QUAND GAZA BRÛLANTE ET FUMANTE S’INVITE AU FESTIVAL DE CANNES par Louis SAISI

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QUAND GAZA BRÛLANTE ET FUMANTE S’INVITE AU FESTIVAL DE CANNES

par Louis SAISI

Premium Photo | Bombed destroyed building with rubble in conflict gaza ...

Dans une tribune publiée, à la veille de l’ouverture du Festival de Cannes, par le quotidien Libération [1], du lundi 12 mai, 380 artistes du cinéma mondial, de Pedro ALMODOVAR à Richard GERE, en passant par Halle BERRY ou Leïla SLIMANI, ont dénoncé le « silence » face à la guerre à Gaza [2].

« Nous, artistes et acteur.ice.s de la culture, nous ne pouvons rester silencieux.se.s tandis qu’un génocide est en cours à Gaza », écrivent-ils.

Hommage à Fatima HASSOUNA

Leur tribune rend hommage à la photojournaliste palestinienne Fatima HASSOUNA, tuée dans un bombardement israélien mi-avril et héroïne d’un documentaire programmé dans le cadre du festival de Cannes. « Dix de ses proches, dont sa sœur enceinte ont été tué.es par cette même frappe israélienne », indique la tribune.

« Une telle passivité nous fait honte »

La tribune s’émeut également de « l’absence de soutien » de l’Académie des Oscars quand le Palestinien Hamdan BALLAL a été attaqué par des colons israéliens fin mars, quelques jours après avoir été oscarisé pour son documentaire « No Other Land ». « Une telle passivité nous fait honte », écrivent les signataires.

Le cinéma doit s’intéresser au réel, dénoncer l’oppression et agir pour ceux qui meurent dans l’indifférence

« Pourquoi le cinéma, vivier d’œuvres sociales, engagées, paraît se désintéresser de l’horreur du réel, de l’oppression subie par nos consœurs et confrères ? », s’interrogent-ils, appelant à agir « pour toutes celles et ceux qui meurent dans l’indifférence ». « Le cinéma se doit de porter leurs messages », écrivent-ils.

Les films retenus portant témoignage de la guerre

Dès la cérémonie d’ouverture, mardi 13 mai, côté films, deux longs-métrages devraient toucher le public, dont Il était une fois à Gaza, une réalisation des frères Tarzan et Arab NASSER, Gazaouis exilés depuis des années dont les fables tragicomiques font écho à leur terre d’origine [voir sur notre site « Quand les frères Nasser font leur cinéma », par Louis SAISI, 14/10/2021 ; Au sortir de « Gaza mon amour » (film de Tarzan et Arab Nasser), par Philippe TANCELIN, 7/10/2021].

Yes, le film du cinéaste israélien Nadav LAPID, intellectuel très critique sur les orientations politiques de son pays, a été retenu, en dernière minute à la Quinzaine des cinéastes. Le film se déroule en Israël au lendemain du 7 octobre et suit un musicien qui doit mettre en musique un nouvel hymne national.

Le 15 mai devrait être la séance la plus chargée en émotion avec la projection de l’avant-première mondiale de Put Your Soul on Your Hand and Walk, documentaire réalisé par la cinéaste iranienne Sepideh FARSI, dont Fatima HASSOUNA, Gazaouie de 25 ans – qui photographiait son quotidien dans la guerre – est la protagoniste. Le 15 avril, la jeune femme avait appris que le film avait été sélectionné. Mais le lendemain, un missile a réduit sa maison en poussière, tuant sa famille avec elle. Seule sa mère a survécu.

Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 ayant entraîné la mort de 1 218 personnes, côté israélien, et les bombardements et l’invasion de GAZA qui s’ensuivirent faisant 52 000 victimes civiles palestiniennes, l’État d’Israël a interdit à la presse internationale de pénétrer à Gaza. La cinéaste iranienne Sepideh FARSI a donc dû nouer un lien à distance, par Visio, avec Fatima HASSOUNA, qui postait régulièrement ses clichés sur les réseaux sociaux.

