionnaire ».

En effet, au sein du monde syndical, cinq centrales syndicales nationales sont reconnues comme étant représentatives des travailleurs salariés :  CFDT, CGT, CGT-FO, CFE-CGC, CFTC.

La représentativité syndicale désigne l’aptitude d’une organisation syndicale à être la porte-parole des salariés dont elle entend défendre et promouvoir les intérêts.

La reconnaissance d’une telle représentativité entraîne des conséquences importantes car elle confère aux organisations syndicales le pouvoir d’exercer un certain nombre de prérogatives telles que le droit de désigner des délégués syndicaux, de négocier et conclure des accords collectifs.

2/ Les critères de la représentativité

Pour mesurer la représentativité des syndicats, la loi du 20 août 2008 a réformé en profondeur les règles jusqu’alors applicables fondées sur la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient les syndicats affiliés à l’une des cinq confédérations déclarées représentatives par l’arrêté du 31 mars 1966 (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC, CFE-CGC).

L’objectif de la réforme de 2008 était en effet de rapprocher les organisations syndicales des salariés. Désormais, leur représentativité est mesurée périodiquement et dépend notamment de leur audience à l’occasion des élections professionnelles dans les entreprises.

C’est ainsi que la liste des organisations syndicales représentatives est mise à jour périodiquement, au fil des élections professionnelles, l’appréciation de ce critère variant selon les niveaux de négociation.

Il y a lieu de préciser qu’au critère de l’audience à l’occasion des élections professionnelles dans les entreprises, le législateur a ajouté les 6 autres critères suivants :

– respect des valeurs républicaines : « le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance » ; c’est dire que sous cet angle les organisations syndicales reconnues « représentatives » par l’État, en application de ce critère et aussi du suivant, sont nécessairement « réformistes » car l’on ne voit pas un État financer une organisation dont le but serait de le détruire ;

– indépendance : les syndicats doivent être indépendants de l’employeur et de l’État. Ne peuvent donc être représentatifs les syndicats dont la création a été suscitée par l’employeur ou lorsqu’ils sont financés par lui ;

– transparence financière :  les syndicats professionnels et leurs unions doivent établir des comptes annuels, et lorsque leurs ressources dépassent un certain seuil ils doivent nommer un commissaire aux comptes (articles L. 2135-1 à L. 2135-6 du code du travail) ;

– ancienneté minimale de deux ans : une organisation syndicale nouvellement créée ne peut être représentative immédiatement, faute d’une telle ancienneté qui s’apprécie à compter de la date du dépôt légal des statuts qui doivent permettre de vérifier également que l’objet de l’organisation syndicale couvre bien le champ professionnel et géographique dans lequel elle entend représenter les salariés ;

– influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience : ce critère, relatif à l’activité et l’expérience, est plus complexe à mettre en œuvre car il dépend d’indices : l’activité renvoyant à l’appréciation des actions menées par le syndicat (nombre de réunions, distribution de tracts, présentation aux élections…) ;

– effectifs d’adhérents et cotisations : l’organisation syndicale doit compter suffisamment d’adhérents pour pouvoir mener des actions et développer son influence. Les cotisations doivent être suffisantes pour constituer un budget qui puisse financer ses actions (impression de tracts…). L’appréciation de ce critère est relative, en référence au nombre d’adhérents des autres syndicats au même niveau.

3/ Les autres syndicats

Mais à ces cinq syndicats  reconnus par l’État  comme étant « représentatifs », s’ajoutent d’autres syndicats qui, pour être plus modestes, n’en sont pas moins nationaux, tels l’UNSA (union syndicale créée en 1993 regroupant 5 membres fondateurs), Solidaires (union syndicale créée fin 1981 regroupant 10 syndicats), FSU (première fédération syndicale en France de l’enseignement créée en 1993, elle est aussi la deuxième organisation syndicale de la fonction publique d’État, derrière Force ouvrière). Ils font également partie de l’Intersyndicale et seront dans les cortèges du 1er mai aux côtés des 5 grandes centrales syndicales.

