Claudia SHEINBAUM aux prises avec la guerre commerciale
déclenchée par TRUMP contre le Mexique
par Louis SAISI
SOMMAIRE : Introduction
I/ Qui est Claudia SHEINBAUM ? A/ Une scientifique au caractère bien trempé ; B/ une politique 1/ Du PRD au Mouvement de régénération nationale 2/ Ses mandats locaux antichambre à son accès à la présidence de la République 3/ Son action dans la ville de Mexico 4/ Son féminisme
II/ Anatomie d’une victoire A/ À la tête d’une coalition de gauche 1/ Une primaire très disputée 2/ La défection de Marcelo EBRARD mettant en cause l’unité de la coalition à l’issue des Primaires ; B/ Un combat femme contre femme au niveau national ; C/ Une victoire totale 1/ Au niveau national 2/ Un large contrôle du territoire fédéral
III/ Le programme de Claudia SHEINBAUM A/ Dans le sillage de la quatrième transformation du président AMLO 1/ Un programme volontariste mais sobre en matière budgétaire 2/ La nouvelle candidate présidente entend également préserver « l’autonomie de la Banque du Mexique » ; B/ Les politiques sociales et éducative 1/ Les salaires 2/ Une allocation bimestrielle pour les femmes de 60 à 64 ans 3/ L’accès à la santé 4/ La construction de logements sociaux 5/ L’éducation pour tous ; C/ L’accès à l’eau et le développement des énergies renouvelables 1/ L’accès à l’eau pour toute la population 2/ Le développement des énergies renouvelables ; D/ Les infrastructures collectives 1/ Le développement des infrastructures de transport collectif 2/ La rénovation et la construction de nouvelles raffineries pétrolières engagées par AMLO ; E/ Sur le plan sécuritaire ; F/ En matière de politique étrangère avec leur puissant voisin étatsunien 1/ Les relations économiques et commerciales entre le Mexique et les USA 2/ Les politiques migratoires entre les deux pays ; G/ Les autres orientations 1/ Le renforcement des politiques publiques en faveur de la protection des femmes 2/ Les objectifs de souveraineté
IV/ Ses premières démêlées avec TRUMP A/ La nouvelle politique tarifaire douanière des USA 1/ Le fondement trumpien de cette nouvelle politique douanière 2/ Les droits de douane réciproques, la nouvelle arme commerciale de Donald Trump ; B/ Le bras de fer des USA avec le Mexique et le Canada 1/ Les droits de douane brandis par TRUMP comme variable d’ajustement et de punition 2/ La mise en cause unilatérale de l’ACÉUM par les USA ; C/ La carte du monde selon TRUMP… 1/ Golfe du Mexique ou golfe d’Amérique ? 2/ L’expansionnisme de la souveraineté des USA vers d’autres territoires ? : D/ L’apaisement de la tension dans les relations entre le Mexique et les USA
CONCLUSIONS : Nécessité d’une rétrospective historique des relations commerciales entre les États 1/ De la Rome antique au mercantilisme des 16ème-18ème siècles 2/ Une nouvelle société internationale à l’issue du second conflit mondial : la naissance du GATT 3/ L’OMC (WTO) 4/ L’OMC et les nouveaux défis : pays du groupe des BRICS, altermondialisme, etc. 5/ La résurgence du mercantilisme
À 62 ans, née à Mexico, Claudia SHEINBAUM (PARDO) (photo ci-contre) est, depuis le 1er octobre 2024, présidente du Mexique.
Claudia SHEINBAUM a été largement élue le 2 juin 2024 présidente du MEXIQUE avec plus de 35 millions de voix et près de 60% des suffrages exprimés, réalisant ainsi le meilleur score à une telle élection depuis 1988.
Elle a été élue sur le thème progressiste de la “quatrième transformation”, en s’inscrivant dans la continuité du mandat du président précédent, Andrés Manuel LÓPEZ OBRADOR, dont la cote de popularité était haute en fin de mandat, mais qui, selon le dispositif constitutionnel, ne pouvait se représenter.
Déjà, début juillet 2018, l’élection d’Andres Manuel LOPEZ OBRADOR – qui avait provoqué un véritable séisme électoral au Mexique – avait montré qu’il n’y avait pas une malédiction sur les programmes résolument progressistes. En effet, l’ancien maire de Mexico (2000-2005) – surnommé « AMLO » (par ses initiales) – avait remporté la présidentielle avec 53 % des suffrages. Son Mouvement de régénération nationale (Morena) avait obtenu une majorité absolue au Congrès. Cette victoire écrasante inédite, depuis trois décennies, avait montré l’ardente volonté des électeurs mexicains de se prononcer pour une très nette orientation à gauche.
AMLO avait annoncé son ambitieux programme réformateur promettant la « quatrième transformation du Mexique », après l’indépendance de 1810, la réforme (instaurant la laïcité) de 1857 à 1861, et la révolution de 1910.
Claudia SHEINBAUM fut désignée le 6 septembre 2023, comme la candidate de la coalition de gauche Continuons de faire l’histoire – formée en 2017 – par le Mouvement de régénération nationale (MORENA), le Parti du travail (PT) et le Parti vert écologiste du Mexique (PVEM) pour l’élection présidentielle de 2024.
Elle représenta la coalition de gauche après une compétition ouverte sous la forme d’une Primaire qui l’opposait à cinq autres candidats.
I/ Qui est Claudia SHEINBAUM ?
Fille de deux scientifiques – un père ingénieur chimiste, SHEINBAUM Yoselevitz, et une mère biologiste, Annie PARDO Cemo -, Claudia SHEINBAUM PARDO est née le 24 juin 1962 à Mexico.
Ses grands-parents sont juifs. Du côté paternel, ils sont juifs ashkénazes. Originaires de Lituanie, ils ont fui les persécutions antisémites pour se réfugier au Mexique en 1920. Du côté maternel, ils sont juifs séfarades ayant dû fuir la Bulgarie dans les années 1940 pour les mêmes raisons.
Pourtant, malgré leur histoire familiale fortement marquée par l’antisémitisme, le père et la mère de Claudia SHEINBAUM sont athées, et elle-même n’appartient à aucune religion.
A/ Une scientifique au caractère bien trempé
Claudia SHEINBAUM a fait ses études de physique à l’université nationale autonome du Mexique (UNAM) – la grande université publique du pays, la meilleure et l’une des plus prestigieuses universités d’Amérique latine – , puis elle obtient une maîtrise en génie énergétique. Au cours de ses études, en janvier 1987, alors que les étudiants de l’UNAM sont en grève pour protester contre les projets d’augmentation des frais de scolarité, les leaders de la manifestation lancent un appel à la foule : « Qui accrochera le drapeau de la grève dans le bureau du doyen ? »
Une étudiante en physique de 24 ans s’avance : « Moi ! »
C’est Claudia SHEINBAUM qui vient de répondre en se portant volontaire…
Son cursus universitaire mexicain achevé, Claudia SHEINBAUM part effectuer, avec une bourse de l’UNAM, des recherches au Laboratoire national Lawrence-Berkeley (Californie) pour y étudier les sciences de l’environnement, ce qui lui permet de décrocher son doctorat au sein de cet ensemble de disciplines complémentaires et croisées [1] et de développer ensuite ses activités scientifiques de recherche comme Climatologue et spécialiste de l’efficacité énergétique, ce qui lui vaut d’être l’une des autrices principales du cinquième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou GIEC (Nations Unies) [2] paru en 2014.
B/ Une politique
1/ Du PRD au Mouvement de régénération nationale
Avant son accès à la présidence de son pays, elle fut membre du Parti de la révolution démocratique (PRD) [3], puis, du Mouvement de régénération nationale (MORENA) [4], dans lequel, à partir de 2014, elle rejoint Manuel LÓPEZ OBRADO.
2/ Ses mandats locaux antichambre à son accès à la présidence de la République
Elle fut secrétaire de l’Environnement de Mexico, de 2000 à 2006, dans le cabinet du chef du gouvernement de la ville de Mexico [5], Andrés Manuel LÓPEZ OBRADOR (dit AMLO). Elle fut maire de Tlalpan [6] de 2015 à 2017, puis cheffe du gouvernement de la ville de Mexico de 2018 à 2023.
3/ Son action dans la ville de Mexico
Ci-dessous, l’emblème de la ville de Mexico : sa statue
la plus connue, « L’Ange de l’Indépendance », associée
au slogan « Bésame mucho » (embrasse-moi fort), titre
de la chanson du célèbre boléro très populaire composé
en 1940 par la chanteuse mexicaine Consuelo VELAZQUEZ
De 2000 à 2006, en sa qualité de secrétaire de l’Environnement de la capitale mexicaine, elle améliora, en trois ans, la qualité de l’air de Mexico en sanctionnant les usines polluantes et en procédant au déplacement d’autres, et en créant les contrôles techniques des voitures pour lutter contre les pollutions et gaz toxiques qu’elles génèrent.
En tant que cheffe du gouvernement de la ville de Mexico (2018-2023), elle concentra l’essentiel de sa gestion sur les questions écologiques et mit en œuvre une forte politique sociale, créant des infrastructures (transports pour désenclaver la banlieue, universités, etc.) et distribuant des aides sociales dans les quartiers les plus démunis, le seul point noir à la fin de son mandat restant toujours l’approvisionnement en eau de la capitale.
4/ Son féminisme
En novembre 2019, elle avait lancé à Mexico une « alerte sur la violence contre les femmes ». La maire avait créé également un secrétariat aux Droits des femmes et avait mis en place un système de lutte contre les violences conjugales incluant une allocation pour les femmes battues, avec une loi permettant à la justice d’ordonner l’expulsion de l’agresseur du domicile conjugal.
Cela explique que lors de l’élection présidentielle de 2024, elle promit également de répliquer son expérience de Mexico, au niveau national, notamment son succès dans la lutte contre les violences faites aux femmes, mais aussi de légaliser l’avortement et d’étendre, aux femmes de plus de 60 ans, la pension versée aux personnes âgées.
II/ Anatomie d’une victoire
A/ À la tête d’une coalition de gauche
1/ Une primaire très disputée
Claudia SHEINBAUM a triomphé, entre autres, de Marcelo EBRARD, ex-ministre des Affaires étrangères de l’ancien Président Andres Manuel LÓPEZ OBRADOR, en le devançant de 10 à 15 points à la Primaire organisée pour départager les six prétendants à la candidature à l’issue des cinq enquêtes d’opinion organisées par MORENA. Cette enquête du parti répliquée par quatre instituts de sondage auprès d’un échantillon total de 12 000 personnes a désigné, le 6 septembre 2023, Claudia SHEINBAUM comme la candidate de la coalition de gauche Continuons de faire l’histoire – formée en 2017 – par le Mouvement de régénération nationale (MORENA), le Parti du travail (PT) et le Parti vert écologiste du Mexique (PVEM) pour l’élection présidentielle de 2024.
