Une attitude présidentielle discutable et contraire à la séparation des pouvoirs avec un opprobre jeté sur LFI assez peu républicain après l’éloge du barrage républicain par Louis SAISI

Une attitude présidentielle discutable et contraire à la séparation des pouvoirs avec un opprobre jeté sur LFI assez peu républicain après l’éloge du barrage républicain…

par Louis SAISI

SOMMAIRE

Introduction : d’une République à l’autre…

I/ Une interprétation des résultats des élections encore politiquement insuffisante et peu pertinente

A/ Rappel de la composition des  groupes politiques de la XVIIème Législature

1/ Radiographie du RN

2/ Auscultation des forces politiques de gauche d’opposition : qui veut l’unité ?

3/ Rapide analyse des forces de la droite classique

B/ Le non-accès de l’Extrême droite au gouvernement grâce au barrage républicain ne doit pas faire oublier le rôle majeur du NFP dans ce résultat

C/ L’identité de LFI en butte aux flèches du Président et de ses partisans

Retour sur l’histoire du PS entre 1971 et 1981

1/ L’identité du PS entre 1971 et 1981 et celle de son chef historique

2/ Les aspects les plus saillants du programme du PS en 1981

3/ Les activités de La France Insoumise (LFI) et le droit républicain

4/ Le programme de LFI

 II/ Le Conseil d’Etat et le classement du RN et de LFI

A/ Le classement des partis politiques par le Ministre de l’Intérieur

1/ Rappel du cadre juridique

2/ La contestation de son classement par le RN

3/ L’ordonnance de référé du Conseil d’Etat

B/ L’arrêt de fond du Conseil d’Etat du 11 mars 2024

1/ La légalité du cadre

2/ Le rattachement de la nuance politique  » Rassemblement National  » au bloc de clivages « extrême droite  » et le classement de LFI et du PCF à « gauche ».

a) Le respect de la sincérité du scrutin et l’absence d’une erreur manifeste d’appréciation

b) Le respect du principe d’égalité

Conclusions

III/ Un Président qui sort de son rôle d’arbitre et porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs

A/ Des préconisations discutables du Président dans la continuité d’une ligne politique condamnée par les électeurs

1/ Un arbitre qui ne saurait être lui-même impliqué dans le jeu des joutes partisanes parlementaires

2/ Les attributions d’un Chef de l’Etat dans un régime parlementaire mises en œuvre en Europe (Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Italie, Allemagne)

3/ Des préconisations discutables dans certains choix s’inscrivant dans la ligne d’une continuité politique contestable et sanctionnée

B/ Une immixtion dans le fonctionnement du Parlement

1/La pratique présidentielle du pouvoir

2/ Une dérive présidentialiste avec une pratique bipartisane qui ne fonctionne plus

B/ L’appel incongru du Président à une « majorité solide » est contraire à l’indépendance organique de l’Assemblée nationale au respect de laquelle le Président de la République doit en principe veiller

1/ L’indépendance du Parlement par rapport au Gouvernement est en principe assurée par le régime des incompatibilités du mandat parlementaire avec des fonctions ministérielles

2/ L’appel du président à une majorité plurielle

C/ Vers la renaissance d’une force gouvernementale favorisant la mise en place d’une majorité de type « troisième force » à l’instar de ce qui caractérisa la 4ème République ?

Documents joints : Annexes I et II


Ci-dessous, le Président Emmanuel MACRON lors de l’interview

du 23 juillet 2024 sur la 2ème chaîne et Radio France

L’on se souvient que trois jours après les résultats des élections législatives des 30 juin et 10 juillet 2024, le Président Emmanuel MACRON – après un étrange silence rompant avec sa réactivité et sa verve habituelles – avait adressé, le 10 juillet 2024, une « lettre aux Français » en utilisant les canaux journalistiques de la presse régionale (cf. Annexe I jointe).

Macron et le Gouvernement ATTAL, peu de temps avant sa démission acceptée par le Chef de l’Etat  le 16 juillet 2024

Ce 4 septembre 2024 marque l’anniversaire de la proclamation de la République le 4 septembre 1870 faisant suite à près de 20 années d’empire …

La République était rétablie, provoquant la déchéance de l’empereur Napoléon III et la chute du Second Empire, fondant ainsi la Troisième République qui mettra quelques années encore à s’enraciner définitivement

A partir de cette date, la République ne sera plus jamais renversée. En 1870, il s’agissait de la quatrième révolution française, après celle de 1789 – qui engendra plus tard, en septembre 1792, la Première République -, puis la révolution de 1830 et celle de 1848.

Pourtant, aujourd’hui, en ce 4 septembre 2024, soit 154 ans après sa proclamation, notre   République,  en quête de son Premier Ministre introuvable, est bien malade…

En effet, une semaine avant son interview télévisée du 23 juillet 2024, le Président MACRON, avait enfin accepté, le 16 juillet 2024, la démission de son Premier Ministre.

Néanmoins le Chef de l’Etat avait laissé entendre le même jour que cette situation de gouvernement démissionnaire, avec un rôle politique limité, pourrait « durer un certain temps », certains ministres s’étant empressés de préciser, au moins jusqu’à la fin des JO (26 juillet -11 août).

Après avoir accepté la démission  du Gouvernement ATTAL, le Président est revenu, au cours de son entretien donné le 23 juillet 2024 sur la 2ème chaîne et Radio France (chaîne et antenne du service public), sur la situation politique née des dernières élections générales qu’il avait lui-même provoquées.

C-dessous la flamme olympique des « JO de Paris » symbole de l’impact de ces jeuxs sur le déblocage de la situation politique intérieure tendue après les résultats des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 

D’emblée, le Président MACRON considère qu’entre la situation politique générale se caractérisant par une vacance gouvernementale – le Gouvernement encore en place étant un Gouvernement en sommeil ne pouvant gérer que les « affaires courantes » avec les marges d’imprécision habituelles sur l’étendue de ce nouveau périmètre – et les Jeux olympiques, il doit donner la priorité aux Jeux de Paris, au moins jusqu’à mi-août…

Ensuite, il considère que la nomination du nouveau Premier Ministre pour lui confier la tâche de constituer un gouvernement ne relève que de sa seule responsabilité, comme s’il ne s’était rien passé les 30 juin et 7 juillet 2024…

Mais il émet des conditions en précisant que ce gouvernement devra être formé dans le « rassemblement le plus large qui lui permette d’agir et d’avoir la stabilité ».

Ci-dessous, Lucie CASTETS, une prétendante à Matignon désigné d’un commun accord par les différentes composantes politiques du NFP

Le fait que, peu avant son intervention télévisuelle, les forces de gauche, au sein du NFP, se soient mises d’accord, pour l’accès à Matignon de Lucie CASTETS, Haut fonctionnaire de formation et issue de la société civile, n’altère pas sa volonté de donner le pas à l’existence d’une majorité de gouvernement plutôt qu’au choix d’un nom pour Matignon. Et pour justifier ce choix, il invoque l’échec du candidat du NFP, André CHASSAIGNE, pour le perchoir de l’Assemblée nationale, amalgame habile qui constitue néanmoins manifestement une regrettable confusion des genres.

Une expression populaire du barrage contre le RN

Confondant « barrage républicain » et « programme politique » [1], le Chef de l’Etat a exprimé son souhait de pérenniser le « Front républicain » plébiscité, selon lui, par les Français lors des dernières législatives pour constituer autour de ce « barrage » une coalition politique de gouvernement en se montrant d’ores et déjà sensible aux initiatives de la Droite républicaine qui, à l’Assemblée nationale, autour de Laurent WAUQUIEZ, et au Sénat, autour de Bruno RETAILLEAU, ont présenté un « pacte législatif d’urgence », lequel, omet-il toutefois de préciser, se caractérise surtout par des choix plus sécuritaires que démocratiques et sociaux.

Ci-dessous, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau

présentant leur pacte législatif d’urgence

Or il y a lieu de rappeler que cette initiative – implicitement saluée par le Président comme le bon exemple à suivre – émane, au sein de l’Assemblée nationale, du groupe de la « Droite républicaine» conservatrice qui, au sein de l’Assemblée nationale, constitue le 5ème groupe politique avec seulement 47 députés. Ce groupe, minoritaire et foncièrement clivant et conservateur, aurait ainsi vocation à dire ce que doivent être les orientations politiques du futur nouveau gouvernement, lesquelles, d’ores et déjà, tirent dans un sens encore plus conservateur que ne le furent les choix des gouvernements BORNE et ATTAL eux-mêmes si contestés…

Dans son analyse, le Président MACRON n’a pas manqué de recevoir l’appui de Patrick MARTIN, président du MEDEF, développant, le jeudi 25 juillet 2024 au matin, sur les ondes de FranceInfo la situation catastrophique pour la France que serait l’un accès au gouvernement du bloc de gauche NFP, et en son sein, notamment de LFI, avec, notamment pointé par le leader précité du MEDEF, son programme de rétablissement de l’âge de la retraite à 60 ans et l’augmentation du SMIC à 1600 euros… L’on ne peut s’empêcher de penser au programme réactionnaire de Denis KESSLER (quant aux effets néfastes, selon lui, pour la France de ce que fut la réalisation du programme du Conseil National de la Résistance (CNR), à la Libération, qu’il fallait impérativement mettre à bas, dans l’article qu’il publia dans la revue Challenges en 2007 [3], pour encenser les premiers pas et les « réformes » du quinquennat SARKOZY …

Ci-dessous, Patrick MARTIN, âgé de 64 ans, et plusieurs fois candidat à la présidence du MEDEF, a fini par être élu le 6 juillet 2023.

Concernant le réchauffement climatique, il s’oppose aux conclusions du rapport de l’économiste Jean PISANI-FERRY, qui préconise un endettement public accru et une taxation exceptionnelle du patrimoine financier des plus riches pour financer les investissements nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique. Selon Patrick MARTIN, ces mesures enverraient « un message très négatif » et « détournerait des investissements de la France ». Il déclare vouloir militer pour la baisse des cotisations sociales et des impôts de production.

 

I/ Une interprétation des résultats des élections encore politiquement insuffisante et peu pertinente

Le déni de l’actuelle situation politique par le Président nous fait obligation de rappeler que la manière dont se sont constitués les groupes politiques à l’Assemblée nationale n’a fait que confirmer les résultats sortis des urnes les 30 juin et 7 juillet derniers. En effet, le groupe politique l’ayant soutenu avec l’appoint des formations alliés forme une coalition politique très affaiblie, comme le montre ci-dessous la composition des groupes politiques à l’Assemblée nationale.