C’est dire que ce premier mai 2023 – journée de revendication autour du refus d’un départ plus tardif à la retraite – a le mérite de renouer avec l’unité syndicale car les grandes fédérations de syndicats de travailleurs [10] – qui avaient pris la triste et déplorable habitude de défiler en ordre dispersé – vont former dans toute la France de nombreux cortèges, homogènes et sans doute davantage fournis, pour manifester autour du mot d’ordre de l’Intersyndicale demandant le retrait de certaines dispositions de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (Loi BORNE/MACRON), notamment celles du § 2 de l’article 10 modifiant l’article L. 161-17-2 du Code de la Sécurité sociale reculant à 64 ans l’âge de départ à la retraite.

CONCLUSIONS

Nos concitoyens se reconnaissent volontiers à la fois dans le refus d’un départ à la retraite à un âge plus tardif – aggravé par la nécessité de 43 années de cotisations pour pouvoir prétendre à une retraite pleine et entière à 64 ans (ce qui risque de rendre cet âge plus fictif que réel dans le sens d’un départ encore plus tardif faute de totaliser 43 annuités) – et dans le front uni des syndicats contre une telle réforme des retraites.

Dans leur obstination à s’ouvrir à la discussion avec les syndicats, le président MACRON et son Gouvernement ont fait leur le slogan du TINA (« There is no alternative ») de feu Margaret THATCHER en présentant le report de l’âge de départ à la retraite comme la seule solution possible et crédible pour combler un déficit à venir.

Or d’autres solutions alternatives existent. Ainsi, à l’opposé du report de l’âge légal, les syndicats préconisent de jouer sur l’emploi, les salaires et les cotisations pour combler les déficits à venir.

Une baisse significative du chômage accroîtrait le nombre d’actifs cotisants et donc aurait un effet mécaniquement positif sur davantage de rentrées de cotisations.

Entre l’UNSA et la CFTC, il y a consensus pour estimer qu’avec le traitement du taux d’emploi des seniors – trop faible aujourd’hui – on traiterait en partie le problème. Le leader de la CFTC Cyril CHABANIER considère qu’en ajoutant aux 56 % des 55-64 ans actuellement en activité « 10 % à 15 % de seniors supplémentaires qui travaillent, c’est 10 milliards qui rentrent ».

La CGT considère avec le syndicat « Solidaires » que si l’on appliquait « l’égalité professionnelle femmes-hommes », les cotisations abonderaient davantage. Et « Solidaires » n’hésite pas à préciser que cela « rapporterait 14 milliards aux caisses de retraites ».

Tous les syndicats préconisent une hausse des cotisations patronales. Ainsi, selon l’UNSA, une simple hausse « de l’ordre d’un point » rapporterait 7,5 milliards. Pour la CFTC, la même somme pourrait être obtenue en prélevant trois euros de plus entre le salarié et l’employeur.

Cette journée de Premier Mai sera sûrement une journée de nombreux cortèges dans toute la France car l’âge de départ à la retraite est un marqueur social auquel tous les Français sont légitimement attachés car il s’inscrit dans le droit au bonheur, dans le droit à des jours heureux après une vie de travail.

Il ne nous semble pas inutile, en effet, de rappeler que la retraite doit rester cette « nouvelle étape de la vie » que CROIZAT appelait de ses voeux, et non devenir, aujourd’hui, comme il en chassait, hier, l’idée,  « l’antichambre de la mort ».

Louis SAISI

Paris, 1er mai 2023

SIGLES ET ABREVIATIONS 

CDD : Contrat à durée déterminé ;

CDI : Contrat à durée indéterminé ;

CFDT : Confédération française démocratique du travail ;

CFE-CGC : Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres. Syndicat français de salariés fondé en 1944, il défend les intérêts de l’encadrement, des ingénieurs, des agents de maîtrise et des forces de vente dans le secteur privé et public ;

CFTC : Confédération française des travailleurs chrétiens ;

CGT : Confédération générale du travail ;

CGT-FO : Force ouvrière ou FO est le nom usuel de la Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO), qui témoigne de ses origines cégétistes e de sa scission d’avec la CGT en 1947 ;

CNIP : Centre national des indépendants et paysans. Parti politique français classé à droite de l’échiquier politique. Fondé en 1949, il s’appelle alors « Centre national des indépendants » (CNI) jusqu’en 1951 où il absorbe le Parti paysan d’union sociale (PPUS) de Paul ANTIER. Le second Président de la 4ème République française, René COTY, en est originaire ;

COR : Conseil d’orientation des retraites ;

CPER : Contrat de Plan Etat-Régions mettant en oeuvre une planificaion partagée enre l’Etat et les régions françaises ;

FSU : Fédération syndicale unitaire ;

FN : Front National. Parti poliique d’extrême droite créé le 5 octobre 1972 par jean-Marie LE PEN qui en devient le président.  Sa fille, Marine LE PEN, en prendra les rênes en 2011.