2/ La défection de Marcelo EBRARD mettant en cause l’unité de la coalition à l’issue des Primaires
Au lendemain de la désignation de sa candidate à l’élection présidentielle de 2024, bien que dominante, la gauche au pouvoir au Mexique dut affronter la contestation de Marcelo EBRARD dès le 7 septembre 2023.
En effet, la désignation de l’ex-maire de Mexico, Claudia SHEINBAUM, fut aussitôt mise en cause par Marcelo EBRARD [7], son principal rival interne.
Déjà, en démissionnant le 12 juin 2023 de son poste de ministre des affaires étrangères pour participer à la Primaire de la gauche, Marcelo EBRARD, figure importante du Mexique à l’étranger – le président AMLO n’aimant pas se déplacer à l’étranger et se reposant volontiers sur son ministre de confiance -, avait montré sa volonté de succéder à LÓPEZ OBRADOR en devenant lui-même président en décidant de participer à la Primaire devant désigner, selon une procédure interne, le candidat de la coalition de gauche [8] :
« J’abandonne ma charge et je vais à la rencontre des citoyens et des citoyennes », avait-il alors déclaré, entouré de ses partisans.
Malgré des sondages qui pourtant ne lui laissaient guère d’espoir face à la candidature de Claudia SHEINBAUM, après la proclamation de la victoire de sa rivale, Marcelo EBRARD demanda, sans succès, la « répétition » du processus de désignation interne, en dénonçant, dès le 6 septembre 2023, avant même l’annonce des résultats, des « irrégularités ».
EBRARD menaça alors de quitter le Mouvement pour la régénération nationale (Morena) au pouvoir. « Il n’y a plus de place pour nous dans Morena après ce que nous avons vu hier (mercredi) », aurait-il déclaré sur Radio Formula. « Nous n’allons pas nous soumettre à cette dame », aurait-il dit au sujet de Claudia SHEINBAUM, selon le site d’information El Pais.
Aussi, dès le lendemain de sa victoire, Claudia SHEINBAUM lança une « main tendue » envers le « camarade EBRARD ». « Les portes seront toujours ouvertes », déclara-t-elle devant la presse, évoquant la possibilité que son rival interne soit membre de son cabinet ou responsable du Parlement. « La maison de Marcelo, c’est Morena », ajouta le président du parti, Mario DELGADO, lors de cette conférence de presse. « Marcelo est mon ami », avait déclaré plus tôt le président de la République Andres Manuel LOPEZ OBRADOR, qui l’avait alors invité à rester dans les rangs de Morena.
Mais cela n’arrêta pas EBRARD qui lança le mouvement « El Camino de Mexico », (La voie du Mexique), sous la forme, pour le moment, d’une association civile soutenue par des députés, des sénateurs et fonctionnaires et un certain nombre d’organisations telles que Avanzada Nacional, Movimiento Progresista, Fuerza Marcelo, Diálogos Progresistas, Morena Progresista et Mujeres con Marcelo qui regrouperaient 500 000 personnes.
Malgré ce soutien, pour la politologue et professeure à l’Université ibéro-américaine, Ivonne ACUNA, le mouvement qu’EBRARD cherche à construire sera petit à côté de ce que MORENA représente.
« Je ne pense pas que ce sera suffisant pour construire un mouvement qui puisse affronter le López Obradorisme. Le mouvement López Obradorista est énorme, je ne pense pas que ce sera suffisant pour cela s’il envisage de devenir l’opposition. Ce sera un petit mouvement » affirme-t-elle.
B/ Un combat femme contre femme au niveau national
En juin 2024, le 2ème tour de la présidentielle mexicaine met face à face Claudia SHEINBAUM, pour la gauche, et Xochitl GÁLVEZ, elle-même investie candidate d’un Front de l’opposition regroupant trois partis [9].
Xochitl GÁLVEZ (ci-contre), l’adversaire de Claudia SHEINBAUM, est une femme à la très forte personnalité issue du milieu conservateur mexicain.
En effet, Bertha Xóchitl GÁLVEZ Ruiz, dite Xóchitl GÁLVEZ, née le 22 février 1963, est une femme cheffe d’entreprise mexicaine, proche du Parti Action Nationale (PAN) [10].
D’origine otomi, une ethnie indigène du Mexique, elle est directrice de l’Instituto Nacional de los Pueblos Indígenas, de 2003 à 2004, maire de Miguel HIDALGO, de 2015 à 2018, et sénatrice au Congrès de l’Union de 2018 à 2023.
La présence de ces deux femmes lors des dernières élections présidentielles mexicaines est un paradoxe dans un pays où le sort des femmes est peu enviable compte tenu des violences qui leur sont faites et où le féminicide est un véritable fléau.
C/ Une victoire totale
Le 1er octobre 2024, Claudia SHEINBAUM devient la première femme mexicaine à exercer la fonction présidentielle. Après avoir prêté serment, elle prononce son discours d’investiture devant le Congrès de l’Union, dans lequel elle déclare : « je n’arrive pas seule, nous arrivons toutes » [11]. Elle reçoit le même jour les hommages et les insignes du pouvoir de la part de représentants des peuples indigènes du Mexique, lors d’une cérémonie traditionnelle.
1/ Au niveau national
Claudia SHEINBAUM, le 2 juin 2024, est largement élue présidente du Mexique avec plus de 35 millions de voix et près de 60% des suffrages exprimés, faisant ainsi le meilleur score pour l’exécutif depuis 1988, grâce à un programme progressiste de la “quatrième transformation”, et s’inscrivant dans la continuité du mandat du président Andrés Manuel LÓPEZ OBRADOR, dont la cote de popularité reste haute en fin de mandat (mais qui, selon les dispositions constitutionnelles, ne peut se représenter).
Sa victoire est totale car au Congrès (Parlement mexicain), la coalition politique, Continuons de faire l’histoire, qui la soutient, est largement majoritaire. En effet, à la Chambre des députés, la coalition « Continuons à faire de l’histoire » obtient 364 députés, sur 500 sièges, pour les trois prochaines années, soit plus que la majorité des 2/3 nécessaire pour modifier la Constitution.
Au Sénat, le Mouvement pour la régénération nationale (Morena) et ses alliés remportent 83 sièges, sur 128, soit la majorité absolue, et aussi ne sont qu’à 3 voix de la majorité nécessaire des 2/3 pour opérer les réformes constitutionnelles. Mais, d’après certains analystes, ce sont 3 voix que le parti au pouvoir pourra facilement obtenir.
Ainsi, avec cette solide majorité, la coalition au pouvoir pourra faire adopter les 23 réformes constitutionnelles que Manuel LÓPEZ OBRADOR, le chef de l’Etat sortant, avait laissé le soin, à la future présidente [12], Claudia SHEINBAUM, de réaliser au cours de son mandat de 6 années. Parmi ces réformes figure un projet de refonte du pouvoir judiciaire prévoyant l’élection directe des juges, au nom de la lutte contre la corruption et les privilèges.
2/ Un large contrôle du territoire fédéral
Comme on le sait, le Mexique est un grand Etat [13] fédéral [14] de 1 972 547 km² et de 128 455 567 d’habitants [15]. Au niveau fédéral, la coalition remporte 7 des 9 postes de gouverneurs en jeu et contrôle 24 États sur 32 (gouverneur et congrès local), auxquels s’ajoutent les assemblées de 4 autres. Seuls 5 États restent entièrement aux mains de l’opposition (États de Coahuila, Aguascalientes, Guanajuato, Nuevo León et Chihuahua).
III/ Le programme de Claudia SHEINBAUM
A/ Dans le sillage de la quatrième transformation du président AMLO
Le programme de Claudia SHEINBAUM s’inscrit dans une continuité assumée avec le projet de « Quatrième transformation » du Mexique impulsé par le président sortant « AMLO » (photo ci-contre) depuis 2018 et son modèle d’« humanisme mexicain » (bonne gouvernance, éthique publique, soumission des intérêts privés et financiers à l’intérêt général et l’État, prise en compte prioritaire des intérêts des catégories populaires dans les politiques publiques, lutte contre la pauvreté et les inégalités, etc.).
Selon un rapport de la Banque mondiale, 9,5 millions de Mexicains sont sortis de la pauvreté entre 2018 et 2024, à la suite de l’amélioration des revenus des travailleurs et de l’augmentation du nombre de personnes employées sortis du chômage. Une telle évolution, note le rapport de l’institution financière précitée, est sans précédent sur une période de six ans. En plus de la création d’emplois, le gouvernement mexicain attribue également ce progrès social à ses programmes sociaux [16].
1/ Un programme volontariste mais sobre en matière budgétaire
Si Claudia SHEINBAUM souhaite approfondir dans toutes les politiques publiques les orientations d’AMLO c’est toutefois dans le respect de l’orthodoxie budgétaire en matière macro-économique. Comme son prédécesseur, elle consent à s’accommoder des règles dominantes du libéralisme ambiant à l’échelle de la planète et des continents. Ainsi, soucieuse de ne pas gêner les grands acteurs de l’économie mexicaine et les investisseurs internationaux, notamment états-uniens, la disciple d’AMLO, n’envisage aucune réforme fiscale structurelle pour financer ses programmes sociaux mais elle s’engage, au contraire, à respecter la « discipline financière et fiscale » en matière de dette publique et de maîtrise des comptes publics en promettant même de ramener le déficit public de 3,7% en 2024 à 2,5% en 2029.
2/ La nouvelle candidate présidente entend également préserver « l’autonomie de la Banque du Mexique »
Héritière de la Commission monétaire établie en 1916, la Banque du Mexique a été créée par la loi du 28 août 1925, mais elle ne put alors fonctionner comme une véritable banque centrale en raison de la situation économique précaire que traversait le pays et de l’anarchie du système bancaire de l’époque. C’est seulement à partir d’un ensemble de lois de juillet 1931 (loi organique) et de 1941, complétées par une série de textes réglementaires de 1932 et 1936, que son statut et ses attributions, nombreuses et importantes, furent fixés et précisés : I) régler l’émission et la circulation de la monnaie et les échanges avec l’extérieur ; II) opérer comme banque de réserve, en liaison avec les institutions qui lui sont associées, et jouer, le cas échéant, le rôle d’une chambre de compensation ; III) constituer et manier les réserves de rigueur en vue des objectifs précités ; IV) réviser les résolutions de la commission bancaire lorsqu’elles affectent les mêmes fins ; V) agir comme agent financier du gouvernement fédéral pour des opérations de crédit interne et externe, pour l’émission et le remboursement de prêts publics, se charger du service de trésorerie du gouvernement lui-même ; VI) participer, en représentation du gouvernement et avec sa garantie, au Fonds monétaire international et à la Banque internationale de reconstruction et de développement [17].