A/ Rappel de la composition des  groupes politiques de la XVII ème Légilature 

Au total, l’on dénombre 11 groupes dans l’hémicycle, soit un de plus que lors de la précédente législature.

La France insoumise – Nouveau Front Populaire : 72

Gauche Démocrate et Républicaine : 17

Ecologiste et social : 38

Socialistes et apparentés : 66

Ensemble pour la République : 99

Les Démocrates : 36

Horizons & Indépendants : 31

Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires : 21

Droite Républicaine : 47

A Droite : 16

Rassemblement national : 126

Non inscrit : 8

Mais pour revenir à la gauche française, porquoi aurait-elle pu mieux faire lors des dernières élections européennes ?  Force est de constater, en effet, que si l’on additionne les scores des listes de gauche, elles auraient pu totaliser près de 32% (31,52%) des suffrages exprimés et ainsi peut-être obtenir au moins 3 sièges supplémentaires.
C’est dire que non seulement la liste des gauches serait arrivée avant la liste  » Besoin d’Europe » conduite par Valérie HAYER pour la majorité présidentielle qui a réalisé seulement  14,60  % des suffrages exprimés en remportant 13 sièges, mais elle serait arrivée probablement, avec une telle dynamique, devant « La France revient ! avec Jordan Bardella et Marine Le Pen » – qui a réalisé 31,37% des suffrages exprimés et obtenu 30 sièges – ou, au pire, à égalité avec cette liste.
Mais, surtout, l’union des gauches avait été réalisée avant les élections européennes, la gauche unie aurait été politiquement en position de force pour affronter les élections législatives qui suivirent, alors quelle a dû chercher dans la précipitation un accord pour un programme de gouvernement qui fut – fort heureusement – trouvé mais en laissant subsister les tensions existant en son sein, faute d’une discussion approfondie débouchant sur des compromis dynamiques.

B/ Le non-accès de l’Extrême droite au gouvernement grâce au barrage républicain ne doit pas faire oublier le rôle majeur du NFP dans ce résultat

Si, dans sa lettre du 10 juillet 2024, comme dans son interview du 23 juillet suivant, le Président rappelle volontiers le succès du barrage républicain contre l’extrême droite au 2ème tour, c’est pour en même temps souligner la force du RN en tant que parti politique arrivé en tête en nombre de députés, ce qui est une nouvelle fois une manière habile de minimiser le succès du bloc NFP arrivé pourtant en tête avant le RN…

Par ailleurs, le succès du barrage républicain est surtout à mettre sur le compte des forces de gauche qui n’ont pas hésité unanimement à se retirer pour favoriser l’élection des candidats de droite arrivant en 1ère ou seconde position, au 1er tour, devant ou derrière le RN.

Il n’en fut pas de même, à droite, où certains candidats refusèrent de se retirer lorsqu’ils étaient à la fois derrière le RN et aussi La France Insoumise (LFI), ne voulant pas favoriser l’élection du candidat LFI.

Alors que dans sa lettre du 10 juillet dernier, le Président avait fait totalement l’impasse sur son propre échec et celui de sa majorité, au cours de son entretien télévisé du 23 juillet 2024, il a dû enfin se résoudre, à admettre que lui-même et sa majorité parlementaire ont été sanctionnés lors des dernières élections législatives, mais en ajoutant aussitôt que personne n’avait gagné…

Cet échec – trop tardivement admis et d’ailleurs toujours minoré dans ses conséquences politiques que le Président se refuse toujours à tirer  – est celui du groupe politique « Ensemble », groupe majoritaire qui s’était constitué autour d’Emmanuel MACRON lors de « la présidentielle » de 2022, laquelle ne fut pas suivie du succès espéré aux élections législatives qui suivirent, le parti présidentiel n’ayant pas remporté une majorité absolue de députés sur ses idées et son programme. Comme nous l’avons précédemment souligné dans notre article intitulé « Une lecture parlementaire de notre Constitution originelle s’impose aujourd’hui », publié le 10 juillet 2024 sur ce site (https://ideesaisies.deploie.com/une-lecture-parl…-par-louis-saisi/), cela montrait déjà, en 2022, les réticences de nos concitoyens à accorder une confiance illimitée au Président et au parti présidentiel qui avaient déjà montré, l’un et l’autre, leurs faiblesses entre 2017 et 2022, lors du précédent quinquennat du Président en exercice.

Rappelons que lors des scrutins des 30 juin et 7 juillet 2024, le groupe politique présidentiel (ex Renaissance) a perdu une centaine de sièges, passant de 172 députés [5] à quelque 87 sièges et 12 apparentés dans sa nouvelle appellation « Ensemble pour la République », alors même que la dissolution anticipée de l’Assemblée nationale visait à renforcer sa majorité relative d’alors pour lui donner une majorité absolue, soit au moins 289 députés.

 C/ L’identité de LFI en butte aux flèches du Président et de ses partisans

Bien avant la campagne électorale des dernières législatives et au cours de celles-ci également, dans de nombreuses déclarations, le Président de la République lui-même, le Premier Ministre, de nombreux ministres du Gouvernement et beaucoup de députés du parti présidentiel ainsi que la Droite LR considérèrent que LFI devait être exclue de l’arc républicain, assimilant La France Insoumise (LFI) à une organisation politique d’extrême gauche et la renvoyant dos à dos avec le Rassemblement National (RN).

Or cette attitude politicienne partisane ne correspond pas à la réalité politique concernant l’identité de LFI.

En effet, ceux qui considèrent que Jean-Luc MÉLENCHON est d’extrême gauche le font de manière abusive et fausse parce que son mouvement LFI est celui qui est le plus à gauche du spectre politique parlementaire (si l’on exclut le NPA, Nouveau Parti anticapitaliste, et LO, Lutte ouvrière, qui n’ont pas de représentation parlementaire et qui, d’ailleurs, ne cherchent guère à en avoir).

Ceux qui, à longueur de chaînes télé et d’antennes radio, et avec, souvent, la complicité de ces mêmes médias – (voir notamment FranceInfo, en principe service public neutre et impartial, et ses journalistes s’autoproclamant pompeusement « Les Informés »), et d’autres (nombreux journaux de la presse écrite) instruisent le procès de Jean-Luc MÉLENCHON et, plus largement de LFI, leur reprochant leur « radicalité » qui est celle d’une rupture avec l’ordre établi qui est, ne l’oublions pas, non pas un ordre neutre, aseptisé et désidéologisé, mais un ordre politique libéral dont les fondamentaux sont idéologiquement et historiquement bien établis en faveur du maintien des inégalités existantes au profit des classes dominantes, ce qui constitue une double réalité, sociologique et politique, pourtant constamment niée par les partisans de cet ordre le présentant comme naturel et apolitique…

Aussi un retour dans notre histoire politique nous paraît ici nécessaire par le biais d’une comparaison avec ce que fut le Parti socialiste d’Épinay, au moment de sa constitution, et entre 1971 et 1981, c’est-à-dire jusqu’à sa conquête du pouvoir.

 1/ L’identité du PS entre 1971 et 1981 et celle de son chef historique

Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici les déclarations de François MITTERRAND au congrès d’Épinay de 1971 – qui allait sceller son hégémonie sur l’Union de la gauche et sa mainmise durable sur le PS (par Premier secrétaire adoubé) – au cours duquel celui qui allait devenir le Premier secrétaire de la nouvelle organisation du Parti socialiste (qui fut, à l’origine, à partir de 1905, le parti de Jaurès [6] ) n’hésita pas à clamer à la tribune :

« Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste. Celui-là, je le dis, ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. »

En même temps qu’il avait élu François Mitterrand comme Premier secrétaire, le Congrès d’Épinay lui avait donné, ainsi qu’à sa direction, mandat pour préparer un accord de gouvernement avec le PCF.

En mars 1972, la Convention de Suresnes adopta le programme « Changer la vie » et le nouvel emblème du Parti socialiste « Le poing et la rose ». En juin, le programme commun fut signé avec le PCF et adopté également, un peu plus tard, par les radicaux de gauche, à la faveur d’une scission du Parti Radical.

En mars 1973, les électeurs validèrent cette ligne politique donnant, au 1er tour des élections législatives, un peu plus de 45 % des suffrages exprimés à l’ensemble des gauches : PCF, PS (UGSD-PS), MRG (UGSD-MRG), PSU et « divers gauche ». Quant à l’extrême gauche, constituée par LO et « Autres trotskistes », elle réalisait, de son côté, 1,24%.

2/ Les aspects les plus saillants du programme du PS en 1981

En 1981, à l’occasion des élections présidentielles, avec ses 110 propositions pour la France, François MITTERRAND porta incontestablement un programme de rupture avec la politique libérale de ses prédécesseurs.

Parmi ces propositions, et pour n’en citer ici que quelques-unes les plus emblématiques :

– un programme de grands travaux publics, de construction de logements sociaux et d’équipements collectifs (crèches, restaurants scolaires, maisons de l’enfance) sera engagé dès le deuxième semestre de 1981 (mesure 16) ;

–  le Plan devait être démocratisé et décentralisé (mesure 19) ;

– l’élargissement du secteur public devait être opéré par la nationalisation des neuf groupes industriels prévue dans le programme commun et le programme socialiste, de la sidérurgie et des activités de l’armement et de l’espace financées sur fonds publics (mesure 21) ;

– le contrat de travail à durée indéterminée devant redevenir la base des relations du travail ; les capacités d’intervention du syndicat dans l’entreprise devaient être étendues et affermies : les moyens et protection des délégués élus, le temps consacré à l’information et à l’expression collective devant être assuré (mesure 22) ;

– la durée du travail devait être progressivement réduite à trente-cinq heures après négociation entre les partenaires sociaux (mesure 23) ;

– une loi devait fixer les conditions d’évolution de la révision des loyers et de la répartition des charges (mesure 25) ;

– les prix des produits pour lesquels la concurrence ne joue manifestement pas seront contrôlés. Les circuits de distribution seront réformés, l’implantation des grandes surfaces réglementée, les pouvoirs des consommateurs renforcés (mesure 28) ;

– l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) devait être réalisée (mesure 31) ;

– un impôt sur les grandes fortunes, selon un barème progressif devait être institué, les droits de succession devant être réformés afin d’alléger les successions modestes (en ligne directe ou non) et de surtaxer les grosses successions (mesure 34) ;

– la décentralisation de l’Etat devait être prioritaire. Les conseils régionaux seront élus au suffrage universel et l’exécutif assuré par le président et le bureau (mesure 54) ;

– Les communes, départements, régions bénéficieront pour assumer leurs responsabilités d’une réelle répartition des ressources publiques entre l’Etat et les collectivités locales. Celles-ci auront notamment la responsabilité des décisions en matière de cadre de vie : développement prioritaire des transports en commun, aménagement des rues, services sociaux, espaces verts. Elles susciteront le développement de la vie associative, contribuant ainsi à l’animation de la ville, au rayonnement de ses activités, à l’affirmation de sa personnalité (mesure 57) ;

– Le comité d’entreprise disposera de toutes les informations nécessaires sur la marche de l’entreprise (mesure 60) ;

– un congé parental ouvert pour moitié au père et à la mère, rémunéré et assorti de garanties de réintégration dans l’emploi sera accordé aux parents d’enfants de moins de 2 ans (mesure 70) ;

– les discriminations frappant les travailleurs immigrés seront supprimées. Les refus de délivrance de cartes de séjour devront être motivés (mesure 79) ;

– l’égalité des droits des travailleurs immigrés avec les nationaux sera assurée (travail, protection sociale, aide sociale, chômage, formation continue) (mesure 80) ;

– le droit à la retraite à 60 ans à taux plein sera ouvert aux hommes et aux femmes à partir de 55 ans. Les retraités auront le droit de siéger dans les instances de la Sécurité sociale et les caisses de retraite (mesure 82) ; etc.