MEDEF : Mouvement des entreprises de France ;

MPF : Mouvement Pour la France. Le MPF est un parti politique français de droite fondé par Philippe de VILLIERS, en 1994, en réaction contre le traité de Maastricht (1992) et la perte progressive par la France de sa souveraineté au sein de l’Union européenne ;

RN : Rassemblement National, parti d’exrême droite. A partir de 2018, le Front National créé par Jean-Marie LE PEN (cf. supra)  prend le nom de Rassemblement National.

RPF : Rassemblement du peuple français ;

RPR : Rassemblement pour la République (parti de droite se rattachant, formellemen au moins, à la filiation gaulliste) ;

SNCF : Société nationale des chemins de fer français ;

UDF : Union pour la démocratie française. Parti politique français regroupant plusieurs partis de centre droit ou de droite non- gaullistes et d’inspiration démocrate-chrétienne, libérale, europhile, et, dans une moindre mesure, radicale ;

UNSA : Union Nationale des Syndicats Autonomes ;

NOTES

[1] Michel ÉTIÉVENT :  Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Éditions GAP, 2012, p47-48.

[2] Sur la vie et le militantisme d’Ambroise CROIZAT, voir l’excellent article de Léo ROSELL : « Retraites : Quand MACRON enterre CROIZAT une seconde fois », 10 février 2020, Le Vent se lève (LVSL), journal en ligne.

[3] Voir : David SERVENAY : « Denis Kessler, le « tonton flingueur » du modèle français », pp. 567-572 in Benoît COLLOMBAT, David SERVENAY (sous la direction de… avec Frédéric CHARPIER, MARTINE ORANGE, Erwan SEZNEC) :   Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours Le vrai visage du capitalisme français, Éditions La Découverte, Collection : Cahiers libres, Paris 2014, 792 pages.

[4] Dans son programme électoral, le président de la République Emmanuel MACRON avait proposé une vaste réforme des retraites visant à la mise en place d’un système universel de retraites où un euro cotisé donnerait les mêmes droits à tous les cotisants. Le 29 février 2020, le projet de loi ordinaire est considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en première lecture après le rejet de deux motions de censure, le Premier ministre Édouard PHILIPPE ayant engagé la responsabilité de son Gouvernement en vertu de l’article 49.3 de la Constitution. En mars 2020, l’examen parlementaire des deux projets de loi est suspendu en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Le 9 novembre 2021, Emmanuel MACRON annonce le report de la réforme des retraites qui sera mise en œuvre après l’élection présidentielle. La ministre du travail, Elisabeth BORNE, précise que la création d’un régime universel par points est abandonnée.

[5] Cf. JORF N° 0017 du 21 janvier 2014.

[6] Jean VIARD : Un nouvel âge jeune – Devenir adule en société mobile, Ed. de l’Aube, collection La boîte à outils, Paris, octobre 2019, 61 pages.

[7] La hiérarchie des normes au sein du bloc conventionnel du droit du travail pourra s’inverser en ce sens que désormais, ce qui est négocié au sein de l’entreprise pourra être moins favorable que ce qui a été négocié au sein d’une branche d’activité.

[8] Publiée au JORF N° 0217 du 16 septembre 2017, après la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-751 DC du 7 septembre 2017 publiée au Journal officiel du même jour.

[9] Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 9 août 2017 par les députés de gauche de l’Assemblée nationale qui contestaient la constitutionnalité de la loi d’habilitation précitée.

[10] Celles qui sont reconnues comme représentatives des salariés au niveau national et interprofessionnel par l’arrêté du 28 juillet 2021 en fixant la liste :

–  la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ;

– la Confédération générale du travail (CGT) ;

– la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) ;

– la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) ;

– la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

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