En général, les attributions d’une banque centrale doivent lui permettre d’exercer une influence sur les institutions financières du pays, afin que leur conduite soit conforme aux grandes lignes de la politique économique du gouvernement du pays. Parmi celles que la Banque du Mexique détient en tant que banque centrale, la plus importante est sans doute la réglementation et le contrôle du crédit, des opérations effectuées sur les marchés financiers et sur ceux des changes. Il lui appartient de déterminer quels volumes doivent avoir le crédit et les moyens de paiement pour que les activités économiques se déroulent normalement, pour que l’accroissement de la production soit stimulé, tout en veillant à la stabilité monétaire, c’est-à-dire à la sauvegarde du pouvoir d’achat interne et externe du peso mexicain.
La Banque du Mexique a également avec d’autres autorités monétaires du gouvernement fédéral – le ministère des finances et la commission bancaire nationale – la mission de contrôler le fonctionnement du système bancaire mexicain. Ce dernier a atteint une grande efficacité et il est, selon l’avis des experts internationaux, l’un des plus développés en comparaison avec ceux des pays dont l’économie se trouve au même stade que celle du Mexique.
B/ Les politiques sociales et éducative
Quant au financement des politiques sociales il doit prendre assise sur les bénéfices escomptés de la continuité de l’« austérité républicaine » pratiquée depuis l’élection d’AMLO. La mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en œuvre des politiques sociales doit s’appuyer sur la réduction des dépenses des administrations, ainsi que sur l’utilisation de l’argent de la lutte contre l’évasion fiscale.
1/ Les salaires
Claudia SHEINBAUM s’engage à assurer la poursuite de l’augmentation annuelle des salaires en général.
2/ Une allocation bimestrielle pour les femmes de 60 à 64 ans
C’est ainsi qu’elle annonce la mise en place, « pour un million de femmes en 2025 », d’une nouvelle allocation bimestrielle destinée à celles âgées de 60 à 64 ans, de façon à renforcer leur autonomie avant leur droit à la retraite à 65 ans.
3/ L’accès à la santé
En matière de santé, la candidate prévoit une affiliation au service public de santé de tous les Mexicains leur proposant une couverture élargie de soins préventifs et médicaux (médicaments, vaccination, actes).
4/ La construction de logements sociaux
En matière de logement, elle s’engage à construire 500 000 logements sociaux (créant un million d’emplois) durant son mandat.
5/ L’éducation pour tous
Sur le plan de l’éducation, elle promet l’éducation gratuite pour tous, l’augmentation des bourses universitaires et l’élargissement du nombre de leurs bénéficiaires, ainsi qu’une hausse des salaires pour les enseignants.
C/ L’accès à l’eau et le développement des énergies renouvelables
1/ L’accès à l’eau pour toute la population
Ci-dessous, un exemple de transport d’eau par deux femmes mexicaines, à dos d’âne (animal souvent utilisé à cette fin au Mexique)
L’ancienne maire de Mexico promet, grâce au lancement d’une grand « Plan national hydrique », un accès à l’eau pour toute la population (modification des réglementations et des conditions d’exploitation, d’usage et de distribution – avec une préoccupation de soutenabilité environnementale – dans le cadre des concessions octroyées aux acteurs économiques du secteur).
2/ Le développement des énergies renouvelables
La candidate présidente avait affirmé des objectifs inédits en matière d’investissement dans les énergies renouvelables (hydrogène vert, photovoltaïque, éolien, hydraulique, géothermie), ce qui annonçait une rupture avec la politique de son prédécesseur AMLO [18].
Bien avant la présidence d’AMLO, en 2015, le pays avait publié la Loi de Transition Énergétique qui, entre autres choses, avait fixé des objectifs pour que l’énergie propre augmente en pourcentage dans la matrice énergétique du Mexique. « Pour y parvenir, trois grandes enchères avaient eu lieu en deux ans, ce qui avait fait du pays un leader dans cette expérience de politique publique mondiale. Mais ils ont été paralysés en 2018, lorsque LOPEZ OBRADOR est devenu président.»
Mais quelle était donc la raison de cette réticence énergétique de AMLO envers les énergies renouvelables ? Selon Adrián FERNÁNDEZ, directeur exécutif de l’Initiative climatique du Mexique, elle était due au fait que l’engagement en faveur des énergies renouvelables nécessitait des investissements privés. « Le gouvernement a cru à tort que la seule façon de donner la prédominance aux institutions de l’État était de passer par Pemex – la société pétrolière et gazière de l’État – et la Commission fédérale de l’électricité, et a claqué la porte aux investissements dans les énergies renouvelables » [19].
Ce que la nouvelle présidente devra donc faire, c’est « trouver des mécanismes et des formules mixtes, créatifs mais réalistes, qui incluent des investissements du secteur privé dans les énergies renouvelables », précise FERNÁNDEZ. « Et cela n’a rien à voir avec l’idéologie, mais avec le fait que, dans le monde, 90 % de l’argent est entre des mains privées. » [20]
D/ Les infrastructures collectives
1/ Le développement des infrastructures de transport collectif
Elle entend poursuivre dans le même temps le développement de nouvelles infrastructures ferroviaires – fret et transport de voyageurs – (18 000 kilomètres), routières, aéroportuaires.
2/ La rénovation et la construction de nouvelles raffineries pétrolières engagées par AMLO
Sous cet angle, le pari sur le pétrole et le gaz ne semble pas abandonné par rapport au développement parallèlement annoncé des énergies renouvelables. Or c’est là le point culminant car SHEINBAUM a reçu un pays dans lequel les paris sur les investissements et les infrastructures liés aux combustibles fossiles rendent difficile la transition vers des sources d’énergie plus durables. Et c’est là que la présidente va être confrontée au plus grand défi climatique.
En effet, la présidente mexicaine risque d’être vite en conflit avec l’ancienne rapporteuse du rapport du GIEC de 2014, car la construction de nouvelles raffineries pétrolières constitue un écart abyssal par rapport au primat de la lutte contre le réchauffement climatique condamnant les énergies fossiles et préconisant le remplacement des énergies carbonées par des sources d’énergie propres et durables.
E/ Sur le plan sécuritaire
En 2022, le Mexique était classé parmi les pays les plus dangereux au monde, avec un taux de criminalité élevé principalement dû aux cartels de la drogue et autres groupes criminels actifs dans le pays. Les statistiques des différentes violences perpétrées sont tellement alarmantes et problématiques qu’elles préoccupent non seulement le régulièrement gouvernement du pays mais aussi différentes instances internationales en vue de leur résolution.
Ci-dessous, opération sécuritaire au Mexique
Avec plus de 450 000 assassinats et 100 000 disparus depuis 2006 et la politique de « guerre » contre les cartels de drogue lancée par l’ancien président Felipe CALDERÓN. Ce modèle offensif mis en place par Felipe CALDERÓN entre 2006 et 2012 affichait une volonté ferme de ne laisser aucun crime ni aucun acte de violence impunis et d’employer la force pour traquer et punir les criminels [21].
Mais Cette politique de guerre frontale n’a pas vraiment été une réussite. Car si l’État a commencé à mettre en place sa politique de tolérance zéro il ne disposait pas d’éléments suffisants pour l’appliquer avec efficacité, car sans préparation et sans budget, il ne bénéficiait pas du soutien de la société civile et était aux prises avec un grave problème de corruption au sein même de ses institutions [22].
Ceci explique qu’Andrés Manuel LÓPEZ OBRADOR s’efforça de freiner la violence mais avec une approche différente résumée dans la formule : « abrazos no balazos » (« des câlins, pas des balles », en français) mais qui ne fut pas davantage couronnée de succès [23].
Aujourd’hui, avec son élection, Claudia SHEINBAUM a bien conscience de l’ampleur du phénomène et a annoncé notamment le renforcement des effectifs de la Garde nationale (actuellement un peu plus de 130 000 membres en 2024), en charge de la lutte contre le crime organisé et le narcotrafic. Ce corps armé créé en 2019 par Manuel LÓPEZ OBRADOR et composé de 133.000 agents est considéré par le gouvernement comme plus fiable que les polices locales et que la police fédérale, jugée corrompue et infiltrée parfois par les narcotrafiquants [24]
Pour autant, la nouvelle dirigeante promet de continuer sa stratégie de désescalade, mais sans les « accolades » aux cartels.
Mais il y aussi le fléau de la violence envers les femmes, dans un pays où dix femmes et filles sont tuées chaque jour par un conjoint ou un membre de leur famille, d’après les données du gouvernement. La majorité de ces meurtres de femmes restent classés comme des crimes ordinaires, malgré l’adoption d’une loi pionnière sur le féminicide en 2012. Résolue à lutter contre ce fléau, la nouvelle présidente a promis de qualifier le féminicide au niveau national, palliant ainsi l’inapplication de la loi par certains États mexicains [25].
F/ En matière de politique étrangère avec leur puissant voisin étatsunien
En matière de politique étrangère, Claudia SHEINBAUM maintient les orientations du président LOPEZ OBRADOR. Ces dernières se focalisent essentiellement sur les relations du pays avec les États-Unis dans les domaines de l’économie et des migrations.
1/ Les relations économiques et commerciales entre le Mexique et les USA
Dans ce domaine, il s’agit d’approfondir l’intégration économique et commerciale entre les deux partenaires. Le Mexique, qui est premier partenaire commercial de la première puissance mondiale, mise sur les retombées et les possibilités offertes par la stratégie de « nearshoring » – relocalisation des entreprises et des activités économiques au plus près des marchés de consommation et dans le tissu économique et politique de partenaires fiables sur le plan géopolitique – développée par Washington dans le cadre de sa guerre commerciale avec la Chine et de la réorganisation des chaînes de productions et de valeurs mondiales post-pandémie.
2/ Les politiques migratoires entre les deux pays
Ci-dessous, mettre des visages sur des chiffres : des portraits de migrants
Dans ce second domaine, il s’agit de maintenir avec le gouvernement américain une gestion « coordonnée », dans le respect de la « souveraineté » mexicaine, des politiques migratoires et frontalières (plus de trois mille kilomètres de frontière commune). Dans la relation qu’elle souhaite établir avec les États-Unis, Claudia SHEINBAUM affirme avec force :
« Coordination oui, subordination non. Nous ne baisserons jamais la tête ».