Malgré ces mesures très ancrées à gauche, voire parfois radicales pour certaines d’entre elles, et de nombreux adversaires qui, à droite, combattaient ardemment son programme, le candidat François MITERRAND ne fut jamais taxé comme un candidat s’inscrivant dans une mouvance d’extrême gauche et fut même élu Président de la République le 10 mai 1981 avec 51,76 % des suffrages exprimés face à Valéry GISCARD D’ESTAING, le Président sortant.

3/ Les activités de La France Insoumise (LFI) et le droit républicain

En regard de ce que fut le PS à sa naissance et du programme porté par son candidat en 1981, et sans nous astreindre à entreprendre ici la genèse de LFI jusqu’à son organisation actuelle et l’analyse exhaustive de la totalité de son programme politique, la seule question qui nous occupe est seulement de savoir si ce parti politique appartient ou non à l’arc républicain.

À cet égard, l’article 4 de la Constitution de 1958 donne un premier éclairage sur l’activité et les modes d’expression des partis politiques dans notre République :

ARTICLE 4.

« Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi.

La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

Sous l’angle de cet article, il ne fait guère de doute que LFI a toujours respecté les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

Nul doute également que LFI met en œuvre le principe d’égalité entre hommes et femmes dans la course aux mandats électoraux et fonctions électives.

LFI ne fait pas davantage partie des organisations françaises dissoutes en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées jusqu’en 2012, puis en application de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure dans lequel es dispositions de la loi du 10 janvier 1936 ont été codifiées.

L’article l. 212-1 du Code de la sécurité intérieure dispose :

« Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :

1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ;

2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;

3° Ou dont l’objet ou l’action tend à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;

4° Ou dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;

5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ;

6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;

7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger.

Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article, ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l’organisation d’un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal. »

Les dispositions légales relatives aux dissolutions des ligues et partis factieux d’extrême droite ont été peu à peu étendues aux mouvements indépendantistes durant la période des guerres coloniales sous la 4ème République, puis aux « ultras » partisans de l’Algérie française, puis, après 1968, aux organisations réputées « gauchistes », puis aux mouvements nationalistes corses, au SAC, puis contre diverses organisations écologistes pratiquant un certain militantisme activiste.

Entre 1936 et 2024, une centaine de décrets de dissolution ont été pris en application de ces dispositions. Il reste que la France étant un Etat de droit, la dissolution d’un groupement politique ou associatif se fait toujours sous le contrôle du Conseil d’Etat qui peut annuler le décret de dissolution s’il est illégal et sans fondement [7].

Il va de soi que les activités de LFI, loin d’être factieuses, sont purement pacifiques et ne tombent pas sous la sanction de l’article L. 212-1 du Code de la Sécurité intérieure.

Qu’en est-il maintenant du programme de LFI ?

4/ Le programme de LFI

Si on les compare à celles du candidat MITTERRAND en 1981, évoquées et résumées plus haut, quelles sont les propositions phares de LFI aujourd’hui :

– Augmenter immédiatement le SMIC à 1400 euros net par mois ;

– Rétablir la retraite à 60 ans à taux plein, avec 40 annuités de cotisation ;

– Reconstruire l’hôpital public ;

– Faire la cantine bio et gratuite ;

– Sortir de l’élevage intensif, en finir avec la maltraitance animale et les pesticides comme les glyphosates. ;

– Passer à la 6ème République : pour une véritable démocratie (RIC, révocation des élus) et des droits nouveaux dans la Constitution (droit de disposer de son corps, droit de mourir dans la dignité).

On constate alors que les propositions de LFI, même si elles ne les recouvrent pas sur tous les points (car la période politique est nouvelle), ne sont pas pour autant d’une autre nature que ne l’étaient celles du PS en 1981, mais qu’elles sont, au contraire, dans une lignée, pas moins aussi sociale et autant républicaine que celles du candidat MITTERRAND en 1981.

Si nous les approfondissons davantage, il est manifeste que la veine et l’inspiration de gauche sont les mêmes, comme nous allons essayer de le montrer à travers quelques points clés.

Au chapitre 1 de son programme intitulé « Démocratie et institutions », LFI propose de réunir une assemblée constituante pour passer à la 6ème République en abolissant la monarchie présidentielle et en instituant une République permettant l’intervention populaire, laïque et une révolution citoyenne dans les médias.

Quoi de plus civique que de vouloir changer de République par la voie démocratique du suffrage universel (élection d’une Constituante), étant donné la dérive monarchiste et autoritaire de nos institutions ! À partir de 1946 (discours de Bayeux), le général de GAULLE n’a-t-il pas lui-même passé le plus clair de son temps à une critique implacable, voire acerbe de notre système parlementaire en général, puis de la 4ème République en particulier ?

À la planification originelle voulue en 1981 par le candidat MITTERRAND, LFI a ajouté, dans son chapitre 3 sur la Planification écologique et l’organisation du pays, la nécessité d’une « bifurcation écologique pour une société de l’harmonie », ce qui suppose alors l’organisation de l’Etat au service de la planification écologique avec des Outre-mer aux avant-postes de la planification écologique, avec l’égalité des populations par la démocratie et les services publics.

Cela nécessitera d’inscrire dans la Constitution le principe de la Règle verte selon laquelle on ne prélève pas davantage à la nature que ce qu’elle est en état de reconstituer. L’on y a déjà intégré en 2004 la « Charte de l’Environnement » composée de 10 articles, ce ne sera qu’un pas supplémentaire dans l’affirmation d’une nécessaire bifurcation écologique plus nécessaire que jamais pour préserver notre planète.

Le chapitre 6 intitulé « La vie en état de pandémie permanente » entend tirer les leçons de la crise du covid 19.  Il s’agit de créer un état d’urgence sociale et de s’organiser pour faire face aux pandémies en faisant passer la santé comme une priorité et en reconstruisant les établissements de santé publics, notamment les hôpitaux. Il s’agit aussi d’en finir avec l’abandon des Outre-mer et d’instaurer un protectionnisme écologique pour produire en France et assurer notre indépendance.

Au chapitre 8 intitulé « Partage des richesses », LFI propose de mettre fin au pillage économique de la Nation en mettant au pas la finance, et en plaçant les banques au service de l’intérêt général, en définanciarisant l’économie et en faisant une révolution fiscale pour bâtir une société de l’entraide en généralisant l’économie sociale, solidaire et coopérative. Il s’agit aussi d’éradiquer la pauvreté, de construire l’autonomie des jeunes et de mettre en place le droit au logement.

L’on peut certes, politiquement n’être pas d’accord avec telle ou telle mesure, et cela fait partie du débat républicain, mais on ne peut dénier à LFI d’avoir sa propre conception de l’intérêt général lui-même conçu dans un cadre républicain.

Il est parfois reproché à MÉLENCHON [8] l’engagement trotskiste de sa jeunesse militante au sein de l’OIC, de 1972 à 1976, avant son entrée au Parti socialiste. Rappelons qu’il fut ensuite ministre délégué à l’Enseignement professionnel, de 2000 à 2002, dans le gouvernement JOSPIN.

Mais rappelons que les trotskistes au sein du PS (avant comme après 1971 et jusque dans les Gouvernements constitués sous le quinquennat du président HOLLANDE) – parti qui a été souvent le refuge des anticommunistes – furent nombreux.

Et d’ailleurs, Lionel JOSPIN fut lui-même trotskiste, selon Le Monde [9], du début des années 1960 jusqu’au début des années 1970 au moins, militant au sein de l’OCI. Et selon ce même journal précité, entré au PS après 1971, il garda même des contacts auxquels il a progressivement mis fin, seulement en 1987.

Cela ne l’empêcha pas d’accéder aux fonctions de Premier Secrétaire du PS (de 1981 à 1988, puis à nouveau de 1995 à 1997), mais, surtout, d’être nommé, de 1997 à 2002, Premier Ministre du Président CHIRAC, durant la troisième cohabitation (1997 à 2002).  Il fut enfin nommé membre du Conseil constitutionnel (du 6 janvier 2015 au 11 mars 2019) par le président de l’Assemblée nationale Claude BARTOLONE pour veiller au respect de notre Constitution et du bloc de constitutionnalité.

II/ Le Conseil d’Etat et le classement du RN et de LFI

Sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur, une grille des nuances politiques destinée à permettre l’agrégation des résultats des élections est nécessaire à la fois pour l’information des pouvoirs publics et des citoyens.

A/ Le classement des partis politiques par le Ministre de l’Intérieur

Dans le cadre des attributions sus-évoquées du Ministre de l’Intérieur, par un arrêt du 11 mars 2024 (voir cet arrêt dans l’Annexe II jointe) le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la nature politique du parti LFI, indirectement d’ailleurs, à la suite de sa saisine par le Rassemblement national (RN) contestant sa propre qualification d’ « extrême droite », pendant que parallèlement LFI et le PCF entraient dans la nuance « gauche », alors que selon le RN ils auraient dû plutôt entrer dans la nuance « extrême gauche ».

Un rappel du cadre juridique de cette affaire est ici nécessaire.

1/ Rappel du cadre juridique

En effet, comme il a été dit plus haut, en vertu du pouvoir d’organisation des services placés sous son autorité, le Ministre de l’intérieur peut, pour la préparation et le déroulement des opérations électorales et en vue de la mise en œuvre des deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés  » Application élection  » et  » Répertoire national des élus  » régis par les dispositions du décret du 9 décembre 2014, établir une grille des nuances politiques destinée à permettre l’agrégation des résultats des élections nécessaire à l’information des pouvoirs publics et des citoyens.

