LE SENS CACHÉ DE LA RETRAITE ET LA CÉCITÉ INQUIÉTANTE DE l’EXÉCUTIF par Louis SAISI

LE SENS CACHÉ DE LA RETRAITE ET LA CÉCITÉ INQUIÉTANTE DE l’EXÉCUTIF

par louis SAISI

 

 

Il ne faut pas jouer aux jeux de dames ou d’échecs avec l’âge de départ à la retraite, ni se livrer à de sordides calculs d’apothicaire comme si l’on regrettait implicitement les bienfaits de notre système de santé prorogeant la vie des séniors…

Si les récents sondages nous disent que 75% de nos compatriotes sont hostiles à un départ plus tardif à la retraite (à 64 ans), cette posture marque leur attachement quant à leur manière d’appréhender les trois âges de la vie et revêt aussi un sens profond.

Loin d’être une arithmétique désincarnée, l’âge de départ à la retraite couronne toute une vie de travail et constitue, à ce titre, un marqueur social important.

Si la première partie de la vie d’un homme est consacrée à se former – jusqu’à 18 ou 30 ans selon la formation initiale et les études poursuivies -, l’autre, la seconde, est de loin la plus importante et la plus longue, car elle est consacrée à travailler et en même temps à cotiser en empilant de nombreuses annuités pour « mériter » une retraite pleine et entière.

C’est donc la troisième partie de la vie – qui est aussi la dernière – qui est consacrée à la jouissance d’une retraite laquelle devrait être, en principe au moins, sereine et paisible (ce qui est loin d’être toujours le cas). C’est celle où l’Homme – accusant le poids d’années de travail avec son lot variable de contraintes quotidiennes, de réussites et de frustrations – aspire naturellement à une certaine décompression physique et morale pour profiter d’un temps à lui dont il pourra disposer de manière plus autonome pour se cultiver, s’exprimer socialement et s’adonner à des activités nouvelles pour l’esprit ou/et le corps.

L’on peut comprendre que ce temps de la retraite soit inconsciemment sacralisé par les Français car il constitue le terme d’un long cheminement de labeur et ouvre potentiellement une nouvelle tranche de vie d’autant plus précieuse qu’elle s’inscrit dans un temps restant relativement court mais offrant, paradoxalement sur le tard, des possibilités d’expression nouvelles.

Mais l’âge permettant d’accéder à la retraite est également porteur d’une forte charge émotionnelle car il constitue un conquis social important et scelle aussi le pacte intergénérationnel dans notre système de retraite par répartition où les actifs cotisent pour le paiement des pensions des retraités, chaque travailleur ayant ainsi le sentiment fondé d’avoir lui-même joué son rôle par rapport à la génération précédente et entendant, à son tour, que cette chaîne de solidarité intergénérationnelle se poursuive dans le temps et joue en sa faveur.

La retraite – qui est liée au travail – fait enfin partie d’un Tout qui nécessiterait qu’en amont l’on réexamine la relation du travailleur à son emploi pour le rendre plus épanouissant et plus riche, ce qui passe par la conquête de la citoyenneté dans l’entreprise que, déjà, JAURÈS, appelait de ses vœux, réclamant l’émergence d’un droit de regard du travailleur sur l’organisation du travail le concernant au quotidien.

L’ensemble de ces quelques considérations, sans doute trop rapides, nous permettent néanmoins d’affirmer que lorsque le Pouvoir politique se mêle de vouloir réduire ou confisquer ce « temps de retraite », il commet une grave erreur car une telle incursion brutale est perçue inévitablement comme agressive dans un univers d’affects et d’espérances, qui est celui du « sentir » au sens gramscien.

Il est vrai qu’il est devenu à la mode dans notre pays de gouverner de plus en plus contre le peuple au moyen de paradigmes technocratiques.

Les libéraux, macronistes et LR (parfaitement d’accord sur l’essentiel), sont assez sourds à la sensibilité des 3/4 des Français quant à leur représentation des retraites et du conquis social qu’elles constituent pour eux ; de même qu’ils n’ont jamais développé une grande empathie en faveur des droits économiques et sociaux tels qu’ils ont été proclamés dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 contenant, entre autres, dans son alinéa 11, le droit à la retraite des « vieux travailleurs ».

Leur énième attaque répétée contre l’âge de départ à la retraite en est aujourd’hui une nouvelle illustration.

Mais, fort heureusement, cette attaque se heurte, aujourd’hui, au front homogène et uni de treize organisations dont les cinq confédérations représentatives à l’échelon interprofessionnel (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, Force ouvrière) auxquelles se joignent la FSU, Solidaires, l’UNSA ainsi que des organisations de jeunesse défendant les étudiants et les lycéens (FAGE, FIDL, MNL, UNEF, VL).

Déjà, le 5 décembre 2022, les syndicats s’étaient dits « prêts » pour la bataille contre la réforme des retraites. Dans un communiqué commun diffusé à cette date, au cours de la soirée, huit organisations de salariés et cinq mouvements de défense de la jeunesse avaient réaffirmé leur « volonté » de passer à l’action « ensemble » si le gouvernement maintenait son projet de reporter à 64 ou à 65 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension.

Les syndicats et mouvements de jeunesse avaient alors expliqué qu’il fallait s’attendre à des « grèves et manifestations » en janvier 2023, dans l’hypothèse où l’Exécutif mettrait ses intentions en œuvre.

L’on comprend mieux que devant l’obstination antisociale de l’Exécutif, l’Intersyndicale ait riposté le 10 janvier dernier en arrêtant à la date du 19 janvier 2023 une journée de manifestations et de grèves dont force est de constater que le Président de la République et le Gouvernement portent l’entière responsabilité à un moment où devant les multiples problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens ils auraient pu leur épargner le serpent de mer des retraites…

Louis SAISI

Paris, le 13 janvier 2023

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