Le sénateur Bernie SANDERS et les enseignements politiques à tirer de la défaite des démocrates aux présidentielles de 2024
par Louis SAISI
L’élection de Donald TRUMP, le 5 novembre 2024, à la présidence de la République des Etats-Unis ne cesse de suciter en France [1], comme dans le monde en général, des commentaires plus ou moins passionnés. Ils le sont également dans son propre pays, et notamment au sein du Parti démocrate grand perdant de ces élections.
Parmi ces réactions, il nous a paru intéressant de relever, ici, celle, assez forte et décapante, du sénateur Bernie SANDERS qui s’adresse prioritairement au parti démocrate.
Pour Bernie SANDERS (ci-contre), il est clair que le parti démocrate a abandonné la classe ouvrière, et c’est ce qui lui a coûté l’élection face à Donald TRUMP [2].
Plus indépendant que démocrate, comme on le sait, aux Etats-Unis, le sénateur Bernie SANDERS est une figure originale du parti démocrate car il incarne, depuis de nombreuses années, ce que devrait être une orientation véritablement à gauche au sein de ce parti, mais sans être entendu par les caciques du parti démocrate comme le montrent ses différentes tentatives malheureuses aux primaires démocrates de 2016, face à Hillary CLINTON, et de 2020 face à Joe BIDEN.
Aujourd’hui, au lendemain de la défaite de Kamala HARRIS, Bernie SANDERS étrille le parti démocrate.
Lui-même réélu pour un quatrième mandat dans l’Etat du Vermont, Bernie SANDERS a mis en cause son propre parti soulignant dans un communiqué que la direction démocrate doit « avoir des discussions politiques sérieuses » sur le soutien accru des travailleurs latinos et noirs aux candidats républicains.
La perte du Sénat, au profit des républicains, révolte le démocrate, classé à gauche du parti. Selon lui, « un parti démocrate qui a abandonné la classe ouvrière » ne devrait pas être surpris que « la classe ouvrière les ait abandonnés en retour. ».
Il a également ajouté que « le peuple américain est en colère et réclame le changement », dénonçant l’inaction sur des problèmes comme les inégalités de richesse, la détérioration du niveau de vie et les prix élevés des médicaments.
Il considère que les « dirigeants démocrates défendent le statu quo » alors que « 60 % des Américains vivent d’une paye à l’autre » et que les Etats-Unis ont « plus d’inégalités de revenu et de richesse que jamais ». Bernie SANDERS s’indigne aussi que « malgré l’opposition franche d’une majorité d’Américains, [le gouvernement] continue à dépenser des milliards pour financer la guerre contre les Palestiniens de l’extrémiste Benyamin Netanyahou ».
« Les grands intérêts financiers et les consultants grassement payés qui contrôlent le parti démocrate tireront-ils de véritables leçons de cette campagne désastreuse ? », s’interroge-t-il avant de conclure : « Dans les semaines et les mois à venir, ceux d’entre nous qui se préoccupent de la démocratie populaire et de la justice économique doivent avoir des discussions politiques très sérieuses. »
De son côté, Nancy PELOSI, ancienne présidente de la Chambre des représentants, n’est pas du même avis et a esquissé une autre analyse plus sommaire dans une interview accordée au New York Times où elle a imputé la défaite à Joe BIDEN, qui se serait retiré trop tardivement de la course, ainsi qu’à l’absence de primaires ouvertes pour sélectionner son remplaçant.
Mais la réaction de SANDERS ne s’est pas fait attendre :
« Voici la réalité que j’ai à dire à Nancy. Au Sénat, ces dernières années, nous n’avons même pas présenté de législation visant à augmenter le salaire minimum, malgré le fait que quelque 20 millions de personnes dans ce pays travaillent pour moins de 15 dollars de l’heure. Aujourd’hui, en Amérique, nous n’avons pas présenté de loi qui faciliterait l’adhésion des travailleurs aux syndicats. Nous ne parlons pas des régimes de retraite à prestations définies pour que nos personnes âgées puissent prendre leur retraite en toute sécurité. Nous ne parlons pas de la hausse du plafond de la sécurité sociale afin de prolonger sa solvabilité et d’augmenter les prestations. En fin de compte, si vous êtes un travailleur moyen, pensez-vous vraiment que le parti démocrate va se battre pour vous, qu’il va s’attaquer à des intérêts particuliers puissants et se battre pour vous ? Je pense que la réponse écrasante est non, et c’est ce qui doit changer. »
Bernie SANDERS est rejoint dans son analyse par la représentante Alexandria OCASIO-CORTEZ (New-York, 14ème circonscription) [3], jeune latino-américaine née dans le Bronx, qui a avancé un argument similaire dans une vidéo sur Instagram le lendemain de l’élection. « En fin de compte, le problème ultime est notre capacité à défendre clairement et sans détour un programme qui défend la classe ouvrière », a-t-elle déclaré.
Effectivement, Donald TRUMP a bénéficié d’un grand soutien des électeurs de la classe ouvrière. Selon un sondage réalisé à la sortie des urnes par Edison Research, il aurait remporté 66 % des électeurs blancs de la classe ouvrière et a bénéficié d’une augmentation de 14 points de soutien de la part des électeurs hispaniques, dont beaucoup font partie de la classe ouvrière.
Le problème de la mutation du parti démocrate américain ne pouvait être plus clairement posé.
Louis SAISI
Paris, le 11 novembre 2024.
[1] Voir par exemple celle de Corentin SELLIN, professeur agrégé d’histoire, chroniqueur pour le site d’information Les Jours et enseignant en classe préparatoire au lycée Carnot à Dijon, exprimée au cours d’un Entretien donné à la radio RFI : Donald Trump élu président : «Il a franchi un cap en élargissant son socle électoral»
[2] Sources : RollingStone (France) : Bernie Sanders : « La classe ouvrière est en colère » ; msn : www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/election-américaine-2024-bernie-sanders-étrille-la-campagne-désastreuse-de-kamala-harris.
[3] Candidate victorieuse aux élections de la Chambre des représentants de 2018 pour le 14e district congressionnel de New York, Alexandria OCASIO-CORTEZ fut élue pour la première fois représentante des États-Unis, devenant ainsi à 29 ans la plus jeune parlementaire jamais élue au Congrès des États-Unis. Se réclamant du socialisme démocratique dans la lignée de Bernie SANDERS, elle soutient ce dernier aux primaires présidentielles du Parti démocrate de 2020 avant de se ranger derrière Joe Biden pour l’élection présidentielle de 2020. Elle est réélue représentante de son district new-yorkais lors des élections de la Chambre des représentants de 2020, lors des midterms de 2022 et enfin lors des élections de la Chambre des représentants de 2024 .