G/ Les autres orientations
D’autres orientations structurent son programme de gouvernement :
1/ Le renforcement des politiques publiques en faveur de la protection des femmes
Il s’agit du renforcement des politiques publiques promouvant l’égalité homme/femme, assorti d’un volet sur la protection de ces dernières contre les violences et les féminicides
2/ Les objectifs de souveraineté
Ils sont nombreux, dont les principaux :
a) Souveraineté alimentaire pour le pays (notamment dans le secteur du maïs) ; la compagnie pétrolière Pemex se verra assigner un objectif de production nationale de fertilisants pour l’agriculture.
b) Maintien dans l’orbite publique des grandes entreprises nationales et du subventionnement des prix de l’énergie et de l’électricité pour la population ;
c) Objectifs environnementaux (programmes de reforestation, d’extension des zones naturelles et aquatiques protégées, arrêt de nouvelles concessions pour les activités minières à ciel ouvert, interdiction de la technique de « fracking » dans l’exploitation du schiste, etc.).
IV/ Ses premières démêlées avec TRUMP
Dans le style belliqueux qui le caractérise, et peu après son élection du mardi 5 novembre 2024, le président TRUMP avait écrit, le lundi 25 novembre, dans une publication sur son réseau Truth Social à propos de la migration, du trafic de fentanyl [26] et des droits de douane :
“Le 20 janvier, pour l’un de mes nombreux premiers décrets [27], je signerai tous les documents nécessaires pour imposer au Mexique et au Canada des droits de douane de 25% sur TOUS les produits entrant aux États-Unis”, en ajoutant : “Cette taxe restera en vigueur jusqu’à ce que les drogues, en particulier le fentanyl, et tous les immigrants illégaux arrêtent cette invasion de notre pays !”.
Mais le Mexique n’est pas le seul pays visé car le Canada, la Chine et l’Union européenne le sont également
A/ La nouvelle politique tarifaire douanière des USA
« Dans quelques instants je vais signer un décret historique instituant des droits de douane réciproques sur des pays du monde entier », a déclaré Donald TRUMP, mercredi 2 avril 2025, au début d’un discours très attendu. Puis le président américain a précisé ces droits de douane massifs sur les produits entrant aux Etats-Unis : 34 % sur les produits chinois, 20 % sur ceux en provenance de l’Union européenne ou encore 46 % pour le Vietnam. Il a aussi annoncé plus largement un droit de douane plancher, d’au moins 10 %, sur tous les produits entrant dans le pays. Ces nouvelles taxes sont prévues en deux temps : le 5 avril pour les droits de douane d’au moins 10 % sur tous les produits entrant aux Etats-Unis, et le 9 avril pour les droits de douane majorés visant des géants comme la Chine et l’Union européenne.
1/ Le fondement trumpien de cette nouvelle politique douanière
Le président TRUMP a parlé d’une « déclaration d’indépendance économique » et promis à nouveau un « âge d’or » à son pays.
« Depuis des décennies, notre pays a été pillé, saccagé, violé et dévasté par des nations proches et lointaines, des alliés comme des ennemis. On se fait avoir depuis 50 ans », a-t-il asséné. « C’est le jour de la libération en Amérique », avait déjà lancé le président américain, le 2 avril 2025, sur son réseau Truth Social.
Il a récidivé à l’occasion de l’interview qu’il a donnée le 24 avril 2025 dans son bureau ovale de la Maison Blanche à Jeffrey GOLDBERG, rédacteur en chef du magazine The Atlantic [28] ainsi qu’à deux journalistes séniors de ce prestigieux mensuel américain (qui lui est hostile) et traduit par Le Courrier International du 7 au 14 mai 2025 (N° 1801, pp. 6-13).
À cette occasion, il s’est exprimé ainsi :
« Je ne pense pas que ça arrivera (récession des USA à cause de sa politique commerciale). Je ne vois pas comment je pourrais revenir dessus, parce que j’ai bien vu ce qui était en train de se passer. Ça fait 35 ou 40 ans que je dis la même chose : j’ai vu ce pays se faire dépouiller par d’autres, et je dis bien « amis comme ennemis ». Et, croyez-moi, nos amis sont dans bien des cas pires que nos ennemis. L’année dernière on a perdu des milliards de dollars en échanges commerciaux à cause de ce type [Biden]. Et, chaque année, on perd des milliards. Des centaines de milliards, et, maintenant, ce sont même des milliards de milliards (de déficit commercial). Et j’ai du mal à imaginer qu’un pays qui perd autant d’argent puisse rester viable longtemps.
Et je me suis dit qu’il fallait que quelqu’un y fasse quelque chose. Et comme vous le savez, j’ai déjà mis en place des droits de douane sur les voitures de 25% ; sur l’acier, de 25% ; sur l’aluminium, de 25%. J’ai des droits de douane de base de 10% pour tout le monde, pour chaque pays, et ça va changer. Et pour que les choses soient bien claires : j’ai beaucoup de négociations sur le feu en ce moment, mais je n’y suis pas tenu. Je le fais parce que je veux voir leurs réactions. Mais je suis comme quelqu’un qui a un magasin dont tout le monde veut acheter les produits. Ce magasin, il faut que je le protège. Et c’est moi qui fixe les prix. Et on va devenir très riches. On va faire beaucoup d’argent. Donc, non, je ne pense pas que ça va m’affecter. Ça vous affecte toujours un petit peu, mais non, je ne crois pas – et on ne se dit certainement pas que ça tombera en-dessous d’un certain seuil -, d’ailleurs, je ne sais pas où on en est aujourd’hui. Qu’est-ce que dit la bourse ? »
(Les participants à l’interview ayant été invités à donner la réponse attendue par le président TRUMP, c’est Karoline LEAVITT, assistant à l’interview et porte-parole de la Maison-Blanche, qui s’en charge : « Ça grimpe. Tous les voyants sont au vert… Le Dow Jones a pris 419 points. Le Nasdaq remonte »)
Ce qui permet à TRUMP de reprendre et d’enchaîner ainsi :
« C’est une période de transition. Et pas une petite. Je remets les pendules à l’heure. Je remets les compteurs à zéro. Enfin, pas à zéro. C’est entre 1850 ou plutôt 1870 et 1913 que notre pays a connu son apogée. Et tout ça grâce aux droits de douane. Et puis, un jour, un petit génie a dit : « On va taxer les gens les gens plutôt que de taxer les pays étrangers. »
Quant aux relations commerciales des USA avec les Canadiens, le nouveau locataire de la Maison Blanche confirme ses déclarations précédentes, se montre même impitoyable et considère toujours qu’ils feraient « un très bon 51ème État » (américain) :
« Voilà le problème que j’ai avec le CANADA : on les subventionne à hauteur de 200 milliards de dollars (175 milliards d’euros) par an. Or on n’a pas besoin de leur essence ; on n’a pas besoin de leur pétrole ; on n’a pas besoin de leur bois. On n’a pas besoin de leur énergie, quelle qu’elle soit. En fait, on n’a besoin de rien de ce qu’ils ont. Ce que je dis, c’est qu’ils feraient un très bon 51e État. Il y a d’autres pays que j’aime beaucoup. J’aime beaucoup le Canada. J’y ai de très bons amis. Vous savez, 95% de leurs échanges commerciaux se font avec nous. N’oubliez pas que s’ils deviennent un État américain, ils n’auront plus de droits de douane. Ils auront moins de taxes. Ils seront protégés militairement. »
A la suite de l’intervention de Jeffrey GOLDBERG : « Vous voulez sérieusement que le Canada devienne un État américain ? »..
TRUMP répond avec aplomb : « Je pense que ce serait une très bonne chose ».
Et à la remarque suivante du journaliste « Un gigantesque État… démocrate, donc. », TRUMP de surenchérir :
« C’est ce que beaucoup de gens disent, mais, même si c’est le cas, ça me va. »
2/ Les droits de douane réciproques, la nouvelle arme commerciale que Donald Trump a dégainée
Le 13 février 2025 Donald TRUMP a indiqué qu’il allait signer son décret imposant des droits de douane réciproques : « Trois semaines superbes, peut-être les meilleurs de tous les temps, mais c’est aujourd’hui la plus grande : les droits de douane réciproques !!», a écrit le président républicain, promettant une fois de plus de rendre à l’Amérique sa « grandeur ».
Il s’agit de la nouvelle étape de la guerre commerciale que souhaite mener le président américain qui risque d’entraîner une avalanche de réactions lourdes de conséquences pour le commerce mondial.
L’idée n’est pas nouvelle chez Donald Trump, qui y avait déjà fait rapidement allusion durant sa campagne, en reprenant la loi du Talion pour la réadapter à sa manière : « Œil pour œil, droit de douane pour droit de douane, exactement le même montant ».
Il avait réitéré cette idée le dimanche 9 février 2025, la résumant à quelque chose de « très simple : s’ils nous font payer, on les fait payer ».
De son point de vue, il n’y a aucune raison qu’un pays étranger taxe les produits américains à un niveau supérieur à celui auquel les produits de ce pays sont taxés en entrant aux États-Unis.
Interrogé sur CNBC, le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin HESSET, a confirmé l’idée, soulignant que « si on nous taxe à 20%, on devrait pouvoir le faire, et si les droits de douane baissent, nous les baissons ».
Que penser des arguments invoqués par TRUMP pour justifier sa croisade douanière ?
Ils ne sont guère validés par les principales institutions internationales mobilisées sur le front du Commerce international.
En effet, selon les données de la Banque mondiale, les États-Unis appliqueraient en réalité en moyenne des droits de douane supérieurs à ceux imposés par les pays européens (2,72% contre 1,95%) alors que l’Inde applique un taux moyen de 14,26%, le Brésil à 12,38% et la Chine à 6,54%.
Quant à l’OMC [29], elle considère dans son Rapport annuel prenant plus particulièrement en compte les échanges commerciaux entre les États-Unis et ses principaux partenaires, que si l’UE taxe légèrement plus les produits américains que les États-Unis vis-à-vis des produits européens (4,5% contre 3,9%), une part plus importante des exportations américaines en Europe y entre sans taxes que l’inverse. Ramenés au volume échangé, les droits de douane américains sont ainsi plus élevés que ceux de l’UE (1,4% contre 0,9%).