Ainsi, lors des élections sénatoriales de septembre 2023, le Ministre de l’intérieur, dans le cadre de ses attributions précitées, avait adressé aux préfets et hauts-commissaires une circulaire du 16 août 2023 relative à l’attribution des nuances aux candidats aux élections sénatoriales du 24 septembre 2023, qui prévoit qu’est attribuée une nuance, lors de l’enregistrement des candidatures, à chaque candidat ou liste de candidats, sur la base de deux grilles de nuances politiques qui figurent en annexes 1 et 2, une grille de 21 nuances pour les candidats et une grille de 22 nuances pour les listes. Ces nuances sont regroupées en six blocs de clivages, lesquels sont destinés à agréger les résultats des différentes nuances, dénommés  » extrême gauche « ,  » gauche « ,  » autres « ,  » centre « ,  » droite « ,  » extrême droite « .

2/ La contestation de son classement par le RN

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2023, le Rassemblement National (RN) avait saisi le Conseil d’Etat en faisant grief à cette circulaire précitée IOMA2322276J du 16 août 2023 du ministre de l’intérieur et des outre-mer – relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections sénatoriales 2023 – d’avoir classé les nuances  » RN  » et  » LRN  » dans le bloc de clivage  » Extrême-droite « .

Dans sa requête le RN demandait au Conseil d’Etat d’enjoindre au ministre concerné :

– d’annuler pour excès de pouvoir cette circulaire ;

– de modifier la grille de nuances figurant aux annexes 1 et 2 de la circulaire IOMA2322276J du 16 août 2023 afin d’exclure les candidatures du Rassemblement national du bloc de clivage  » Extrême-droite  » ;

– de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

3/ L’ordonnance de référé du Conseil d’Etat

Saisi dans le cadre d’un référé administratif [10] suspensif [11], le Conseil d’Etat avait déjà, une première fois, statué par une ordonnance de référé du 21 septembre 2023.

En effet, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le RN lui avait demandé la suspension de l’exécution de la circulaire précitée en tant qu’elle prescrivait le rattachement de la nuance politique  » Rassemblement National  » au bloc de clivages  » extrême droite « .

Mais le Juge administratif considéra qu’en l’état de l’instruction, aucun des moyens allégués par le requérant n’était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire contestée.

Par suite, avait-il conclu, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence et sans qu’il y ait lieu, en tout état de cause, de se prononcer sur la recevabilité du mémoire en défense, la requête présentée par l’association Rassemblement National doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

B/ L’arrêt de fond du Conseil d’Etat du 11 mars 2024

1/ La légalité du cadre

Comme l’avait fait le Juge des référés dans son ordonnance du 21 septembre 2023 précitée, le Conseil d’Etat commence par légitimer la procédure suivie par le Ministre de l’Intérieur pour collecter, selon un même cadre de lecture approprié, les résultats par ses services préfectoraux.

Il considère ensuite que l’exception d’illégalité ne peut être soulevée contre la circulaire du 16 août 2023 car le Ministre de l’Intérieur était bien compétent pour édicter la circulaire attaquée. Par ailleurs, celle-ci « comporte la mention du nom, du prénom et de la qualité de son signataire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut donc, en tout état de cause, qu’être écarté. »

2/ Le rattachement de la nuance politique  » Rassemblement National  » au bloc de clivages « extrême droite  » et le classement de LFI et du PCF à « gauche ».

a) Le respect de la sincérité du scrutin et l’absence d’une erreur manifeste d’appréciation

Le Conseil d’Etat considère qu’« en rattachant la nuance politique  » Rassemblement national  » au bloc de clivages  » extrême droite « , la circulaire attaquée ne méconnaît pas le principe de sincérité du scrutin, que l’attribution d’une nuance politique différente de l’étiquette politique n’affecte pas, et n’est pas entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation. »

b) Le respect du principe d’égalité

La circulaire « ne méconnaît pas davantage, en tout état de cause, le principe d’égalité en procédant à un tel rattachement, tout en attribuant la nuance  » Gauche  » aux formations politiques  » Parti communiste français  » et  » La France insoumise « .

CONCLUSIONS

Ainsi donc le renvoi dos à dos du RN et de LFI est matériellement et juridiquement sans consistance :

  • D’une part, le renvoi dos à dos de ces deux formations politiques ne correspond pas au classement du Ministre de l’Intérieur validé par le Conseil d’Etat lui-même qui n’a pas fait droit à la requête du RN ;
  • D’autre part, cet arrêt montre abondamment que les commentaires du Ministre de l’Intérieur lui-même sur les chaînes de télé et de radios sortant LFI du bloc républicain, commentaires suivis par de nombreux ministres du Gouvernement ATTAL et de nombreux députés de l’ex majorité sont polémiques et abusifs.
  • Enfin, que dans le cadre de la formation du futur Gouvernement la tentative de désolidariser les diverses composantes du NFP et vue d’en faire sortir LFI est une opération purement politicienne.

III/ Un Président qui sort de son rôle d’arbitre et porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs

Outre, comme nous l’avons montré en I /A ci-dessus, une interprétation des résultats des dernières législatives qui minore le rôle du NFP, la lettre du Président du 10 juillet 2024 comme son entretien télévisé du 23 juillet 2024 (qui en reprend le fil conducteur et les points forts) sont également bâtis sur une contradiction centrale.

A/ Des préconisations discutables du Président dans la continuité d’une ligne politique condamnée par les électeurs

En effet, dans sa lettre du 10 juillet 2024 :

–  d’une part, le Président de la République fonde son intervention à la fois sur « l’intérêt supérieur de la Nation » et sur sa qualité de « garant des institutions » et du « respect du choix des Français » ;

– d’autre part, il s’adresse ensuite à « l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française » ;

– ensuite, il met en avant la nécessité pour les forces précitées « d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle pour le pays » ;

– enfin, il estime que « les idées et les programmes doivent prendre le pas sur « les postes et les personnalités » en appelant à un « rassemblement (qui) devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées ». Étant entendu qu’il ne peut s’agir que « d’un projet pragmatique et lisible » pour « prendre en compte les préoccupations » que les Français ont « exprimé (…) au moment des élections ».

Dans son entretien télévisé du 23 juillet 2024, le Président manifeste à nouveau son refus de vouloir composer avec le NFP par le rejet viscéral de la candidature de Lucie CASTETS comme Première Ministre présentée par la gauche unie.

Pour le reste, la nouvelle prise de position du Président ne fait que reprendre sa première analyse sus-évoquée du 10 juillet 2024 quant aux conditions qui, selon lui, doivent être réunies pour la formation du nouveau gouvernement : « rassemblement le plus large qui lui permette d’agir et d’avoir la stabilité », ce qui ne peut s’envisager, toujours selon lui, que dans une pérennisation du « barrage républicain » dont nous avons vu pourtant que les forces de droite étaient parfois un peu molles sinon rétives (même dans son propre camp, à l’instar du Ministre de l’Intérieur G. DARMANIN)  à en appliquer indistinctement le mot d’ordre à toutes les composantes du NFP. Par ailleurs, il ne devrait pas lui échapper que le « barrage républicain » était purement défensif car ayant associé des forces hétéroclites et antagonistes trop éloignées les unes des autres, il était parfaitement impropre à pouvoir constituer un gouvernement de coalition suffisamment homogène pour être viable à long terme, surtout si, comme il l’a dit, l‘intention du Président est de ne pas dissoudre à nouveau au bout d’un an.

1/ Un arbitre qui ne saurait être lui-même impliqué dans le jeu des joutes partisanes parlementaires

Ayant été désavoué par le suffrage universel, le Président MACRON ne peut plus se comporter comme le chef d’un parti devenu très minoritaire au sein de l’Assemblée nationale, mais comme un Chef d’Etat garant du bon fonctionnement de nos institutions.

Il doit donc se mettre en retrait – en se soumettant au verdict des urnes, seule posture démocratique – ou alors démissionner comme le firent, avant lui, le très monarchiste maréchal de Mac MAHON, le 30 janvier 1879, et le général de Gaulle le 28 avril 1969.

En effet, le rôle du Président de la République, en tant que Chef de l’Etat, est fixé par l’article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958 :

« Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »

Dès lors, si le Président est un arbitre garant des institutions et du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, il ne peut, face à une situation politique nouvelle, substituer sa propre perception des choses en dessinant unilatéralement ce que doivent être les orientations politiques que devrait adopter une nouvelle majorité parlementaire susceptible de donner naissance à un nouveau Gouvernement.

2/ Les attributions d’un Chef de l’Etat dans un régime parlementaire mises en œuvre en Europe (Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Italie, Allemagne)

Les attributions précitées du Président de la République française sont celles habituelles  d’un Chef de l’Etat dans un régime parlementaire où le Gouvernement, responsable devant le Parlement, « détermine et conduit la politique de la Nation » avec, à sa tête, un « Premier ministre (qui) dirige l’action du Gouvernement » conformément aux articles 20 et 21 de la Constitution de 1958 en application du mandat qui avait été donné au Gouvernement du général de Gaulle par les parlementaires de la 4eme République finissante, avec la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 que nous avons déjà analysée dans notre précédent article du 10 juillet dernier [12].

Cette situation n’est pas propre à la France car l’Europe a été le berceau du régime parlementaire qui s’est institué progressivement contre la monarchie absolue d’Ancien Régime, laquelle a dû composer avec le Parlement représentant le peuple.

De nombreux Chefs d’Etat, notamment en Europe – qu’ils soient monarques ou Présidents – jouent ce rôle de garants des institutions et du fonctionnement régulier de l’Etat.

Ce rôle est joué traditionnellement au Royaume-Uni – la plus vieille démocratie parlementaire – par le monarque, aujourd’hui Charles III, depuis le 8 septembre 2022, et en Belgique par le Roi Philippe, depuis le 21 juillet 2013.  Avec le mode de scrutin majoritaire à un seul tour et le faible nombre de partis politiques trouvant une représentation à la Chambre des Communes, il n’est pas difficile pour le monarque d’appeler le leader du Parti arrivé en tête aux élections aux Communes pour former le Gouvernement.

