À propos du livre de Gérard DELFAU et Martine CHARRIER « Je crois à la politique » par Louis SAISI

                             Ci-dessus, Gérard DELFAU

À propos du livre de Gérard DELFAU et Martine CHARRIER Je crois à la politique

(Ed. L’Harmattan, PARIS, 2020, 656 pages)

par Louis SAISI

SOMMAIRE 

Introduction

I/ Le cursus universitaire (1969-1978) : sa passion du mariage des Lettres avec l’Histoire

A/ Un enfant de la méritocratie républicaine

1/ Du CAPES de lettres classiques à l’agrégation

2/ L’enseignant de Littérature française à la Sorbonne (1969)

B/ Des recherches orientées sur Jules VALLÈS et la Commune de Paris

C/ L’enseignant de l’université de Paris VII

1/ La naissance de l’UER « Science des Textes et Documents »

2/ L’interaction entre l’Histoire et la Littérature

II/ Le maire de Saint-André-de-Sangonis (1977-2008)

A/ Devenir maire

1/ À la tête de la liste d’Union de la Gauche

2/ Une victoire totale

B/ Les premières réalisations municipales

1/ La réforme de l’Institut médico-éducatif (IME)

2/ Faire face à la crise viticole

3/ La nécessaire transformation des cépages du Languedoc

4/ La découverte de l’Amérique des vins de Californie

5/ L’effervescence du monde des marins-pêcheurs

6/ À la rencontre des paysans du Larzac en colère contre l’extension du camp militaire

III/ Le sénateur de l’Hérault (1980-2008)

A/ Décrocher un mandat national

1/ Devenir sénateur

2/ La découverte du Sénat

B/ La gauche et la promotion du budget de l’Education nationale

1/ La mobilisation en faveur de l’enseignement professionnel

2/ La création des baccalauréats professionnels, consécration de l’enseignement professionnel en 1985

C/ Une nouvelle victoire contre l’appareil local du PS (1998)

IV/ Le militant du Parti socialiste

A/ La découverte de la Convention des institutions républicaines à la faveur de l’élection présidentielle de 1965

1/ Le temps des hésitations dû à la difficulté de trouver, à gauche, un parti politique correspondant à sa propre identité politique

2/ Le choix de la Convention des institutions républicaines (CIR)

3/ L’adoubement au sommet par François MITTERRAND et son entrée dans les instances dirigeantes de la CIR

B/ Épinay…  Ou l’unité des socialistes et de l’union de la gauche

C/ L’après Épinay ou la construction du nouveau Parti socialiste

1/ Démocratie et Université, laboratoire des idées du nouveau Parti socialiste

2/ Le PS et la culture : la création d’une section socialiste rassemblant des écrivains de renom

3/ Le chantier de la formation des militants socialistes

4/ Les Rencontres des acteurs du changement (1982/1983)

Conclusions

Notes

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Je crois à la politique [1] est un livre écrit par Gérard DELFAU et sa complice, l’excellente journaliste Martine CHARRIER, sur l’itinéraire de Gérard DELFAU, ancien sénateur, et maire, à partir de 1977 et jusqu’à 2008, de Saint-André-de-Sangonis, petite ville de l’Hérault.

Voici un ouvrage précieux constituant son propre témoignage (mais à deux voix) d’une vie publique vouée à la politique couvrant une période historique politiquement très riche, celle de la naissance du nouveau Parti Socialiste d’Épinay (juin 1971), de l’alternance politique de mai 1981, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, suivie, ensuite, de la confrontation des deux partis politiques de gouvernement : d’une part, Parti socialiste au sein duquel Gérard DELFAU est lui-même très impliqué ; d’autre part, parti de droite, d’abord néogaulliste qui, sous ses appellations successives RPR, UMP, etc., s’est constitué, au départ, à partir du socle gaulliste, économiquement et socialement interventionniste, puis qui s’est ouvert progressivement au courant libéral pour se transformer et finir par revendiquer, à partir de 2006, une identité de droite totalement assumée avec Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé et qui, ensuite, n’a fait que se conforter.

Ainsi, à travers ce livre – qui, sorti au plus fort de la crise du COVID (2020), n’a pu avoir l’écho qu’il méritait très justement – c’est toute l’histoire du parti socialiste lui-même, vue et vécue de l’intérieur par un militant, ardent et généreux, que Gérard DELFAU et Martine CHARRIER nous racontent sous le prisme de l’engagement personnel et militant de Gérard DELFAU. Et ce livre, précédé d’une préface de la main de Bernard Cazeneuve, ancien Premier Ministre, constitue, sous cet angle, un document substantiel, très riche et instructif de quelque 656 pages couvrant trois décennies de combat politique.

Autre mérite de cet ouvrage, c’est qu’il a permis à Gérard DELFAU de manifester sa conviction intacte, malgré certains revers personnels, selon laquelle il « croit à la politique » dans sa plus noble acception, son ouvrage constituant pour lui « un manifeste, un appel à l’espérance (qu’il) dédie à tous ceux et celles qui veulent s’inscrire dans l’histoire glorieuse de la France, celle du Siècle des lumières, de la Révolution française, et de la Séparation des Églises et de l’Etat » [2]. Et cela est affirmé en toute sincérité, et sans tomber dans l’écueil fréquent de l’autosatisfaction et de l’autocomplaisance.

Sur le plan méthodologique, l’originalité de l’ouvrage réside également dans le fait qu’il s’inscrit dans un registre peu habituel d’une écriture à quatre mains grâce à la complicité active de Martine CHARRIER, ancienne militante associative et correspondante du Midi Libre de la Vallée de l’Hérault, et aboutissant, selon Gérard DELFAU, à « l’entrelacement d’une réflexion commune et de deux écritures (dans) l’effort conjugué de deux personnalités pour restituer un passé qui sans cesse glisse entre les doigts ; une tentative aussi, écrit-il, modestement, d’expliciter le sens d’une carrière politique que rien au départ ne laissait prévoir et que seule la rencontre avec François Mitterrand peut expliquer » [3].

Les développements de l’ouvrage sont articulés autour de 8 chapitres recensant chronologiquement les moments clés qui, de 1957 à 2008, jalonnent le formidable engagement politique de Gérard DELFAU fait de passion et de rigueur intellectuelle et morale.

Chaque chapitre couvre une période déterminée de son engagement, et l’ensemble de l’ouvrage – qui est marqué par l’empreinte de l’agrégé de lettres classiques – est très agréable à lire tant par sa clarté que pour son authenticité. Il s’agit, en effet, selon la journaliste Martine CHARRIER, de l’engagement « d’un homme élu à la tête d’une commune, d’un parlementaire assuré dans ses idées et ancré dans ses convictions » [4] .

Dans ce compte rendu synthétique, nous n’allons pas commenter chaque chapitre, car cela pourrait dissuader le lecteur d’acheter le livre et surtout de le lire.

Nous allons seulement nous efforcer d’en présenter les éléments qui nous semblent les plus intéressants, c’est-à-dire les temps forts et les plus significatifs laissant à chaque lecteur gourmand le soin de découvrir l’ensemble et le détail.

Nous commencerons par la formation de Gérard DELFAU qui en est l’élément central. En effet, comme on le sait, la formation – ou à l’opposé son absence (plus rare aujourd’hui avec une scolarité de plus en plus poussée jusqu’à l’âge de 18 ans) – est un élément clé de notre existence quant au choix de notre parcours professionnel et de ce que sera notre insertion sociale et plus largement notre relation aux autres, tout métier étant structurant et révélant un ou plusieurs aspects de notre relation aux autres. Celle de Gérard DELFAU n’échappe pas à cette loi et montre qu’au départ au moins elle n’était pas aussi évidente que ça, à son époque, surtout pour les enfants des classes sociales modestes, sachant qu’elle exige de leur part – et aujourd’hui encore – une détermination sans faille et des efforts constants.

La vie active publique de Gérard DELFAU [5] s’est développée autour de nombreuses activités très riches, complémentaires et stimulantes, d’ailleurs fortement imbriquées les unes dans les autres.

Disons tout de suite que dans la présentation faite ici nous avons volontairement choisi de nous effacer derrière la narration faite par les auteurs du livre pour ne pas en perdre la riche substance mettant en lumière les multiples facettes de son implication politique. Mais pour la clarté de notre compte rendu de lecture – ou recension -, nous avons opté, ce qui est peu habituel dans ce genre d’exercice, nous en convenons, pour l’adoption d’un plan structuré autour des quatre séquences suivantes :

  • l’enseignant universitaire ;
  • ensuite, le Maire de Saint-André-de-Sangonis très attaché à sa commune et œuvrant à son développement ;
  • puis, le Sénateur de l’Hérault, tombé sous le charme de la Haute Assemblée du Palais du Luxembourg ;
  • enfin, le militant socialiste, passionné et exigeant, ne sombrant jamais dans l’écueil de la caste des apparatchiks.

I/ Le cursus universitaire (1969-1978) : sa passion du mariage des Lettres avec l’Histoire

Le choix d’un métier est souvent conditionné par le milieu social, de manière active ou passive, compte tenu de la situation de la famille.

L’on sait, en effet, depuis les travaux de Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON [6], combien la situation de la famille est fondamentale dans le mécanisme de reproduction des élites puisqu’elle est à l’origine de la transmission des différentes formes de « capitaux » des classes dominantes : richesse économique, position familiale, patrimoine culturel, réseau de relations.

Ainsi, pensionnaire du petit séminaire Saint Roch, Gérard DELFAU, selon la volonté de sa mère, était-il destiné à la prêtrise. Mais, venu l’âge de l’adolescence – qui est souvent celui de la révolte et de la mise en cause de l’autorité ambiante -, à 17 ans, il décida alors de briser ces liens et choix contraignants en défiant l’autorité religieuse, discutant la parole de ses Maîtres et s’affranchissant du manger maigre du vendredi. Peu enclin à s’en excuser, il finit par quitter l’institution scolaire religieuse pour rejoindre, à la fin de l’année scolaire, une classe de Première classique au lycée Joffre de Montpellier.

Cet accès à un lycée public ouvrant la voie vers une carrière laïque est plus conforme à son désir de ne pas être assujetti à toute forme institutionnalisée d’autorité incontestable par rapport à ses convictions propres, et notamment sa liberté de conscience. Et cette soif de liberté, jointe à une éthique laïque, va être sa boussole pendant toute sa vie professionnelle, politique et militante.

Ainsi Gérard DELFAU après avoir été l’un des fondateurs de l’association ÉGALE  – Égalité Laïcité Europe -,  a créé et dirige, aujourd’hui, depuis novembre 2015, après la tragédie du Bataclan, la collection « Débats laïques » (chez L’Harmattan) en se donnant pour objectif d’engager une discussion de fond sur la dimension historique et philosophique de la Laïcité, sur les conditions de la sortie du Concordat, sur l’exercice au quotidien de la Liberté absolue de conscience et de la liberté d’opinion, etc. Belle réussite, la collection « Débats laïques » compte aujourd’hui 22 titres, le 23e étant en cours de publication.

A/ Un enfant de la méritocratie républicaine

C’est ce choix, manifesté cette année-là, qui va faire ensuite de Gérard DELFAU un enfant de la méritocratie républicaine, celle qui, conformément au libellé de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, n’établit, en France, aucune autre distinction entre les hommes que celle fondée sur les talents et les mérites.

Si les formations supérieures sont aujourd’hui, fort heureusement, accessibles aux jeunes des milieux modestes, il n’en a pas été toujours ainsi, même au milieu du 20ème siècle, dans les années 50.

Le jeune DELFAU naît dans un milieu social modeste – son père est un employé des hôpitaux – s’inscrivant dans une longue lignée de viticulteurs et de fonctionnaires.

Après avoir échappé à la prêtrise, jeune bachelier, Gérard, qui a suivi une année d’hypokhâgne au lycée Joffre de Montpellier, nourrit le rêve de devenir professeur à la Sorbonne.

Mais il doit vaincre un second obstacle familial. En effet, c’est son père qui, cette fois, envisage pour lui une carrière d’instituteur, car dans l’habitus [7] des familles pauvres, l’aîné, qu’il est, doit aider sa famille à élever ses deux sœurs, et cela d’autant plus que sa mère est malade.

Mais si le déterminisme social familial joue souvent un rôle important quant au métier que les familles assignent parfois à leurs propres enfants ou à l’un d’eux, il n’est pas inéluctable car, armés de leur seule volonté et de leur rêve, certains jeunes s’efforcent d’y échapper en se frayant, rebelles, une autre voie.

Comment, Gérard, qui fait partie de ces rebelles-là, va-t-il s’y prendre pour suivre la voie professionnelle de son choix ?

Dans les lignées des familles les plus modestes, il y a parfois un « cousin » qui, échappant à tout déterminisme social, a « réussi » faisant ainsi la fierté et l’admiration de tous. C’est donc auprès d’un cousin, du côté de sa mère, éminent spécialiste reconnu de l’Egypte antique – puisqu’il dirige alors l’Institut français archéologique du Caire -, que Gérard va prendre conseil.

Celui-ci, tout en comprenant les raisons et réticences de son père, l’encourage néanmoins à persévérer et lui trace la voie à suivre : études à la faculté des Lettres de Montpellier, CAPES de lettres, exercice du métier de professeur dans le second degré et en même temps préparation de l’agrégation, nécessaire alors pour obtenir un poste d’enseignant dans le Supérieur.

Fort de ce parrainage illustre, Gérard n’aura de cesse de suivre cette voie qui lui semble à la fois ambitieuse dans son objectif et raisonnable dans les différentes étapes de sa réalisation.

1/ Du CAPES de lettres classiques à l’agrégation

C’est ainsi que Gérard DELFAU passe son CAPES de lettres classiques (Français, Latin, Grec) et qu’à la rentrée scolaire de 1962 il entame une carrière de professeur en recevant sa première affectation dans un lycée de la Haute Vienne. Il y découvre des élèves issus de milieux modestes : paysans, ouvriers, employés, commerçants, petits fonctionnaires. Quant aux classes sociales aisées, elles envoient leurs enfants dans l’enseignement privé catholique. Gérard DELFAU s’adonne ainsi avec passion à son métier : il aime enseigner et convaincre, écrit-il, et il est vite reconnu par l’ensemble de ses élèves et la communauté de ses pairs. Ses collègues le désignent tout naturellement pour prendre en charge la section syndicale du SNES, et il figure vite sur la liste du syndicat aux élections académiques.

L’année suivante, c’est le retour au pays natal, par le biais d’une affectation au lycée de PEZENAS, où sa femme vient elle-même d’y être nommée suite à sa réussite au concours du CAPES d’Espagnol. Ils vont tous les deux y enseigner dans les classes de Première et Terminale tout en préparant l’agrégation par correspondance. Ce sont des années de travail intense car à son activité quotidienne d’enseignant s’ajoute, pour Gérard DELFAU, des responsabilités syndicales, toujours au sein du SNES, et pour les deux, l’éducation de leur fille Isabelle.