B/ Le bras de fer des USA avec le Mexique et le Canada
1/ Les droits de douane brandis par TRUMP comme variable d’ajustement et de punition
Le président américain a justifié ses mesures de surtaxation douanière visant la Chine, le Mexique et le Canada par le fait que ces trois pays jouent un rôle actif dans la crise du fentanyl, un puissant opioïde qui fait des ravages aux États-Unis. En effet, selon lui, la Chine exporte vers le Mexique des principes actifs permettant la fabrication par les cartels mexicains du fentanyl, ensuite vendu de l’autre côté de la frontière. Les cartels mexicains « sont les principaux trafiquants mondiaux de fentanyl, de méthamphétamine et d’autres drogues » et « ont une alliance avec le gouvernement du Mexique », a-t-il déclaré le 1er février 2025, depuis la Maison Blanche.
La riposte ne se fit pas attendre car, le même jour, 1er février 2025, la présidente du Mexique, Claudia SHEINBAUM, n’hésita pas à écrire sur X :
« Nous rejetons catégoriquement la calomnie de la Maison Blanche qui accuse le gouvernement mexicain d’avoir des alliances avec des organisations criminelles ». Et, à son tour, elle évoqua la perspective de « mesures douanières » en représailles à celles annoncées plus tôt par le président américain.
Mais la présidente de gauche nationaliste s’abstint de détailler quelles seraient ces « mesures tarifaires » ni davantage donné de calendrier, à la différence du Premier ministre canadien Justin TRUDEAU avec qui elle s’était préalablement entretenue le même jour.
Un peu plus tard, dans un discours public du 3 mai 2025, faisant allusion aux informations du « Wall Street Journal » publiées le 2 mai selon lesquelles le président américain avait fait pression sur elle pour que le Mexique accepte la présence de soldats américains sur son territoire, la présidente mexicaine déclara qu’elle avait rejeté l’offre de son homologue américain Donald TRUMP d’envoyer son armée au Mexique pour lutter contre les cartels de la drogue :
« C’est vrai (…), mais pas comme ils le disent », a expliqué Claudia SHEINBAUM, en rappelant comment, lors d’un appel, Donald TRUMP lui avait demandé ce qu’il pouvait faire pour l’aider à lutter contre le crime organisé en lui proposant d’envoyer l’armée américaine.
« Je lui ai dit : “Non, président Trump, le territoire (du Mexique) est inviolable, la souveraineté est inviolable (…), nous n’accepterons jamais la présence de l’armée américaine sur notre territoire” », a-t-elle ajouté.
2/ La mise en cause unilatérale de l’ACÉUM par les USA
Ci-dessous, les drapeaux des trois partenaires de
l’ACÉUM : Canada, États-Unis, Mexique.
L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACÉUM) [30] est basé sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), entré en vigueur le 1er janvier 1994 entre les USA et ses deux voisins frontaliers du Nord (Canada) et du Sud (Mexique).
Déjà, dès sa première élection de 2016, le président TRUMP avait manifesté sa sensibilité très vive aux relations commerciales des USA avec le reste du monde qui, selon lui, n’étaient pas suffisamment favorables aux intérêts américains.
C’est ainsi que lors de la campagne de l’élection présidentielle américaine de 2016, Donald TRUMP avait promis de renégocier l’ALENA (accord de libre-échange nord-américain).
Le nouvel accord de l’ACÉUM est le résultat de plus d’un an de négociations, y compris des menaces de tarifs par les États-Unis contre le Canada en plus de la possibilité de séparer les accords bilatéraux.
Le 1er octobre 2018, les trois Etats se mettent d’accord et, en mai 2019, les États-Unis suppriment les droits de douane supplémentaires qu’ils avaient mis en place récemment contre l’acier et l’aluminium venant du Canada et du Mexique.
Le 10 décembre 2019, une nouvelle mouture de l’ACEUM est signée à Mexico par les représentants des trois pays concernés – prenant en compte des amendements exigés par le Congrès américain concernant notamment un contrôle de la mise en œuvre effective de la réforme de la législation du travail au Mexique – et doit maintenant être ratifiée par les parlements nationaux des trois Etats.
L’accord entre en vigueur le 1er juillet 2020 [31]
a) Rappel du contenu de l’ACEUM
L’accord de l’ACÉUM, avec les deux pays frontaliers des USA, au nord (CANADA) et au Sud (MEXIQUE), figuré par les deux flèches rouges verticales – ascendante et descendante – sur la carte ci-dessous
Quant à son l’accord couvre un grand nombre de domaines, dont les produits agricoles, les produits manufacturés, les conditions de travail et le commerce numérique.
De nombreux aspects importants de l’accord ont donné aux producteurs laitiers américains un plus grand accès au marché canadien.
L’industrie agroalimentaire, très influente, est parvenue à faire inscrire la plupart de ses principales exigences, notamment en réduisant la réglementation sur la protection des consommateurs
Les accords contiennent des lignes directrices pour une plus grande proportion d’automobiles fabriquées aux États-Unis ou au Mexique.
Pour bénéficier des tarifs de douane nuls, une voiture ou un camion doit avoir 75 % de ses composants fabriqués au Canada, au Mexique ou aux États-Unis, une augmentation substantielle par rapport à ce qu’était l’exigence antérieure de 62,5 %.
En outre, au moins 30 % des travaux sur le véhicule doivent être effectués par des travailleurs qui gagnent au moins 16 dollars de l’heure.
Le nouvel accord incorpore de meilleures garanties sur la reconnaissance du droit de grève, sur la violence contre les syndicalistes et l’exploitation des travailleurs immigrés.
En revanche, il ne fait aucune mention du réchauffement climatique et est jugé très en dessous des attentes sur la question de l’environnement.
Le Canada se voit imposer un allongement de la durée minimale du droit d’auteur, désormais fixé à 70 ans (75 ans pour les enregistrements sonores) à la suite de la mort de l’auteur.
Quant au mode de règlement des différends entre les trois Etats, le système retenu est similaire à celui qui était inclus dans l’ALENA.
b) Sa mise en cause implicite
Le laxisme présumé du Mexique et du Canada sur les questions de la lutte contre les narcotrafiquants et l’entrée sur le territoire des USA des drogues, et en particulier du fentanyl, sont les prétextes du président américain pour imposer à ses deux partenaires des barrières douanières contraires à l’Accord Canada-Etats-Unis-Mexique (ACÉUM) constituant un traité de libre-échange en vigueur depuis 2020.
« Nous défendrons l’ACEUM parce qu’il a été bénéfique pour les trois pays. Si le président Trump adopte une approche différente, nous serons préparés à toute éventualité, mais il est évident que nous souhaitons que l’ACÉUM soit maintenu », a déclaré la dirigeante lors de sa conférence de presse matinale du 7 mai 2025.
C/ La carte du monde selon TRUMP…
1/ Golfe du Mexique ou golfe d’Amérique ?
Confortablement assis dans son jet privé en direction du Super Bowl, Donald TRUMP signa, le dimanche 9 février 2025, un décret officialisant le 9 février comme « jour du Golfe de l’Amérique ». Ce décret fait écho à la décision qui avait été déjà prise par le président, lors de son investiture, le 20 janvier, de renommer le golfe.
Ci-dessous, le président américain salue l’entrée en vigueur du décret modifiant le nom du golfe du Mexique en « Gulf of America »
Mais la présidente mexicaine Claudia SHEINBAUM annonça le 9 mai 2025 avoir engagé des poursuites contre Google (Alphabet), accusé d’avoir modifié l’appellation du golfe du Mexique en « golfe d’Amérique » sur son service de cartographie pour les utilisateurs américains. (voir photo précédente sous le § 1 ci-dessus), Cette décision, qui était visible depuis janvier sur Google Maps aux Etats-Unis, avait fait suite au décret précité signé par Donald TRUMP.
« La plainte a déjà été déposée », a confirmé Claudia SHEINBAUM lors de sa conférence matinale, sans en dévoiler les détails juridiques. Dès février 2025, elle avait averti Alphabet, maison mère de Google, qu’un recours en justice serait enclenché si la mention controversée n’était pas corrigée.
2/ L’expansionnisme de la souveraineté des USA vers d’autres territoires ?
Le 8 janvier 2025, avant même de prendre ses fonctions, à l’occasion d’une conférence de presse, le président TRUMP publia une carte des Etats-Unis incluant le Groenland [32] (territoire autonome du Danemark [33]) et le canal de Panama qu’il souhaiterait annexer par la force si besoin était…
Ci-dessous, le rêve de prise du Groenland
par le président TRUMP,
un vieux rêve américain
Bien qu’appartenant physiographiquement au continent nord-américain, le GROENLAND a été politiquement et culturellement rattaché à l’Europe – en particulier à la Norvège et au Danemark, les puissances coloniales, ainsi qu’à l’île voisine d’Islande – pendant plus d’un millénaire.
Cette situation géographique explique que les USA ont toujours considéré que l’île appartient à l’espace « des Amériques » défini par la doctrine Monroe. Aussi avaient-ils déjà fait, en 1867, une offre de rachat du Groenland et de l’Islande, mais sans succès.
Au lendemain du second conflit mondial, en 1946, le président Harry S. TRUMAN, renouvelant l’offre de ses illustres prédécesseurs, proposa 100 millions de dollars pour l’achat de l’île. Mais le Danemark, qui après la guerre avait repris le contrôle du territoire, refusa cette nouvelle offre.
Comme nous l’avons déjà évoqué (cf. supra), le président américain souhaiterait également que le Canada devienne le 51ème Etat américain.
D/ L’apaisement de la tension dans les relations entre le Mexique et les USA
Les rebondissements dans les relations de TRUMP avec ses interlocuteurs – amis, concurrents ou adversaires – ne sont jamais à exclure… De la tempête elles peuvent passer brutalement au « beau fixe »…
Les relations commerciales entre les États-Unis et le Mexique n’échappent pas à cette pratique coutumière du président TRUMP.
Avec sang-froid et réalisme, mais ferme sur ses principes, Claudia SHEINBAUM, loin de vouloir envenimer le climat des relations du Mexique avec les USA en s’abandonnant à des échanges polémiques avec TRUMP, proposa, au contraire, à son homologue américain la mise en place d’« un groupe de travail avec nos meilleures équipes de sécurité et de santé publique » sur les questions de trafic de drogue et des migrations.
La trêve des deux protagonistes américain et mexicain
Après un échange « amical » avec le président américain Donald TRUMP, celui-ci accepta alors le lundi 3 février 2025 de suspendre immédiatement, et pour une durée d’un mois, l’application des droits de douane imposés sur les importations du Mexique.
En retour, la présidente mexicaine évoqua une série d’accords entre les deux pays, notamment le déploiement de 10 000 soldats de la Guardia nacional à la frontière pour lutter contre le trafic de drogues.