À l’inverse, en Belgique, les majorités absolues propres à un seul parti ne se rencontrent plus qu’au niveau communal, dans un nombre de plus en plus restreint d’entités, généralement de faible ou moyenne importance. Au niveau politique national, à la suite de l’adoption d’un mode de scrutin à la représentation proportionnelle, le système politique, pour fonctionner, nécessite la constitution de coalitions politiques qui parfois mettent du temps à se constituer sur un but commun ou un objectif précis, au moins le temps d’une législature.

Le Roi des belges – aujourd’hui Philippe, depuis le 21 juillet 2013 – exerce les pouvoirs d’un arbitre. Ainsi lorsque la formation d’un gouvernement s’annonce difficile, le roi nomme un « informateur ». Mais il ne peut exprimer publiquement une opinion qu’avec l’accord du gouvernement. Il exerce néanmoins une magistrature d’influence grâce à son souci de consulter, de s’informer et de suggérer. Les « multiples contacts » qu’il noue à ces occasions avec les catégories les plus variées d’interlocuteurs (issus ou non du monde politique) demeurent discrets et confidentiels quant à leur contenu au point que ces entretiens royaux sont parfois qualifiés de « colloques singuliers » qui est la marque de la monarchie belge permettant au Souverain d’ imprimer son style et son influence morale sur le fonctionnement de l’Etat et de la société politique belge très marquée par sa grande diversité [13].

En Espagne, depuis la constitution de 1978, le roi d’Espagne, aujourd’hui Felipe VI (depuis le 19 juin 2014), est le chef de l’État du royaume d’Espagne, symbolisant son unité et sa continuité. À ce titre, il lui revient d’arbitrer et de modérer le fonctionnement régulier des institutions et d’exercer la plus haute représentation de l’État espagnol.

En Italie, depuis la Constitution de 1948, le Chef de l’Etat, élu pour un mandat de 7 ans, joue un rôle semblable de garant des institutions. Aujourd’hui, le Président Sergio MATTARELLA joue ce rôle depuis le 3 février 2015, après avoir été exceptionnellement reconduit dans ses fonctions, en 2022, pour une nouvelle durée de 7 ans.

En Allemagne, le Président de la République fédérale allemande est considéré comme une autorité morale pour les Allemands. Son mandat dure cinq ans et il ne peut être réélu consécutivement qu’une fois. Il est considéré comme le gardien du droit et de la Constitution. Il a également pour charge de représenter l’Allemagne sur la scène internationale.

En Allemagne, depuis le 19 mars 2017, la fonction présidentielle est assurée par Frank-Walter STEINMEIER (né le 5 janvier 1956 à Detmold) qui est un homme politique allemand du Parti social-démocrate (SPD). Élu une première fois pour un mandat de 5 ans expirant en 2022,  il a été réélu le 13 février 2022 pour un second mandat, devant se terminer le 18 mars 2027.

Tous ces chefs d’Etat de régimes parlementaires appellent le leader du parti arrivé en tête aux dernières élections législatives pour former le nouveau gouvernement en le laissant décider de la majorité gouvernante ou de la coalition parlementaire résultant de son propre choix en liens avec le Parlement sans que le Chef de l’Etat (Président élu ou monarque dynastique) ne lui dicte ce que doivent être les contours de la nouvelle majorité.

Dans tous ces pays, le Chef de l’Etat n’entre pas dans d’autres considérations que celles consistant, pour lui, d’enregistrer, de manière neutre et impartiale, les résultats arithmétiques du scrutin en s’abstenant de porter tout jugement a priori quant à la capacité de la nouvelle majorité à gouverner le pays car cette capacité dépend du Parlement et non du Chef de l’Etat et a fortiori encore moins de ses propres « amis politiques » (à supposer qu’il en ait) qui sont eux-mêmes trop concernés pour être impartiaux.

3/ Des préconisations discutables dans certains choix s’inscrivant dans la ligne d’une continuité politique contestable et sanctionnée

En effet, dans sa lettre aux Français du 8 juillet 2024, les orientations que le Président dessine – notamment quant à la défense française et son indépendance – sont inscrites dans une série d’errements politiques sur l’Europe, notamment dans son désir d’intégrer le dispositif de défense français dans un plus vaste système de défense géographique européen qui n’est guère conforme à notre souveraineté nationale et, en tout cas, contraire à notre indépendance nationale. Ainsi la politique étrangère de la France, comme le montre abondamment le conflit entre la RUSSIE et l’UKRAINE, ne se dégage guère de l’emprise militaire de l’OTAN sous hégémonie américaine, avec  une pente très discutable à vouloir généraliser le conflit RUSSIE/UKRAINE à l’ensemble de l’Europe pour accréditer l’idée fausse que ce conflit serait également un conflit de la RUSSIE avec l’ensemble de Europe qu’il conviendrait donc d’éteindre préventivement en scellant le sort de l’Europe à celui de l’UKRAINE, et en n’hésitant pas, pour être victorieux avec l’UKRAINE, à développer l’idée extravagante d’un soutien à terre de la France aux armées ukrainiennes et en fournissant à ce pays des armes offensives lui permettant de frapper, avec des missiles sophistiqués et meurtriers, la RUSSIE sur son propre sol. Cela signe l’entrée dans une forme de belligérance active manifeste et le choix d’un aventurisme dangereux et stupide qui n’est guère conforme à l’idée que l’on peut se faire de notre propre indépendance nationale.

Certes, sur le volet de sa politique étrangère et de défense, et assez étrangement, la politique du Président MACRON rencontre l’aval du PS et de certains de ses représentants, surtout médiatiques… C’est ainsi que l’on peut regretter qu’au sein du NFP le Parti Socialiste d’Olivier FAURE et ses cadres et militants – parti qui, hier, fut celui du grand JAURÈS, apôtre de la paix – aujourd’hui confondu avec « Place Publique » [14] et l’impétueux Raphaël GLUCKSMANN depuis les dernières élections européennes ne soient pas plus attentifs à la dérive macronienne militaire et s’alignent sur la position guerrière de l’OTAN [15] aussi aventureuse que dangereuse pour notre pays et pour la paix,  malgré les torts évidents de la RUSSIE au moins dans la phase guerrière du conflit avec l’UKRAINE (car en amont les choses sont plus complexes et moins simples).

C’est cette même guerre en Ukraine qui a fait mettre au ban des JO 2024 de Paris les athlètes russes, ce qui, n’est guère conforme à l’éthique de l’olympisme qui doit se dégager des tensions politiques du moment pour être un vecteur de paix. C’est d’ailleurs une telle situation qui a fait dire au député Thomas PORTES, au cours d’un rassemblement pro-palestinien, à Paris, le 20 juillet dernier, que les « sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus » aux JO.

Mais pas plus que les athlètes russes les athlètes israéliens ne sauraient porter le poids de la responsabilité de la guerre qui incombe à leurs gouvernants.

Les athlètes israéliens venant en France, comme l’ensemble des athlètes des autres nations venus disputer les jeux olympiques de Paris, ont droit à notre respect et doivent être protégés.

A priori cette déclaration de Thomas PORTES peut être considéré comme maladroite et même inconvenante, au moins dans la forme, et cela d’autant plus que c’est seulement ce membre de phrase que les médias ont volontairement retenu et rapporté, alors que la suite du propos du député précité, même s’il n’effaçait pas la maladresse initiale, était plus éclairant car il demandait que les athlètes israéliens concourent sous bannière neutre, comme les athlètes russes.

Selon le député précité, cela devait aussi éviter que le drapeau israélien ne flotte dans la capitale (allusion implicite à l’occupation et aux bombardements de GAZA par Israël ayant fait 38 000 morts civils chez les Palestiniens). Il ne s’agissait donc de rien d’autre que d’invoquer l’application des mêmes règles à deux pays qui enfreignent les règles de la paix et du droit de la guerre, mais cela aurait pu être dit et fait de manière plus acceptable.

Quant à l’invasion de GAZA par les israéliens et la reconnaissance d’un Etat palestinien, la diplomatie française non seulement est très atone par rapport à des pays européens comme l’Espagne mais aussi n’est guère distincte de celle des USA qui soutiennent inconditionnellement leur allié israélien… (voir notre précédent article intitulé  « Retour sur les origines d’un conflit vieux de près de quatre-vingts ans (depuis la création d’Israël) qui s’est enlisé dans des guerres et négociations sans fin », publié le 24 juin 2024, sur ce site, sous le lien  https://ideesaisies.deploie.com/retour-sur-les-o…-par-louis-saisi/ ).

B/ Une immixtion dans le fonctionnement du Parlement

1/La pratique présidentielle du pouvoir

Le système politique français actuel – communément qualifié, depuis 1958, de « Ve République » – est le plus souvent décrit comme un mélange de deux genres de systèmes constitutionnels en principe très distincts et opposés :  le régime parlementaire et le régime présidentiel, la France ayant d’ailleurs fait l’expérience de ces deux systèmes constitutionnels au cours de sa riche histoire politique et institutionnelle [16].

Il reste que malgré ce mélange de deux types de systèmes constitutionnels très différents, c’est le président de la République qui – élu au suffrage universel car disposant, la plupart du temps, du pouvoir gouvernant du fait de la nomination du premier ministre et des membres du gouvernement lui permettant, en fait sinon en droit, de contrôler l’ensemble de l’activité du gouvernement – est devenu l’organe central dans le mode de fonctionnement du système constitutionnel car, bien qu’il conserve le droit de renverser le premier ministre et son gouvernement par l’adoption d’une motion de censure, le Parlement est constitutionnellement très affaibli depuis 1958, à la fois par la mise en place de nombreuses règles du parlementarisme ultra rationalisé, et la possibilité d’une dépossession chronique de son pouvoir législatif, soit par le biais des ordonnances de l’article 38 de la Constitution, soit par le fameux article 49-3 C permettant l’adoption d’un texte législatif sans un vote des députés et sénateurs.

Le Président de la République française s’est, pendant trop longtemps, comporté comme le chef d’une majorité parlementaire qui résultait de la prééminence du pouvoir exécutif qui s’était installée au sommet de l’Etat rendant caduque la séparation originelle des pouvoirs au profit d’une confusion des pouvoirs en faveur de l’Exécutif.

En effet, le Président et sa majorité parlementaire, au sein de l’Assemblée nationale, appartenaient au même parti politique ou à la coalition de partis s’étant constituée pour soutenir l’action du Président, lui-même adoubé par un parti politique et élu autour d’un programme politique élaboré au sein de son propre parti dominant ayant vocation à gouverner par le jeu de la bipolarisation de la vie politique française.

La pratique du présidentialisme majoritaire s’est ainsi instaurée, entre 1973 et 1986, jusqu’à la première cohabitation, à la suite du déséquilibre entre les deux branches du pouvoir, Exécutif et Parlement.