Par ailleurs, à partir de 1966, pour tous les deux, c’est la préparation du concours de l’agrégation qui va s’intensifier pour devenir plus vivante et aussi plus contraignante avec le suivi de cours à la faculté des lettres de Montpellier : lui, suivant la préparation du concours de lettres classiques ; elle, celle de lettres modernes. Et ils sont reçus tous les deux au concours de l’agrégation, chacun dans sa discipline, à l’été 1967, déclenchant l’enthousiasme de leur proviseur, manifestement fier de pouvoir désormais compter dans son propre établissement deux agrégés.

La première étape du parcours professionnel est franchie.

2/ L’enseignant de Littérature française à la Sorbonne (1969)

Ci-dessous la magnifique Cour de La Sorbonne  

La seconde étape est réalisée en 1969 lorsque, le professeur Pierre ALBOUY, sous l’autorité de qui le jeune agrégé a décidé de se consacrer à la recherche universitaire, lui propose un poste d’assistant à ses côtés, à la Sorbonne, ce qu’il accepte après que son épouse l’y ait fortement encouragé. Et c’est ainsi qu’en 1969 Gérard DELFAU fait son entrée à la Sorbonne comme assistant de Littérature française contemporaine.

B/ Des recherches orientées sur Jules VALLÈS et la Commune de Paris

Ci-dessous portrait de Jules Vallès par Gustave Courbet

Musée Carnavalet, vers 1861.

Toujours fidèle aux convictions de sa jeunesse, dans ses premières recherches, Gérard DELFAU va alors s’intéresser à Jules VALLÈS dont la trilogie [8] le passionne depuis son adolescence ainsi qu’à la commune de Paris. Et il raconte comment, suite à une heureuse initiative de sa part par la voie de la presse, il a accès à un fonds documentaire de première importance conservé par des proches du vieux communard. Il  explore, ainsi avec son épouse, une partie de la correspondance reçue par VALLÈS durant son séjour de proscrit à Londres, de 1871 à 1880, ce qui lui permet de publier, en 1971, année du Centenaire de la Commune, son Jules VALLÈS. L’exil à Londres (1871-1880).

Il estime lui-même aujourd’hui que son livre sur l’exil de VALLÈS à Londres « est un document brut sur une époque tragique de notre histoire. Un témoignage émouvant sur des vies brisées par la solitude et l’arrachement du sol natal. Mais c’est aussi l’illustration des solidarités qui se tissent entre proscrits dans un climat de ferveur républicaine » [9].

Parallèlement, avec son épouse, ils exhument, également ensemble, le manuscrit autobiographique de Jean GRAVE (1854-1939), militant libertaire, ami de KROPOTKINE et d’Elisée RECLUS, sur le mouvement anarchiste post-communard qui avait été publié en 1930 dans une version universitaire édulcorée. Et c’est ainsi que de son côté  son épouse entreprend la réédition du manuscrit à partir du titre et du texte d’origine, ce qui  donne, un peu plus tard, présenté et annoté par Mireille DELFAU, la publication de l’ouvrage Quarante ans de propagande anarchiste, préfacé par Jean MAITRON [10] (Editions Flammarion, 1973).

C’est dans ce contexte que Gérard est invité à participer, en mai 1971, au colloque de Paris commémorant le centenaire des Evènements de Mai 1871 pour y présenter, avec Anne ROCHE, alors Maître-assistant à l’université de Provence, une contribution sur La Commune et le roman français.

 C/ L’enseignant à l’université de Paris VII

Au lendemain de mai 68 [11], la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968 – dite loi  » Edgar Faure  » (du nom de son auteur) – crée des établissements d’un type nouveau : « les établissements publics à caractère scientifique et culturel » (EPCSC). Les anciennes facultés disparaissent et sont remplacées par des unités d’enseignement et de recherche (UER).

1/ La naissance de l’UER « Science des Textes et Documents »

C’est dans ce contexte de réforme universitaire que, suite au démantèlement de l’université de Paris, Gérard DELFAU suit Pierre ALBOUY à la nouvelle université de Paris VII pour y partager, avec la création du département de Lettres par son mentor, la formidable mutation des sciences humaines qui s’opère alors sous la triple influence du marxisme, de la psychanalyse et de la linguistique. Autour de Pierre ALBOUY, il participe alors, avec une trentaine d’enseignants, à la naissance de l’UER « Science des textes et documents ».

 2/ L’interaction entre l’Histoire et la Littérature

Mais dans l’effervescence de cette période, où les esprits sont parfois surchauffés, il se heurte vite au dogmatisme de certains de ses collègues nostalgiques de mai 68 et de la révolution permanente, et il crée alors, à la rentrée 1972, avec l’historienne Michelle PERROT, les premiers travaux dirigés d’Histoire et Littérature qui se poursuivront après le départ de celle-ci : il s’agit d’éclairer, à partir de l’Histoire, les grandes œuvres littéraires.

Faisant part à sa collègue Anne ROCHE – qui avait participé avec lui au colloque du centenaire de la Commune – de son désir d’étudier, avec elle, l’interaction entre l’Histoire et la Littérature depuis le 19ème siècle, et après un partage des tâches sur les périodes investies par chacun d’eux, la réalisation de ce projet est menée à son terme avec la sortie, en 1977, aux éditions du Seuil, du livre Histoire/Littérature qui connaît tout de suite un vif succès (critiques positives dans les revues spécialisées, multiples traductions en langues étrangères). À la même époque, Gérard DELFAU, reconnu par ses pairs au sein de la communauté universitaire, est promu Maître-assistant à l’université de Paris VII.

Mais s’il a jusqu’alors, privilégié sa carrière professionnelle universitaire par rapport à son engagement politique, la politique n’est jamais très loin de lui et il va répondre, à partir de 1977, à son appel de manière plus affirmée en se lançant à la conquête de mandats politiques.

II/ Le maire de Saint-André-de-Sangonis (1977-2008)

Saint-André-de-Sangonis est une petite commune de la vallée de l’Hérault… installée dans la routine viticole et coincée entre Clermont-l’Hérault et Gignac deux chefs-lieux de canton où le Conseil général exerce un magistère sans égal. Mais c’est là, à Saint-André-de-Sangonis, que vivent les parents de Gérard DELFAU et où il a passé son enfance.

A/ Devenir maire

Le point de départ de l’élection de Gérard DELFAU, comme maire de Saint-André-de-Sangonis pendant 31 ans, date des élections municipales de mars 1977 qui se déroulent, pour lui, sous les auspices de l’Union de la gauche [12].

Malgré l’échec de l’élection présidentielle de 1974, le PS s’est lancé dans une stratégie de conquête du pouvoir depuis 1972. Aussi, dans les années 1976-77, le nouveau parti socialiste, né à Épinay en 1971, a-t-il besoin d’une implantation territoriale, et cela d’autant plus que son chef, François MITTERRAND – mentor politique de Gérard DELFAU – considère lui-même que la conquête d’un mandat local est le point de passage obligé de tout cursus politique, comme il en a fait lui-même l’heureuse expérience personnelle à la mairie de Château-Chinon.

 

Aussi, dès 1976, incite-t-il « DELFAU » à devenir un élu local dès les prochaines élections municipales de 1977. Mais, compte tenu des tensions au sein de la section du Parti socialiste, le choix effectué par Gérard DELFAU de se présenter à l’élection de la mairie de Saint-André-de-Sangonis est subordonné, pour lui, à l’existence d’un consensus assez large en sa faveur, ce qu’il souhaite vérifier au préalable. Ces contacts et démarches préliminaires s’étant avérés positifs, sa candidature est ensuite officialisée et approuvée par la section locale du Parti socialiste.

 

1/ À la tête de la liste d’Union de la Gauche

À la surprise de certains de ses amis, Gérard DELFAU, bien que conduisant une liste d’union de la gauche, développe néanmoins une campagne électorale de proximité et de courtoisie : rencontre d’un ancien maire de droite, bien ancré dans ses convictions mais ayant œuvré, dans les années 1950, pour le bien de sa ville en réalisant le tout-à-l’égout et en la dotant de grosses infrastructures ; réception de toutes les associations.

Le point d’orgue de sa campagne électorale est la visite de François MITTERRAND quelques jours avant les élections.

Mais connaissant le passé ancestral tumultueux de Saint-André – où la République a eu du mal à s’établir et réactivé aujourd’hui par l’existence du Programme commun [13] -, le candidat d’union met en avant les deux qualités suivantes nécessaires à tout mandat municipal : « la rigueur dans la gestion publique et la capacité à rassembler ».

2/ Une victoire totale

Entre le premier et le second tour, sa liste rafle la totalité des 19 sièges, ce qui permet aux 2 candidates communistes qui n’avaient pas été élues au 1er tour de rejoindre la nouvelle majorité municipale au 2ème tour.

C’est dans une ambiance euphorique que Gérard DELFAU est élu maire par le nouveau conseil municipal qui ne compte aucun représentant de la liste adverse. Le nouveau maire attribue deux postes d’adjoints aux élus communistes avec lesquels l’entente va être parfaite.

La nouvelle équipe municipale se met aussitôt au travail qui commence par l’ouverture d’une cantine scolaire à l’école publique grâce à l’aménagement en restaurant scolaire de l’ancien préau de l’école. Et la municipalité qu’il dirige sera constamment au service de l’école publique en ce qui concerne la construction de locaux adéquats et salubres (maternelle, école primaire).

Par ailleurs, conformément à la charge de l’entretien des édifices religieux qui incombe aux collectivités municipales, la réfection du toit de l’église qui prenait l’eau a été également entreprise.

B/ Les premières réalisations municipales

D’autres réalisations se succèdent ainsi les unes aux autres.

1/ La réforme de l’Institut médico-éducatif (IME)

La nouvelle équipe municipale doit faire face à la situation préoccupante de l’Institut médico-éducatif créé en 1960, sous le nom d’Espélidou, dans la commune de Saint-André-de-Sangonis qui accueille des jeunes filles handicapées en provenance de la région parisienne. Son siège social est assez éloigné (ville de Clamart) et les parents sont dissuadés de venir voir leurs enfants.

Quant aux municipalités successives de Saint-André-de-Sangonis, elles ont été tenues à l’écart de sa gestion.

Son conseil d’administration, resté parisien, est entre les mains d’un prêtre rigoriste et autoritaire qui n’a pas les titres requis exigés par l’administration de tutelle. Ayant tous les pouvoirs et les exerçant sans partage, il dirige l’Institut d’une main de fer en n’hésitant pas à infliger des sévices aux enfants.

Bien qu’ayant été informées de tels agissements, les autorités civiles et religieuses ont observé un silence complice jusqu’ à ce qu’une jeune-fille de 13 ans, trisomique, y trouve la mort dans des circonstances sordides [14] à la suite de l’intervention répressive et abominable du directeur de l’Institut [15] .

Devant tant d’aberrations et de gâchis, et pour sortir de l’impasse, Gérard DELFAU s’adresse alors aux autorités de l’Etat dans le département et la région pour qu’elles prennent enfin leurs responsabilités mais il se heurte, tant du côté de la sous-préfecture que de la préfecture de région, à une position passive en faveur du statut quo.

Notre élu local va se tourner alors vers l’Eglise car le prêtre mis en cause dépend toujours de l’archevêché de Paris, ce qui l’incite à s’adresser à celui-ci.

Et c’est ainsi qu’après une rencontre de Gérard DELFAU avec le cardinal MARTY lui-même, suivie de l’intervention de celui-ci auprès de la Ministre de la Santé (Mme Simone VEIL), l’IME, au printemps 1978, va enfin changer de mains, de nom, de direction et de gestionnaire avec le dépôt en préfecture des statuts d’une association communale. Celle-ci est dotée d’un conseil d’administration, présidé par Gérard DELFAU et dont le Vicaire général chargé des handicapés à l’archevêché de Paris est le vice-président. Il comprend des parents de résidents, des membres de l’équipe municipale, des élus locaux, maires de communes voisines et conseillers généraux représentant le pays de l’Hérault, des personnalités qualifiés du monde éducatif et administratif préfectoral. L’établissement prend alors le nom d’Ensoleillade, et dans son fonctionnement quotidien, confié à des professionnels compétents, comme dans son administration – prise en charge par des acteurs essentiellement locaux attachés à sa mission et ayant noué des liens solides –, il continue sa vie aujourd’hui, pour le plus grand profit de ses pensionnaires.

2/ Faire face à la crise viticole

Domaine viticole dans l’Hérault

Que des gens ne puissent pas vivre de la sueur de leur travail est dramatique. Or, régulièrement, le Midi de la France est secoué par une crise viticole récurrente depuis le début du 20ème siècle [16]. Lorsqu’il devient maire d’une commune rurale située dans le vignoble de la Vallée de l’Hérault, en 1977, Gérard DELFAU se trouve au cœur de la crise viticole qui frappe le Languedoc-Roussillon. Avec le Marché Commun et l’ouverture de nos frontières aux vins italiens, la concurrence est rude et tire vers le bas le prix des vins de table languedociens qui sont la colonne vertébrale de l’économie régionale vouée à cette monoculture depuis des siècles.

Bien que le premier Règlement consacré à l’organisation commune du marché (OCM) vitivinicole ait été instaurée en avril 1962 en vue de mettre en œuvre les objectifs de la PAC (stabiliser les marchés et garantir un niveau de vie équitable aux exploitants agricoles), comme le relève justement Gérard DELFAU, la première véritable organisation commune du marché interviendra en 1970 avec la mise en place d’un régime d’intervention et le développement des thématiques d’action qui constitueront dès lors une constante des OCM.

Ci-dessous, une commémoration de l’affrontement sanglant de Montredon

du 4 mars 1976 toujours présent dans les mémoires des viticulteurs 

La situation est difficile pour les viticulteurs locaux qui sont dans une effervescence permanente et dont le mouvement de contestation est relayé par les organisations professionnelles habituelles mais aussi, depuis 1970, par les Comités d’action viticoles (CAV) plus virulents et adeptes des opérations coups de poing sur la voie publique ou dans le port de Sète pour s’opposer à l’importation des vins italiens. Le monde viticole a un sentiment d’abandon et d’incompréhension du côté des pouvoirs publics au point que, début mars 1976, le conflit dégénère avec la tragique fusillade de Montredon où s’affrontent, près de la gare de ce petit village à proximité de Narbonne, des manifestants armés de fusils de chasse et deux compagnies de CRS faisant deux morts et une trentaine de blessés.