« Nos équipes commenceront dès aujourd’hui à travailler sur deux fronts : la sécurité et le commerce », écrivit la présidente Claudia SHEINBAUM, sur X.
De son côté, dans une interview à la chaîne de télévision CNBC, Kevin HASSETT, président du Conseil économique national de la Maison Blanche, affirma le même jour qu’il ne s’agissait pas d’une guerre commerciale mais d’une « guerre contre la drogue ». Il avait ajouté que le Mexique semblait avoir davantage pris la mesure, contrairement au Canada, de ce que Donald TRUMP attendait, à savoir être « beaucoup plus incisif dans la guerre contre la drogue ».
Enfin, le 9 avril 2025 TRUMP annonça leur suspension pour 90 jours, laissant subsister tout de même un taux minimum uniforme de 10 %[34].
CONCLUSIONS
Quels enseignements tirer de cette guerre économique commerciale dont certains ont annoncé qu’elle signait la mise en cause de l’OMC par les USA et constituait le prélude de sa fin prochaine. Cette OMC qui, loin d’être considérée unanimement comme une panacée, était, elle-même, d’ailleurs, régulièrement mise en cause par les mouvements altermondialistes et, chez nous, par une partie de la gauche française, opposés à la libéralisation du commerce mondial et à ses conséquences sociales ou environnementales néfastes, avec la disparition de l’Etat-nation cadre de l’expression de la démocratie ?
Une rétrospective historique des relations commerciales entre les États est ici nécessaire.
Politiquement et juridiquement, les droits de douane sont liés à l’existence de frontières à l’intérieur desquelles s’exerce la souveraineté des États, en principe libres de se positionner comme ils l’entendent, pour se protéger et pour défendre leurs intérêts économiques exposés à la concurrence d’autres Etats sur la scène internationale des relations commerciales entre Etats.
Les droits de douanes ont ainsi joué un rôle déterminant dans le développement et la structuration des économies nationales.
1/ De la Rome antique au mercantilisme des 16ème-18ème siècles
Dès l’Antiquité, Rome dans ses échanges commerciaux, n’hésitait pas à imposer des péages sur les marchandises transitant par ses ports.
Au Moyen Âge, les cités-États italiennes, comme les Républiques de Venise et de Gênes, taxaient les épices et la soie pour financer leurs guerres.
En France, à la même époque, par les « octrois » [35] les municipalités [36] percevaient des taxes – véritables contributions indirectes – lors de l’importation des marchandises sur leur territoire en fonction de la valeur de celles-ci [37]. Une ordonnance de 1681 donna à l’octroi un caractère régulier et uniforme dans le royaume [38]. Mais l’octroi était si impopulaire qu’il fut l’une des causes de la Révolution de 1789. Et cela conduisit l’Assemblée nationale constituante à le supprimer le 20 janvier 1791 [39], car il était à la fois considéré comme « arbitraire » et comme favorisant « les nobles, les bourgeois et les riches ».
Mais la loi du 27 novembre 1796, adoptée au début du Directoire – qui avait établi un bureau de bienfaisance dans chaque commune -, avait prévu qu’il serait financé par une taxe sur les théâtres, la charité privée et un octroi, ce qui était une manière de redonner vie aux octrois. Mais, de manière encore plus radicale, le Directoire rétablit les octrois le 18 octobre 1798.
Le Consulat, dominé par la figure centrale de BONAPARTE, tira partie du rétablissement des octrois en prélevant, en 1802, 5 % des taxes qu’ils rapportaient pour l’approvisionnement en pain de l’armée, pourcentage porté à 10 % sous l’Empire.
À la chute de l’Empire, l’ordonnance du 9 décembre 1814 – qui énumère les marchandises taxables : boissons et marchandises liquides, comestibles, combustibles, fourrages et matériaux – exclut, en France métropolitaine, les produits de première nécessité, dits « produits francs de droit », comme les blés et les farines.
Au 19ème siècle, la suppression des barrières de l’octroi était régulièrement promise, notamment par les tenants de l’école libérale [40] ainsi d’ailleurs que par la gauche qui y dénonçait un impôt facteur d’augmentation du coût de la vie.
En 1897, si une loi votée par les députés permettait aux maires de supprimer l’octroi, elle fut sans effet car les municipalités, faute d’une compensation financière, ne voulurent pas renoncer à cette taxe.
Il fallut encore attendre près d’un demi-siècle, pour qu’en 1943 les octrois soient enfin supprimés.
Au plan des relations économiques et marchandes, au niveau des Etats, entre le XVIème et le XVIIIème siècle, les droits de douanes furent un instrument central de la mise en œuvre de la pensée mercantiliste.
Les tenants du mercantilisme prônaient le développement économique par l’enrichissement des nations au moyen d’un commerce extérieur rationnellement organisé en vue de dégager un excédent de la balance commerciale.
L’État se trouvait ainsi investi de la responsabilité de développer la richesse nationale, en adoptant des politiques pertinentes, non seulement de nature « défensive » (protectionnisme) mais aussi « offensive » (en favorisant l’exportation et l’industrialisation).
En effet, l’entre-deux-guerres (1918-1940) avait vu l’essoufflement du commerce international.
Lors de la crise de 1929, la loi du 17 juin 1930 – dite Hawley-Smoot ou, en anglais, Hawley-Smoot Tariff ou Smoot-Hawley Tariff Act, – avait été promulguée aux USA par le président HOOVER pour augmenter les droits de douane sur l’importation de plus de 20 000 types de biens pour atténuer les effets de la grande dépression, ce qui avait incité de nombreux pays, par mesure de rétorsion, à augmenter leurs taxes à l’importation. Aux Etats-Unis, cette loi avait été précédée par la loi Fordney-McCumber de 1922 à laquelle Henry FORD s’était opposé en faisant valoir que les techniques industrielles américaines étaient suffisamment fortes pour se passer d’une protection qui avait, selon lui, pour principal effet de ralentir le commerce.
C’est ainsi qu’après la crise de 1929, le commerce international avait régulièrement diminué de 0,5 % par an. Cela était imputable à la baisse de la production industrielle et à la crise des moyens de paiement mais aussi au renouveau du protectionnisme qui avait accompagné la grande dépression.
Or un tel protectionnisme était largement pratiqué par toutes les nations commerçantes, y compris par celles qui, au départ, étaient les plus attachées au libre-échange comme les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ce protectionnisme se révélait de manière multiforme, en combinant des droits de douane élevés, mais aussi des restrictions quantitatives aux importations, un contrôle des changes rigoureux et des accords bilatéraux de troc…
Pourtant, dès juin 1934, le secrétaire d’État du président F.D. ROOSEVELT, Cordell HULL, persuada le Congrès d’adopter la loi sur les accords commerciaux réciproques (RTAA). Il s’agissait d’un amendement à la loi tarifaire Smoot-Hawley de 1930 qui permettait au président de pouvoir conclure des accords de commerce extérieur avec d’autres nations sur la base d’une réduction mutuelle des droits d’importation. Cela ouvrit une brèche dans l’approche historique qui avait consisté jusqu’alors à demander au Congrès de fixer des droits d’importation, généralement à des niveaux protectionnistes élevés.
Mais c’est surtout la fin de la seconde guerre mondiale qui, au milieu du XXe siècle, va constituer un tournant : les accords du GATT (1947), puis de l’OMC (1995), vont promouvoir la réduction progressive des droits de douane afin de favoriser les échanges marchands en s’affranchissant des entraves étatiques.
2/ Une nouvelle société internationale à l’issue du second conflit mondial : la naissance du GATT
C’est en effet dans le contexte de la grande réorganisation de la société internationale qui a suivi la seconde guerre mondiale que va naître ainsi le General Agreement on Tarifs and Trade ou GATT [41] le 30 octobre 1947.
Adopté par 23 pays, l’Accord du « GATT » [42] se donnait comme objectif d’harmoniser les politiques douanières des parties signataires. Le traité entra en vigueur en janvier 1948 et le secrétariat s’installa à Genève.
Le GATT constituait le troisième volet d’un triptyque à la fois : politique, avec la création, le 26 juin 1945, par la Charte de San-Francisco, de l’Organisation des Nations Unies ; économique et financier, avec la signature des accords de Bretton-Woods, en juillet 1944, instituant la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), en décembre 1945, et le Fonds monétaire international, en décembre 1945 également ; et enfin commercial.
La nouvelle société internationale, issue de la Charte des Nations-Unies, considérait alors qu’il n’y aurait ni reconstruction ni croissance de l’économie mondiale si les obstacles aux échanges internationaux n’étaient pas réduits.
Cet accord multilatéral de libre-échange que constituait le « GATT » était destiné à faire baisser les prix pour les consommateurs, à mieux utiliser les facteurs de production et à favoriser l’emploi dans les secteurs où chaque pays détenait un avantage qualifié par la doctrine économique libérale de « l’avantage comparatif » [43]. Il revendiquait ainsi son attachement aux principes du libéralisme économique.
C’est au cours du dernier cycle de négociations du GATT, le cycle d’Uruguay, de 1986 à 1994, clos par l’accord de Marrakech, qui aboutit à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)[44].
3/ L’OMC (WTO)
Créée en 1995, l’Organisation du Commerce mondial (OMC) ou World Trade Organization (WTO) est une organisation internationale qui a succédé à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).
L’accord de Marrakech fut signé par les 123 États parties au GATT. L’OMC compte, au 30 août 2024, 166 membres qui représentent 98% du commerce mondial.
Dans la continuité du GATT, l’OMC cherche à réduire les obstacles au libre-échange et prône le multilatéralisme (accord sur des règles communes au plus grand nombre possible d’États). Elle reprend notamment la clause de la nation la plus favorisée incluse dans le GATT, qui impose l’absence de discrimination dans les échanges commerciaux : chaque État membre doit bénéficier des mêmes avantages commerciaux que ceux accordés aux autres.
L’OMC diffère du GATT sur plusieurs points :
– il s’agit tout d’abord d’une organisation internationale (OI) de plein exercice, dotée d’une personnalité juridique, permettant de combler les faiblesses du GATT ;
– l’adhésion des membres se fait sur un socle commun de normes, bien différent de la participation « à la carte » que permettait le GATT ;
– une procédure rigoureuse de règlement des différends commerciaux est mise en place, permettant de lutter contre l’unilatéralisme commercial – là où le mécanisme prévu par le GATT n’était pas institutionnalisé ni clairement défini ;
– de nouveaux secteurs sont couverts par l’OMC : agriculture, propriété intellectuelle, textile…
4/ L’OMC et les nouveaux défis : pays des BRICS, altermondialisme, etc.