Jusqu’en 1981, et malgré l’existence d’une opposition de gauche forte à l’Assemblée nationale, mais faute d’une alternance partisane au niveau de l’organe présidentiel, avec un parti majoritaire de droite apportant son soutien inconditionnel au Président (issu de son camp) dont il avait besoin pour gouverner, le présidentialisme majoritaire a fonctionné au profit de la droite pendant de longues années, puis au profit de la gauche, de 1981 à 1986.

2/ Une dérive présidentialiste avec une pratique bipartisane qui ne fonctionne plus

Mais à partir de 1986 notre système institutionnel bipartisan se grippe, avec de 1986 à 1997, trois cohabitations engendrant un Président appartenant à un parti politique de gouvernement et une assemblée dont la majorité appartient à une opposition politique au président élu un peu avant et appartenant elle-même à l’autre parti rival de gouvernement (cf. notre article précédent du 10 juillet 2024 sur ce site : « Une lecture parlementaire de notre Constitution originelle s’impose aujourd’hui ») [17].

Le Président n’a plus le soutien parlementaire en nombre de députés suffisants de son propre camp et il doit alors composer et cohabiter avec une majorité parlementaire qui lui est hostile.

Mais suite à la cohabitation de 1997-2002, lors des présidentielles de 2002, la crise s’aggrave davantage, mais cette fois, au niveau de l’institution présidentielle elle-même, avec, au second tour de l’élection présidentielle, non plus les deux partis rivaux de gouvernement (RPR et PS) mais un parti de gouvernement de droite incarné par le RPR Jacques CHIRAC et le parti d’extrême droite de Jean-Marie LE PEN (Front National), arrivé au 2ème tour avant Lionel JOSPIN candidat malheureux du PS. L’alternance droite/gauche n’a pas fonctionné lors de l’élection présidentielle de 2002 et le nouveau Président se succédant à lui-même – Jacques CHIRAC – ne doit lui-même sa propre réélection qu’à un conglomérat électoral droite-gauche pour faire barrage à l’extrême droite.

En 2017, après le catastrophique quinquennat de François HOLLANDE à la tête de l’Etat (2012-2017) le même phénomène se reproduit avec, au 2ème tour de l’élection présidentielle, le candidat de la droite Emmanuel MACRON opposé à Marine LE PEN, la candidate de l’extrême droite du Front National. Le candidat de droite ne doit son élection qu’au concours des électeurs de gauche, ce qui ne l’empêchera pas de mettre en place une politique anti sociale.

Et le même scénario se reproduit en 2022 avec les mêmes protagonistes : Emmanuel MACRON et à nouveau Marine LE PEN, les deux finalistes de l’élection présidentielle. Même discipline à gauche et mêmes résultats au profit du Président sortant, sauf qu’en 2022 le Président MACRON ne disposait plus d’une majorité de soutien suffisante à l’Assemblée nationale (seulement 246 sièges, bien loin des 289 sièges nécessaires pour atteindre la majorité absolue), ce qui ne l’empêcha pas, et malgré cette absence manifeste de légitimité originelle puis gouvernante (nos concitoyens étant très majoritairement hostiles à une telle réforme) d’entreprendre le report de l’âge de la retraite à 64 ans, à l’aide du 49-3.

Rappelons également que les présidents SARKOZY et HOLLANDE ne purent faire un nouveau mandat de 5 ans et que si MACRON parvint à être élu, puis réélu, c’est, électoralement, dans les conditions confuses que nous avons déjà évoquées ci-dessus.

B/ L’appel incongru du Président à une « majorité solide » est contraire à l’indépendance organique de l’Assemblée nationale au respect de laquelle le Président de la République doit en principe veiller

Le général de Gaulle avait voulu l’indépendance des deux pouvoirs, Exécutif et Législatif, avec toutefois un Exécutif fort (Président de la République) ne procédant pas du Parlement comme sous les 3ème et 4ème Républiques, mais élu, en 1958, par un large collège électoral de quelque 82 000 grands électeurs composé des parlementaires, des conseillers généraux et de représentants des conseils municipaux, parmi lesquels les députés et sénateurs étaient très minoritaires.

En fait, de Gaulle s’était surtout préoccupé de l’indépendance statutaire de l’Exécutif car, plus tard, avec la réforme constitutionnelle du 6 novembre 1962 – adoptant l ’élection du Président de la République au suffrage universel direct – opérant, dans sa forme référendaire de l’article 11, un véritable coup de force contre le Parlement ainsi inconstitutionnellement dessaisi de son pouvoir de révision de la Constitution qui, selon la procédure de l’article 89 de la Constitution, nécessite toujours, en amont, l’intervention des deux chambres du Parlement préalablement au référendum.

1/ L’indépendance du Parlement par rapport au Gouvernement est en principe assurée par le régime des incompatibilités du mandat parlementaire avec des fonctions ministérielles

Pour assurer cette indépendance du Parlement vis-à-vis du Gouvernement, l’article 23 de la Constitution pose le principe de l’incompatibilité de membre du Gouvernement avec l’exercice d’un mandat parlementaire [18].

Mais l’article LO 153 du Code électoral dispose ensuite que :

« Ainsi qu’il est dit à l’alinéa 1 de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958, portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, l’incompatibilité établie par ledit article 23 entre le mandat de député et les fonctions de membre du Gouvernement prend effet à l’expiration d’un délai de un mois à compter de la nomination comme membre du Gouvernement. Pendant ce délai, le député membre du Gouvernement ne peut prendre part à aucun scrutin et ne peut percevoir aucune indemnité en tant que parlementaire. L’incompatibilité ne prend pas effet si le Gouvernement est démissionnaire avant l’expiration dudit délai. »

Ainsi, selon cet article, l’incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de membre du Gouvernement ne prend effet qu’à l’expiration d’un délai d’un mois (délai de réflexion).

Mais pendant ce délai l’incompatibilité est forte car le député membre du Gouvernement ne peut prendre part à aucun vote et ne peut percevoir aucune indemnité en tant que parlementaire.

Mais une disposition in fine du même article (ci-dessus en gras) pose la règle inverse selon laquelle lorsque le Gouvernement est démissionnaire, l’incompatibilité ne prendra effet qu’au bout d’un mois, ce qui autorise les députés ministres à prendre part aux scrutins de l’assemblée dont ils font partie à l’intérieur de ce délai d’un mois. C’est dire que si l’on prend cette disposition au pied de la lettre les 17 ministres du Gouvernement ATTAL démissionnaires élus députés les 30 juin et 7 juillet dernier, pouvaient, selon le libellé in fine de l’article LO 153 du Code électoral précité, légalement prendre part aux votes désignant le Président de l’assemblée nationale, ses vice-présidents, les questeurs et ensuite la désignation des présidences des commissions.

Il reste que cette solution n’est guère satisfaisante ni guère conforme à l’esprit de l’article 23 de la Constitution. Certes, l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 [19] portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution lui donne a priori une base légale. Mais il reste que cette ordonnance du 17 novembre 1958 n’a pas fait l’objet du contrôle automatique et obligatoire de constitutionnalité prévu par l’article 61 de la Constitution car c’était un texte de nature réglementaire pris dans le cadre de l’article 92 de la Constitution initiale de 1958 pour mettre en place les nouvelles institutions :

« Les mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions et, jusqu’à cette mise en place, au fonctionnement des pouvoirs publics seront prises en Conseil des Ministres, après avis du Conseil d’État, par ordonnances ayant force de loi. »

Par ailleurs, selon Jean-Louis DEBRÉ, « Les membres du Premier Conseil constitutionnel (furent) nommés le 20 février 1959 et le 8 mars 1959, Ils s’install(èrent) dans l’aile Montpensier du Palais-Royal, où siégeait le Conseil économique de la IVème République. »

Et ce n’est que le 13 mars 1959, que le Conseil constitutionnel tint sa première séance.

C’est dire que dans cette période transitoire de mise en place des institutions de la 5ème République l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 précitée portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.

En application de l’article 25 de la Constitution, une loi organique – devenu l’article LO 176 du Code électoral [20]- a fixé les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois.

2/ L’appel du président à une majorité plurielle

Dans sa Lettre aux Français, le Président, comme on l’a vu, en appelle à « … une majorité solide, nécessairement plurielle pour le pays » et à un « rassemblement (qui) devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées ».

Il indique également ce que devraient être les axes politiques de la nouvelle majorité et de son Gouvernement, alors que c’est aux parlementaires de le dire en l’absence d’un gouvernement audible.

Car si c’est le Président qui nomme le Premier Ministre, il ne lui appartient pas, en revanche, d’intervenir dans le fonctionnement du Parlement ni pour dire ce que doit être la nouvelle majorité (plurielle notamment, ce qui exclut qu’il en appelle à la force majoritaire de l’Assemblée nationale), ni pour indiquer les composantes qui devront former une majorité parlementaire dont il serait le Chef (par exemple, un arc dit « républicain » incluant les forces de gauche du NFP mais excluant LFI).

Plus tard, avec la réforme constitutionnelle du 6 novembre 1962 résultant, dans sa forme référendaire de l’article 11, d’un véritable coup de force contre le Parlement inconstitutionnellement dessaisi de son pouvoir de révision de la Constitution qu’il tenait de l’article 89, le Président de la République sera élu au suffrage universel direct et dans la pratique l’exercice de ses pouvoirs vont se développer de manière accru d’une part en s’appuyant sur certains mécanismes constitutionnels (pouvoirs propres de l’article 19 C), d’autre part avec la complicité active du Premier Ministre qui adoptera une attitude subordonnée et soumise par rapport au Chef de l’Etat (avec l’impossibilité de toute rébellion du Premier Ministre même en s’appuyant sur le Parlement comme en fit l’amère expérience le Premier Ministre Jacques CHABAN-DELMAS sous la présidence de Georges POMPIDOU lequel mettra fin à ses fonctions le 5 juillet 1972) [21].

C/ Vers la renaissance d’une force gouvernementale favorisant la mise en place d’une majorité de type « troisième force » à l’instar de ce qui caractérisa la 4ème République ?

Le Président Emmanuel MACRON et ses partisans à droite, par leurs déclarations répétées, manifestent leur volonté de créer la mise en place d’un gouvernement rejetant à la fois le Rassemblement national ainsi que LFI qualifiée abusivement, comme on l’a vu, de force d’extrême gauche, en faisant des clins d’œil aux autres forces constitutives du NFP (PS, PCF et Écologistes) afin que ces forces, rompant avec LFI, rejoignent les députés parlementaires du bloc macronien.