La perspective de la candidature de l’Espagne en vue de son adhésion au Traité européen du Marché Commun, après celles de la Grèce et du Portugal déjà impulsées et en cours de réalisation, ne fait qu’aggraver la tension du fait que ces trois pays, après l’Italie, sont eux-mêmes également des pays viticoles et donc des concurrents potentiels des vins du Languedoc-Roussillon.

Le Président de la République en exercice (Giscard d’Estaing) oriente la solution du problème vers la suspension de l’adhésion en cours de ces pays en demandant à la Communauté de se concentrer sur les problèmes liés au premier élargissement du Marché Commun [17] avant d’en entreprendre un second. De son côté, succédant à Jacques CHIRAC, son nouveau Premier Ministre Raymond BARRE préconise, en juillet 1977, de subordonner, dans une formulation un peu vague, l’entrée des trois pays méditerranéens à la nécessité d’accorder des « garanties indispensables » aux agriculteurs méridionaux.

Sur la suggestion de Gérard DELFAU, l’idée de BARRE est reprise par le Parti Socialiste et débouche sur le fameux rapport SUTRA : oui à l’entrée des nouveaux pays viticoles au sein de la CEE mais à la condition de garantir la viticulture et les productions de fruits et légumes du Languedoc-Roussillon. Le PS se mobilise sur la question et son Premier Secrétaire, François MITTERRAND adoube Gérard DELFAU pour organiser à Montpellier un Bureau Exécutif du Parti – élargi aux parlementaires – réuni autour de DELFAU et Georges SUTRA, lui-même vigneron, et consacré à la question viticole régionale. François MITTERRAND rend même visite à Georges SUTRA sur ses terres, dans la campagne de Monplezy sur la commune de Tourbes.

3/ La nécessaire transformation des cépages du Languedoc

Dans cette effervescence politique et régionale, c’est à partir de 1978 que va se développer la « révolution silencieuse » au sein du monde viticole languedocien où va peu à peu s’opérer une conversion des viticulteurs à partir de la prise de conscience que la poursuite de la production des vins de table conduit à une impasse si l’on n’oriente pas la production viticole locale vers une viticulture de qualité. Déjà, certaines organisations viticoles ont joué un rôle pionnier en obtenant le classement de leurs chais en VDQS ou même en AOC. Les « vins de pays » ont ensuite succédé aux VDQS.

Mais il faut encore inciter à la transformation des cépages du Languedoc. En octobre 1979, un document d’une quarantaine de pages – intitulé « Maintenir, Créer, Changer, Eléments pour une réflexion sur le Languedoc-Roussillon » cosigné par Gérard DELFAU, François RAMEAU [18] et Georges SUTRA qui prend en compte l’aspect écologique de la question accordant une place privilégiée aux espaces naturels, lagunes et étangs (dont l’étang de Thau et sa conchyliculture) – consacre d’abondants développements à la viticulture languedocienne, l’ensemble du document étant émaillé de la préconisation de quelque 168 mesures.

Cette initiative, loin d’être isolée, s’accompagne d’un foisonnement de rapports au sein de la gauche, tels celui du CERES et du PCF portant sur la cause du développement du Languedoc-Roussillon.

Sur cette même cause, le PS mobilise, en son sein, de manière intense, toute une génération de quadras : outre Gérard DELFAU lui-même, toujours à l’avant-poste, Georges SUTRA, devenu député européen depuis 1979 (PS) ; Pierre GUIDONI, député de l’Aude (1978) – qui deviendra, en 1983, ambassadeur de France en Espagne ; Jean LACOMBE, spécialiste des problèmes de la mer et futur député (1981) ; George FRECHE (député et maire Montpellier depuis mars 1977).

4/ La découverte de l’Amérique des vins de Californie

Mais Gérard DELFAU ne veut pas en rester là et au printemps de 1982, il décide, accompagné de son épouse et de sa fille, d’aller en voyage d’études s’imprégner de la réussite du vignoble de Napa-Valley en Californie, aux Etats-Unis, afin de s’inspirer de cette expérience pour remodeler le paysage viticole de l’Hérault. Il passe ainsi une semaine sur le vignoble californien et y découvre des vins d’aussi grande qualité que les meilleurs vins de France, alors que l’Hérault demeure encore trop largement cantonné dans la production de vins de table, malgré quelques classements en AOC, l’année même de son voyage outre-Atlantique, du Saint-Chinian et du Faugères… Plus tard, en 1985, viennent ceux des Coteaux du Languedoc et la belle réussite du Picpoul de Pinet. Mais malgré l’inspiration limitée des domaines du Bordelais, ces expériences demeurent encore trop timides, le vin de table étant le lot commun des petites exploitations familiales de subsistance recherchant de gros rendements au détriment de la qualité, comme c’est encore le cas dans la commune dont il devient maire. Les petites exploitations acquises, parcelle par parcelle au prix de gros sacrifices de leurs exploitants, permettent tout juste de faire vivre les familles qui y sont installées, de père en fils, l’autre débouché des enfants de ces familles laborieuses étant l’accès à la fonction publique.

À l’opposé l’entreprise viticole californienne qu’il visite possède ses œnologues, bordelais ou bourguignons, produisant des vins capiteux et aromatiques, bien titrés, vendus à la bouteille, à un prix très rémunérateur, et souvent de manière directe, à la propriété attirant le maximum de visiteurs, offrant les services d’un restaurant voire l’hospitalité de gîtes possédant quelques chambres ouvertes aux visiteurs et clients de passage.

Gérard DELFAU en tire la conclusion de la nécessité de transformer le vignoble de l’Hérault vers des vins de qualité décrochant la label AOC décerné par l’INAO ou bien des vins de pays bien typés.

À son retour, il diffuse au sein de coopératives un petit Mémoire sur sa visite californienne mais dont il constate vite le peu d’impact sur la pratique des producteurs locaux de sa propre commune. En revanche, il a la satisfaction de voir la commune voisine de Saint-Félix-de-Lodez opérer la conversion de ses vins de table en les orientant vers des AOC obtenues pour une partie de son terroir à partir de 1987. Entre-temps pour donner plus d’ampleur et de résonance à la nouvelle transformation des vins de la commune de Saint-Félix-de-Lodez vers des vins de qualité, il propose à l’équipe dirigeante municipale de faire de cette nouvelle orientation un évènement marquant sous la forme de la création d’une foire aux vins primeurs en liaison avec l’association de développement local, ce qui se réalise en novembre 1985. A cette occasion, Gérard DELFAU présente une plaquette portant le titre « Un grand vignoble au cœur du Lodévois et de la Moyenne vallée de l’Hérault se raconte » qui est la préfiguration de son livre qui va suivre « Sites et vins du Pays d’Hérault » [19].

5/ L’effervescence du monde des marins-pêcheurs

Ci-dessous, retour de pêche à la criée de Sète, où les pêcheurs déchargent leur prise du jour

La criée aux poissons du port de Sète | Bruno de Hogues - photographe ...

Après celui des viticulteurs, un autre conflit va éclater au cours de l’été 1980. En juillet et août, le monde de la pêche est à son tour en révolte revendiquant une rémunération correcte de ses activités. Les 6 000 km de côtes sont touchées dans leur quasi-totalité : blocus maritime des ports de plaisance, paralysie des complexes portuaires marchands, affrontements physiques en mer. Le contraste est frappant entre la modestie du nombre de pêcheurs concernés (20 000) et l’ampleur et le retentissement du mouvement national.

Parti de Boulogne, le mouvement s’étend progressivement à la Normandie, la Bretagne, et enfin le Midi, avec les ports de Sète, Fos-sur-Mer, Port-de-Bouc, avec parfois, dans ce dernier port, des affrontements entre pêcheurs et forces de l’ordre.

Dans les diverses collectivités territoriales (Conseil général, Conseil régional) et au niveau de ses élus locaux et nationaux, le PS fait bloc autour des marins-pêcheurs de Sète.

Gérard DELFAU publie une « Libre opinion » dans le Midi Libre du 28 août 1980 où, en tant que Délégué Régional du PS, il affirme sa solidarité aux marins-pêcheurs mais aussi à toutes les catégories socioprofessionnelles en lutte et en souffrance dans le Languedoc-Roussillon face à l’inertie du pouvoir politique incarné alors par le régime giscardien issu des élections présidentielles de 1974.

6/ À la rencontre des paysans du Larzac en colère contre l’extension du camp militaire

Un autre conflit, celui des paysans du Larzac, qui se développe entre 1970 et 1981, va mobiliser les forces professionnelles et politiques autour des terres des paysans contre l’extension du camp militaire.

L’origine du conflit réside dans l’expropriation des paysans du Larzac de leurs terres au profit de l’extension d’un camp militaire existant [20] qui doit ainsi passer de 3 000 à 17 000 hectares, ce qui doit concerner pas moins d’une douzaine de communes.

L’opposition au projet s’organise d’abord autour de 103 paysans locaux qui se sont insurgés  contre l’expropriation de leurs terres à la suite du projet du ministre de la Défense, Michel DEBRÉ (UDR), sous la présidence POMPIDOU.

Ci-dessous, mobilisation et lutte des paysans 

du Larzac de manière non violente

Gérard DELFAU nous confesse qu’avant d’être pour lui une affaire politique, le Causse du Larzac est déjà un sujet de proximité et même une affaire de famille car des oncles, des tantes et de nombreux cousins y vivent dans des conditions austères et difficiles.

Le 28 mars 1972, le « Serment des 103 » lie les agriculteurs l’ayant prêté à refuser de vendre leurs terres à l’armée.

Les 25 et 26 août 1973, autour de 80 000 personnes participent sur le Larzac à une manifestation de soutien aux paysans, et l’année suivante François MITTERRAND se rend à une nouvelle manifestation massive de soutien aux paysans du Larzac.

Et bien que pris à partie par un groupe gauchiste, c’est là que, selon Gérard DELFAU, va se sceller l’alliance du leader socialiste avec les 103 paysans du Larzac, alliance qui, au fil des années, ne cesse de se resserrer dans la « guerre d’usure » contre le pouvoir politique en place jusqu’à la victoire de François MITTERRAND en 1981.

Ci-dessous, marche du Larzac à Paris

contre l’extension du camp militaire

Gérard DELFAU  a été le témoin et aussi l’un des acteurs de la mobilisation des paysans du Larzac qui pour riposter contre les premières expropriations lancent, le 8 novembre 1978, une marche sur Paris, avec, à l’arrivée, un accueil chaleureux de 50 000 manifestants parisiens le 2 décembre qui défilent avec eux jusqu’à la place de la Bastille. Une délégation des paysans du Larzac est conduite ensuite par Gérard DELFAU jusqu’au domicile de François MITTERRAND, rue de Bièvre. La mobilisation ne faiblit pas jusqu’à la victoire de la gauche à la présidentielle du 10 mai 1981.

Et fin mai 1981, Gérard DELFAU apprend, par Jean GLAVANY, chef de cabinet du Président, que lors du prochain Conseil des ministres du 2 juin va être annoncée la fin de l’extension du camp militaire du Larzac.  Moment d’intense émotion, de joie, et de bonheur pour Gérard !

III/ le sénateur de l’Hérault (1980-2008)

« En un mot, comprendre les blocages, faire bouger en douceur, être un médiateur, telle sera ma ligne de conduite… Certes, je ne me faisais pas d’illusions. Je savais qu’au final l’Exécutif, appuyé sur une majorité, impose sa loi, sauf exception. Mais je savais aussi que le parlementaire, s’il fait usage des moyens mis à sa disposition, peut faire un travail approfondi dans un domaine précis, et qu’il dispose alors d’un pouvoir d’influence non négligeable. » (Gérard DELFAU, p. 166)

A/ Décrocher un mandat national

A la fin des années 70, et malgré ses premières années d’implication intense et ses succès dans son mandat de maire doublées de sa reconnaissance comme Délégué régional du PS à la faveur de la crise halieutique, il apparaît très vite à Gérard DELFAU que s’il veut conforter son assise locale  en tant qu’élu et aussi militant au sein de la fédération du PS de l’Hérault  dominée par les notables du Parti – qu’il dérange par sa rigueur et son indépendance d’esprit -, il lui faut décrocher un mandat national de parlementaire qui seul lui permettra d’obtenir la légitimité et l’implantation nécessaires pour réaliser un travail politique de fond dans cette vieille fédération.

1/ Devenir sénateur

Attendre les prochaines élections législatives lui paraît trop loin – car elles n’auront lieu normalement qu’en 1983 -, alors qu’au contraire les élections sénatoriales sont proches, devant elles-mêmes se tenir en septembre 1980.

Mais pour cela il va devoir affronter les caciques du PS confortablement installés au sein du Conseil général, vieux bastion du PS – lesquels ont déjà leurs propres candidats pré-désignés – pour obtenir ensuite, début 1980, l’investiture au niveau des sections du PS de la fédération. Les choses sont loin d’être simples car les sensibilités sont vives et les appétits bien aiguisés, mais, très déterminé et après beaucoup de tensions et d’affrontements ouatés, GD obtient l’investiture des sections du PS au niveau de la fédération.

En juillet 1980, Gérard DELFAU entreprend la « visite » des 342 communes concernées et sillonne le département pour rencontrer les maires et une partie des conseils municipaux.

Avec les deux autres candidats, eux-mêmes déjà militants très chevronnés du PS, il est vite frappé par la vive déférence des élus municipaux pour le mandat sénatorial dont ils connaissent l’importance et le rôle actif à l’égard des collectivités locales.

Le dimanche 28 septembre 1980, dans le vieux Palais de Justice de Montpellier, les résultats tombent à 18h : Gérard DELFAU est élu sénateur de l’Hérault en 3ème position.

Et bien que les fonctions sénatoriales ne soient pas incompatibles avec un poste d’enseignant du Supérieur, il demande aussitôt sa mise en disponibilité à l’université Paris VII car il souhaite se consacrer à plein temps à son nouveau mandat de sénateur.

Personnellement, il ressent une immense fierté d’être sénateur de la République et il partage sa joie avec sa famille, ses amis fidèles et tous ses proches qui l’ont aidé et soutenu dans son ascension politique.

Et cela d’autant plus qu’en sous-mains, les caciques du Conseil général se sont efforcés de faire voter pour son rival, lui-même conseiller général, maire de Mèze, et appartenant au parti radical de gauche.

Gérard DELFAU va être réélu sénateur successivement en 1989 et 1998 et entamer pendant une trentaine d’années un parcours sénatorial assez solitaire.

2/ La découverte du Sénat

Au début, à partir de 1981, en tant que sénateur socialiste, il va participer avec enthousiasme aux grandes réformes faisant partie des 110 propositions du candidat François MITTERRAND [21] – s’inspirant du programme commun (signé en 1972 avec le PCF) – et à leur mise en œuvre : retraite à 60 ans ; nationalisations ; décentralisation ; abolition de la peine de mort.