Malgré les innovations ayant permis de pallier les lacunes du GATT, l’OMC doit toutefois faire face à de nouveaux défis :
– elle semble parfois dépassée par les intérêts contradictoires de ses membres. Les prises de décision, qui doivent se faire par consensus, deviennent plus compliquées. L’affirmation des puissances émergentes (Brésil, Chine, Inde…) a notamment permis la constitution de coalitions de blocage contre certaines propositions issues des puissances occidentales, notamment dans le domaine de l’agriculture ou du travail ;
– du fait de ces obstacles, on peut observer, ces dernières années un retour à des accords commerciaux régionaux, contre la dynamique prônée par l’OMC (multilatéralisme).
– jusqu’à ce jour, l’OMC faisait l’objet de vives critiques émanant de mouvements altermondialistes, opposés à la libéralisation du commerce mondial et à ses conséquences sociales ou environnementales négatives. Ces mouvements critiquaient aussi une insuffisante prise en compte des intérêts des pays en développement.
5/ La résurgence du mercantilisme
Comme le montre la crise commerciale ouverte par TRUMP voulant imposer des droits de douane répressifs contre la Chine, le Canada et le Mexique, de nos jours, la discussion de la pertinence et de la validité des idées mercantilistes refait surface, notamment dans le débat contemporain sur la mondialisation, le libre-échange, et le protectionnisme.
Mais, comme on l’a vu dans les relations de TRUMP avec le Mexique et le Canada, d’autres paramètres sont à prendre également en considération en dehors des relations commerciales proprement dites. Ainsi, selon Jeffrey SCHOTT, chercheur au centre de réflexion Peterson Institute for International Economics, pour TRUMP, le but est « de créer de l’incertitude pour en faire une tactique de négociation. Mais l’incertitude est une forme d’impôt sur les sociétés » (propos à l’AFP).
Il s’agirait dès lors d’utiliser, une fois de plus, les droits de douane pour obtenir d’autres avancées que Donald TRUMP estime bénéfiques pour son pays, tel qu’inciter les pays européens à ne pas se positionner sur les ressources minières présentes en Ukraine, ou les pousser à acheter plus de gaz naturel liquéfié américain.
Reste à déterminer dans quelle mesure il s’agit d’une finalité ou d’un point de départ. Durant sa campagne, Donald TRUMP a en effet défendu, à de multiples reprises, l’idée d’imposer à terme entre 10 et 20% de droits de douane sur l’ensemble des produits entrants aux États-Unis, soit un niveau bien supérieur à celui qu’entraînerait sa fameuse doctrine des droits de douane réciproques.
Il ne faut pas perdre de vue que si la société internationale est une société composée, sur le plan juridique, d’Etats égaux et souverains, elle n’est pas économiquement égalitaire comme en attestent le clivage Nord/Sud et l’émergence des BRICS [45] contestant, mezza voce, ce grand désordre générateur de tensions et de conflits.
Cette société internationale est aujourd’hui, comme hier, fondée sur la compétition, la guerre économique – malgré l’existence d’accords de libre-échange régionaux visant à s’affranchir de la réglementation de l’OMC – qui n’effacent pas eux-mêmes, comme nous l’avons vu à travers l’exemple de l’ACÉUM, les inégalités originelles ni davantage les frictions.
Elle est soumise aux quatre grands impérialismes des puissances ou ensemble géographique suivants : USA, Chine, Russie, Union européenne.
Si l’impérialisme des trois premiers est nettement visible et avéré sur la scène internationale – car il est au service de sous-ensembles internes relativement homogènes et politiquement soudés -, l’Union européenne, bien que plus discrète car politiquement diverse et divisée, ne constitue pas moins une aire géographique impérialiste sous la forme d’un grand marché économique régi par la doxa libérale (voir son expansion à l’Est et sa politique active de désolidarisation des anciennes démocraties populaires et de l’Ukraine de la Russie amorcée bien en amont, pour l’Ukraine, du coup d’Etat de la place Maïdan des 18 au ) (voir sur ce site https://ideesaisies.deploie.com/lukraine-en-quet…-par-louis-saisi/ notre article du 31 juillet 2022 sur « L’Ukraine en quête de son identité… »).
Le mercantilisme dont TRUMP a la nostalgie (oeil fixé sur la balance commerciale) n’est sûrement pas la solution car il ne fait qu’aviver les tensions entre Etats, comme nous venons de le voir, entre janvier et mai 2025, depuis l’investiture de TRUMP et l’installation de son administration à la tête de la fédération nord-américaine. Mais le libre-échange – dont le projet, plus ou moins avoué, est de faire disparaitre les îlots de démocratie étatique reposant sur la souveraineté des peuples – n’est pas davantage convaincant ni viable car il n’abolit pas les tensions et les inégalités.
Il faudrait donc enfin introduire dans les relations internationales des ferments de justice, de coopération étroite et de réciprocité de pratiques commerciales mutuellement bénéfiques entre États (que TRUMP lui-même n’a pas inventées car F.D. ROOSEVELT les avait pratiquées).
Les textes fondamentaux qui organisent et régisssent aujourd’hui la société internationale, pour aussi utiles et précieux qu’ils soient et bien qu’ayant permis, fort heureusement, de prévenir et d’endiguer la multiplication des conflits, n’a pas débouché, à ce jour, sur une société fraternelle fondée sur la coopération et la solidarité face aux deux enjeux d’un développement harmonieux des peuples, juste et également réparti, et de paix de plus en plus planétaires.
Louis SAISI
Paris, le 16 mai 2025
NOTES
[1] Les études sur l’environnement comprennent un ensemble de disciplines complémentaires et croisées incluant les sciences physiques, chimiques, biochimiques et éco-chimiques, des sciences de la Vie et de la Terre comme la biologie, l’écologie, la géonomie, la géographie, la géologie, la géomorphologie, la climatologie, la pédologie, l’agronomie, la médecine, ainsi que des sciences sociales et humaines comme la sociologie, l’économie, la politique, l’histoire environnementale ou l’écologie rétrospective, articulées autour de problématiques environnementales communes.
[2] Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou GIEC (en anglais Intergovernmental panel on climate change ou IPCC) est un organisme intergouvernemental chargé d’évaluer l’ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique en cours. Ouvert à tous les pays membres de l’Organisation des Nations unies et regroupant 195 États, cet organisme a été créé en 1988 sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à la suite d’une initiative politique internationale. Les évaluations du GIEC sont fondées sur les publications scientifiques et techniques, dont les membres du GIEC opèrent une synthèse critique. Elles sont publiées sous la forme de rapports synthétiques ou portant sur un aspect particulier du changement climatique, au sein de cycles d’évaluation d’une durée approximative de sept ans.
[3] Le Parti de la révolution démocratique (en espagnol : Partido de la Revolución Democrática) ou PRD est un parti politique mexicain fondé le 5 mai 1989 à la suite de la scission de certaines composantes du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) avec ce parti dont les méthodes de désignation du candidat à la présidence de la République – nommé par le Président PRI en exercice – étaient contestées. Issu du rassemblement des partis de la gauche institutionnelle (et notamment les militants historiques du Parti communiste mexicain) et de la Corriente Democrática créée en 1988 par le sénateur Cuauhtémoc CÁRDENAS candidat dissident et malheureux du PRI lors de la présidentielle de 1988.
[4] C’est Manuel LÓPEZ OBRADO (AMLO) qui créa, en 2011, l’association civile issu du mouvement social le Mouvement régénération nationale (connu sous son acronyme MORENA) qui se transforma ensuite, le 9 juillet 2014, en parti politique mexicain après avoir obtenu son enregistrement par l’Institut national électoral en tant que parti politique.
[5] Le chef du gouvernement de la ville de Mexico est élu au suffrage universel pour un mandat non renouvelable de six ans en même temps que le mandat présidentiel. Ce chef du gouvernement de la capitale est souvent appelé « maire » ou « gouverneur » de Mexico, en dehors du Mexique. C’est lui qui dirige le pouvoir exécutif de la ville de Mexico, entité fédérative et capitale du Mexique. La fonction de chef de gouvernement du District fédéral est créée à la suite de la réforme constitutionnelle de 1993 instituant l’élection de ce dernier au suffrage universel pour une durée de six ans. Sa première élection eut lieu en 1997.
[6] Tlalpan est l’une des 16 divisions territoriales de Mexico, au Mexique. Son siège est dans la ville de Tlalpan. Située au sud de Mexico, et d’une superficie de 312 km2, elle constitue la plus vaste des divisions territoriales de Mexico par l’étendue de son territoire dont plus de 80 % demeure rural et n’accueille que 17 % de sa population totale, estimée à 607 545 habitants en 2010.
[7] Lui-même ancien maire de Mexico, M. EBRARD avait représenté pendant plusieurs années son pays à travers la planète, en lieu et place du président LÓPEZ OBRADOR peu porté sur les voyages à l’étranger.
[8] Le 1er décembre 2018, EBRARD devint secrétaire des Relations extérieures dans le gouvernement d’Andrés Manuel LÓPEZ OBRADOR. Il annonça à l’été 2021 avoir lancé une action en justice aux États-Unis contre les plus gros fabricants d’armes américains, accusés d’encourager la violence des narcotrafiquants mexicains. Plus de 17 000 meurtres commis au Mexique en 2019 ont impliqué l’utilisation d’armes importées illégalement des États-Unis invitant, à l’occasion du sommet de la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (CELAC), en septembre 2021, les pays latino-américains à s’émanciper de Washington. Il défendit ainsi la création d’un nouvel organisme visant à remplacer l’Organisation des États américains (OEA), fondé en 1948 par les États-Unis pour combattre le communisme : « Nous proposons une nouvelle organisation, construite en accord avec les États-Unis, pour le XXIe siècle et non plus l’époque de la guerre froide. »
[9] Il s’agit d’une coalition réunissant le Parti d’action nationale (PAN), le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et le Parti de la révolution démocratique (PRD).
[10] Le Parti action nationale ou PAN (en espagnol : Partido Acción Nacional) est l’un des plus grands partis politiques du Mexique. C’est un parti conservateur. Il a le contrôle de 10 des 32 États et compte 78 députés sur 500 à la Chambre des députés. Il est membre de l’Internationale démocrate centriste (IDC), ancienne Internationale démocrate-chrétienne. D’inspiration catholique et libérale, le PAN, très lié au patronat, est affilié à l’Organisation démocrate-chrétienne d’Amérique. Il se situe à droite sur les questions économiques, défendant le libre marché, la réduction du rôle de l’État, les privatisations et les traités de libre-échange. Créé en 1939, le parti est resté dans l’opposition pendant environ 60 ans, en raison de l’hégémonie du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), avant de gouverner le Mexique de 2000 à 2012 avec les présidents Vicente FOX et Felipe CALDERÓN, puis de retourner dans l’opposition.