Cette renaissance d’une « troisième force » – composite et très politiquement disparate – constitue un remake dangereux d’une situation politique qui,  sous la 4ème République conduisit à sa chute par l’appel au général

Il y a lieu de rappeler le contexte politique dans lequel est née la troisième force.

Peu après sa naissance douloureuse, une double menace pesait sur la jeune IVème République alors vivement contestée, en 1947, par deux partis politiques, relativement puissants, qui se plaçaient résolument dans l’opposition.

Le PCF (Parti Communiste Français) avait adhéré en 1947 au Kominform, en s’alignant sur l’URSS. Il opta pour une opposition très dure, accusant le régime de la IVème République d’être inféodé aux États-Unis dont il exigeait le retrait des forces encore présentes en France, avec son fameux slogan « US GO HOME » [22].

Sur la droite, le RPF (Rassemblement du Peuple Français) fut fondé par le général de Gaulle le 7 avril 1947. Anticommuniste et fermement opposé aux institutions de la Quatrième République, le RPF entendait réunir tous les Français au-delà des partis politiques. Le succès du RPF fut foudroyant, notamment aux élections municipales d’octobre 1947.

La Troisième Force était la coalition gouvernementale française au pouvoir sous la Quatrième République, qui regroupait la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), les Radicaux, le Mouvement républicain populaire (MRP) et les modérés (droite républicaine et libérale), pour soutenir le régime contre l’opposition du Parti communiste français (à l’époque considéré comme une force d’extrême gauche) et des gaullistes qui s’opposaient, à droite, au régime politique de la 4ème République honnie.

Le gouvernement de la troisième force fut mis en place en France entre mai 1947 et septembre 1951. Il succéda au tripartisme (MRP, SFIO et PCF), après l’éviction des communistes du gouvernement Paul RAMADIER le 4 mai 1947. Elle renaquit, en partie, en 1956, sous l’appellation de Front républicain, contre les poujadistes et les communistes, une partie des gaullistes s’étant ralliés, et Jacques Chaban-Delmas devenant ministre de la Défense à cette occasion.

La SFIO qui s’était laissée embarquée dans cette politique troisième force et aveuglée par son anticommunisme primaire n’arrêta pas de sombrer politiquement et électoralement et il faudra attendre, dans le nouveau cadre contraignant de la 5ème République, le Congrès d’Épinay de 1971 pour qu’elle renaisse de ses cendres sur une base unitaire des gauches – majoritairement réformistes et très minoritairement marxistes – assez incertaine…

De même, le MRP qui avait voulu incarner une démocratie chrétienne progressiste se détourna de plus en plus de son objet politique originel pour se rapprocher de plus en plus des forces de droite et du centre droit (LECANUET, BAYROU) faisant surtout profession d’anticommunisme.

Les promesses de la libération contenues dans le Conseil National de la Résistance et son programme social s’éteignirent devant l’épreuve de la Guerre froide et l’isolement du PCF

C’est dire que Le NFP, aujourd’hui, est l’antidote de cette recherche d’une résurrection funeste de cette politique de troisième force à la condition que toutes ses composantes restent soudées et solidaires et que certaines d’entre elles – très sollicitées par la Droite – sachent résister aux sirènes du pouvoir pour le pouvoir.

Le NFP doit donc conserver son identité plurielle, son dynamisme et ses objectifs de transformation sociale et de recherche de la paix dans un monde artificiellement placé sous tension guerrière comme c’est le cas aujourd’hui.

Louis SAISI

Paris, le 4 septembre 2024

NOTES

[1] Comme l’a d’ailleurs très bien exprimée aussitôt la réaction d’Olivier FAURE, pour le PS.

[2] Peu avant sa mort, en mai 2021, la fortune professionnelle de Denis KESSLER, comprenant essentiellement une participation de 0,88 % au capital de Scor, était estimée à 45 millions d’euros.

[3] « Il s’agit de défaire méthodiquement le programme du CNR », citation d’un article de Denis KESSLER dans la revue Challenges le 4 octobre 2007.

[4] Le Monde du 22 juillet 2024 : « Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau présentent le « pacte législatif d’urgence » de la droite pour « empêcher le blocage du pays ». Ces treize textes listent les lois sur lesquelles la droite, avec ses 47 députés, est « prête à s’engager » si le prochain gouvernement s’en empare, sans être dans une « coalition » gouvernementale.

[5] En 2022, trois groupes composaient la majorité présidentielle « Ensemble », avec 250 députés dont 172 pour Renaissance, 48 pour le MoDem et les indépendants et 30 pour Horizons et apparentés. …

[6] Lors du Congrès d’unification qui se tint à la Salle du Globe en 1905, cf. Louis SAISI : Le socialisme scientifique de 1870 à 1914, Mémoire pour le DES en Science politique, Faculté de droit d’Aix-en-Provence, 1971. Le socialisme politique s’unifie en 1905 avec la fusion des courants socialistes (guesdistes, blanquistes, réformistes…) dans la nouvelle Section française de l’internationale ouvrière (SFIO). Peu à peu, Jean Jaurès s’impose comme la figure majeure du socialisme français, par sa formation intellectuelle et philosophique, par son combat pour l’unité, par sa capacité de synthèse entre la république et le socialisme, entre le patriotisme et l’internationalisme, entre les idées marxistes (dont se réclame principalement Jules Guesde) et la tradition de la Révolution française.

[7] Voir l’arrêt du Conseil d’Etat du 9 novembre 2023 annulant la dissolution du groupement Soulèvements de la terre et notre commentaire sur ce site sous le titre : «  Le Conseil d’Etat, la liberté d’association et la reconnaissance de l’activisme du groupement « Les Soulèvements de la Terre », 12 décembre 2023,  https://ideesaisies.deploie.com/le-conseil-detat…-par-louis-saisi/

[8] Laurent MAUDUIT, Denis SIEFFERT :  Trotskisme, histoires secrètes, Ed. .Les Petits Matins, 4 janvier 2024, 464 pages ; Voir également Le Monde, article de Sandrine CASSINI, 23 janvier 2024 : « Trotskisme : histoires secrètes » : Mélenchon et l’héritage lambertiste.

[9] Le Monde du 5 juin 2001 : « Révélations sur le passé trotskiste de Lionel Jospin ».

[10] Le référé administratif est une procédure accélérée devant le juge administratif dans le cadre d’un conflit avec l’administration. Le référé administratif permet ainsi d’obtenir une décision rapide de la justice, l’affaire étant examinée par un magistrat jugeant seul : le juge des référés.

[11] Le référé suspension permet de suspendre l’exécution d’une décision administrative lorsqu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de cette mesure.

[12] Voir sur ce site notre article intitulé « Une lecture parlementaire de notre Constitution originelle s’impose aujourd’hui », 10 juillet 2024,  https://ideesaisies.deploie.com/une-lecture-parl…-par-louis-saisi/

[13] Selon STATBEL « La Belgique en chiffres », du 12 janvier 2021, au 01/01/2020, la population comptait 67,9 % de Belges d’origine belge, 19,7 % de Belges d’origine étrangère et 12,4 % n’avaient pas la nationalité belge. En chiffres absolus, cela représente respectivement 7.806.078, 2.259.912 et 1.426.651 habitants. Il y a des différences importantes si l’on compare les trois régions belges entre elles.

  • Au niveau belge, environ deux tiers de la population est belge d’origine belge. Cela varie d’une personne sur quatre dans la Région de Bruxelles-Capitale à trois personnes sur quatre en Région flamande.
  • Globalement, une personne sur cinq est belge d’origine étrangère. Ce pourcentage est le plus faible en Flandre avec 14,1%. Il grimpe à 23,2% en Wallonie et atteint 39,1% en Région de Bruxelles-Capitale.
  • La part de non-Belges en Région flamande et en Région wallonne se situe aux environs de 10%. En Région de Bruxelles-Capitale, la proportion grimpe à 35,3%. (source : STATBEL, « Nouvelle statistique sur la diversité selon l’origine en Belgique », Nouvelle statistique sur la diversité selon l’origine en Belgique | Statbel (fgov.be)

[14] Place publique (PP) est un parti politique français écologiste et proeuropéen lancé fin 2018 par plusieurs personnalités, dont Raphaël GLUCKSMANN, qui copréside le parti avec Aurore LALUCQ. Alors qu’au départ, Place publique se proposait de s’ouvrir  à la gauche proeuropéenne sympathisante d’Europe Écologie Les Verts (EÉLV) en passant par le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF) et Génération.s, seul le PS répondit à l’invitation de constituer une liste commune avec Place publique pour les élections européennes de 2019 . Lors de ces élections, le parti n’obtint deux sièges aux élections européennes de 2019 grâce à une liste commune avec le Parti socialiste, ce qui causa une vague de défections au sein de Place publique. Cette union de liste a été renouvelée pour les élections européennes de 2024 en offrant trois sièges à Place publique. Le parti se rallia au Nouveau Front populaire en vue des élections législatives anticipées de 2024. Place publique s’articule autour de quatre urgences : « écologique, démocratique, sociale et européenne ». Le mouvement est proeuropéen et défend l’élargissement de l’Union européenne, notamment à l’Ukraine, ainsi qu’une extension des compétences du parlement européen. Il souhaite que le logiciel social-écologiste renouvelle la social-démocratie au sein de la gauche française. La démarche de « Place publique » se veut une alternative à la ligne défendue par La France insoumise, bien que Thomas PORCHER, l’un de ses fondateurs et avant sa démission du Parti, le 16 mars 2019, ait affirmé que le mouvement ne s’inscrivait pas contre Jean-Luc MÉLENCHON. Mais aujourd’hui, avec le seul GLUCKSMANN à la tête de « Place publique » l’on est en droit d’en douter…

[15] Louis SAISI : « Il était une fois l’OTAN… Once upon a time NATO (North Atlantic Treaty Organization), 27/06/2022, https://ideesaisies.deploie.com/il-etait-une-foi…-par-louis-saisi/ ‎

[16] Bastien FRANÇOIS : « 1. La Ve République confrontée au fait majoritaire » in La France depuis de Gaulle, Ed. Presses universitaires de Montréal, pp. 23-47

[17] Louis SAISI : « Une lecture parlementaire de notre Constitution originelle s’impose aujourd’hui », 10 juillet 2024,  https://ideesaisies.deploie.com/une-lecture-parl…-par-louis-saisi/

[18] Damien CONNIL : « À propos de l’article 23 de la Constitution, fonctions et dysfonctions d’une disposition constitutionnelle », dans Revue française de droit constitutionnel 2012/4 (n° 92), pages 733 à 756.