Ci-dessous l’hémicycle du Sénat (Palais du Luxembourg)

Quant à sa première perception du Sénat, lorsqu’il y entre, Gérard DELFAU note qu’il est très positivement impressionné par le respect mutuel qui y règne entre sénateurs, quelles que soient les lignes politiques adverses auxquelles ils appartiennent. Dans les commissions, comme en séance publique, la règle est celle de la courtoisie.

Gérard DELFAU cite volontiers l’expérience du sénateur Henri CAILLAVET [22], et notamment ses propos laudatifs sur le Sénat, Haute assemblée, qui constitue, selon ce dernier, un lieu politique calme, empreint de sérénité, propice à la réflexion, et où l’on s’écoute et ne s’interrompt pas.  C’est, appuie-t-il, ce que lui-même a pu vérifier au cours de ses 28 années de mandat sénatorial.

B/ La gauche et la promotion du budget de l’Éducation nationale

Rien d’étonnant que ce professeur de lettres qui est passionné par son métier depuis de nombreuses années soit appelé, au sein de la Commission des Finances, à être le rapporteur du budget dévolu à l’enseignement scolaire ainsi que sur l’ensemble du budget de l’Education nationale au moment où Alain SAVARY en est le ministre.

Lors de l’alternance politique suivant mai 1981, au Sénat [23], à l’occasion de la discussion du budget de l’enseignement scolaire, Gérard DELFAU met l’accent sur son augmentation substantielle de plus de 17% par rapport au précédent. Il souligne également que l’importance accordée à l’enseignement technique et professionnel manifeste la volonté du Gouvernement de lutter contre le chômage des jeunes en leur dispensant une formation adéquate en vue de les préparer à entrer dans la vie professionnelle [24].

 

 

1/ La mobilisation en faveur de l’enseignement professionnel

Début 1982, le rapporteur du budget de l’Education nationale n’oubliant pas ses origines sociales, se mobilise sur l’enseignement professionnel qu’il veut découvrir auprès de ses acteurs de terrain, n’hésitant pas à procéder à une série d’auditions lui permettant de rencontrer les représentants des chefs d’établissement et des syndicats d’enseignants ainsi que les dirigeants du MEDEF et des chefs d’entreprise pour comprendre la marginalisation de ce secteur de l’enseignement et se mettre à l’écoute de leur expérience et de leurs préoccupations et aspirations en faveur des jeunes. Il achève ses auditions par celles d’universitaires pour donner plus d’ampleur à sa propre investigation afin de mieux cerner les besoins et les confronter à la position officielle du Ministère de l’Education nationale et à ses dotations. Et lors de l’examen du budget suivant, il peut faire le tour de la question en faisant de l’enseignement technologique et professionnel la priorité de son rapport. Par les nombreuses créations de postes d’enseignants mais aussi de personnels administratifs et techniques dans les lycées professionnels, ainsi qu’au niveau de l’augmentation des crédits consacrés à la rénovation d’établissements vétustes et à leur équipement, il souligne, dans son rapport, l’importance de l’effort développé. En même temps, il est vite devenu lui-même un Rapporteur apprécié et consulté par le ministère ainsi que le correspondant naturel des acteurs de terrain avec lesquels il a construit un climat de confiance et un rapport de respect mutuel.

2/ La création des baccalauréats professionnels consécration de l’enseignement professionnel en 1985

À l’automne 1985, le nouveau Ministre de l’Education nationale Jean-Pierre CHEVÈNEMENT et son Secrétaire d’Etat à l’Enseignement technique et technologique, Roland CARRAZ, présentent un projet de loi-programme qui va devenir la loi-programme du 23 décembre 1985 sur l’enseignement technologique et professionnel qui crée le baccalauréat professionnel. Lors de la discussion du texte devant le Sénat, Gérard DELFAU, au nom du groupe socialiste, soutient avec ardeur cette orientation destinée à « bâtir une filière de la réussite pour tous » [25] qui abandonne l’idée et la pratique anciennes de l’existence d’une filière noble – celle de l’enseignement général – et une formation professionnelle « par principe dévalorisée et dévalorisante » [26]. Grâce au nouveau projet, souligne le rapporteur, « le verrou saute : l’enseignement général, technologique et professionnel se voit désormais doté du même diplôme salvateur, le Baccalauréat. » [27]

Gérard DELFAU regrette qu’aujourd’hui l’enseignement professionnel ne fasse plus l’objet de la même attention de la part du pouvoir politique alors qu’un millier de quartiers où vivent les classes populaires sont abandonnés et livrés au communautarisme ravageur autour de regroupements ethniques ou/et religieux – contraires à l’éthique républicaine – dans un climat conflictuel attisé par le fondamentalisme islamique. La refondation de l’École républicaine – à laquelle, estime-t-il, s’était courageusement attelé le ministre socialiste Vincent PEILLON – s’est perdu dans les sables de la polémique portant sur la réorganisation du temps scolaire.

L’on peut aller encore plus loin dans ce sombre et lucide constat de Gérard DELFAU. En effet, nous pensons quant à nous, qu’il est regrettable que le pouvoir politique ayant la charge de l’intérêt général perde de vue cette loi de la vie qui veut que parfois les religions prospèrent lorsque la scène politique étant vide, les gens, surtout de condition modeste, n’ayant plus l’espoir d’un accès au bonheur sur terre que leur refuse leurs gouvernants, se tournent alors vers le ciel pour combler toutes leurs frustrations, humiliations et révoltes, soit de manière passive le plus souvent, mais aussi parfois de manière plus éruptive et volcanique à travers l’expression la plus intégriste de leur religion en contestant par la violence l’ordre établi. Ils ont le dos au mur et estiment n’avoir plus rien à perdre.

C/ Une nouvelle victoire contre l’appareil local du PS (1998)

En 1998, lors du renouvellement du Sénat, évincé par le candidat de Georges Frêche – devenu Premier secrétaire fédéral de la fédération du PS depuis 1993 et présenté au nom du PS avec l’appui de la nomenklatura locale du parti – Gérard DELFAU se présente en candidat indépendant pour un nouveau mandat. Et contre toute attente, malgré la coalition des appareils politiques contre lui, il est largement réélu le 27 septembre 1998 pour un troisième mandat [28], grâce au « lien étroit » qu’il a su tisser avec les maires.

Analysant cette belle victoire, pour Gérard DELFAU, il ne fait guère de doute que l’origine de ce lien étroit avec les élus locaux réside dans sa « Lettre » – qu’il a créée en 1994, sous la forme sobre et dépouillée d’un recto-verso [29], pour donner des « Nouvelles du Sénat et de l’Hérault », tirée à 2 500 exemplaires destinés aux Maires et à leurs conseils municipaux mais aussi aux administrations, à la presse, à des associations et des personnalités départementales ou régionales, visant à  retracer ses activités au Sénat ainsi que ses diverses interventions pour plaider la cause et les dossiers des municipalités – a joué un rôle de premier plan dans sa réélection, et cela d’autant plus que la fréquence de cet outil de communication est soutenue à raison de 6 à 8 numéros annuels [30].

Pour autant, Gérard DELFAU considère qu’il doit également sa victoire à son rapprochement avec un élu local militant du Parti radical de gauche depuis 1945, et authentique figure de l’union de la gauche à Agde, avec qui il forme une solide équipe pour ces élections sénatoriales de 1998.

Après l’inertie de la direction nationale du PS (ESTIER, HOLLANDE) à vouloir remettre de l’ordre au sein de la fédération PS de Montpellier, Gérard DELFAU adhère, en janvier 1999, au PRG (Parti Radical de Gauche) dirigé par Jean-Michel BAYLET depuis 1996 – dont l’attachement à la laïcité, à la fraternité, à la tolérance et à l’Europe sont conformes à ses convictions profondes –  et rejoint au Sénat le groupe RDSE (Rassemblement démocratique, social et européen) composé d’une quinzaine de radicaux et quelques centristes où il siégea jusqu’à la fin de son mandat en jouant au sein de ce groupe le rôle de porte-parole tout en infléchissant, en séance, la position des sénateurs socialistes avec lesquels il avait maintenu des positions amicales.

IV/ Le militant du Parti socialiste

Gérard DELFAU a un peu plus de vingt ans [31] lorsqu’en 1958, à la suite de la douloureuse guerre d’Algérie, éclate la crise des institutions de la 4ème République qui conduit au retour du général de Gaulle à la tête de l’Etat.

Né dans une famille aux traditions politiques partagées entre la droite (mère, marquée par l’influence de l’Eglise catholique) et la gauche (père, ancien membre du Cercle Edouard Herriot du parti Radical socialiste [32]), Gérard DELFAU se sent « viscéralement » de gauche par sa culture politique attachée à l’histoire du mouvement ouvrier, à la Commune de Paris, aux grandes heures du Front populaire incarné par Léon Blum et au programme du Conseil national de la Résistance.

Mais il a du mal à se situer, et davantage encore à s’engager, par rapport à l’échiquier politique complexe et confus quant à la clarté politique de l’heure.

A/ La découverte de la Convention des institutions républicaines à la faveur de l’élection présidentielle de 1965

À droite, le gaullisme triomphant, malgré le trouble et l’intérêt qu’il suscite parfois à gauche, n’attire pas Gérard DELFAU car ce nouveau régime conservateur, outre qu’il véhicule à la fois un ordre moral et social discutable, s’empresse également d’introduire dans notre enseignement, dès 1959, un nouveau dualisme scolaire avec l’aide à l’enseignement privé résultant de la loi Debré.

1/ Le temps des hésitations dû à la difficulté de trouver à gauche un parti politique correspondant à sa propre identité politique

Mais, à gauche, Gérard DELFAU ne trouve guère de raisons de s’engager. Il rejette le naufrage colonialiste de Guy MOLLET et de la vieille SFIO englués dans la troisième force aux côtés du MRP et discrédités par la politique de volte-face et de répression en Algérie (pouvoirs spéciaux) et l’envoi de troupes  du contingent.

Gérard se tient également instinctivement à distance du PCF car, contrairement à beaucoup d’intellectuels de sa génération – séduits par son messianisme, son action dans la résistance et son programme résolument de gauche -, il a du mal à rallier cette organisation politique très structurée et disciplinée, sans doute parce qu’il est lui-même trop attaché à son indépendance et à son libre-arbitre.

Reste le Parti Socialiste Unifié – le plus souvent désigné par son sigle « PSU » – fondé en 1960 [33]. Mais Gérard DELFAU s’abstient de passer par cette case politique car il est plutôt sévère à son endroit, le considérant comme une force de division à gauche faisant objectivement le jeu du gaullisme avec sa prétention à bâtir une gauche nouvelle à la conquête du pouvoir. Or DELFAU analyse le PSU comme un conglomérat d’intellectuels transfuges du PCF, ou de déçus critiques de l’agonisante SFIO. Petit parti, le PSU rassemble alors des personnalités politiques, souvent brillantes mais fondamentalement anticommunistes qui dissertent volontiers pendant des heures sur la révolution prolétarienne, alors qu’ils sont bien éloignés des préoccupations quotidiennes de leurs concitoyens souffrant d’un maigre pouvoir d’achat, de la précarité de leur emploi et de leur mauvaise condition de logement. Selon lui, le PSU est ainsi à l’origine de cette deuxième gauche – ex militants de la SFIO et du PCF – submergée par la vague gauchiste dont Michel ROCARD doit s’accommoder pour rester aux manettes de ce parti [34], alors qu’on ne cesse de présenter cette « deuxième gauche » comme réformiste, sérieuse et réaliste pour mieux critiquer, plus tard, ce que va être le choix du Programme commun effectué par MITTERRAND en 1972.

2/ Le choix de la Convention des institutions républicaines (CIR)

En 1965, Gérard DELFAU se range, sans hésitation, derrière la candidature de François MITTERRAND à la présidence de la République car elle est portée par l’union des forces de gauche constituées par la SFIO, le Parti radical, le PCF et, un peu plus tard, par le PSU. Et contre toute attente, le candidat commun de la gauche met en ballottage le général de Gaulle alors que celui-ci, quelques semaines avant le scrutin, est encore donné largement vainqueur par les sondages dès le premier tour.

Ci-dessous, logo de la Convention des institutions républicaines

À cette occasion, se créent un peu partout en France des comités de soutien à la candidature de François MITTERRAND, à l’instar de celui de l’Hérault animé par Gérard DELFAU autour d’une trentaine de personnes. Ceux-ci se transforment vite en structures départementales de la Convention des Institutions Républicaines [35] qui avait été créée en 1964 autour de François MITTERRAND et rassemblant des clubs, des regroupements et des personnalités diverses se proposant de rénover le socialisme.

La mise en place entre les deux tours de la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (FGDS) dans l’Hérault par les composantes de la « gauche non communiste » n’est pas une mince affaire dans une région dominée par la SFIO, deuxième force politique après le PCF.

Et l’on assiste, alors, à un épisode assez tendu et rude où le sénateur-maire SFIO de PEZENAS – entendant bien marquer son territoire et faire respecter cette hiérarchie politique locale – invite François MITTERRAND dans son fief, sans en prévenir DELFAU et les instances de la CIR.

Mais Gérard DELFAU n’a pas dit son dernier mot car après le meeting officiel de PEZENAS, cela se termine par la réception de MITTERRAND dans sa maison (à PEZENAS), où, entouré d’une quinzaine de sympathisants et militants locaux, le candidat de l’Union de la gauche leur commente les perspectives ouvertes par son score à l’élection présidentielle, pour le plus grand plaisir de DELFAU, impressionné et définitivement subjugué par la « lucidité » et le charisme de ce « patron » politique qu’il vient de se découvrir.

Au printemps 1966 la Convention des Institutions Républicaines (CIR) existe dans l’Hérault, ce qui n’est guère du goût des notables de la SFIO qui voient naître, à gauche, une formation politique rivale ne professant pas l’anticommunisme habituel du parti de Guy MOLLET. Et c’est ainsi que Gérard DELFAU fait son « entrée en politique », en soulignant qu’il se trouve, bien malgré lui, en opposition avec l’appareil local de la SFIO, ce qui ne fera que se confirmer par la suite au cours de son engagement politique.

3/ L’adoubement au sommet par François MITTERRAND et son entrée dans les instances dirigeantes de la CIR

Ci-dessous François MITTERRAND, en 1969, participant

à une conférence  des « Mardis de l’ESSEC », lors de la campagne 

 pour le ‘non’ au référendum du 27 avril 1969, à propos

 de la réforme des régions et la transformation du Sénat

À peine arrivé à la Sorbonne auprès du professeur Pierre ALBOUY, en septembre 1969, Gérard DELFAU est coopté par Georges DAYAN et surtout par le leader de la CIR, François MITTERRAND, au présidium de la Convention des Institutions Républicaines (exécutif de cette jeune organisation) où, au « 25, rue du Louvre », il rencontre les structures dirigeantes et pensantes de la Convention. Outre son secrétariat, il y a la revue Dire alors animée par Claude ESTIER ; puis l’Institut d’Etudes Socialistes (ISER) dirigé par Pierre JOXE ; enfin, Démocratie et Université [DU (regroupant des enseignants et des étudiants)] fondée en 1967 par Stelio FARANDJIS, alors jeune assistant d’Histoire à la Sorbonne.