[11] Allusion manifeste à ses convictions féministes mises en œuvre, comme on l’a évoqué, durant son mandat dans la ville de Mexico.
[12] Rappelons que le Président du Mexique est le chef de l’exécutif, élu pour un mandat de six ans non renouvelables, au suffrage universel direct à un seul tour et à la majorité relative.
[13] Le Mexique est une République fédérale composée de 32 entités fédératives (31 États et la ville de Mexico).
[14] Le Mexique est un État fédéral depuis la Constitution de 1824, qui avait affirmé dans son article 4 que « la nation mexicaine adopte pour son gouvernement la forme d’une république représentative populaire fédérale ». Le contexte historique de ce choix d’organisation constitutionnelle s’explique largement par la volonté de conserver l’intégrité territoriale d’un État à une période marquée par les indépendances, les annexions et de fortes revendications autonomistes de la part des provinces. Mais, à la différence du modèle des USA, le régime mexicain accorde une place importante aux municipalités au sein du texte constitutionnel. La Fédération mexicaine est composée de trente-deux entités fédératives qui bénéficient chacune de leur propre Constitution. À l’exception du District fédéral, constitué par l’agglomération de Mexico, toutes les autres entités fédératives ont le statut d’État.
[15] Dont 20,8 millions d’habitants pour la seule ville de Mexico.
[16] Mouvement Démocratie Nouvelle (site), 8 octobre 2024 : « Mexique : 9,5 millions de personnes en moins vivent dans la pauvreté ».
[17] Cf. Le Monde diplomatique de mars 1964 : « La Banque du Mexique complète le rôle de l’Etat dans le contrôle de la stabilité monétaire », p.30.
[18] Le Mexique est signataire des accords de Paris et a réaffirmé en 2020 son engagement à réduire ses émissions de CO2 de 51% à l’horizon 2050, par rapport à un scénario tendanciel d’émissions à horizon 2030, estimées à 991 MtCO2e sans mise en œuvre de mesures. Le Mexique, avec 5 autres pays d’Amérique Latine11, fait partie du projet « Deep Decarbonization Pathways », dont l’objectif principal est de contribuer à la construction des politiques climatiques, en lien avec l’Accord de Paris. Ce projet est mené en collaboration avec la Banque interaméricaine de développement (BID), l’AFD et l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Le Mexique est par ailleurs très vulnérable au changement climatique. Les vagues de chaleur record, des périodes de sécheresses croissantes affectent la production agricole du pays. L’écourtement de la saison des pluies conduit par ailleurs à la pénurie d’eau de plus en plus fréquemment, notamment dans la capitale du pays.
[19] Jiec Développement durable : « Le dilemme climatique de Sheinbaum : répondre à la science ou à l’héritage pétrolier de López Obrador », Par Julie, 6 octobre 2024
[20] Ibid.
[21] Le Courrier International du 17 décembre 2022: « Le Mexique accumule le échecs dans la lutte contre les cartels de drogue ».
[22] Ibid.
[23] Ibid.
[24] RFI, 09/10/2024.
[25] France 24, 3/06/2024.
[26] Le fentanyl est un analgésique opioïde. Son effet est rapide et sa durée d’action courte. Il est 100 fois plus puissant que la morphine. Il fait l’objet d’un trafic et est utilisé à des fins euphorisantes, pour l’effet de plénitude qu’il procure. Mais cet antidouleur présente un fort risque d’accoutumance et de dépendance. Il est par ailleurs extrêmement dangereux en raison de sa puissance. En effet, 2 mg de fentanyl, soit l’équivalent de quatre grains de sel, suffisent à provoquer la mort. Le risque de surdosage voire d’overdose est donc élevé. Une surdose de fentanyl se manifeste par une forte somnolence, une respiration lente et superficielle, une coloration bleue des lèvres et des ongles. Un arrêt respiratoire potentiellement mortel peut alors survenir. Plus puissant que l’héroïne, inodore et sans goût, certaines personnes peuvent en consommer sans même s’en rendre compte.
[27] Donald Trump fut investi le lundi 20 janvier 2025 à 12 h, succédant à Joe Biden comme 47e président des États-Unis.
[28] The Atlantic, Washington, USA, Mensuel, 500 000 exemplaires. Créé en 1857, cette publication compte 1,1 millions d’abonnés. Son site est devenu un lieu de réflexion et e débat.
[29] OMC = Organisation mondiale du Commerce
[30] Cet accord, ACEUM, est aussi fréquemment appelé en anglais : United States–Mexico–Canada Agreement ou Canada–United States–Mexico Agreement, USMCA ou CUSMA, et en espagnol : Tratado entre México, Estados Unidos y Canadá, T-MEC.
[31] Mais dès le 6 août 2020, le président Donald TRUMP annonça qu’il était sur le point d’imposer des tarifs de 10 % sur l’aluminium canadien à partir du 16 août 2020. L’allié canadien réagit immédiatement en dénonçant une mesure inacceptable et en mettant en garde rapidement pour imposer des mesures de rétorsion de valeur équivalente. Le Canada annonça également un tarif de 3,6 milliards de dollars canadiens (2,7 milliards de dollars des États-Unis) sur les produits d’aluminium américains.
[32] Le Groenland est situé dans le Nord-Est de l’Amérique du Nord, entre les latitudes 59° et 83° N et les longitudes 11° et 73° O. Il est bordé à l’est par la mer du Groenland, au sud-est par l’océan Atlantique, au sud-ouest par le détroit de Davis, à l’ouest par la baie de Baffin et au nord par la mer de Lincoln. La superficie totale du Groenland est de 2 166 086 km2 (y compris d’autres îles côtières mineures), dont la calotte glaciaire couvre 1 755 637 km2 (soit 81 % du territoire) et a un volume d’environ 2,85 millions de kilomètres cubes. Le Groenland est la plus grande île non continentale du monde, le troisième pays d’Amérique du Nord en superficie ainsi que le plus grand territoire dépendant dans le monde. Avec une population de 56 609 habitants au 1er janvier 2023, il est parmi les territoires de la planète les moins densément peuplés.
[33] En 1814, par le traité de Kiel, la Norvège est cédée à la Suède. L’Islande et le Groenland sont récupérés par le Danemark. En 1933, un arrêt de la Cour permanente de justice internationale confirme la souveraineté du Danemark sur le Groenland.
[34] En revanche, il augmenta encore sa pression sur la Chine en poussant le curseur à 125 % sur les importations chinoises. Cette décision fut prise en représailles contre Pékin qui avait décidé, jeudi à l’aube, que les taxes sur les importations américaines atteindraient non pas 34 % mais 84 %. Mais à l’issue de deux jours de discussions à Genève, les délégations américaine et chinoise ont annoncé, lundi 12 mai, une réduction significative des tarifs douaniers imposés mutuellement depuis le début de l’année. En effet, dans le cadre du nouvel accord, les deux pays ont suspendu la quasi-totalité des droits de douane du « Jour de la libération » pendant 90 jours, à compter du 14 mai 2025. Les droits de douane américains sur les importations chinoises seront ainsi ramenés à 30 pour cent et les droits de douane chinois sur les importations américaines à 10 pour cent. L’accord comprend également une composante supplémentaire de 20 pour cent des droits de douane américains visant à faire pression sur la Chine pour qu’elle mette un frein au commerce illégal de fentanyl.
[35] Le mot « octroi » provient des expressions « avons octroyé et octroyons », utilisées dans les lettres patentes par lesquelles les communes percevaient l’impôt pour leur propre compte.
[36] L’octroi de Bordeaux est attesté depuis le Moyen Âge : impôt sur les vins attesté en 1297, sur la résine et le bétail en 1646 et 1674.
[37] Il se distinguait alors du « péage » qui était un droit perçu sur le passage des véhicules, voire des personnes.
[38] En 1757, à Toulouse, fut imprimé un tarif général des droits d’octroi et revenus patrimoniaux de la ville, accompagné des délibérations, ordonnances et règlements qui y étaient relatifs
[39] Cependant, la ville de Bordeaux, malgré sa suppression par l’Assemblée constituante de 1789, endettée, obtint, le 12 mai 1799, le rétablissement d’un octroi municipal et de bienfaisance.
[40] Ainsi l’économiste Horace Émile SAY (1794-1860) plaidait, en 1847, pour la suppression de l’octroi de Paris. Il fut professeur d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers de Paris et professeur d’économie politique au Collège de France. Il fut aussi conseiller d’État, de 1849 à 1851. Il était le fils de Jean-Baptiste SAY (1767-1832) qui fut lui-même l’auteur du fameux Traité d’économie politique, son maître-ouvrage paru en 1803. Il fut considéré comme le principal économiste classique français.
[41] GATT = General Agreement on Tariffs and Trade (GATT, en français : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).
[42] Daniel JOUANNEAU : « Du GATT à l’OMC », Pages 5 à 26, in L’organisation mondiale du commerce (du même auteur, Que sais-je ?, 2009, Presses Universitaires de France).
[43] La théorie associée à « l’avantage comparatif » – dégagée par Adam SMITH 1776, puis par Robert TORRENS en 1815 et par l’économiste britannique David RICARDO, en 1817, dans ses Principes de l’économie politique et de l’impôt – explique que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle il dispose de l’écart de productivité (ou du coût) le plus fort en sa faveur, ou le plus faible en sa défaveur, comparativement à ses partenaires.
[44] Mehdi ABBAS : « Du GATT à l’OMC : un bilan de soixante ans de libéralisation des échanges », in Les Cahiers français : documents d’actualité, Année : 2007 (LEPII = Laboratoire d’Economie de la Production et de l’Intégration Internationale).
[45] Parmi les principaux objectifs de la présidence brésilienne des BRICS pour l’année 2025 figurent le maintien de l’ouverture du groupe aux pays du Sud en continuant à investir dans la lutte contre le changement climatique, la faim et la pauvreté, ainsi qu’en fournissant un accès aux vaccins et médicaments aux pays en développement.
Si le groupe demeure dominé en termes de PIB par ses quatre membres historiques (Chine, Russie, Inde et Brésil), les nouveaux États partenaires d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Indonésie et Malaisie) représentent un poids économique plus important que l’Afrique du Sud.
Avec plus de 280 millions d’habitants, l’Indonésie est ainsi le troisième pays le plus peuplé parmi les États membres et partenaires du groupe, derrière l’Inde et la Chine.