[19] Ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution :

Article 1

Version en vigueur depuis le 13 octobre 2013

Modifié par LOI organique n°2013-906 du 11 octobre 2013 – art. 7 (V)

« Pour chaque membre du Gouvernement, les incompatibilités établies à l’article 23 de la Constitution prennent effet à l’expiration d’un délai de un mois à compter de sa nomination. Pendant ce délai, le parlementaire membre du Gouvernement ne peut prendre part à aucun scrutin et ne peut percevoir aucune indemnité en tant que parlementaire. Les incompatibilités ne prennent pas effet si le Gouvernement est démissionnaire avant l’expiration dudit délai.

Les mesures nécessaires pour remplacer un membre du Gouvernement dans son mandat, sa fonction ou son emploi sont prises dans le mois qui suit et comme il est dit aux articles 2, 3 et 4 ci-après. »

[20] Article LO 176 (du Code électoral..

[21] Le Premier Ministre Jacques CHABAN-DELMAS, apôtre de la construction d’une « nouvelle société » entendait s’affranchir du très conservateur Président POMPIDOU pour développer sa propre ligne politique en partie contestée par certains gaullistes. Se sentant affaibli, le Premier Ministre chercha à relégitimer son action en demandant un vote de confiance au parlement en mai 1972. Cet acte d’insubordination fut perçu par Pompidou comme une volonté de la part du premier ministre de lui forcer la main pour le garder. Lors du vote de confiance, Jacques Chaban-Delmas obtint bien une majorité de voix au parlement mais le président de la République, POMPIDOU, ne pouvait accepter que l’Assemblée Nationale lui impose le maintien du gouvernement alors que dans la pratique de la Ve République, c’est le Président qui décide lui-même du nom du premier ministre. POMPIDOU poussa donc CHABAN-DELMAS à la démission le 5 juillet 1972.

[22] Il y a lieu de rappeler, en effet, que de 1951 à 1967, plus de 60 000 militaires américains étaient stationnés en France dans le cadre de l’Otan. US Army, US Navy et US Air Force avaient déployé leurs troupes de la Côte d’Azur à la Lorraine, en passant par l’Ile-de-France et le littoral atlantique. La ville de Châteauroux hébergeait la plus grande base. Retour sur un choc culturel dans le Berry des années 50 (cf. Le Figaro Magazine « Quand les ricains étaient là », Jean-Marc GONIN, le 04/04/2009).

ANNEXE I : La lettre d’Emmanuel Macron aux Français (Source : Sud-Ouest France)

« Chères Françaises, chers Français,

Les 30 juin et 7 juillet derniers, vous vous êtes rendus aux urnes en nombre pour choisir vos députés. Je salue cette mobilisation, signe de la vitalité de notre République dont nous pouvons, me semble-t-il, tirer quelques conclusions.

D’abord, il existe dans le pays un besoin d’expression démocratique. Ensuite, si l’extrême-droite est arrivée en tête au premier tour avec près de 11 millions de voix, vous avez clairement refusé qu’elle accède au Gouvernement. Enfin, personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige à bâtir un large rassemblement.

Président de la République, je suis à la fois protecteur de l’intérêt supérieur de la Nation et garant des institutions et du respect de votre choix.

C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. Les idées et les programmes avant les postes et les personnalités : ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections. Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. Elle rassemblera des femmes et des hommes qui, dans la tradition de la Vème République, placent leur pays au-dessus de leur parti, la Nation au-dessus de leur ambition. Ce que les Français ont choisi par les urnes – le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes.

C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre. Cela suppose de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun. D’ici là, le Gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine.

Plaçons notre espérance dans la capacité de nos responsables politiques à faire preuve de sens de la concorde et de l’apaisement dans votre intérêt et dans celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme le font tant de nos voisins européens, cet esprit de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux.

Votre vote impose à tous d’être à la hauteur du moment. De travailler ensemble.

Dimanche dernier, vous avez appelé à l’invention d’une nouvelle culture politique française. Pour vous, j’y veillerai. En votre nom, j’en serai le garant.

En confiance. Emmanuel MACRON »

ANNEXE II : Conseil d’État, 2ème chambre, 11/03/2024, 488378, Inédit au recueil Lebon (Source : Conseil d’Etat)

Conseil d’État – 2ème chambre

  • N° 488378
  • ECLI:FR:CECHS:2024:488378.20240311
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du lundi 11 mars 2024

Rapporteur

  1. Hadrien Tissandier

Rapporteur public

Mme Dorothée Pradines

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 28 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Rassemblement national demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la circulaire IOMA2322276J du 16 août 2023 du ministre de l’intérieur et des outre-mer relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections sénatoriales 2023, en tant qu’elle classe les nuances  » RN  » et  » LRN  » dans le bloc de clivage  » Extrême-droite  » ;

2°) d’enjoindre au ministre de modifier la grille de nuances figurant aux annexes 1 et 2 de la circulaire IOMA2322276J du 16 août 2023 afin d’exclure les candidatures du Rassemblement national du bloc de clivage  » Extrême-droite  » ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– la Constitution, notamment ses articles 3 et 4 ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

– le décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 ;

– le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,

– les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 février 2024, présentée par l’association  » Rassemblement national « .

Considérant ce qui suit :

  1. Aux termes de l’article 1er du décret du 9 décembre 2014 relatif à la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés  » Application élection  » et  » Répertoire national des élus  » :  » Dans les services du ministère de l’intérieur (secrétariat général) et ceux des représentants de l’Etat dans les départements de métropole et d’outre-mer, dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, sont mis en œuvre deux traitements automatisés de données à caractère personnel concernant les candidats aux élections au suffrage universel et les mandats électoraux et fonctions électives que ces élections ont vocation à pourvoir. / Le premier traitement, appelé  » Application élection « , comprend les données relatives aux candidatures enregistrées ainsi que les résultats obtenus par les candidats. / Le second traitement, appelé  » Répertoire national des élus « , comprend les données relatives aux candidats proclamés élus « . En vertu de l’article 2 de ce décret, l’Application élection et le Répertoire national des élus enregistrent les données relatives aux candidats aux scrutins organisés pour l’élection des sénateurs. Aux termes de l’article 3 de ce décret :  » Conformément aux dispositions du IV de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, pour mettre en œuvre les traitements automatisés mentionnés à l’article 1er, le ministre de l’intérieur et les représentants de l’Etat mentionnés au même article 1er peuvent collecter, conserver et traiter sur supports informatiques ou électroniques des données faisant apparaître les appartenances politiques : / 1° Des candidats à l’un des scrutins mentionnés au I de l’article 2 et des listes ou binômes de candidats sur lesquels ils ont figuré ; / 2° Des personnes détentrices de l’un des mandats ou de l’une des fonctions énumérés au II de l’article 2 « . Aux termes de l’article 4 de ce décret :  » Les traitements automatisés mentionnés à l’article 1er ont pour finalités : / 1° Le suivi des candidatures enregistrées et des mandats et fonctions exercés par les élus en vue de l’information du Parlement, du Gouvernement, des représentants de l’Etat mentionnés à l’article 1er et des citoyens ; / 2° La centralisation des résultats de chaque tour de scrutin, leur conservation et leur diffusion sous forme électronique (…) « . Aux termes de l’article 5 de ce décret :  » I. – Les données à caractère personnel et informations enregistrées portant sur les personnes mentionnées à l’article 2 sont les suivantes : / (…) / 6° Nuance politique attribuée au candidat par l’administration ; / 7° Nuance politique attribuée à la liste ou au binôme de candidats par l’administration ; (…) « .2. La circulaire du 16 aout 2023 du ministre de l’intérieur et des outre-mer relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections sénatoriales du 24 septembre 2023 a prévu que les préfets et hauts commissaires attribuent une nuance politique, lors de l’enregistrement des candidatures, à chaque candidat ou liste de candidats, sur la base de deux grilles de nuances politiques qui figurent en annexes 1 et 2, une grille de 21 nuances pour les candidats et une grille de 22 nuances pour les listes. Ces nuances sont regroupées en six blocs de clivage, lesquels sont destinés à agréger les résultats des différentes nuances, dénommés  » extrême gauche « ,  » gauche « ,  » autres « ,  » centre « ,  » droite « ,  » extrême droite « . L’association Rassemblement National demande l’annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire en tant qu’elle prescrit le rattachement de la nuance politique  » Rassemblement National  » au bloc de clivage  » extrême droite « .
  2. En premier lieu, le ministre de l’intérieur et des outre-mer peut, au titre du pouvoir d’organisation des services placés sous son autorité pour la préparation et le déroulement des opérations électorales et en vue de la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel  » Application élection  » et  » Répertoire national des élus  » régis par les dispositions du décret du décret du 9 décembre 2014, établir une grille des nuances politiques et prévoir leur regroupement dans des blocs de clivage afin de permettre l’agrégation des résultats des élections nécessaire à l’information des pouvoirs publics et des citoyens. Si l’association requérante invoque, par voie d’exception, l’illégalité des dispositions citées au point 1 de l’article 5 du décret du 9 décembre 2014, une telle exception d’illégalité ne peut être utilement invoquée dès lors que la circulaire attaquée n’a pas été prise pour l’application de ces dispositions, qui n’en constituent pas davantage la base légale. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de l’intérieur et des outre-mer était incompétent pour édicter la circulaire contestée ne peut qu’être écarté.4. En deuxième lieu, la circulaire attaquée comporte la mention du nom, du prénom et de la qualité de son signataire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut donc, en tout état de cause, qu’être écarté.
  3. En troisième lieu, en rattachant la nuance politique  » Rassemblement national  » au bloc de clivages  » extrême droite « , la circulaire attaquée ne méconnaît pas le principe de sincérité du scrutin, que l’attribution d’une nuance politique différente de l’étiquette politique n’affecte pas, et n’est pas entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Elle ne méconnaît pas davantage, en tout état de cause, le principe d’égalité en procédant à un tel rattachement, tout en attribuant la nuance  » Gauche  » aux formations politiques  » Parti communiste français  » et  » La France insoumise « .6. En quatrième et dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi.7. Il résulte de tout ce qui précède, et alors que le mémoire en défense a été régulièrement présenté pour le ministre de l’intérieur et des outre-mer et par délégation, que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l’association Rassemblement national est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association  » Rassemblement national  » et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l’issue de la séance du 29 février 2024 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d’Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.

Rendu le 11 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Yves Ollier

Le rapporteur :

Signé : M. Hadrien Tissandier

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Xavier

ECLI:FR:CECHS:2024:488378.20240311

(Source : Conseil d’Etat)

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