Relancée après Mai 68, Démocratie et Université réunit sur un pied d’égalité des enseignants (au départ venant du Supérieur) et des étudiants. Elle rassemble des enseignants de gauche (socialistes et communistes) venus de tous les horizons syndicaux comme Jean PETITE [36], du SNES, dont il sera Secrétaire national adjoint entre 1981-1985 ; Jean-Louis PIEDNOIR, du SGEN-CFDT, très éclairé sur la recomposition en cours de l’univers politico-syndical ; Jean-Claude COLLIARD, assistant à la Faculté de droit de Paris, et bien d’autres encore que Gérard DELFAU n’omet pas de nommer en montrant ainsi que « DU » est une pépinière de personnalités généreuses et talentueuses – dirigeants dont Gérard DELFAU rappelle le brillant parcours -, un carrefour syndical, le creuset de l’Union de la gauche et une « formidable école de cadres ».

Et comme nous le verrons (cf. infra), sous sa dynamique impulsion Démocratie et Université devient vite un laboratoire d’idées ou think tank.

B/ Épinay…  Ou l’unité des socialistes et de l’union de la gauche [37]

Gérard DELFAU évoque « cette étonnante dramaturgie » que va être le congrès d’Epinay – avec le poids des fédérations du Nord, des Bouches du Rhône et du Pas de Calais, fleurons de la SFIO représentant 40% des effectifs – qui démarre le 11 juin 1971, au matin, dans l’imposant gymnase d’Épinay-sur-Seine, dans un climat de « mélange d’allégresse et de gravité ».

Par ailleurs, pas moins de 6 grandes motions d’orientation générale sont soumises au vote des militants pour la préparation du Congrès et présentées et débattues lors des interventions des délégués de chaque parti se succédant à la tribune du Congrès, avec la détermination de ce que doit être la représentation des diverses motions.

En effet, s’agissant de la représentation au sein du Comité directeur des divers courants, au nom du CERES Jean-Pierre CHEVÈNEMENT obtient un premier succès avec l’application de la représentation proportionnelle, à partir du seuil des 5%, en ralliant à lui Claude ESTIER pour la Convention des Institutions républicaines, la motion MAUROY-DEFFERRE ainsi que celle signée par MERMAZ-PONTILLON (Convention-PS) soutenue par François MITTERRAND.

L’enjeu de ce congrès d’Épinay est magistralement analysé par Gérard DELFAU dans les pages 59 à 68. Deux stratégies de conquête du pouvoir s’affrontent.

S’exprimant au nom de la motion SAVARY-MOLLET, pour savoir si l’accord avec le PC doit se faire dès le 1er tour et sur quel contenu, un très net clivage s’opère : Claude FUZIER (de Seine-Saint-Denis) et André BOULLOCHE (du Doubs) – appartenant à la SFIO –  défendent une alliance conditionnelle avec le PCF subordonnant tout accord avec le PCF à « un dialogue idéologique » préalable, afin d’obtenir des « garanties » que la France ne subisse pas le sort des démocraties populaires ; cette position est contestée par Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, pour le CERES, et Claude ESTIER, pour la Convention des Institutions républicaines, qui y décèlent, l’un et l’autre, une volonté de faire de l’union de la gauche un simple slogan sans contenu réel conduisant au statut quo. De son côté, Pierre MAUROY se prononce pour une union avec le PC tout en plaidant pour un renforcement du Parti socialiste.

Au terme du Congrès, deux motions s’opposent : celle, courte, de la motion MITTERRAND rédigée avec le CERES, et celle de la motion SAVARY qui ne lève pas l’ambiguïté quant aux relations avec le PC car elle se réfère à un « dialogue idéologique » toujours aussi flou et peu convaincant.

La motion MITTERRAND est également soutenue par la fédération des Bouches du Rhône dominée par Gaston DEFFERRE [38] jusqu’alors inclinant pour la stratégie de la constitution d’une troisième force, ce qui n’était pas pour rassurer les militants du CERES partisans d’un accord avec le PCF.

Mais CHEVÈNEMENT se fait persuasif et arrive à convaincre les camarades de son courant en faisant valoir que la motion MITTERRAND ne fait que reprendre les positions du CERES au début du congrès tandis que la composition du Comité directeur à la représentation proportionnelle fait du CERES la minorité déterminante des futures majorités.

Lors du vote final, la résolution conduite par MITTERRAND l’emporte sur celle de SAVARY par 43 926 mandats contre 41 757 [39].

Pour Gérard DELFAU, ÉPINAY scelle la stratégie de l’Union de la gauche autour de l’alliance MITTERRAND-MAUROY-DEFFERRE, CHEVÈNEMENT qui ne sera plus remise en cause par la suite. C’est « un congrès fondateur, un congrès historique ».

Au milieu de la semaine suivant le Congrès, F. MITTERRAND est élu à la tête du nouveau Parti socialiste ce qui signifie que la structure « Démocratie et Université » (DU) va jouer un rôle de premier plan dans la reconstruction du Parti socialiste, ce qui rassure Gérard DELFAU et ses amis de DU inquiets de l’alliance à ÉPINAY de MITTERRAND et du CERES avec DEFFERRE symbolisant à leurs yeux le danger toujours possible du retour à la politique de troisième force tant honnie.

C/ L’après Épinay ou la construction du nouveau Parti socialiste (PS)

Ci-dessous, le nouvel emblème du PS, le poing et la rose (rouge)

Il fut adopté par le Parti socialiste après Épinay. Imaginé par des militants du CERES de la fédération de Paris, alors dirigée par Georges SARRE, fin 1969 (conçu par Yann Berriet et dessiné par Marc Bonnet), ce logo représente l’alliance de la force du poing et de la douceur de la rose, évoquant les luttes et les espérances des socialistes. Il fut utilisé en janvier 1970 pour la nouvelle campagne d’affichage de la Fédération de Paris et apparut ensuite sur un tract officiel du PS en septembre 1971. En plateau, lors d’un débat télévisé animé par J. P. Elkabbach, le 15 septembre 1972, François Mitterrand fut invité à répondre à la question de Pierre Sainderichin, journaliste à Sud-Ouest, sur les raisons du choix de l’emblème du poing et de la rose pour symboliser le parti socialiste.

 

Quant à l’identité du nouveau parti socialiste, Gérard DELFAU va puissamment contribuer à sa construction par les responsabilités qu’il assume, d’abord au sein de l’association Démocratie et université (1) ; ensuite, lors de l’ouverture du PS sur le monde de la culture, avec la création de la section socialiste des écrivains, directement rattachée au Premier Secrétaire, que lui confie François MITTERRAND (2) ; puis, par le développement du secteur Formation du PS (3) ; enfin, lors de la prise en charge, entre septembre 1982 et début 1983, des Rencontres des acteurs du changement (4).

1/ Démocratie et Université, laboratoire des idées du nouveau Parti socialiste

Après Épinay, Gérard DELFAU manifeste à ses camarades de l’ex Convention des Institutions républicaines son désir de s’impliquer au sein de Démocratie et Université (DU) – petite structure associative placée au cœur du processus de la rénovation de la gauche et de la construction du nouveau parti socialiste – parallèlement à ses activités d’enseignement universitaire qui constituent, pour lui, un lieu privilégié pour prendre en charge ce secteur.

Il s’agit de faire de « DU »  le laboratoire de la transformation du nouveau Parti socialiste pour propulser celui-ci comme le fer de lance de l’union de la gauche grâce à son ancrage dans le milieu enseignant et surtout ses syndicats.

Dans cet exaltant projet, Gérard DELFAU cite le renfort que lui apportent quatre personnalités : Pascal ORY, jeune étudiant, qui poursuit alors une brillante trajectoire universitaire en Histoire ; Alain MEYER, enseignant à l’université de Nanterre, fameux théoricien du socialisme démocratique ; Yvon ROBERT, spécialiste de l’éducation qui deviendra, en 1981, conseiller du Ministre puis, au sein de l’administration centrale de l’éducation nationale, directeur des personnels enseignants des lycées et collèges ; Jean-Marcel BICHAT, homme de confiance de Pierre JOXE, de Pierre BEREGOVOY et enfin de Laurent FABIUS.

S’appuyant également sur l’implication de plusieurs universités – et notamment celles d’Amiens et de Sceaux -, Gérard DELFAU organise une série de colloques de haut niveau débouchant sur la publication des meilleures interventions sous la forme de brochures, à la présentation souvent austère mais très riches par leur contenu, auxquelles vont bientôt succéder des ouvrages matériellement plus attractifs [40] édités chez Tema, entre 1973 et 1976.

Selon le vœu de DELFAU, ce travail de fond et ces colloques, au sein de DU, ont pour but de générer une réflexion et un débat stimulants permettant ainsi de rapprocher des personnalités du PS qui s’étaient parfois combattues âprement au Congrès d’Épinay en leur donnant la possibilité de confronter leurs points de vue : Dominique TADDEI, fraîchement élu Président de l’université d’Amiens, retisse ainsi les liens avec DU à l’occasion du débat sur la formation permanente ; Gilles MARTINET, ex PSU, Pierre ROSANVALLON, de la CFDT et proche de Michel ROCARD, et Jean-Louis MOYNOT, secrétaire confédéral de la CGT, s’impliquent dans le débat sur l’autogestion ou la gestion démocratique, sous la coordination et l’œil vigilant de Jean-Paul BACHY ayant investi lui-même le monde de l’entreprise et du mouvement ouvrier.

Parallèlement, en 1974, la Nouvelle Revue Socialiste change de responsable avec l’arrivée de Maurice BENASSAYAG succédant à Pierre JOXE pour adopter un rythme de publication plus régulier en s’efforçant également de devenir la Revue de tout le Parti socialiste, dans un contexte difficile de concurrence de nombreuses revues en son sein [41], et aussi après l’échec de la gauche aux présidentielles de 1974.

 

De manière plus positive, au niveau européen [42], en mai 1974, François MITTERRAND [43] organise chez lui, à Latché (sa résidence d’été des Landes), une réunion des principaux dirigeants des partis socialistes de l’Europe du Sud, et notamment de Felipe GONZÀLEZ, du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), Andréas PAPANDRÉOU, du Pasok grec (« mouvement socialiste panhellénique », parti social-démocrate grec), Mario SOARES [44], du Parti Socialiste Portugais (PSP) qui ont joué un rôle de premier plan dans la chute des dictatures dans ces trois pays.  À cette occasion, rendant compte de cette réunion, Gérard DELFAU publie L’esprit de Latché [45].

 

2/ Le PS et la culture : la création d’une section socialiste rassemblant des écrivains de renom

François MITTERRAND, lui-même homme de lettres et maniant une plume éloquente et acérée, a noué, au fil de sa carrière politique, de solides relations avec un certain nombre d’écrivains. Aussi, conscient du parti qu’il peut tirer de l’instauration d’une relation d’empathie et de confiance entre le monde de la culture et le PS, il confie cette mission à Gérard DELFAU en lui demandant de créer une section socialiste rassemblant des écrivains de renom qui lui sera directement rattachée.

Il s’agit de rassembler les écrivains compagnons de route de François MITTERRAND depuis sa première campagne présidentielle de 1965 et ceux qui, séduits par le nouveau parti socialiste d’Épinay, se pressent déja au portillon…

À cette époque, comme le note très justement DELFAU lui-même, l’hégémonie du PCF sur l’intelligentsia est très forte et s’étend aux revues et maisons d’édition qui font partie de sa galaxie. Bien que cet épisode de l’ouverture du PS au monde de la culture soit assez peu connu, l’initiative des socialistes ne passe pas pour autant totalement inaperçue car elle est relevée par Le Monde Diplomatique qui la signale, une dizaine d’années plus tard, en ces termes conservés par le disciple de MITTERRAND lui-même :

« En 1973 Georges (sic) DELFAU, Gérard LEGRAND, Georges CONCHON, Paul GUIMARD, Benoîte GROULT, Bernard PINGAUD et François-Régis BASTIDE ont créé la section des écrivains du Parti socialiste français. Au cours des années suivantes, ils ont été rejoints par Régis DEBRAY, René-Victor PILHES, Pascal LAINÉ, Max GALLO et Erick ORSENNA. ».

À cette liste DELFAU y ajoute : Michel BATAILLE, Henri HEINEMANN et Jean PETITE (syndicaliste déjà rencontré au sein de la CIR, mais qui est aussi poète, à ses heures, et entre deux joutes syndicales, cf. supra, IV/A, § 3).

Gérard DELFAU met en avant l’indépendance de ces écrivains dont les déclarations et prises de position, quant à leur liberté et leur intérêt pour les plus pauvres, montrent abondamment qu’au sein de cette structure ils ne sont pas du tout subordonnés à l’appareil socialiste. Yves TENRET, militant de l’Internationale situationniste, peu suspect d’être révérencieux envers le monde des Lettres, a écrit dans un article intitulé « L’imaginaire socialiste » (photo ci-contre) : « Le mariage de la politique et de la littérature donne une vigoureuse dénonciation de la guerre, du colonialisme, de la spéculation boursière, des inégalités culturelles, des tares et des dangers de la société libérale avancée , etc. » [47]

C’est le Congrès socialiste de Grenoble de 1973 qui consacre formellement l’ouverture du PS à la création littéraire et artistique en adoptant, à l’unanimité, la motion préparée par DELFAU créant un « organisme permanent au sein duquel coopéreraient les représentants de toutes les disciplines scientifiques, littéraires et artistiques » qui sera chargé de soutenir tous les créateurs dont la liberté d’action et d’expression serait entravée dans leur contribution au développement et à la démocratisation de la culture. Cet organisme sera largement ouvert aux créateurs, femmes et hommes, qui, sans être nécessairement membres du PS, manifesteraient leur « souci de donner un contenu vivant à l’idée socialiste ».

3/ Le chantier de la formation des militants socialistes

DELFAU, fort heureusement, va pouvoir se consacrer au secteur Formation des militants du PS qui est une entreprise formidable si, comme MITTERRAND l’a préconisé lors de son intervention au congrès d’ÉPINAY, le PS veut s’engager résolument dans la voie de la reconquête d’une identité qui lui soit propre et le distingue du PCF. C’est ainsi qu’au Congrès de Grenoble de juin 1973, déchargeant Pierre JOXE – élu député de Saône-et-Loire en mars 1973 – d’une partie des responsabilités qu’il lui avait confiées, François MITTERRAND nomme Gérard DELFAU « délégué à la formation auprès du Premier secrétaire ».

