L’administration TRUMP menace de priver Harvard (ci-dessus) et d’autres universités prestigieuses de milliards de dollars de fonds publics destinés à la recherche. – Nicolaus Czarnecki/ZUMA/SIPA/Nicolaus Czarnecki/ZUMA/SIPA
Inconditionnel soutien d’Israël, le président des USA, Donald TRUMP, veut étrangler les universités américaines qui, comme HARVARD ou COLUMBIA, sont accusées de laisser leurs étudiants manifester leur solidarité à la population palestinienne des territoires de GAZA et de Cisjordanie illégalement occupés, colonisés et, pour GAZA, bombardés et martyrisés par les israéliens.
Fin mai 2025, son gouvernement avait déjà tenté d’interdire l’accueil par Harvard – l’université la plus ancienne des Etats-Unis et l’une des mieux classées au monde -, des étudiants étrangers.
Le 4 juin 2025 l’administration TRUMP a récidivé pour imposer un examen aux étudiants étrangers actuellement inscrits à Harvard qui pourraient voir leurs visas « révoqués ».
Un porte-parole d’Harvard a dénoncé une « mesure de représailles illégale » prise « en violation » du Premier amendement de la Constitution américaine, qui protège la liberté d’expression. « Harvard continuera à protéger ses étudiants étrangers », a-t-il précisé à l’adresse de l’AFP.
Le premier amendement [1] de la Constitution des États-Unis d’Amérique fait partie des dix amendements qui ont été ratifiés en 1791 et qui sont connus collectivement comme la Déclaration des Droits (Bill of Rights). Au nombre des cinq libertés fondamentales ainsi garanties figure la liberté d’expression qu’il est interdit au Gouvernement fédéral de remettre en cause.
En France, le Conseil d’administration de l’Université Lumière Lyon 2, dans une délibération du 26 janvier 2024, avait enfin secoué l’apathie du monde académique en dénonçant clairement la tuerie en cours en Palestine occupée.
Adoptée par 22 des 28 présents, avec une seule voix contre et 5 administrateurs ne prenant pas part au vote, la motion se prononçait notamment pour la fin de l’occupation, la fin de la colonisation, et la libération des 10.000 prisonniers politiques palestiniens, ainsi que des 130 captifs israéliens retenus à Gaza.
Pour Lyon 2, l’action d’Israël a effectivement « provoqué l’une des pires catastrophes humanitaires depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en raison de l’ampleur de la destruction des infrastructures économiques, sanitaires et hospitalières déjà lourdement fragilisées par des années de blocus et d’opérations militaires antérieures ».
Le Conseil d’Administration de l’Université Lumière Lyon 2 appelait l’État français à faire tout son possible pour que les mesures d’urgence prononcées par la Cour Internationale de Justice de La Haye à l’encontre de L’État d’Israël soient mises en œuvre [2].
Le 1er avril 2025, après l’interruption du cours du maître de conférences Fabrice BALANCHE, géographe spécialiste de la Syrie, par des étudiants outrés par ses propos sur GAZA dans un contexte de tension du conflit israélo-palestinien, la présidente de l’Université Isabelle von BUELTZINGSLOEWEN jugea ses paroles « affligeantes, complotistes et délétères pour l’université ». « Il y a eu des usages de termes qui ont quand même été très durs. “Premier blocage islamiste de France”, il fallait l’inventer, poursuit Isabelle von BUELTZINGSLOEWEN, quand il dit que l’on recrute des enseignants que sur des critères politiques, vous imaginez ce que ça veut dire ? C’est grave et mensonger. Ces propos causent énormément de tort à l’université, à ceux qui y travaillent, et à tous les étudiants », pointe Isabelle von BUELTZINGSLOEWEN qui estima également que c’est à Fabrice BALANCHE « de trouver sa place » au sein de Lyon 2 .
Contrairement à ce qui fut rapporté par certains hommes politiques (François BAYROU, Laurent WAUQUIEZ), la présidente nia toute mainmise sur l’université de mouvements militants radicaux ou religieux, et elle assura que cet incident serait évoqué « au cours du prochain conseil d’administration ». « Pour autant, il n’a jamais été question, pour l’université, de sanctionner cet enseignant », tenait-elle à préciser.
La réaction contre la présidente de Lyon II par ses détracteurs politiques ne se fit pas attendre et sa démission fut demandée dans une « tribune » publiée sur le Figaro du 18 avril 2025 par un collectif d’universitaires (parmi lesquels Jean-Michel BLANQUER et Luc FERRY) ainsi que par le maire LR de BRON (Jérémie Bréaud). En même temps, dans un courrier adressé le 17 avril 2025 au Ministre de l’enseignement supérieur, les responsables de la région réclamaient une « mission d’inspection académique indépendante sur les dérives préoccupantes ayant lieu au sein de l’université Lyon 2 » tandis qu’une menace de cessation des subventions octroyées par la région était brandie.
De leur côté, les présidents d’universités et des grandes écoles, réunis au sein de France Université, apportaient un « plein soutien » à leur homologue, qu’ils estimaient « victime d’une polémique inacceptable et stérile sur les fantasmes de l’« islamo-gauchiste » et du « wokisme » à l’Université ».