Certaines de ces photos feront l’objet d’une exposition à Cannes. « Son sourire traverse le film. Son regard, ses yeux verts qui changent de couleur selon la lumière… Tous ces moments, heureusement, sont filmés et seront là à jamais », nous dit la réalisatrice iranienne précitée, en ajoutant que Fatima HASSOUNA avait « dit à plusieurs reprises qu’elle documentait cette guerre (…) la vie à Gaza, aussi, pour le transmettre aux autres et aux enfants qu’elle voulait avoir…  Je trouvais ça magnifique. Malheureusement, elle n’en aura jamais. »

Cette projection sera « une manière d’honorer la mémoire de la photographe victime comme tant d’autres de la guerre », souligne le Festival de Cannes, tout en exprimant son « effroi ».

Plusieurs organisations du cinéma ont demandé un hommage à cette occasion. Jusqu’au bout, Sepideh FARSI, 60 ans, réfugiée politique en France, a cru que la jeune femme « allait venir, que la guerre allait finir », a-t-elle expliqué à l’AFP. « On a eu tort d’y croire, parce que la réalité nous a dépassés. »

Décidément, Cannes n’a jamais fini de nous surprendre, et de manière souvent positive. L’on se souvient que, déjà, lors du festival de Cannes de 2024, la star australo-américaine Cate BLANCHETT avait fait sensation en foulant le tapis rouge du Festival dans une robe aux couleurs du drapeau palestinien surmontée d’un collier éblouissant de haute joaillerie exceptionnellement recyclé. Mais cette actrice, star féministe et engagée, n’abordait pas pour la première fois, à Cannes, la question du conflit à Gaza. En effet, déjà, en novembre 2023, un mois après le début de la guerre entre le Hamas et Israël, l’actrice de 55 ans, également ambassadrice pour l’ONU auprès des réfugiés (HCR), prononçait un discours devant le parlement européen, exhortant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Il est heureux aujourd’hui que le festival de Cannes – avec le prestige qui est le sien dans le monde – s’honore ainsi de briser cette apathie ambiante de nos gouvernants et de la classe politique française en général sur le drame de Gaza grâce à cette Tribune de ces quelque 380 artistes de toutes nationalités qui interpellent non seulement le monde de la culture et des arts mais aussi l’Humanité tout entière.

Louis SAISI

Paris, le 13 mai 2025

[1] Il s’agit du site Web de Libération. Le texte doit également être publié dans Variety, considérée comme la Bible américaine de l’industrie du cinéma.

[2] Voir les nombreux articles qu’avec nos amis Philippe TANCELIN, Alice BSÉRÉNI et Guy LAVIGERIE nous avons consacrés sur ce site à la guerre de Gaza et au conflit du Moyen Orient : Philippe TANCELIN : « Ces mots sans chair », 9/05/2025 ; Alice BSÉRÉNI : « La Palestine sacrifiée sur l’autel de l’Histoire », 20/03/2025 ; Louis SAISI : « Les déclarations de TRUMP sur Gaza et son mépris du droit international et des droits de l’Homme », 10/02/2025 ; Philippe TANCELIN : « L’attelage de l’abject et son déferlement », 9/02/2025 ; Philippe TANCELIN : « … Ce temps des lumières dans une longue nuit du monde… », 11/01/2025 ; Alice BSÉRÉNI : « Quelques réflexions brûlantes », 4/12/2024 ; Louis SAISI : « Que ma mort apporte l’espoir : une soirée autour des poèmes de Gaza », 8/11/2024 ; Louis SAISI : « La décision du 26 janvier 2024 de la Cour Internationale de Justice statuant sur la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide à l’encontre de la population palestinienne de Gaza », 5/09/2024 ; Louis SAISI : « Retour sur les origines d’un conflit vieux de près de 80 ans qui s’est enlisé dans des guerres et négociations sans fin », 24/06/2024 ; Guy LAVIGERIE : L’œil est dans les décombres », 23/02/2024 ; Philippe TANCELIN : « Invasion  sur l’aube », 27/03/2022 ; Louis SAISI : « Quand les frères Nasser font leur cinéma », 14/10/2021 ; Philippe TANCELIN : Au sortir de « Gaza mon amour » (film de Tarzan et Arab NASSER), 7/10/2021.

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