Pour Michel HASTINGS, « les partis politiques constituent des ateliers d’identités et d’imaginaires collectifs, et participent à la structuration de grammaires culturelles régulièrement mobilisées par les militants » [47].

C’est ainsi que le Parti communiste français dispose jusqu’au début des années 1990 d’un système éducatif, reposant sur un réseau d’écoles, pour former ses militants et ses cadres. L’importance de la formation à l’intérieur d’un parti de militants a été découverte dès les années 30 par le PCF qui sélectionne alors ses cadres pour leur faire suivre les cours de formation politique dispensés à l’école de l’Internationale Communiste de Moscou [48].

Selon Nathalie ETHUIN, le PCF a été « une institution allocataire de sens  et une matrice d’identification pour des milliers d’adhérents et de militants. Le PCF a représenté pour ses militants, à des degrés différents certes, une « institution boussole » [49]

Et le PS, sur ce plan-là, ne s’était pas du tout impliqué dans la formation de ses militants et de ses cadres comme l’avait fait le PCF.

C’est dire que, comme à son habitude, Gérard DELFAU va prendre la question à bras le corps et constituer autour de lui une équipe solide, s’appuyant notamment sur Colette AUDRY, grande figure de la résistance, militante de la cause des femmes (auprès d’Yvette ROUDY et de Marie-Thérèse EYQUEM), mais aussi romancière et essayiste de talent, ainsi que sur Jean PRONTEAU, également résistant ayant participé à la libération de Paris, mais aussi ancien communiste [50] ayant dirigé la Revue Economie et Politique et auquel François MITTERRAND confia, en 1973, la direction de l’Institut Socialiste d’Etudes et de Recherches (ISER) ; enfin, Paulette NEVOUX assure le rôle précieux d’assistante.  À cette ruche laborieuse et féconde, et toujours en effervescence, de jeunes militants bénévoles, comme Didier JOUAULT, Bernard et Patrick DION vinrent prêter main-forte, sans parler de nombreux autres contributeurs déjà professionnellement consacrés et reconnus, parfois comme éminents universitaires (Alain MEYER et Philippe MACHEFER), d’autres fois comme écrivain (Gérard LEGRAND), ou comme économiste réputé (Christian GOUX), ou parfois ayant acquis une certaine notoriété par leur engagement comme chrétien tiers-mondiste (Philippe FARINE), ou s’étant révélé au sein du PS  (comme la documentaliste du PS Véronique NEIERTZ). Il n’est pas jusqu’à Jacques DELORS – lui-même père de la loi sur la formation professionnelle continue de 1971 – qui n’hésite pas à venir encourager ponctuellement par sa présence cette animation collective incessante tandis qu’au moment du Congrès de Nantes, en 1977, Jean-Pierre MOULINS couvre de sa précieuse compétence de nombreuses animations de stages.

La parole du Secrétariat national à la formation est attendue comme le Messie, en province, dans les nombreuses fédérations du Parti en proie à un bouillonnement politique local incessant. Gérard DELFAU en est lui-même le témoin privilégié comme formateur dans les fédérations où il se rend régulièrement pour répondre à la demande de stages de formation des militants des fédérations qui lui font part de leur désir de se libérer de la pression locale du PCF, souvent encore hégémonique chez eux, mais aussi des luttes intestines des courants du PS. Mais il constate en même temps que malgré ces tensions, la période est enthousiasmante car l’effort de formation du PS vers ses militants et cadres répond à un besoin réel de ce jeune parti, encore fragile, traversé par ces courants internes incarnés par des personnalités fortes et rivales mais aussi dans lequel se superposent, également, le choc des générations de militants, avec, d’un côté, les anciennes et fidèles générations de la vieille SFIO rompues aux luttes d’influence et, de l’autre, l’arrivée de jeunes nouveaux adhérents, tout frais émoulus, avec leurs espoirs et leur dynamisme. Gérard DELFAU s’immerge chaque fois directement dans ce grand bain militant où après une attentive et sincère écoute il distille les bonnes paroles qui rassurent et apaisent, tout en proposant sa disponibilité et son soutien.

Toute cette activité se traduit par la publication de nombreux documents, livres et brochures. S’agissant des brochures, elles sont parfois ciblées sur la séquence historique en cours, comme celle, de 70 pages, sortie en novembre 1978, intitulée Néo-stalinisme aux couleurs de la France ou Union de la gauche ? Il s’agit alors d’une réplique à la fameuse formule lancée par Georges MARCHAIS sur France-Inter le 17 août 1978 sur le socialisme aux couleurs de la France [51]. En effet, l’année précédente, la rupture de l’union de la gauche était consommée après l’échec, en septembre 1977 [52], de la réactualisation du programme commun.

DELFAU souligne que l’impact de cette brochure du PS est « considérable » car, adoptant le point de vue de l’ensemble des divers courants du Parti socialiste, assez sévères vis-à-vis du PCF, elle se propose de rétablir la réalité des faits en analysant la relation PS/PCF et les véritables causes de sa détérioration liée, selon le Parti, essentiellement aux progrès du PS dans son rapport de force avec le PCF [53].

Mais cette brochure, aussi importante qu’elle soit, est loin de résumer l’activité du secteur Formation du PS qui a publié, en 4 ans, pas moins de 11 brochures sur des thèmes assez divers portant les titres suivants : Brochure de base (avec plusieurs rééditions et mises à jour) ; Discours de Tours, de Blum ; Socialisme et liberté, de Jaurès ; Féministes français. De Condorcet à Blum (de Colette AUDRY) (photo ci-contre) ; Le programme économique du PS ; Libéralisme sauvage, Chômage et inflation (nombreuses rééditions) ; Logement social et cadre de vie ; Introduction à la gestion des municipalités (publiée en 1976, cette brochure rencontre un succès immédiat, avec 30 000 exemplaires écoulés).

Tels sont les documents du Parti destinés à un assez large public. D’autres documents ont en revanche une vocation plus interne car destinés aux responsables fédéraux et nationaux du Parti sous la forme de Dossiers Formation rassemblant une documentation substantielle d’une centaine de pages constituées de fiches classées par thème avec des textes de référence et des conseils pratiques. C’est ainsi que sont publiés les Dossiers Formation suivants :  L’action militante sur le terrain, l’animation des sections et fédérations ; La stratégie d’union de la gauche, l’autogestion, le front de classe ; L’internationalisme.

Mais, comme le note Gérard DELFAU, parfois c’est l’actualité qui en détermine le contenu. Ainsi le Dossier-Formation intitulé Campagne des législatives (paru en 1978) recense des extraits du programme Changer la vie, des citations de François MITTERRAND, avec aussi des canevas d’intervention pour soutenir les polémiques avec le PCF rédigés par DELFAU lui-même, de brefs exposés sur le Projet socialiste, mais aussi les propositions économiques du Parti, la politique culturelle du PS (sous la plume de Bernard PINGAUD), enfin une Réflexion sur les thèmes écologiques développée par Jean-Michel BELORGEY, futur député.

Mais le secteur Formation est l’objet de la convoitise des rocardiens. A peine entrés au PS, à l’occasion des Assises du socialisme d’octobre 1974, lors du Congrès de PAU qui suivit, en juin 1975, Michel ROCARD jette son dévolu sur le secteur public qu’il obtient pour lui-même, mais il souhaite également pour JEAN Le GARREC, l’un de ses proches, le titre de délégué général à la formation ou, à tout le moins, une place de second, ce à quoi DELFAU s’oppose fermement, tout en offrant à Le GARREC, de manière fort œcuménique, une place dans son équipe, au même titre qu’à d’autres militants issus des diverses sensibilités, ce que celui-ci accepte, au moins pendant quelques mois, pour s’éloigner ensuite de ses nouvelles responsabilités car pris par d’autres tâches militantes. Mais pour tenir compte de la critique rocardienne portant sur la place insuffisante de l’économie dans la Formation, DELFAU s’adjoini quelques économistes proches de Michel ROCARD qui furent associés aux cadres bancaires et syndicalistes de Démocratie et Université, cette osmose s’opérant sans problème.

Pour la suite de ce que devint la Formation au sein du Parti, DELFAU se montre sévère vis-à-vis de Lionel JOSPIN qu’il estime responsable d’avoir dilapidé le travail qu’il avait lui-même réalisé (cf. ci-dessous).

4/ Les Rencontres des acteurs du changement (1982)

Pour Gérard DELFAU la nécessité d’une mobilisation populaire devait conditionner le succès d’un gouvernement de gauche, et cela d’autant plus que la victoire de la gauche en France allait à contre-courant du mouvement néolibéral incarné par Margareth THATCHER au Royaume-Uni et Ronald REAGAN aux USA. Très vite, en effet, en France, malgré les grands espoirs du Parti socialiste après les législatives de 1981, DELFAU note que les résultats des cantonales de 1982 [54] et plus encore des municipales de 1983 [55] traduisaient la désaffection de l’électorat.

Dans son livre Gagner à gauche (Robert Laffont, Paris, 1985, 230 pages), DELFAU s’est efforcé de montrer que les Français n’avaient vu dans la victoire de la gauche du 10 mai 1981, avec l’élection de François MITTERRAND à la présidence de la République, qu’une simple alternance démocratique qui attisait, depuis quelques années, la plume des spécialistes politistes et constitutionnalistes. Il considère que l’on tient là l’explication de « cette absence de mobilisation populaire dans les usines et les lieux de travail que la gauche d’avant 1978 avait à la fois tant espérée et tant redoutée. » [56]

Pourtant, cette situation d’apathie citoyenne préoccupa assez rapidement Lionel JOSPIN presque tout de suite après son accès au poste de Premier Secrétaire du Parti qui proposa, dès janvier 1982, d’organiser un colloque sur le thème du « Changement » dont il confia la responsabilité à Gérard DELFAU lequel s’impliqua à la tête du secteur Formation avec le concours actif des fédérations.

 

 

 

 

Mais il ne conserva pas le format initial de la manifestation car, comme l’explique fin 1982 l’ouvrage La France et le changement (Ed. club socialiste du Livre, 31 décembre 1982, 167 pages), Gérard DELFAU, craignant le format trop académique d’un colloque national – ressemblant trop souvent à de savantes discussions entre initiés de ce genre d’exercice qui ne convenait guère à cette entreprise de mobilisation citoyenne – fit précéder le colloque national de colloques locaux qui étaient en fait des « rencontres » avec des hommes de terrain » – qui n’étaient pas forcément tous socialistes ni même de gauche – vers lesquels il fallait prendre parti de s’ouvrir largement.

Selon Gérard DELFAU, l’ampleur de la mobilisation en régions fut considérable puisqu’entre septembre 1982 et début 1983, il y eut 155 rencontres qui se firent dans 73 départements mobilisant ente 120 et 350 personnes et ayant rassemblé, au total, entre 5000 à 6000 personnes sur des thèmes tels qu’Environnement, Social, Economie, Culture et Mentalités, etc. Il nous précise que la priorité fut donnée « aux problèmes concrets, aux sujets brûlants, à l’interaction sur le terrain entre les décisions gouvernementales et les facteurs de résistance ou de blocage. » [57]

« On lit, nous dit Gérard DELFAU, chez les organisateurs le souci d’encourager les mutations sociales et de fournir un appui à ceux qui veulent faire bouger la France. Les échanges se font sur un pied d’égalité entre ministres invités selon le thème retenu, et personnalités de la société civile, tandis que la salle donne de la voix, encouragée par le modérateur de la séance. Ainsi, si on traite d’économie, s’expriment l’Union patronale, les responsables syndicaux, des chefs d’entreprise appelés à témoigner à titre individuel, de banquiers, des juristes, et bien évidemment les représentants du ministère du Travail et des Finances. La parole est libre et les invités ne se privent pas de faire connaître leur point de vue, même divergent. Ainsi Louis VIANET, responsable CGT, réagit en ces termes aux propositions de son collègue, Albert MERCIER, de la CFDT : « Certaines idées émises ici sont reçues par la CGT et par moi-même, avec un a priori hostile. Je pense en particulier au partage du travail. » En arrière-plan, et au-delà des rivalités syndicales, se devinent les relations conflictuelles au sein de l’union de la gauche. Mais les désaccords sont exposés dans un espace de dialogue et en présence d’un public averti. » [58]

La clôture de ces rencontres régionales sera la rencontre nationale organisée à Paris, à la Maison de la Chimie, en janvier 1983, où se pressèrent quelque 600 personnes où pendant 4 jours les ministres en exercice – BADINTER, Ministre de la Justice, Joseph FRANCESCHI, Secrétaire d’Etat à la Sécurité publique – récapitulent ce que furent les temps forts de leur action. Pour autant, les débats ne sont pas absents de ces rencontres nationales car, autour de la table ronde portant sur le rôle des femmes animée par Colette AUDRY (directrice de l’ISER, syndicaliste et féministe) et Yvette ROUDY, Ministre des droits de la femme, Christiane GILLES Secrétaire confédérale de la CGT, Christine FAURE, chercheure au CNRS, Martine BURON responsable du secteur Femmes au PS débattent d’IVG, d’égalité professionnelle et salariale, de militantisme féministe, de la place des minorités homosexuelles, etc. Une autre table ronde intitulée « Nouvelles aspirations culturelles et politiques » est organisée autour de Jack LANG, avec la participation de Claire ETCHERELLI, romancière, Jean-Pierre VERNANT, professeur au Collège de France, Jean-Claude ESLIN, universitaire et membre du Comité de rédaction de la revue Esprit. À la suite de l’exposé du Ministre de la Culture faisant l’éloge du changement intervenu depuis le 10 mai 1981 dans son secteur, interviennent Bernard PINGAUD [59], Jérôme PEIGNOT [60], DJURA, artiste algérienne.

De nombreux leaders étrangers de partis socialistes amis assumant des responsabilités politiques, souvent chefs d’Etat ou de gouvernement dans leur pays – Felipe GONZALEZ (Espagne), Bruno KREISKY (Autriche), Olaf PALME (Suède), Andréas PAPANDREOU (Grèce), Kalevi SORSA (Finlande), Habib THIAM (Sénégal) –, se sont déplacés pour venir exprimer leur solidarité et leur soutien à la gauche conquérante française.

Lors de la conclusion de ces journées de débats, Pierre MAUROY, Premier Ministre, entouré de cet aréopage de responsables sociaux-démocrates étrangers insiste sur le fait que le premier obstacle au changement est d’ordre culturel par rapport au contexte de récession économique pour laisser ensuite s’exprimer dans une table ronde ces dirigeants d’Europe ou d’Afrique.