Dans un communiqué diffusé le 20 avril 2025, France Université « refuse que les universités soient, une fois de plus, caricaturées et instrumentalisées à des fins politiciennes et appelle au calme pour garantir le bon fonctionnement de l’Université ».
Vous trouverez ci-dessous la tribune » Soutien à la liberté d’expression et à la liberté académique » émanant de cinq organisations signataires (dont l’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine – AURDIP), de 545 enseignants de l’enseignement supérieur et de la recherche, de 96 signataires divers hors enseignement supérieur et recherche, et de 14 élus (députés, sénateurs, maires, conseillers municipaux et régionaux).
Louis SAISI
Paris, le 8 juin 2025
Soutien à la liberté d’expression et à la liberté académique
par Collectif d’associations et d’universitaires
Depuis plusieurs mois, nous assistons à une accélération et un durcissement des attaques contre la liberté d’expression d’étudiants et d’universitaires mais également d’acteurs politiques, syndicaux, associatifs et plus généralement de toutes celles et tous ceux qui se lèvent contre le massacre du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie, contre l’expansionnisme israélien dans la région ou, plus simplement, qui tentent d’informer sur ce qui se passe au Proche-Orient. Dénoncer ce que la Cour internationale de justice qualifiait dès janvier 2024 de « risque plausible de génocide » expose à la répression d’État et au déchaînement de la droite et de l’extrême-droite, alors que pour de nombreux observateurs, tant associatifs que politiques ou universitaires, nous sommes passés de la plausibilité à la réalité du génocide.
Depuis fin mars, c’est l’Université Lumière Lyon 2 dans son ensemble qui est visée par des attaques insensées. Après plusieurs conférences étudiantes censurées sur pression de la Préfecture l’année passée et un mouvement étudiant réprimé à Sciences Po Lyon, ce sont désormais les responsables d’établissement qui sont visés, avec la complicité du Gouvernement. Alors que la présidente de Lyon 2 était menacée de mort et placée sous protection policière, l’ex-président de Région, décrétait la suppression des financements de la Région pour cet établissement. Dans le même temps, Willy Beauvallet-Haddad, maître de conférences en science politique, subissait des attaques politico-médiatiques sur les réseaux sociaux pour ses prises de position personnelles sur le Proche-Orient qui l’ont contraint à démissionner de son poste de vice-président auquel il venait d’être réélu, alors même que la qualité de son travail était largement reconnue en interne.
Ces évènements s’inscrivent dans un climat délétère d’institutionnalisation de la répression de toutes les voix en soutien aux Palestiniennes et Palestiniens, en particulier dans les universités. La droite institutionnelle, en rejoignant les thèses de l’extrême droite, remet directement en cause nos libertés fondamentales, individuelles et collectives, à commencer par la liberté d’expression. Derrière les paniques morales alimentant la dénonciation de « l’islamo-gauchisme », de « l’islamo-wokisme » et désormais de « l’entrisme » comme autant de fantasmes relayant les thèses islamophobes du « grand remplacement », c’est aussi l’indépendance même du champ académique et l’autonomie de la vie démocratique des établissements d’enseignement supérieur qui sont menacées.
La défense du droit international, le respect de l’autodétermination des peuples et de l’égale dignité des individus sont pourtant des boussoles indispensables à la formation des citoyennes et citoyens, à la construction de nos sociétés et du monde qui nous entoure. L’empathie elle-même pour les peuples menacés d’effacement, quels qu’ils soient, ne saurait être condamnée ou condamnable. Alors que celles et ceux qui nous harcèlent, qui tentent de ternir notre réputation, qui nous traînent devant la justice ont assumé sans état d’âme leur complicité active ou passive avec des dirigeants israéliens poursuivis par les instances internationales pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, nous dénonçons fermement une fuite en avant qui nous rapproche, étape après étape, des heures les plus sombres de l’histoire du continent européen.
Dans ce contexte, nous appelons chacune et chacun à ne pas céder à la peur et à l’intimidation, à défendre la liberté d’expression et les libertés académiques qui nous concernent toutes et tous comme citoyens, comme enseignants et chercheuses, et à soutenir notre collègue Willy Beauvallet-Haddad comme toutes celles et ceux qui sont victimes d’attaques similaires contre leur droit à s’exprimer.
Organisations signataires (5)
1/ Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (AURDIP)
2/ Coordination Antifasciste pour l’Affirmation des Libertés Académiques et Pédagogiques (CAALAP)
3/ Collectif Palestine Lyon Universités Solidaires (PLUS)
4/ SUD Education Lyon 2
5/ Union Juive Française pour la Paix (UJFP)
Signataires de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) : 545 ;
Signataires hors ESR : 96 ;
Signataires institutionnels (élus : députés, sénateurs, maires, conseillers municipaux et conseillers régionaux) = 14
Total : 660 signataires
NOTES
[1] Premier amendement à la Constitution des Etats-Unis de 1787 adopté en 1791 « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances. »
[2] Voir l’intégralité de cette Délibération N° 2024-01 du 26 janvier 2024 votée par l’Université Lumière Lyon 2 concernant la guerre à Gaza sur AURDIP (Association Universitaire pour le Respect du Droit International en Palestine).