L’introduction aux Rencontres avait été placée sous l’égide du dialogue des deux grammairiens du Soulier de satin de Paul CLAUDEL disputant de la valeur de la fabrication de théories. Gérard DELFAU n’hésite pas à évoquer le cynisme de l’un des faux apôtres du changement prônant « du nouveau …   qui soit exactement identique à l’ancien ». [61]

Malgré ce succès des Rencontres, lors du Congrès du PS qui suivit, à Bourg-en-Bresse, Lionel JOSPIN entreprit une réorganisation du nouveau Comité directeur où, dans l’annonce de sa nouvelle composition du 3 novembre 1983, Gérald DELFAU n’y était plus titulaire mais rétrogradé comme suppléant en changeant d’affectation pour devenir secrétaire national adjoint aux études auprès de Jean PRONTEAU, ses anciennes  attributions au sein du secteur Formation étant désormais confiées à Didier MOTCHANE qui, au CERES, était l’un des proches de Jean-Pierre CHEVÈNEMENT.

Gérard DELFAU analyse cette décision comme prémonitoire de la mort du parti socialiste d’Épinay où l’on passe d’une « structure vivante », sous l’autorité bienveillante de F. MITTERRAND, et malgré les affrontements de courants, à un « appareil rigide autocentré sur la personne du Premier Secrétaire ».  Cet épisode marque le commencement de sa prise de distance avec le PS qui le conduira à la rupture en 1998.

Dans l’immédiat, cela incite Gérard DELFAU à se consacrer pleinement à ses mandats électifs puisque maire (depuis 1977) et sénateur (depuis 1980) il est réélu, en 1983, maire de Saint-André-de-Sangonis.

CONCLUSIONS

Ainsi, quelles que soient nos convictions politiques personnelles, l’ouvrage Je crois à la politique, de Gérard DELFAU et Martine CHARRIER, est un ouvrage fécond et fondamental pour qui veut comprendre l’expérience de l’union de la gauche à partir de 1965, son évolution ensuite avec ses tensions, la naissance du Parti socialiste d’Épinay et l’accès des socialistes au pouvoir le 10 mai 1981, avec les revers qui suivirent dès 1982 (cantonales), puis encore en 1983 (municipales) et plus sérieusement, enfin, lors des Législatives de 1986 qui conduisirent à la première cohabitation. Et cela, malgré la riche vie intérieure du PS – dont DELFAU fut lui-même l’un des plus ardents artisans – pour se constituer en un parti homogène et fort, avec cette quête incessante de la nécessaire mobilisation des militants mais aussi de la recherche d’une plus large mobilisation citoyenne dépassant les militants, sympathisants et électeurs socialistes pour convaincre plus largement l’opinion publique de la pertinence des choix socialistes.

Ainsi, Gérard DELFAU, par sa double expérience de militant et d’élu, mobilise toute sa rigueur intellectuelle et universitaire pour développer une narration historique autour d’une riche documentation de première main [62] qu’il n’hésite pas à livrer ici directement au lecteur, notamment en ce qui concerne le cursus des femmes et des hommes qu’il a côtoyés et avec lesquels il a travaillé en bonne intelligence, et de manière œcuménique, en évoquant, chaque fois de manière positive, leur singularité et leur honorable parcours politique ou professionnel, sans souci des frontières de partis (à gauche, entre PS et PCF) ou de courants au sein du PS.

Gérard DELFAU, en bon universitaire, se transforme souvent en pédagogue en étant, grâce à l’interactivité de sa narration avec Martine CHARRIER qui, par ses questions et ses observations toujours pertinentes jointes à sa bonne connaissance du contexte historique, lui permet de rebondir, d’expliciter et même d’approfondir tel ou tel point sur les séquences historiques traversées. Il nous donne ainsi, sans détour ni langue de bois, toutes les précisions nécessaires à la compréhension d’une période, d’un enjeu, des tensions et oppositions entre les hommes et les courants tout en s’efforçant, pour sa part, et dans le secteur qui lui était confié, à faire travailler tout le monde ensemble, ce qui n’était pas une mince affaire dans ce Parti resté très divers et composite.

Mais si ce livre raconte l’intensité d’un engagement politique, celui, toujours sincère, d’un élu issu d’un milieu modeste convaincu de la pertinence et de la droiture de ses choix, il ne verse jamais pour autant dans un sectarisme ombrageux ni encore moins manichéen.

Si nous nous reconnaissons, comme l’affirmait ARISTOTE, dans la vocation de l’homme à être un « animal politique » – être fondamentalement rationnel capable de construire une Cité pour y rechercher le « bien commun », par le dépassement de l’individu dans le Collectif permettant à l’État seul d’instaurer une contrainte ayant pour but la justice où la violence fait place à l’État de droit -,  ce livre ne peut alors que susciter notre intérêt citoyen et notre respect pour l’implication et le travail intense fourni par son acteur central qui s’inscrivent dans cette veine aristotélicienne.

Ce livre Je crois à la politique, de Gérard DELFAU et Martine CHARRIER, porte témoignage de la manière la plus claire et la plus forte de l’authenticité de l’engagement de G. DELFAU dans le débat d’idées et la solution démocratique qui le clôture.

Par la rigueur de ses analyses, il nous donne à cet égard un formidable et précieux éclairage qui permet de mieux comprendre le fonctionnement du Parti Socialiste de l’intérieur, en nous révélant également les espoirs, les élans et les enthousiasmes qu’il a suscités chez les militants et aussi chez les citoyens à l’extérieur.

En un mot, un bel ouvrage qui restera un ouvrage de référence sur l’histoire du Parti socialiste d’Épinay et sa traversée du pouvoir.

Louis SAISI

Paris, le 25 avril 2025

NOTES

[1] Gérard DELFAU, Martine CHARRIER : Je crois à la politique, Ed. L’Harmattan, Paris, 2020, 656 pages.

[2] Gérard DELFAU « Au lecteur », p. 12, op. cit.

[3] Gérard DELFAU, op. cit., pp. 11-12.

[4] Cf. Martine CHARRIER, Prologue, ouvrage op. cit., p. 16.

[5] Voir la Notice que « Le Maitron » a consacrée à Gérard DELFAU : https://maitron.fr/spip.php?article22036, notice DELFAU Gérard par Olivier Dedieu, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 14 décembre 2013.

[6] Pierre BOURDIEU, Jean-Claude PASSERON : Les héritiers – Les étudiants et la culture, Ed. de Minuit, Paris, 1964 ; Pierre BOURDIEU, Jean-Claude PASSERON : La reproduction Eléments pour une théorie du système d’enseignement, Editions de Minuit, Paris, 1970.

[7] L’habitus, selon BOURDIEU, se définit comme un « système de dispositions durables et transposables ». Il s’agit d’un ensemble de schèmes de perception, de pensée et d’action qui guident nos comportements de manière largement inconsciente. Ces dispositions sont « structurées » car elles résultent de notre socialisation dans un environnement social spécifique. Elles sont aussi « structurantes » car elles génèrent et organisent nos pratiques et nos représentations.

[8] L’Enfant ; Le Bachelier ; L’Insurgé.

[9] Je crois à la politique, op. cit., p. 44.

[10] Jean MAITRON (1910-1987), historien français, fut le pionnier de l’histoire ouvrière en France, en la faisant entrer à l’université et en lui donnant ses bases archivistiques. C’est lui qui fut à l’origine du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, ouvrage de référence couramment appelé « le Maitron ».

[11] En supprimant les facultés, en cherchant à promouvoir des établissements pluridisciplinaires, en créant des Unités d’Enseignement et de Recherche (UER), la loi Faure tente de s’écarter du modèle disciplinaire qui a en France longtemps prévalu dans l’organisation de l’enseignement supérieur français. L’université de Paris donne ainsi naissance, dans des conditions de tensions très fortes entre enseignants des diverses disciplines, à une dizaine d’universités regroupant chacune plusieurs disciplines aux rapports de voisinage souvent incertains….

[12] C’est, rappelons-le, l’existence du programme commun de gouvernement, à partir de juillet 1972, qui donna naissance à l’Union de la gauche pour les municipales de mars 1977 (voir note 13 suivante).

[13] Le Programme commun, dont la dénomination exacte est « programme commun de gouvernement », est un programme de réforme signé le 12 juillet 1972, à l’hôtel Continental à Paris, par le Parti socialiste et le Parti Communiste et certains radicaux de gauche, dont Robert FABRE. Il permit à François MITTERRAND d’être le candidat unique de la gauche aux élections présidentielles de 1974 (exception faite toutefois d’Arlette Laguiller et d’Alain Krivine) où il affronta, au 2ème tour, le candidat de droite Valéry Giscard d’Estaing. C’est cette alliance qui donna naissance à l’Union de la gauche  à l’occasion des élections municipales de mars 1977.

[14] La jeune fille trisomique était physiquement et moralement incapable de suivre, en silence et immobile, les longs offices religieux. Dispensée de messe elle était enfermée dans un cagibi en sous-sol où elle était bloquée dans une camisole de force accrochée au mur, debout pendant des heures et en proie à toutes les frayeurs, exposée au froid et à l’humidité. Au matin d’un dimanche de février 1976 on la retrouva, morte étouffée dans son cachot.

[15] Lequel sera condamné, en mai 1980, à 10 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises de l’Hérault.

[16] De 1900 à 1906, le vin languedocien se vend de plus en plus mal. Les récoltes abondantes font gonfler des stocks devenus impossibles à écouler. La production était tellement abondante que dans les troquets, on n’hésitait pas jusqu’à aller vendre le vin « à l’heure » : pendant une heure, le consommateur payait et buvait tout le vin qu’il voulait ou pouvait boire… Face à ce marasme, les vignerons réagirent. Un Comité régional de défense viticole des intérêts du Midi fut constitué le 20 janvier 1905. Mais au Parlement, ni Gaston DOUMERGUE, député du Gard, ni Félix ALDY, député de l’Aude, ne sont entendus sur la question viticole et leurs propositions visant à la défense du vin naturel furent rejetées par leurs collègues. Au cours de 1905, une manifestation rassembla 15 000 personnes à Béziers. Un certain Marcelin ALBERT lança alors sa « pétition de 1905 », qui recueillit vite quatre cents signatures : « Les soussignés décident de poursuivre leurs justes revendications jusqu’au bout, de se mettre en grève contre l’impôt, de demander la démission de tous les corps élus et engagent toutes les communes du midi et de l’Algérie à suivre leur exemple aux cris de Vive le vin naturel ! À bas les empoisonneurs ! ». En 1907, la crise était là. Les viticulteurs languedociens considérèrent qu’ils étaient de plus en plus menacés et mirent en cause l’importation des vins d’Algérie qui arrivaient par le port de Sète et la chaptalisation (ajout de sucre au moût pour augmenter le degré d’alcool final du vin après la fermentation alcoolique). La date du 9 juin 1907, avec le gigantesque rassemblement de Montpellier  marqua l’apogée de la contestation vigneronne dans le Midi de la France. La place de la Comédie fut envahie par une foule estimée entre 600 et 800 000 personnes. « En 1907, le bas Languedoc compte environ un million d’habitants. Cela signifie qu’un Languedocien sur deux manifeste. Cette mobilisation de masse dépasse d’ailleurs les courants politiques ou idéologiques, puisque l’on voit marcher côte à côte des sympathisants de la gauche socialiste et de la droite royaliste ».

[17] En 1971, après deux refus de la France, qui redoutait un affaiblissement des Communautés, le Royaume-Uni voit enfin s’ouvrir les portes du marché commun. Il y est officiellement admis le 1er janvier 1973, en compagnie de l’Irlande et du Danemark (la Norvège, autre pays de l’AELE, quant à elle, n’ayant pas confirmé son adhésion en raison du refus de son Parlement de ratifier celle-ci).

[18] Nom de plume de Daniel MAQUART, Haut fonctionnaire chargé de mission à la DATAR (1970-80), puis conseiller technique au cabinet de Georges SARRE (secrétaire d’Etat aux Transports routiers et fluviaux) pour la réforme des voies navigables (1988-92).

[19] Gérard DELFAU : Sites et vins du Pays d’Hérault, Ed.  Presses du Languedoc, Collection GUIDES, 169 pages, 4 octobre 2012.

[20] Ce conflit va opposer deux formes de luttes : celle de la non-violence – importée d’Orient par la communauté de l’Arche à proximité de Lodève – et la force militaire.

[21] La victoire de François MITTERRAND – élu Président de la République le 10 mai 1981 –  met fin à 23 années de pouvoir de la droite (1958-1981), la plus longue période de continuité politique en France depuis l’Ancien Régime.

Cette victoire est complète car après la dissolution de l’Assemblée nationale qui suivit cette élection le 22 mai 1981, lors des premier et second tours – 14 juin et 21 juin – des élections législatives qui suivirent le PS et ses alliés PCF, MRG et PSU obtinrent la majorité absolue en sièges de députés (333 sièges sur 491). Cela se concrétisa, au niveau du second gouvernement MAUROY, par l’entrée de quatre ministres communistes dans celui-ci.

[22] Henri CAILLAVET (1914-2013) fut une Haute figure, humaniste et attachante, de la classe politique française, auteur de propositions de loi ayant donné lieu à des progrès incontestables sur le plan de la liberté individuelle ou celui de la santé : divorce par consentement mutuel (1971) ; greffes d’organes (1976).  Il fut sénateur MRG de 1967 à 1983. Il occupa également d’autres fonctions électives locales (conseiller général radical-socialiste, 1951-1963 ; maire de Bourisp, 1959- 1983) ou nationales (député radical de 1946 à 1958 ; et député européen, 1979-1984). Entre 1954 et 1955, pendant la période du mendésisme, il fut aussi plusieurs fois Secrétaire d’Etat sous le 4ème République mais pour des durées très brèves.

[23] Séance publique du 5 décembre 1981.

[24] Il y a lieu de rappeler également que cette création du baccalauréat professionnel est une pièce maîtresse de l’objectif politique de conduire 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat à l’horizon 2000, objectif qui en laissait plus d’un sceptique à l’époque mais qui sera pourtant atteint en 2012. Vingt-sept ans après, le slogan lancé par Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, en 1985, est devenu réalité car c’est même 85 % d’une génération qui parvient cette année-là à ce niveau d’études. Cf. Louis SAISI : Le rapport de l’École au territoire – Approche socio-juridique, thèse Paris VIII, sous la direction de Bernard Charlot (1998), Editions du Septentrion, PUL de Lille, 2000, 2 volumes.

[25] Gérard DELFAU, Sénat, séance publique du 7 novembre 1985.

[26] Ibid.

[27] Ibid.

[28] Qui sera exceptionnellement porté nationalement à 10 ans pour cette élection, soit jusqu’à 2008, à la suite d’une modification de la Constitution.

[29] Parfois, si nécessaire, sous la forme d’un 4 pages ou de numéros spéciaux plus fournis.

[30] Sa dernière lettre du Sénart, précise-t-il, est datée de juillet 2008, N° 125, précise 15ème année.

[31] Il est né le 21 octobre 1937 à Saint-Jean-de-Fos (Hérault).

[32] Le père de Gérard DELFAU sera membre de la section locale du Parti socialiste de Saint-André-de-Sangonis.

[33] Le PSU naquit le 3 avril 1960 à la suite d’un double mouvement d’opposition de ses deux composantes essentielles (PSA et UGS)  : opposition à la guerre d’Algérie et refus du soutien de la SFIO au « coup d’État » gaulliste de 1958. Ce double refus avait conduit à la constitution du cartel de l’Union des forces démocratiques rassemblant en particulier le Parti socialiste autonome (PSA dont les trois figures les plus représentatives étaient Daniel MAYER, ancien Secrétaire général de la SFIO, et transfuge de ce parti politique vacillant ; Edouard DEPREUX, ancien ministre de l’Intérieur en 1946-1947 ; ou encore l’ancien président du Conseil, Pierre MENDES FRANCE, ancien radical socialiste antimarxiste ; ) et l’Union de la gauche socialiste, les deux composantes principales du futur PSU auxquelles il faut ajouter La Tribune du communisme qui était un journal français créé en 1952 par des militants communistes dissidents dont la figure la plus emblématique était Jean POPEREN. Ce parti voulait occuper l’espace politique entre la SFIO et le PCF, et par ailleurs s’était prononcé, dès sa création, pour une VIe République. Sa tendance « mendésiste » représentait un bloc cohérent et réformiste. S’opposant à la vision marxiste de la lutte des classes le mendésisme refusait l’appropriation collective des moyens de production et  prônait un équilibre entre les secteurs privé et public.Ainsi, dès le départ, le PSU apparaissait comme regroupant des tendances très diverses, voire antagonistes, qui ne se rejoignaient finalement que dans l’antigaullisme et l’anti-stalinisme.

[34] Michel ROCARD adhéra d’abord au Parti socialiste autonome (PSA) dès sa création par DEPREUX et Alain SAVARY. Le Parti socialiste autonome (PSA) était un parti politique français, créé en 1958 par plusieurs personnalités politiques, en rupture avec la SFIO sur deux points essentiels : la guerre d’Algérie, et la position face au général de Gaulle. Le principal dirigeant de ce parti fut Édouard Depreux. Le PSA cessa d’exister en avril 1960, en fusionnant avec d’autres « formations politiques » au sein du Parti socialiste unifié (PSU). En 1960, Michel Rocard participa à la fondation du Parti socialiste unifié (PSU) — fusion du PSA et de l’Union de la gauche socialiste (UGS, chrétiens de gauche) auxquels s’ajoutent d’anciens communistes dissidents —, rejoint en 1961 par Pierre MENDES FRANCE. Rappelons que Michel ROCARD devint ainsi le candidat du Parti socialiste unifié (PSU) à l’élection présidentielle de 1969, où il recueillit à peine 3,6 % des voix, puis il fut élu député des Yvelines.

[35] Il faut remonter au mois de mars 1963 pour voir se mettre en place la dynamique qui conduisit à la création de la Convention des Institutions Républicaines (CIR), lorsque Charles Hernu, principal animateur du Club des Jacobins, et François Mitterrand, alors à la tête de l’UDSR depuis 1953 et  après la mise en sommeil de celle-ci, décidèrent de rassembler leurs proches au sein d’une Ligue pour le combat républicain en unissant leurs forces respectives pour fonder le Centre d’action institutionnel (CAI). C’est le CAI qui, réuni à Paris les 6 et 7 juin 1964 au Palais d’Orsay, donna naissance à la Convention des Institutions Républicaines (CIR), organisation nouvelle qui rassembla 5 000 adhérents répartis en une cinquantaine de clubs divers, dont l’Atelier républicain, Citoyens 60, le Front démocratique européen, le Mouvement démocratique féminin. La CIR s’affirma pour l’unité de la gauche et accepta le projet – avorté – de Grande Fédération de Gaston DEFFERRE et participa aux négociations en vue de sa constitution. François MITTERRAND annonça sa candidature à la présidence de la République le 10 septembre 1965. La CIR signa la Charte de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste les 8 et 9 octobre 1965. Lors de sa troisième session, la CIR rallia officiellement la candidature de François Mitterrand. Le 9 décembre 1965, François Mitterrand fut élu président de la FGDS.

[36] Jeune professeur de philosophie du second degré, catholique et venu de Caen pour prendre en charge le courant « Unité et action » proche du PCF.

[37] Nous avons volontairement repris ici l’un des sous-titres II- 1 de Gérard DELFAU couvrant la période 1971-1976 (pp. 59-90)

[38] Il est vrai que Gaston DEFFERRE s’illustra tant dans la gestion et les alliances pour la municipalité de Marseille comme au niveau de la fédération SFIO des Bouches du Rhône comme un ardent anticommuniste, à l’instar de nombreux dirigeants de la SFIO pour lesquels depuis le Congrès de Tours (1920) le PCF était resté le frère ennemi.

Après la démission du général de Gaulle de la présidence de la République en 1969, Gaston Defferre fut désigné par défaut comme le candidat du Parti socialiste. Il proposa un tandem avec Pierre Mendès France qui, en cas de victoire, devait devenir son Premier ministre,  à l’instar du modèle américain avec son « ticket » président – vice-président. Le positionnement centriste et opposé au fonctionnement de la Ve République de Gaston Defferre et Pierre Mendès France ne séduisit guère l’électorat, puisque le candidat ne recueillit que 1 133 222 voix au premier tour, soit 5,01 % des suffrages exprimés, suite à la concurrence du candidat centriste Alain Poher, président du Sénat.

[39] Si l’on tient compte du nombre relativement élevé des abstentions, cette victoire peut alors paraître courte, 83 ne prenant pas part au vote, 3925 s’abstenant et 1028 étant absents. Selon Jacques MOREAU, le nombre d’abstentions très significatif aurait traduit « la mauvaise humeur de certains de ceux qui avaient voté les motions DEFFERRE ou MERMAZ » (Jacques MOREAU : « Le congrès d’Épinay-Sur-Seine du parti socialiste », Vingtième Siècle. Revue d’histoire,  Année 2000  65  pp. 81-96, notamment p. 93).

[40] Traitant de sujets aussi divers que Les socialistes face à la formation permanente (1972), thématique à nouveau reprise dans l’ouvrage qui suit Education permanente et socialisme (Tema, 1973) ; Autogestion ou gestion démocratique (sujet conflictuel entre le PCF et le PS, mars 1973) ; Institution scolaire et socialisme (débat avec la FEN, début 1974) ; Les chemins de l’unité. Déclin et renouveau du socialisme depuis la Libération (automne 1974, au moment où Rocard entre au PS).

[41] Cf. l’article d’Émile BRÉHIER : « Les revues du PS de 1971 à 1981», Institut François MITTERRAND, 2013.

[42] La fin des dictatures en Grèce, au Portugal et en Espagne, survenue entre le printemps 1974 et l’automne 1975, constitue un tournant majeur dans l’histoire politique de l’Europe.

[43] François Mitterrand, en bon stratège, avait constaté qu’en signant le programme commun de gouvernement avec les communistes il s’était coupé, au sein de l’Internationale socialiste, de formations influentes qui observaient cette démarche avec beaucoup de réticence. Il considérait que le temps était venu pour les socialistes français de se chercher des alliés dans une Europe du Sud en plein bouleversement. Il avait besoin que se forge un langage commun qui permettrait de rééquilibrer le jeu des influences au sein de la gauche européenne afin de sortir ainsi son parti de son relatif isolement.

[44] En fait, selon l’Institut François MITTERRAND, Mario SOARES, en dépit du désir qu’il avait exprimé de participer à cette réunion informelle, n’était pas présent à ce rendez-vous, en raison de la situation politique alors très difficile à Lisbonne. Il y fut donc représenté par FERRERA, membre du bureau du Parti Socialiste Portugais (cf. Jean-François Huchet ; La Lettre N° 16 : « François MITTERRAND, le Portugal et les socialistes du sud », 25 Juil 2006).

[45] Deux ans après, les 19 et 20 juin 1976, Démocratie et Université, fidèle à l’esprit de Latché, tient ses assises nationales portant sur les thèmes de l’Eurafrique et du front de classes (cf. Le Monde du 22 juin 1976).

[46] C’était, l’on s’en souvient, l’un des slogans qu’affectionnait le président Valéry GISCARD d’ESTAING durant son mandat, de 1974 à 1981.

[47] Michel HASTINGS, « Partis politiques et administration de sens », in Dominique ANDOLFATTO, Fabienne GREFFET, Laurent OLIVIER (dir.), Les Partis politiques : quelles perspectives ? Ed. L’Harmattan, collection « Logiques politiques », Paris, 2002.

[48] Remarqué par les instances dirigeantes du Parti, Waldeck ROCHET, futur Secrétaire Général du PCF de 1964 à 1972, suivit cette filière-là en 1931.

[49] Nathalie ETHUIN : « Formation des militants et identité communiste, Revue Nouvelles Fondations, 2006/2, N°2, pp. 49 à 57, Mise en ligne CAIRN.

[50] Élu en 1946 député de la Charente sous l’étiquette communiste, Jean PRONTEAU fut exclu du parti en 1970 à la suite d’une part de sa critique contre la direction du Parti communiste français n’ayant pas mis suffisamment en cause la répression, par l’URSS, du printemps de Prague de 1968 en Tchécoslovaquie ainsi que la « normalisation » qui suivit, d’autre part, pour avoir mis en cause Georges MARCHAIS quant à sa capacité à pouvoir succéder à Waldeck ROCHET.

[51] Qui ne faisait que reprendre le sous-titre « Pour un socialisme aux couleurs de la France » du XXIIe congrès du Parti communiste qui se tint à Saint-Ouen du 4 au 8 février 1976 qui marqua un tournant idéologique très important pour le PCF avec l’abandon du concept de « dictature du prolétariat ». Un peu plus tard, cette même formule fut suivie par la publication, en janvier 1982, d’une brochure de 80 pages intitulée Construire le socialisme aux couleurs de la France qui correspondait d’ailleurs au rapport du 24eme Congrès du Parti communiste français, réuni à Saint-Ouen, du 3 au 7 février 1982

[52] Pourtant les élections municipales du printemps 1977 s’étaient traduites par un très net succès de l’Union de la gauche qui avait conquis de nombreuses municipalités, Le Monde parlant volontiers de « raz-de-marée », qui semblait plébisciter la stratégie d’union des partis socialiste et communiste. Le total des voix de gauche s’élevait à 50,8 %, ce qui constituait un succès historique. Mais progressivement le PCF s’inquiétait du fait que l’Union profitait davantage au PS qu’au PCF. Rappelons qu’en septembre 1973 Georges MARCHAIS avait publié Le défi démocratique (Ed. Grasset) soulignant qu’en Mars 1973, dix millions de Français, en approuvant le programme commun de la gauche, s’étaient prononcés pour une démocratie nouvelle ouvrant la voie au socialisme.

[53] En 2010, les causes de l’échec sur la réactualisation du programme commun faisaient encore l’objet d’un Colloque organisé par les Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, la Fondation Jean-Jaurès, l’Office universitaire de recherches socialistes et la Fondation Gabriel-Péri, réunissant, à Pantin, historiens et témoins « L’union sans l’unité : le Programme commun de la gauche, 1963-1978 », 19 et 20 mai 2010. Il fera l’objet d’un livre coordonné par Danielle TARTAKOWSKY et Alain BERGOUNIOUX,publié avec le soutien de la Fondation Jean-Jaurès et de la Fondation Gabriel-Péri reprenant l’essentiel des travaux du colloque éponyme.

[54] Les élections cantonales de 1982 voient effectivement le succès de l’opposition de droite, qui s’est unie pour ces cantonales, en se répartissant les cantons entre ses différentes formations : RPR et composants de l’UDF (CDS, PR, PRV, MDS). La droite (RPR et UDF principalement) remporte ainsi 264 sièges de conseillers généraux en plus, la gauche en perdant 1998.

[55]Au premier tour des municipales de 1983 cette tendance du recul de la gauche  se confirme puisque la droite (principalement RPR et UDF) obtient 53,3 % des suffrages exprimés dans les villes de plus de 30 000 habitants et 58 % dans celles de plus de 100 000 habitants. Au second tour, la gauche subit une défaite. Elle perd 31 villes de plus de 30 000 habitants, dont de nombreuses avaient été conquises en 1977. Seule Châtellerault (Édith Cresson) sera gagnée à la droite. Le rapport de forces national s’établit désormais à 53 en faveur de l’opposition contre 47 à la majorité.

[56] Gérard DELFAU : Je crois à la politique, op. cit., p. 153

[57] Ouvrage op. cit., p.

[58] Ibid, p. 155.

[59] Durant la guerre d’Algérie, Bernard PINGAUD participa aux activités du Comité des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord et il signa le Manifeste des 121 intitulé « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie » (1960). En 1968, il fonda le collectif l’Union des écrivains avec notamment Jean-Pierre Faye et Michel Butor. Après avoir animé ce collectif jusqu’en 1973, il dirigea le groupe d’études du Secrétariat à l’Action Culturelle du Parti Socialiste jusqu’en 1979.  En 1981, il fut nommé par Jack LANG président de la Commission de réflexion sur la politique du livre et de la lecture. En 1982, il publia le rapport « Pingaud-Barreau ».

[60] Jérôme PEIGNOT est un romancier, poète, spécialiste de la typographie et essayiste français. En 1982, il est l’instigateur d’une Commission interministérielle sur le graphisme et la typographie, présidée par le Ministre de la culture, Jack Lang. À cette occasion, il rédige un rapport, L’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans l’enseignement public. En 1996, à la demande de Jack Lang, désormais Ministre de l’éducation nationale, il est chargé de mission sur l’écriture, son apprentissage, son histoire, ses techniques.

[61] Notamment le personnage de Don Léopold-Auguste du Soulier de satin de Paul CLAUDEL.

[62] Il existe d’ailleurs dans les Archives du PS un riche « Fonds DELFAU 118 APO 1 à 11 ».  Déposées par Gérard DELFAU, en juillet 2016, ses archives constituent un apport important sur la vie du PS depuis les années 70 et de ses commissions (culture, formation, histoire), sur les rapports entre les courants du PS et les clubs qui gravitent autour (Démocratie et Université, ISER…). Des dossiers sur les rapports PS-PC, la droite et l’extrême droite, les questions européennes et internationale.

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